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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1338/2022

ATA/365/2024 du 12.03.2024 sur JTAPI/20/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1338/2022-PE ATA/365/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______ recourants
représentés par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 janvier 2023 (JTAPI/20/2023)


EN FAIT

A. a. A______ , né le ______ 1989, et son épouse, B______, née le ______ 1990, sont tous deux ressortissants du Kosovo.

b. Ils ont un fils, C______, né le ______ novembre 2020 à Genève.

B. a. Le 12 juin 2018, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation des conditions de son séjour, puis a déposé les 24 juin 2020 et 23 février 2021, respectivement pour son épouse et pour son enfant, une demande de regroupement familial.

b. Par courrier du 31 août 2021, l'OCPM l'a informé de son intention de refuser sa requête, ce dont il découlerait que la demande de regroupement familial deviendrait sans objet. Son renvoi de Suisse serait également prononcé. Selon son dossier, il avait indiqué être arrivé en Suisse dans le courant de l'année 2009, mais les documents qu'il avait fournis pour tenter de justifier son séjour en Suisse avant l'année 2013 s'étaient révélés être des faux, ce qui ressortait notamment de son audition par la police le 28 novembre 2019.

c. Par courrier du 29 octobre 2021, A______ s'est déterminé.

Il ressortait du procès-verbal d'audience devant le Ministère public du 29 septembre 2020 que selon ses déclarations, il n'avait pas établi lui-même les documents qu'il avait produits, qu'il en avait signé certains, et qu'il avait fait confiance à la personne qui lui avait fourni ces documents. Par conséquent, il ignorait totalement que les agissements de ce tiers étaient illicites. Par ailleurs, comme il n'avait pas parfaitement compris l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public [le 14 octobre 2020, le reconnaissant coupable notamment d'infraction à l'art. 118 al. 1 LEI sous forme de tentative et le condamnant à une peine pécuniaire de 120 jours‑amende ainsi qu'à une amende immédiate de CHF 2'160.-], il ne l'avait pas contestée.

Comme il l'avait déjà expliqué, il séjournait en Suisse depuis 2009, soit depuis douze ans, et son séjour était démontré depuis 2013. Entre 2009 et 2012, il séjournait D______, dans le canton de Vaud. Entre 2010 et 2012, il avait logé au domicile d'E______ et F______, comme ceux-ci en avaient attesté le 7 septembre 2021. G______avait quant à lui confirmé par attestation du 8 septembre 2021 qu'il résidait dans la région du Chablais durant les années 2009 à 2012. Par attestation du 12 septembre 2021, H______avait indiqué qu'il l'avait connu durant les années 2009 à 2012. Enfin, I______, J______et K______ avaient tous confirmé par écrit qu'il séjournait en Suisse depuis 2009. De nombreuses photos permettaient en outre de constater sa présence dans cette région durant les années 2011 et 2012.

Quant à son intégration en Suisse, il avait participé à la vie économique du pays dès son arrivée en Suisse et avait depuis lors toujours travaillé. Il maîtrisait en outre le français. Lui-même et son enfant étaient au bénéfice d'une assurance-maladie en Suisse. Quant à sa réintégration dans son État de provenance, il avait quitté son pays en 2009, c'est-à-dire plus de 12 ans auparavant. Ses contacts avec les membres de sa famille au Kosovo étaient sporadiques.

Il séjournait actuellement en Suisse avec son épouse et son enfant. Un retour dans son pays d'origine aurait pour conséquence de lui imposer un nouveau déracinement. Enfin, il fallait relever que ni lui, ni son épouse n'avaient jamais fait appel à l'aide sociale en Suisse et qu'ils jouissaient d'une indépendance financière complète. Il travaillait actuellement pour la société L______ et percevait un revenu mensuel brut d'environ CHF 5'500.-.

d. Par décision du 16 novembre 2021, annulée et remplacée par une nouvelle décision du 11 mars 2022, l'OCPM a refusé de soumettre le dossier de A______, de son épouse et de leur enfant avec un préavis positif auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Tous les documents qu'il avait fournis pour tenter de justifier un séjour en Suisse avant l'année 2013 étaient des faux. Quand bien même il ne les avait pas établis lui‑même, il les avait tous signés et avait été condamné de ce fait par le Ministère public genevois le 14 octobre 2020. Dans ces circonstances, il ne répondait pas aux critères de l'« opération Papyrus », s'agissant notamment du respect de l'ordre juridique suisse.

Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité, car il n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Sa condamnation pour faux dans les titres démontrait un non-respect manifeste de l'ordre juridique suisse et ne démontrait pas un comportement irréprochable attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n'avait pas non plus démontré une très longue durée de son séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence, pas plus que l'impossibilité d'une réintégration dans son pays d'origine, dont il maîtrisait la langue et la culture pour y avoir vécu la majeure partie de sa vie d'adulte, ainsi que toute son enfance et son adolescence.

