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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3101/2021

ATA/237/2024 du 27.02.2024 sur JTAPI/741/2023 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.04.2024, 1C_222/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3101/2021-AMENAG ATA/237/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pascal PÉTROZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'AGRICULTURE ET DE LA NATURE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2023 (JTAPI/741/2023)


EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 7'621 de la commune de B______ (ci-après : la commune), sise en zone de développement industriel et artisanal, laquelle se superpose à la zone agricole préexistante.

b. Dans le cadre de la procédure de modification des limites de la zone industrielle C______ (ci-après : C______), il a été demandé au département du territoire (ci‑après: le département), soit pour lui l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), courant 2018, de se déterminer quant à la nature forestière des boisés situés sur les parcelles nos 927, 7'621, 7'645, 7'646 et 7'721 de la commune, localisées dans la C______.

Les trois premières avaient fait l'objet d'un arrêt de l'ancien Tribunal administratif du 24 mai 2005 (ATA/355/2005), lequel avait infirmé leur nature forestière.

c. Le 3 juin 2021, l'OCAN a publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) quatre requêtes en constatation de la nature forestière concernant les parcelles nos 927, 7'621, 7'645, 7'646 et 7'721.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


d. Par courrier du 9 juillet 2021, A______ a indiqué à l'OCAN qu'il s'opposait à la constatation de la nature forestière s'agissant des deux requêtes précitées impliquant sa parcelle, au motif que le protocole y afférent avait lui-même admis que les fonctions qualitatives de la forêt n'étaient pas significatives. De plus, il déplorait l'approche contradictoire de l'État de Genève qui, bien que déployant des efforts dans le cadre de cette procédure, entendait réaliser un projet de remplacement de cette prétendue portion de forêt par de l'asphalte.

e. Par décisions du 16 juillet 2021, l'OCAN a constaté la nature forestière des peuplements boisés présents sur les parcelles nos 927, 7'621, 7'645, 7'646 et 7'721.

Chaque décision était accompagnée de son protocole ainsi que d'un plan situant les différents boisés :

-          selon le protocole n° 1______, le boisé du secteur 1 (parcelles nos 927, 7'621, 7'645, 7'646 et 7'721) était constitué à 95% d'espèces d'arbres indigènes (chêne, saule et feuillus divers) et à 5% d'espèces d'arbres étrangers (robinier), l'âge du peuplement était supérieur à trente ans, le degré de couvert atteignait 80%, sans étage intermédiaire, mais avec un sous-bois naturel ; concernant les fonctions forestières, la fonction de structure paysagère était très importante et celle de biodiversité significative ; les fonctions de protection, de récréation et de production étaient de peu d'intérêt ; il s'agissait d'un petit massif forestier rattaché au Bois D______ par une coulisse de gros arbres accompagnée d'un riche sous-bois au Sud ; le solde du massif était constitué d'arbres d'âge variable (entre 30 et 120 ans) avec un sous-bois diversifié ; cette structure forestière était un élément marquant du paysage ;

-          selon le protocole n° 2______, le boisé du secteur 2 (parcelles nos 7'621 et 927) était constitué à 100% d'espèces d'arbres indigènes (peuplier, saule, bouleau, chêne, charme et feuillus divers), l'âge du peuplement était supérieur à 15 ans, le degré de couvert atteignait 95%, il n'existait pas d'étage intermédiaire et le sous-bois était relativement faible au vu de la très forte densité du peuplement principal ; concernant les fonctions forestières, la fonction de structure paysagère était très importante et celle de biodiversité significative ; les fonctions de protection, de récréation et de production étaient de peu d'intérêt ; il s'agissait d'un jeune boisement composé en partie d'espèce indigènes arbustives ; le massif forestier marquait fortement le paysage et était composé d'une lisière de qualité à l'Est ;

-          selon le protocole n° 3______, le boisé du secteur 3 (parcelle n° 7'645) était constitué à 80% d'espèces d'arbres indigènes (peuplier, saule et frêne) et à 20% d'espèces d'arbres étrangers (robinier), l'âge du peuplement était supérieur à 15 ans, le degré de couvert atteignait 80%, sans étage intermédiaire mais avec un sous-bois naturel ; des containers et diverses baraques étaient présentes en bordure Nord du boisé ; concernant les fonctions forestières, la fonction de structure paysagère, de biodiversité et de protection était significative ; les fonctions de récréation et de production étaient de peu d'intérêt ; la composition forestière, issue d'une végétation spontanée, se situait sur un talus raide et instable (remblai) et jouait un rôle important dans sa stabilisation ;

-          selon le protocole n° 4______, le boisé du secteur 3 (parcelles nos 7'645 et 7'646) était constitué à 10% d'espèces d'arbres indigènes (chêne, frêne et cerisier) et à 90% d'espèces d'arbres étrangers (robinier), l'âge du peuplement était supérieur à 40 ans et le degré de couvert atteignait 80%, sans étage intermédiaire mais avec un sous-bois naturel ; concernant les fonctions forestières, la fonction de structure paysagère, de biodiversité et de protection était significative ; les fonctions de récréation et de production étaient de peu d'intérêt ; il s'agissait d'une coulisse forestière composée principalement de robiniers, laquelle était fonctionnellement rattachée au massif du Bois D______.

f. Ces quatre décisions ont été publiées dans la FAO du 19 juillet 2021 et notifiées personnellement aux propriétaires concernés. A______ s'est vu notifier par courrier du 16 juillet 2021 les décisions nos 1______ et 2______. L'OCAN l'informait que ses observations, en plus d'être tardives, ne remettaient pas en cause la nature des boisés litigieux.

B. a. Par acte du 14 septembre 2021, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions de constatation de la nature forestière nos 1______ à 4______, concluant à leur annulation. À titre préalable, IIOCAN devait compléter les différents protocoles liés aux décisions litigieuses en indiquant les surfaces et les largeurs des boisés considérés et un transport sur place devait être ordonné.

Les critères quantitatifs et qualitatifs de la notion de forêt n'étaient pas respectés. L'OCAN avait subdivisé l'ensemble du secteur en fonction des caractéristiques des peuplements boisés. Si un relevé et un protocole étaient joints à chaque décision à titre de motivation, les plans en question ne faisaient aucunement état de la surface des boisés considérés, ni de leur largeur, rendant difficilement vérifiables les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, raison pour laquelle un complément d'instruction était sollicité.

L'ensemble des boisés considérés ne présentait pas une structure particulièrement marquée. Ces derniers constituaient une prolongation du Bois D______, comme cela ressortait d'ailleurs des protocoles nos 1______ et 4______, respectivement des images aériennes. Même en présence de ces critères quantitatifs, les critères qualitatifs pouvaient être décisifs pour la qualification de forêt. Les différents protocoles laissaient apparaître que les fonctions protectrice, sociale et économique n'étaient pas réalisées. Il n'était nullement mis en évidence que les boisés considérés visaient à préserver le milieu vital de la faune et de la flore sauvages et à protéger les habitats convenant particulièrement bien à certaines biocénoses ou certaines espèces. Quant aux critères de récréation (social) et de production (économique), l'ensemble des protocoles retenaient que les boisés en question étaient de « peu d'intérêt », exception faite du protocole au dossier n3______ qui retenait le critère social comme étant « significatif ». Le critère social était d'autant plus inexistant qu'il était question d'une zone industrielle. Compte tenu de l'importance donnée aux critères qualitatifs et au vu de la composition du TAPI, il convenait d'ordonner un transport sur place afin qu'il soit constaté d'une part que les boisés considérés ne présentaient pas une structure particulièrement marquée objectivement distincte d'un simple cordon boisé, et d'autre part, que les critères qualitatifs n'étaient pas significatifs. Le protocole n° 3______ mentionnait que les espèces indigènes ne représentaient que 80% du boisé, respectivement 10% s'agissant du protocole no 4______. L'OCAN avait mésusé de son pouvoir d'appréciation dans la détermination des fonctions forestières.

Le secteur concerné était situé en zone industrielle à densifier, selon le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030). Ce plan, ainsi que le plan directeur communal, semblaient prévoir que la route E______ devait faire l'objet d'une étude pour un élargissement. Le périmètre concerné était compris dans le développement du barreau routier F______, lequel prévoyait précisément une densification des zones industrielles. Dès lors, on ne comprenait pas bien pourquoi l'OCAN déployait autant d'énergie dans la constatation de la nature forestière du site en question alors que l'État de Genève semblait vouloir remplacer définitivement cette prétendue portion de forêt par de l'asphalte. Il était à se demander s'il n'était pas question d'une tentative de l'État de Genève de constater la nature forestière du périmètre en question à la seule fin d'en diminuer la valeur vénale et, partant, de réduire une éventuelle indemnisation en cas d'expropriation pour l'élaboration du projet routier. De toute évidence, l'État de Genève agissait de manière contradictoire et contraire à la bonne foi.

b. Le 2 décembre 2021, l'OCAN a conclu à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il portait sur les décisions nos 3______ et 4______ et à son rejet pour le surplus.

c. Le 3 janvier 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

Après consultation du site d’information du territoire genevois (ci-après : SITG), le boisé faisant l'objet de la décision no 3______ se situait en partie à moins de 20 m de distance de la parcelle no 7'621. Il était erroné de soutenir que cette décision n'aurait aucune incidence sur ses droits à bâtir au regard de l'art. 11 al. 1 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). Par ailleurs, dans l'ATA/355/2005, les recourants avaient un intérêt digne de protection à ce que leurs droits, notamment à bâtir, ne soient pas affectés par les limites de la lisière imposées par la législation visant la protection des forêts. La restriction des droits à bâtir n'était ainsi pas le seul élément justifiant de la qualité pour agir. Concernant le boisé objet de la décision no 4______, bien qu'il soit situé à plus de 20 m de sa parcelle, celui-ci avait tout de même un intérêt digne de protection à contester cette décision. Dans le cadre d'une analyse plus globale et factuelle, il disposait d'un intérêt à ce que la C______ puisse être densifiée conformément au PDCn 2030. Or, l'entrée en force de la décision no 4______ allait être de toute évidence un obstacle majeur à une telle densification de zone.

S'agissant des critères quantitatifs, il persistait dans sa demande de complément d'instruction relative aux mesures de surfaces des boisés considérés. En se concentrant sur la décision no 3______, le boisé concerné ne pouvait être qualifié de forêt d'un point de vue quantitatif, dès lors que sa largeur était a priori inférieure à 12 m et que sa surface avoisinait les 500 m2.

S'agissant des critères qualitatifs, dans le jugement de 2005, la présence de « masses boisées d'origine diverses accompagnées d'une végétation naturelle spontanée implantée sur des remblais ayant été créés lors du développement sauvage de la zone industrielle » avait été relevée. Il n'était ainsi pas question d'une structure marquée importante au sens de la jurisprudence. Il avait été aussi relevé que « le juge délégué n'[avait] pas pu constater lors du transport sur place que les peuplements incriminés visaient à préserver le milieu vital de la faune et de la flore sauvages et à protéger les habitats convenant particulièrement bien à certaines biocénoses ou à certaines espèces ». Or cela n'avait pas changé. Tous les protocoles joints aux quatre décisions retenaient que les boisés présentaient des fonctions de protection de peu d'intérêts ou significative.

d. Le 25 janvier 2022, l'OCAN a persisté dans ses conclusions.

e. Le 15 mars 2022, le TAPI a sollicité de l'OCAN la production des trois décisions de constatation de nature forestière du 20 décembre 2022 et les protocoles y afférents ayant conduit au prononcé de l'arrêt ATA/355/2005 du 24 mai 2005.

f. Le 24 mars 2022, l'OCAN a transmis au TAPI les pièces demandées.

Seul le boisé objet de la décision no 1______ était concerné par la procédure ATA/355/2005, les autres boisés litigieux n'ayant pas fait l'objet de procédures judiciaires.

g. Le 12 mai 2022, le TAPI a procédé à un transport sur place.