C. a. Par acte du 28 avril 2022, A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant, ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, en concluant à son annulation.

Il avait fait preuve d'une intégration professionnelle remarquable, compte tenu du fait qu'il n'avait pas bénéficié d'une autorisation de séjour. Il n'avait jamais fait appel à l'aide sociale ni fait l'objet d'aucune poursuite pour dettes. Il séjournait en Suisse depuis plus de douze ans et avait réussi à nouer de solides liens d'amitié et des relations de travail. Toutes ses condamnations pénales étaient liées directement ou indirectement à son désir de pouvoir vivre en Suisse avec sa famille. Le risque de récidive était nul. La parfaite intégration en Suisse de la famille était corroborée par le fait qu'elle maîtrisait la langue française.

La réintégration sociale de la famille dans son pays d'origine était fortement compromise et constituerait un déracinement important. La famille serait plongée dans une situation extrêmement précaire au vu de la situation économique au Kosovo.

b. Le 21 juin 2022, l'OCPM a répondu au recours en concluant implicitement à son rejet et en reprenant pour l'essentiel les motifs de la décision litigieuse.

c. Par jugement du 11 janvier 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le dossier contenait un extrait du compte individuel AVS de A______, dont il découlait que ce dernier avait cotisé en 2013 du mois de juin au mois de décembre, puis durant toute l'année en 2014 et 2015, et à nouveau partiellement en 2016, de janvier à mai.

A______ ne parvenait pas à démontrer avoir séjourné en Suisse de manière continue depuis 2009. Sa présence en Suisse n'était attestée de manière véritablement durable qu'à partir du mois de juin 2013, si bien que la condition d'une très longue durée du séjour en Suisse n'était pas réalisée. Son intégration socioprofessionnelle pouvait être qualifiée de bonne, mais certainement pas d'exceptionnelle au sens de la jurisprudence. En outre, il avait tenté d'induire en erreur les autorités en vue d'obtenir un titre de séjour, ce comportement dénotant un certain mépris pour les institutions du pays.

Il en allait de même pour B______ et C______, qui n'étaient arrivés en Suisse qu'en 2020 ou 2021 et dont l'intégration socioprofessionnelle, pour ce qui concernait l'épouse, ne revêtait pas non plus de caractère remarquable. Quant aux perspectives de réintégration des membres de la famille dans leur pays d'origine, ils se contentaient d'affirmer de manière générale que le retour au Kosovo constituerait pour eux un déracinement, ce qui allait à l'encontre de la constatation qui venait d'être faite au sujet de l'absence d'intégration remarquable en Suisse. Ils ne faisaient pas davantage état de problèmes autres que ceux auxquels était confrontée la majeure partie de la population en raison de la situation socio-économique du pays.

D. a. Par acte posté le 15 février 2023, A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant, ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à celle de la décision du 11 mars 2022, à ce que la chambre administrative ordonne à l'OCPM de préaviser favorablement l'octroi d'une autorisation de séjour auprès du SEM et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Ils fournissaient de nouvelles pièces, notamment une attestation M______, médecin à Genève, qui confirmait avoir connu A______ aux environs des D______pendant la période 2009-2012, une liste des membres de la famille du précité qui vivaient en Suisse et une attestation de suivi de cours démontrant que B______ disposait désormais d'un niveau A1 en français.

Il était arbitraire de retenir que le séjour en Suisse de A______ depuis 2009 n'était pas démontré. La condition du très long séjour en Suisse était ainsi réalisée. Le dossier montrait que son intégration était exceptionnelle. Il avait toujours travaillé, percevait un salaire de CHF 5'500.- mensuels pour une entreprise dont la direction avait déclaré que son comportement était exemplaire, et avait noué de solides liens d'amitié et de travail en Suisse. S'agissant de sa condamnation pénale, il n'avait pas produit lui-même les faux documents, avait été induit en erreur et n'aurait jamais dû être condamné pénalement.

Après quatorze ans passés en Suisse dont dix à Genève, un renvoi au Kosovo constituerait indéniablement un déracinement insurmontable.

b. Le 28 mars 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours. En l'absence d'éléments nouveaux, les arguments avancés ne lui permettaient pas de revoir sa position.