Débutant par le boisé n° 2, l'OCAN a attiré l'attention sur la présence du peuplement principal, qui se définissait par la hauteur des individus, d'un diamètre permettant de considérer qu'ils avaient au moins une vingtaine d'années et qu'ils avaient dû être plantés quelque temps après le remblai illégal. Le fait qu'il s'agissait de plantation se comprenait notamment par le fait que les arbres poussaient selon un certain alignement et qu'il s'agissait d'espèces qui n'avaient vraisemblablement pas pu apparaître spontanément.

On observait également que depuis l'époque de la précédente constatation de nature forestière, ce n'était plus seulement la lisière Est mais également la lisière Ouest qui étaient devenues intéressantes. Par lisière, on entendait la partie dynamique de la forêt, par laquelle celle-ci avançait éventuellement et qui se caractérisait par une strate arbustive.

Le conseil d’A______ a relevé qu'il paraissait peu vraisemblable qu'il s'agît d'arbres plantés volontairement, d'une part parce que lors du transport sur place effectué par le Tribunal administratif à l'époque, il avait été constaté qu'il s'agissait de peuplement spontané et d'autre part parce qu'il paraissait peu vraisemblable que l'auteur d'une décharge illégale ait planté des arbres par-dessus.

L'OCAN a ajouté qu'il ne s'agissait pas d'une zone ayant fait l'objet des constatations du Tribunal administratif à l'époque. De manière générale, la Suisse manquait de bois morts dans les forêts. L'attention du TAPI était attirée sur l'existence sur le sol d'une végétation comme le lierre forestier qui était typique de la forêt.

Le TAPI s'est ensuite déplacé dans le peuplement n° 2 et, à la demande d’A______, a constaté l'existence de deux spécimens qui avaient l'air un peu plus secs, voire morts.

L'OCAN a indiqué que ce genre d'élément n'était pas contradictoire avec l'existence d'une forêt et que cela pouvait même représenter un avantage sur le plan biologique.

L'architecte d’A______ s’est demandé si la plantation éventuelle des arbres à l'époque n'avait pas pour fonction de séparer la zone artisanale de la zone agricole.

Selon l'OCAN, on pouvait fortement hésiter à appeler cela un cordon compte tenu de la profondeur atteinte par cette partie du peuplement. On aurait d'avantage affaire à un cordon dans le peuplement n° 4. Cela dit, le préopinant avait sans doute raison et il s'agissait probablement de créer un écran végétal.

Le TAPI s'est déplacé au milieu de la parcelle n° 7'621.

Sur question du TAPI, l'OCAN a indiqué qu'il évaluait la hauteur des spécimens les plus élevés du peuplement que le TAPI venait de quitter à environ 15 m.

Le TAPI s'est ensuite déplacé du côté du peuplement n° 1 dans l'ouverture située à proximité de la parcelle n° 7'721.

L'OCAN a attiré l'attention du TAPI sur le fait que l'ouverture en question était en train de se refermer.

A______ a précisé que les grands chênes qui bordaient la parcelle n° 7'721 étaient en réalité implantés à l'intérieur de ce chemin auquel ils ne laissaient plus qu'une largeur d'environ 80 cm.

Sur question du conseil d’A______, l'OCAN a expliqué que la clairière dans laquelle se trouvait le TAPI était vraisemblablement entretenue, raison pour laquelle il n'y poussait pas de nouveaux arbres et qu'en ce qui concernait le repeuplement progressif de l'ouverture qui venait d'être évoquée, c'était une autre question puisqu'à cet endroit, il n'y avait probablement pas d'entretien.

Le TAPI a observé en arrivant à cet emplacement la présence de quelques arbres nettement plus âgés, au sujet desquels l'OCAN a expliqué qu'il s'agissait probablement d'arbres autrefois isolés, tels que certains saules dont la présence s'expliquait par la nature marécageuse du terrain, et qui avaient petit à petit été entourés par des arbres plus jeunes.

Sur question du TAPI, l'OCAN a indiqué que l'on trouvait probablement une avifaune représentant une trentaine d'espèces, mais qu'il n'y avait effectivement pas de fonction protectrice spécifique, en particulier en ce qui concernait par exemple la protection contre les avalanches. La forêt pouvait avoir d'autres fonctions protectrices, telles que celle d'éponge. Cela dit, il était exact qu'aucune analyse spécifique concernant la faune et la flore présentes dans ces lieux n'avait été entreprise. Il reconnaissait que sur toute leur longueur, les peuplements nos 3 et 4 avaient à certains points une largeur inférieure à 12 m.

Le TAPI s'est enfin déplacé à l'embranchement de la route E______ et du chemin G______ afin d'examiner la structure paysagère représentée par le peuplement.

h. Le 3 juin 2022, A______ a persisté dans ses conclusions.

L'OCAN avait reconnu que les peuplements nos 3 et 4 avaient une largeur inférieure à 12 m sur toute leur longueur, avec pour corollaire que l'un des critères quantitatifs de l'art. 2 al. 1 LForêts n'était pas réalisé. Le procès-verbal devait être corrigé afin de supprimer la mention « à certains points » (p. 3).

Si l'OCAN était d'avis que les individus boisés du peuplement principal avaient été plantés quelques temps après le remblai illégal de 1988, dans son arrêt ATA/355/2005, le Tribunal administratif avait retenu que l'on était en présence de masses boisées d'origines diverses accompagnées d'une végétation naturelle spontanée implantées sur des remblais ayant été créés lors du développement sauvage de la zone industrielle sise au Nord-Ouest des parcelles. Il n'avait d'ailleurs pas été relevé que de nombreux individus auraient été plantés postérieurement au transport sur place du 9 décembre 2004, ce d'autant que les arbres en question avaient une vingtaine d'années selon l'OCAN.

Les orthophotos de 2005 à 2020 démontraient que les lisières Est et Ouest, à l'instar de la masse boisée dans son ensemble, n'avaient pas évolué, notamment par rapport aux limites parcellaires. Il ne ressortait pas des orthophotos que la clairière à proximité de la parcelle n° 7'721 était en train de se refermer, hormis une infime progression proche de la parcelle n° 927.

Les fonctions qualitatives n'avaient pas évolué depuis 2005 et l'OCAN n'avait pas procédé à une analyse technique. Rien ne permettait ainsi d'affirmer que la fonction biologique des peuplements nos 3 et 4 était significative, étant précisé que les fonctions de protection, de récréation et de production avaient été qualifiées de peu d'intérêt. Les fonctions forestières étaient ainsi inexistantes.

i. Le 9 juin 2022, l'OCAN a demandé au TAPI de procéder à la modification de la page 3 du procès-verbal du transport sur place, en particulier à ce que le mot « reconnais » soit remplacé par « confirme » (dernier §).

j. Le 2 septembre 2022, à la demande du TAPI, l'office de l'urbanisme (ci-après : OU) a apporté des éclaircissements concernant le barreau routier F______ et le projet H______ et produit des documents relatifs à l'état d'avancement des mesures d'aménagement du territoire envisagées pour ce secteur.

Trois des quatre parcelles sur lesquelles se situaient les surfaces boisées objet des décisions de constatation de nature forestière avaient été incorporées en 2010 dans un avant-projet de plan directeur de zone de développement industriel et artisanal (ci-après : PDZI). Les surfaces boisées concernées ne faisaient alors pas l'objet de décisions de constatation de nature forestière et n'étaient pas cadastrées. Ce premier avant-projet de PDZI avait été mis en suspens avant l'enquête publique en raison du projet de barreau routier qui était alors à l'étude, puis abandonné.

Un deuxième avant-projet de PDZI avait été élaboré sur le site en 2017, englobant le futur barreau routier dans son périmètre et les quatre biens-fonds précités. L'avant-projet prévoyait de défricher certaines surfaces boisées, qui ne faisaient toujours pas l'objet de constats de nature forestière et n'étaient pas cadastrées. Suite aux observations de plusieurs associations environnementales, ce second avant‑projet de PDZI avait été suspendu afin de mener une concertation sur ce secteur, laquelle s'est déroulée en 2018. Il avait également été abandonné.

Les parcelles concernées faisaient l'objet d'une troisième version d'avant-projet de PDZI (ci-après : PDC______) dont le périmètre ne comprenait que la tranchée couverte du futur barreau routier. Son périmètre avait été réduit par rapport à la version précédente afin d'extraire de son périmètre la majorité du barreau routier et de tenir compte des décisions de constatation de nature forestière précitées. Il ne prévoyait plus en l'état de défrichements, contrairement à la version de 2017. En parallèle, un avant-projet de modification des limites de zones avait été élaboré en septembre 2021, qui prévoyait de classer en zone de bois et forêts les parcelles sur lesquelles se situaient les surfaces boisées objets des décisions de constatation de nature forestière. Cet avant-projet de modification de zone, de même que l'avant‑projet de PDC______ précité, étaient en suspens dans l'attente de la délivrance des autorisations de construire relatives au barreau routier F______, afin de connaître avec précision les emprises définitives de ce dernier. Une fois celles-ci stabilisées, cet avant-projet de PDC______ devrait encore être modifié en raison du probable déplacement du giratoire du barreau routier au nord, sur la route I______, plutôt qu'au sud comme l'indiquait la version existante. Cela n'aurait toutefois aucune conséquence sur les surfaces boisées précitées.

Les trois versions d'avant-projet de PDZI étaient jointes en annexe, de même que l'avant-projet de plan de modification des limites de zones précité. La dernière version ne prévoyait plus aucun défrichement.

k. Le 20 septembre 2022, A______ s’est déterminé sur le courrier de l'OU du 2 septembre 2022.

L'enquête technique interne du département portant sur la troisième version de l'avant-projet était similaire à l'image directrice de 2020 produite dans le fascicule explicatif de la commune.

Les plans relatifs à la troisième version de l'avant-projet de PDZI démontraient l'existence d'une route de desserte projetée sur les parcelles nos 7'645, 7'621, 927 et 3'718. Les boisés considérés s'avéraient totalement éventrés par celle-ci ainsi que pour une zone affectée à de l'équipement public, tout particulièrement en ce qui concernait le boisé objet des décisions nos 1______ et 2______. En outre, la zone de développement industrielle et artisanale projetée venait totalement s'accoler aux boisés considérés. Ces éléments étaient en contradiction avec la fonction protectrice d'une forêt.

l. Le 27 septembre 2022, l'OCAN s’est déterminé sur le courrier de l'OU du 2 septembre 2022.

m. Le 20 octobre 2022, il s'est déterminé sur les observations d’A______ du 20 septembre 2022.

Il a produit un plan permettant de lire en superposition l'étendue actuelle des boisés sur le périmètre concerné et la situation future ressortant du PDZIA n° 5______, dans sa version du 19 septembre 2021, un plan sur lequel figurait la dimension de chacun des boisés avec indication des endroits les plus larges, respectivement les plus étroits, ainsi que leur surface totale, et un rapport du service cantonal de la biodiversité relatif à la valeur biologique des surfaces forestières constatées.

Ce rapport confirmait que ces surfaces possédaient une valeur biologique significative en formant une mosaïque de milieux forestiers attractive pour la faune, relevant notamment la présence du chevreuil et rossignol philomène, espèces typiques des lisières forestières de qualité, ainsi que de la salamandre tachetée dans les milieux forestiers proches du nant D______.

n. Le 18 janvier 2023, A______ s'est déterminé sur le courrier de l'OCAN du 20 octobre 2022.

Ne pas prendre en compte le barreau routier projeté en plein centre du boisé litigieux, ainsi que la zone industrielle adjacente, était contraire au principe de la bonne foi, lequel pouvait primer le résultat de la constatation de la nature forestière après une pesée des intérêts en présence.

o. Le 15 février 2023, il a transmis ses observations finales.

p. Par jugement du 29 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Il n’y avait pas lieu de suspendre la procédure dans l'attente de la finalisation du barreau routier F______, la détermination de la nature forestière d'un peuplement boisé s'effectuant suite à un examen objectif des caractéristiques du boisé en question, sans prise en compte des intérêts publics ou privés, notamment en lien avec des projets d'aménagements routiers voisins à venir.