Le recourant faisait l'objet d'une condamnation pénale pour avoir tenté d'induire en erreur les autorités de migration. Même si la durée de son séjour devait être considérée comme suffisante, ce qui n'était pas le cas, cet élément ne suffirait pas à faire de sa situation un cas de rigueur, son intégration n'étant pas exceptionnelle au sens de la jurisprudence – ce qui valait également pour son épouse, arrivée en Suisse dans le courant de l'année 2020.

c. Le 31 mars 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 12 mai 2023, prolongé par la suite au 2 juin 2023, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 10 mai 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires.

e. Le 2 juin 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions, joignant diverses attestations.

f. Par la suite, les recourants ont fait parvenir à la chambre administrative quelques autres pièces, dont une attestation rédigée par l'association N______, selon laquelle A______ était bénévole au sein de l'association depuis le 2 mars 2023, ainsi qu'un extrait de casier judiciaire vierge.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM les demandes d'autorisation de séjour des recourants.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393
consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ;124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

2.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.4 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.5 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF F-1700/2022 du 10 janvier 2024 consid. 7.5 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107) ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

2.6 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch /regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/1056/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.4 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

2.7 En l'espèce, le recourant allègue résider en Suisse de manière continue depuis 2009, soit d'abord dans le canton de Vaud puis dès 2012 dans le canton de Genève. Il a fourni plusieurs attestations de personnes déclarant l'avoir connu ou employé entre 2009 et 2012. La question de la continuité de son séjour en Suisse entre 2009 et 2012 peut toutefois souffrir de demeurer indécise. En effet, dans le cadre de l'« opération Papyrus », il était demandé à une personne seule d'avoir séjourné à Genève dix ans avant le dépôt de sa demande. Or, même à suivre les allégués du recourant, celui-ci n'est arrivé en Suisse qu'en 2009, et à Genève en 2012, si bien que la condition relative au séjour n'était – indépendamment de la procédure pénale pour faux dans les titres – pas réalisée. Du point de vue des conditions du cas d'extrême gravité, quand bien même on admettrait un séjour en Suisse depuis 2009 – dont la durée devrait être qualifiée de longue –, ladite durée devrait être relativisée dès lors que l'intégralité du séjour du recourant a été effectuée dans l'illégalité ou, depuis le dépôt de la demande de régularisation, au bénéfice d'une simple tolérance des autorités de migration. Quant à la recourante, elle n'est en Suisse que depuis 2020, ce qui ne constitue qu'une courte durée.

Le recourant ne peut se prévaloir d'une intégration socioprofessionnelle remarquable. S’il est vrai qu’il a toujours travaillé et subvient à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille et qu’il maîtrise la langue française au niveau requis, son activité dans le domaine des installations sanitaires ne répond pas à la définition d’une intégration extraordinaire, conformément à la jurisprudence mentionnée plus haut. De plus, sa condamnation pénale – qui est entrée en force, étant précisé par ailleurs que si le recourant n'a pas lui-même falsifié les documents litigieux, il en a fait usage, ce qui est réprimé par l'art. 251 ch. 1 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) – constitue un facteur négatif marqué en matière d'intégration. Le recourant indique certes s'être engagé dans la vie associative locale, comme bénévole au sein de l'association N______. Cet engagement, pour louable qu'il soit, remonte toutefois seulement à mars 2023, soit alors que la présente procédure judiciaire s'était déjà soldé par échec en première instance, si bien que cet engagement doit lui aussi être fortement relativisé. Ce qui précède vaut à plus forte raison pour la recourante, celle‑ci n'ayant jamais travaillé, ni démontré posséder des notions suffisantes de français puisqu'elle n'a fourni qu'une attestation de niveau A1.

Leur fils, âgé de 3 ans, est encore loin de l'adolescence et, conformément à la jurisprudence, son intégration au milieu socioculturel suisse n'est pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet.

S'agissant de leurs possibilités de réintégration dans leur pays d'origine, les recourants sont nés au Kosovo, dont ils parlent la langue. Ils y ont vécu leur enfance, leur adolescence et une partie de leur vie d'adulte, le recourant étant arrivé en Suisse à l'âge de 20 ans, et la recourante à l'âge de 30 ans. Quand bien même il a de la famille en Suisse, il a maintenu des liens avec son pays d'origine puisque son épouse est restée au Kosovo jusqu'en 2020. En toute hypothèse, les années que les recourants ont passées en Suisse ne les ont pas rendus étrangers à leur culture d’origine ni à leur langue maternelle. Les recourants sont tous deux jeunes et en bonne santé et, de retour dans leur pays d'origine, ils pourront faire valoir les connaissances linguistiques acquises en Suisse ainsi que, pour le recourant, son expérience professionnelle.

Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles les recourants devront faire face en cas de retour au Kosovo seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants kosovars retournant dans leur pays. Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en leur faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par les recourants, et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Les recourants n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 février 2023 par A______ et B______, agissant en leur nom et celui de leur enfant mineur C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de A______ et B______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.