L’ATA/355/2005 n'avait trait qu'au périmètre du boisé n° 1. Il ne saurait ainsi être retenu sans autre que cet arrêt déploierait ses effets également sur les boisés nos 2, 3 et 4. Les constatations de l'OCAN avaient été réalisées à plus de 15 ans d'intervalle, ce qui laissait présumer que la situation était susceptible d'avoir évolué. Lors du transport sur place du 12 mai 2022, le TAPI avait constaté que depuis la constatation de la nature forestière objet de l'arrêt ATA/355/2005, la lisière Est mais également la lisière Ouest du boisé n° 2 avaient avancé et étaient devenues intéressantes. En outre, la hauteur du boisé n° 1 avait été évaluée à environ 15 m et l'ouverture précédemment constatée au niveau de celui-ci était progressivement en train de se refermer. Il était ainsi manifeste que la situation avait évolué entre le précédent constat de la nature forestière réalisé en 2002, et ceux objet du présent recours, réalisés en 2018. Par ailleurs, la comparaison des orthophotos produites par A______ démontrait cette évolution, notamment au niveau de la couronne des arbres et de leur implantation, recouvrant au fil du temps les espaces vierges et agrandissant la lisière de la forêt, notamment au niveau de l'ouverture précédemment constatée au niveau du boisé n° 1. À titre exemplatif, sur l'orthophoto de 2019, cette ouverture avait presque entièrement disparu. Il fallait examiner la situation avant tout en fonction des caractéristiques actuelles des peuplements boisés concernés.

Il ressortait des protocoles et du plan « mesures des constats de nature forestière » produit par l'OCAN que la surface des boisés nos 1, 2 et 4 était supérieure à 500 m2, que leur largeur dépassait les 12 m, sauf en quelques endroits sur les peuplements nos 3 et 4, et que l'âge du peuplement était estimé à au moins 15 ans. Partant, les caractéristiques quantitatives d'une forêt au sens de l’art. 2 al. 1 LForêts étaient remplies pour ces boisés. Par contre, concernant le boisé n° 3, sa surface était inférieure à 500 m2, ce qui faisait qu’une des caractéristiques quantitatives d’une forêt au sens de l’art. 2 al. 1 LForêts n’était pas remplie, ce que reconnaissait l'autorité intimée. Cependant, comme l’avait retenu la jurisprudence citée et comme le prévoyait d'ailleurs l'art. 2 al. 2 let. a LForêts, on ne pouvait pas nier la qualité de forêt du simple fait que les seuils minimaux des critères quantitatifs n’étaient pas atteints.

Suite aux constats effectués en 2018, les fonctions forestières des peuplements boisés concernés avaient été réévaluées, respectivement évaluées pour la première fois. Concernant les boisés nos 1 et 2, l'inspecteur de l'OCAN avait jugé la fonction de structure paysagère comme étant très importante, celle de biodiversité comme significative et celles de protection, de récréation et de production comme de peu d'intérêt. S'agissant des boisés nos 3 et 4, les fonctions de structure paysagère, de biodiversité et de protection avaient été qualifiées de significative et celles de récréation et de production comme étant de peu d'intérêt. En outre, la structure forestière particulièrement marquante de ces différents peuplements boisés était relevée, avec la précision qu'il s'agissait de structures marquantes du paysage, avec un sous-bois diversifié. Il apparaîssait ainsi que plusieurs fonctions forestières de ces peuplements boisés présentaient une certaine intensité, allant de « significatif » à « très important », étant précisé qu’il n'était pas nécessaire que tous les critères qualitatifs d'une forêt présentent un intérêt forestier fort pour qu'un peuplement boisé soit considéré comme une forêt. Si l'OCAN avait reconnu à l'occasion du transport sur place ne pas avoir procédé à une analyse spécifique de la faune et de la flore, il ressortait du rapport « valeur biologique des surfaces forestières des constats 1______ _2______ _3______ _4______/B______ parcelles nos 7'621 et 7'645 » du service de la biodiversité du 20 octobre 2022 que les boisés concernés créaient une mosaïque de milieux forestiers attractive pour la faune et que plusieurs espèces d'animaux typiques des lisières forestières (chevreuil, rossignol philomène et salamandre tachetée) utilisaient ce secteur, de sorte que le rapport concluait à une valeur biologique « significative ». Cet élément exposait que les boisés litigieux procuraient un milieu vital pour certaines espèces vivant en forêt. Aucun élément ne permettait de remettre en cause l’appréciation de l’inspecteur de forêts sur laquelle le département s’était fondé pour rendre ses décisions concernant les peuplements boisés qu’il avait considéré comme forêts.

Le principe de la bonne foi n’avait pas été violé. Il était vrai que les deux précédentes versions d'avant-projet du PDZI et la réalisation du barreau F______ incorporaient les peuplements boisés concernés, nécessitant ainsi leur défrichement, comme l'admettait l'OU. Il ressortait cependant des explications de cette autorité ainsi que des éléments du dossier, notamment le plan n° 6______ du 19 septembre 2021, que la troisième version de l'avant-projet de PDZI portait sur un périmètre réduit par rapport aux versions précédentes, afin de tenir notamment compte des décisions de constatation de nature forestière litigieuses et ne prévoyait plus de défrichement au niveau des peuplements boisés concernés. Au contraire, il était prévu que les parcelles sur lesquelles se situaient ces derniers soient classées en zone des bois et forêts. La question de l’opportunité de cette planification, soulevée par A______, était exorbitante au litige, qui ne portait que sur la nature forestière desdits boisés et non sur la procédure de planification relative au PDZI.

Il était vrai que la nature forestière des parcelles nos 927, 7'621, 7'645, concernant le peuplement boisé n°1, avait été infirmée par la chambre administrative en 2005 (ATA/355/2005). La situation avait évolué entre 2002 et 2018 et l'examen de la nature forestière s'effectuait à un moment spécifique et se basait uniquement sur des éléments identifiables de manière objective, permettant d'affirmer ou non l'existence d'une forêt, soit sur des critères quantitatifs et qualitatifs, ne laissant ainsi pas place à une pesée des intérêts en présence, tant publics que privés, notamment financiers.

C. a. Par acte remis à la poste le 28 août 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation des décisions nos 1______ à 4______ du département du 16 juillet 2021.

Le jugement et la décision violaient la loi et le principe de la bonne foi.

L’ATA/355/2005 portait sur trois décisions simultanées relatives aux parcelles nos 927, 7'621 et 7'645. Il constituait un indicateur important quant à la nature non forestière des boisés. La densité, les largeurs et les surfaces n’avaient pas évolué depuis cet arrêt, ainsi qu’il ressortait des orthophotos qu’il avait produites et des images qu’il produisait dans son recours. Il était notamment insoutenable d’affirmer que l’ouverture avait presque entièrement disparu. Les lisières comme les masses boisées avaient peu évolué.

Les fonctions protectrice, sociale et économique n’étaient pas réalisées. S’il fallait tenir compte du rapport du service de la biodiversité du 20 octobre 2022, produit tardivement pour les besoins de la cause, celui-ci admettait qu’il n’y avait pas de fonction protectrice spécifique et qu’aucune analyse spécifique concernant la faune et la flore n’avait été entreprise.

Le TAPI avait reconnu que le principe de la bonne foi pouvait même, à l’issue d’une pondération des intérêts entre l’application du droit forestier et le principe de la bonne foi, primer le résultat de la constatation de la nature forestière. C’était à tort que le TAPI avait estimé que les emprises définitives du barreau F______ n’auraient aucune conséquence sur les peuplements boisés concernés. La lecture des plans du troisième avant-projet montrait bien l’existence d’une route de desserte sur les parcelles nos 7'645, 7'621, 927 et 3'718. Les bois considérés s’avéraient totalement éventrés par celle-ci. En outre, la zone de développement industrielle et artisanale projetée venait totalement s’accoler aux boisés. La tranchée couverte prévue ne pourrait être réalisée sans porter atteinte aux boisés en surface. L’OCAN lui-même avait déclaré de manière ubuesque dans ses déterminations du 26 janvier 2023 vouloir défricher ou abattre les boisés litigieux dont il disait par ailleurs vouloir assurer la protection.

b. Le 1er novembre 2023, l’OCAN a conclu au rejet du recours.

Seule la nature du secteur n° 1 avait été examinée en 2005, à l’exclusions des secteurs nos 2, 3 et 4. Il n’était pas douteux que l’ensemble des critères quantitatifs minimaux étaient satisfaits pour les boisés des constats nos 1______, 2______ et 4______. Le boisé n° 3______ n’atteignait pas tous les critères quantitatifs minimaux mais remplissait une fonction importante de stabilisation du talus en plus des fonctions de structure paysagère et de biodiversité qualifiées de significatives, ce qui suffisait pour entraîner la qualification de forêt.

Le juge n’avait pas à substituer son appréciation à celle du département dans la détermination du rôle paysager, de biodiversité, de protection, de récréation et de production des groupements d’arbres. Or, les fonctions de structure paysagère et de biodiversité avaient été évaluées de significatif à très important.

Même si la dernière version en date de l’avant-projet de PDZI PDC______ devait être modifiée, cela n’aurait aucune conséquence sur les surfaces de forêt, qu’il n’était pas prévu de défricher, contrairement à la version de 2017. Les décisions litigieuses permettraient d’inscrire la forêt dans les plans d’affectation. En l’absence d’inscription jusque-là de limites d’aires forestières ou non forestières dans le plan d’affectation, la procédure en constatation avait dû être engagée. Le moment décisif était celui où l’autorité forestière avait statué, soit en 2021. Les images aériennes montraient que la situation avait sensiblement évolué depuis 2002.

Il n’y avait pas de place dans la procédure de constatation de la nature forestière pour l’application du principe de proportionnalité. Il en découlait que les conséquences sur la conservation de la forêt issues de la zone industrielle planifiée et du barreau routier projeté ne devaient pas être prises en compte, dès lors qu’au jour de la constatation de la nature forestière les critères quantitatifs et qualitatifs étaient remplis.

c. Le 27 novembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

L’OCAN avait rappelé que la partie du barreau routier à ciel ouvert en dehors du périmètre du PDC______, qui ferait l’objet d’une autorisation de construire, nécessiterait en particulier un défrichement d’une partie du secteur de forêt faisant l’objet du constat n° 1______. Le TAPI avait donc retenu à tort que la dernière version ne prévoyait plus aucun défrichement.

Les constructions et projets routiers à l’intérieur du PDC______ ne respectaient manifestement pas les distances légales aux limites forestières.

Le projet routier ne se limitait pas à un ouvrage souterrain, mais comprenait une route extérieure se superposant à la tranchée couverte. L’OU avait précisé que si la troisième version de l’avant-projet était en suspens dans l’attente de la détermination des emprises définitives du barreau routier F______, dans le cadre des procédures d’autorisation de construire y afférentes à venir, celles-ci n’auraient aucune conséquence sur lesdits peuplements, de sorte que leur substance serait préservée. Le TAPI aurait dû retenir que les boisés considérés, prétendument protégés par la main droite du département, seraient totalement éventrés par sa main gauche.

d. Le 28 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit sur les arguments et les pièces qu’elles ont produits.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste la nature forestière des boisés de sa parcelle.

2.1 Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d'espèce.

2.2 La loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (loi sur les forêts, LFo - RS 921.0) a pour but général la protection des forêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1 et 3 LFo).

Par « forêt », on entend toutes surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d'exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents (art. 2 al. 1 LFo). Ne sont pas considérés comme forêts les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo).

Dans le cadre fixé par le Conseil fédéral, les cantons peuvent préciser la largeur, la surface et l’âge minimaux que doit avoir un peuplement sur une surface conquise par la forêt ainsi que la largeur et la surface minimales que doit avoir un autre peuplement pour être considérés comme forêt. Si le peuplement en question exerce une fonction sociale ou protectrice particulièrement importante, les critères cantonaux ne sont pas applicables (art. 2 al. 4 LFo).

Selon l'art. 1 de l’ordonnance sur les forêts du 30 novembre 1992 (OFo - RS 921.01), les cantons précisent les valeurs requises pour qu'une surface boisée soit reconnue comme forêt, dans les limites suivantes : (a) surface comprenant une lisière appropriée : 200 à 800 m2 ; (b) largeur comprenant une lisière appropriée : 10 à 12 m ; (c) âge du peuplement sur une surface conquise par la forêt : 10 à 20 ans.

Les critères quantitatifs que les cantons peuvent fixer, dans les limites de l'art. 1 al. 1 OFo, servent à clarifier la notion qualitative de forêt posée par le droit fédéral. Sauf circonstances particulières, la nature forestière doit être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils minimaux. On ne peut nier la qualité de forêt du simple fait que ces seuils ne sont pas atteints (ATF 125 II 440 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.13/2005 du 24 juin 2005 consid. 4.2). À l'inverse, même en présence de ces critères quantitatifs, les critères qualitatifs peuvent être décisifs pour la qualification de forêt (arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 du 20 mars 2002 consid. 4.1 publié in ZBl 104/2003 p. 380 et résumé in RDAF 2004 I 734; 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 6.3). Dans cette appréciation, il n'y a pas lieu de procéder à une pondération des intérêts privés ou publics (ATF 124 II 85 consid. 3 et les références citées).

2.3 À Genève, la législation sur les forêts précise que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d'une forêt, exerçant une fonction forestière qui sont, en principe, âgés d'au moins quinze ans, s'étendent sur une surface d'au moins 500 m² et ont une largeur minimale de 12 m, lisière appropriée comprise (art. 2 al. 1 LForêts).

La LFo et la LForêts n'énumèrent pas les caractéristiques nécessaires pour pouvoir qualifier une aire boisée de forêt. Selon l'exposé des motifs relatif à l'art. 2 al. 3 let. a LForêts, sont exclus du régime forestier les éléments de paysage ne présentant pas une structure marquée par la présence de diverses strates ou étages, caractérisant un peuplement forestier (Mémorial du Grand Conseil, 1997, p. 606 ss). Par ailleurs, sont également considérés comme forêt les cordons boisés situés au bord de cours d'eau (art. 2 al. 2 let. c LForêts) qui assurent la protection des berges et soulignent le paysage de façon marquée, remplissant ainsi l'une des fonctions forestières dont il est question à l'art. 1 let. c de la loi fédérale (let. c) (Mémorial des séances du Grand Conseil 1997 4/I610).

2.4 Du point de vue qualitatif, les fonctions de la forêt sont au nombre de trois, d'importance équivalente : protectrice, sociale et économique. Pour être qualifié de forêt, il suffit que le peuplement concerné apparaisse apte à assumer une ou quelques-unes des tâches de l'aire forestière (JdT 1998 I 501, consid. 3d.cc).

Une forêt exerce une fonction protectrice lorsqu'elle protège la population ou des valeurs matérielles contre des catastrophes naturelles. Elle exerce une fonction économique lorsque la matière première que représente le bois est exploitée (FF 1988 III pp. 157 ss, 172). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un peuplement remplit une fonction sociale lorsqu'en raison de sa structure, de sa nature et de sa configuration, il offre à l'homme une zone de délassement, lorsque, par sa forme, il structure le paysage, lorsqu'il offre une protection contre les influences nuisibles telles que le bruit ou les immissions, lorsqu'il assure des réserves en eau d'un point de vue tant qualitatif que quantitatif, ou encore lorsqu'il procure un milieu vital irremplaçable aux animaux sauvages ainsi qu'aux plantes de l'endroit (arrêt du Tribunal fédéral 1A.225/2005 du 17 octobre 2006 et les références citées).

L'énumération de ces fonctions n'est pas exhaustive et ne reflète pas non plus un ordre de valeur ; la loi ne fixe pas de hiérarchie des fonctions, celle-ci dépend au contraire des conditions concrètes déterminantes pour chaque surface de forêt (Hans-Peter JENNI, Pour que les arbres ne cachent pas la forêt : un guide à travers la nouvelle législation sur les forêts, in cahier de l'environnement, n° 210, OFEFP 1994, ad art. 1 al. 1 LFo, p. 31).

Il suffit généralement que le boisement revête l'une des fonctions forestières pour que lui soit reconnu la valeur qualitative d'une forêt (ATF 124 II 85 consid. 3d/cc ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_118/2019 du 19 juillet 2019 consid. 9 ; 1A.30/2004 du 11 août 2004 consid. 4). Ainsi la seule fonction paysagère peut-elle suffire (arrêts du Tribunal fédéral 1C/517/2022 et 1C_522/2022 du 18 août 2022 consid. 5.2).

2.5 Selon le Tribunal fédéral, en principe, l'autorité forestière compétente pour procéder à une constatation de la nature forestière au sens de l'art. 10 LFo doit se fonder sur la situation effective du terrain au moment où elle statue. Dans certaines circonstances, l'existence d'une forêt peut toutefois être admise malgré l'absence de boisement, en particulier lorsqu'il apparaît qu'un défrichement a eu lieu sans autorisation ; en effet, la suppression du couvert forestier sans autorisation de défricher ne modifie pas le caractère forestier du terrain concerné ; le moment déterminant pour évaluer la nature du boisement n'est alors plus celui de la décision de première instance. L'intérêt à la conservation de la forêt est reconnu de plein droit pour les surfaces d'où la forêt a été éliminée sans autorisation ; celles-ci sont assujetties à l'obligation de reboiser où elle compte et elles continuent ainsi d'appartenir à l'aire forestière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_228/2019 du 29 avril 2020 consid. 2.1.1 et les références citées). Le même raisonnement a été tenu à propos d’un abattage d’arbres autorisé et réalisé postérieurement à la décision de constatation de la nature forestière (arrêts du Tribunal fédéral 1C_517/2021 et 1C_522/2021 précités consid. 3.2).

2.6 La nature forestière est constatée dans le cadre d'une procédure formelle. En application de l'art. 4 LForêts, il appartient à l'inspecteur des forêts de décider si un bien-fonds doit être ou non considéré comme forêt. La procédure est détaillée par le RForêts. Les décisions de constatation de la nature forestière sont publiées dans la FAO et comportent l'indication des délais et voies de recours (art. 9 al. 1 RForêts). Dans cette procédure, la prise de position de la CCDB ne constitue pas un préavis exigé par la loi pour que la décision de constatation de la nature d’un bien-fonds puisse être prise par l’inspecteur cantonal des forêts (art. 3 al. 2 de la loi instituant une commission consultative de la diversité biologique, a contrario - LCCDB - M 5 38).

2.7 En l’espèce, le recourant soutient que les boisés n’auraient pas évolué depuis l’arrêt ATA/355/2005 au point qu’il faudrait les qualifier aujourd’hui de forêts.

L’arrêt précité conclut que c’est à tort que le département a constaté la nature forestière des parcelles nos 927, 7’621 et 7’645. Or, c’était la nature des boisés et non des parcelles qui était contestée, et les boisés ne correspondaient par ailleurs pas exactement aux parcelles. En outre, les recourants, qui n’étaient propriétaires que de la parcelle n° 927, s’étaient vu dénier en première instance la qualité pour recourir s’agissant de la parcelle n° 7’645.

2.7.1 Le recourant soutient que du point de vue quantitatif, la situation n’aurait guère évolué depuis 2005.

Il fait valoir tout d’abord que la largeur du peuplement n° 3 était inférieure à 12 m sur toute sa longueur. Ce fait a été admis par l’intimé lors du transport sur place et ressort par ailleurs clairement des plans que celui-ci a produite. Cela étant, il est sans conséquence sur l’issue du litige que le TAPI ait pu retenir que cette largeur était inférieure à 12 m sur certains points seulement, dès lors que d’autres critères ont été retenus pour la qualification de forêt de ce boisé – lequel n’est par ailleurs pas situé sur la parcelle du recourant.

Le recourant fait valoir ensuite que la densité et les surfaces n’ont pas évolué.

Il reproche au TAPI d’avoir tenu compte d’une hauteur de 15 m alors qu’aucune mesure de hauteur n’avait été effectuée en 2002 lors du constat et en 2003 lors du transport sur place pris en compte dans l’arrêt de 2005. Cette objection n’est toutefois pas fondée, dès lors qu’il est notoire que les arbres croissent avec le temps, et que leur hauteur a très vraisemblablement crû en 20 ans.

Le recourant reproche au TAPI d’avoir retenu que les lisières Ouest et Est avaient évolué et que l’ouverture (clairière) du boisé n° 1 se refermait progressivement. Il est selon lui insoutenable d’affirmer qu’elle aurait presque entièrement disparu.

Il ne peut être suivi. La comparaison d’images aériennes tirées du SITG et datant respectivement de mars 2005 et mars 2020 – soit le même mois de l’année –montrent bien que la clairière sur le bas de la parcelle se referme, que la canopée a augmenté partout son volume et que l’aire occupée a augmenté à l’intérieur et sur les lisières de la parcelle du recourant.

C’est ainsi sans abuser de leur pouvoir d’appréciation que l’OCAN et le TAPI ont successivement retenu qu’il était manifeste que la situation avait évolué entre le constat de 2002 et celui de 2018 et que les critères quantitatifs étaient remplis.

Le grief sera écarté.

2.7.2 Le recourant conteste la présence de critères qualitatifs. Les fonctions protectrice, sociale et économique ne seraient selon lui guère réalisées.

La situation ayant évolué, ainsi qu’il a été vu pour les griefs portant sur l’aspect quantitatif, la négation en 2005 de valeurs qualitatives, comme par exemple la structure paysagère, est sans portée aujourd’hui, la situation déterminante étant, selon la jurisprudence, celle au moment du constat litigieux.

En 2021, l’OCAN a constaté pour le protocole n° 1______, soit le boisé du secteur 1 (parcelle nos 927, 7'621, 7'645, 7'646 et 7'721) qui concerne la partie basse de la parcelle du recourant, une fonction de structure paysagère très importante et celle de biodiversité significative, qu’il s'agissait d'un petit massif forestier rattaché au Bois D______ par une coulisse de gros arbres accompagnée d'un riche sous-bois au Sud et que cette structure forestière était un élément marquant du paysage. Pour le protocole n° 2______, soit le boisé du secteur 2 (parcelles nos 7'621 et 927) qui concerne la partie haute de la parcelle du recourant, il a constaté une fonction de structure paysagère très importante et de biodiversité significative, qu’il s'agissait d'un jeune boisement composé en partie d'espèce indigènes arbustives, que le massif forestier marquait fortement le paysage et était composé d'une lisière de qualité à l'Est.

À cela s’ajoute que le rapport du service de la biodiversité du 20 octobre 2022 a souligné que les boisés créaient une mosaïque de milieux forestiers attractive pour la faune et que plusieurs espèces d’animaux typiques des lisières forestières utilisaient le secteur, ce qui lui conférait une valeur biologique significative.

Quand bien même aucune analyse spécifique concernant la faune et la flore n’aurait été conduite, comme le relève le recourant, il suffit, selon la jurisprudence précitée (arrêts du Tribunal fédéral 1C/517/2022 et 1C_522/2022), pour qualifier un boisé de forêt, qu’un critère qualitatif soit rempli, ce qui est le cas en l’espèce pour les boisés de la parcelle du recourant avec la reconnaissance d’une fonction de structure paysagère qualifiée de très importante.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCAN a qualifié les boisés présents sur la parcelle du recourant de forêts, tant les critères quantitatif que qualitatif étant remplis pour celles-ci.

Le grief sera écarté.

2.8 Le recourant se plaint ensuite de la violation du principe de la bonne foi. L’avant-projet de PDZI prévoyant une tranchée routière sur la parcelle contredirait la volonté de protection affichée par l’État et ferait suspecter une manœuvre visant à réduire le moment venu le coût d’une expropriation.

2.8.1 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). Plus largement, le principe de la bonne foi s'applique lorsque l'administration crée une apparence de droit, sur laquelle l'administré se fonde pour adopter un comportement qu'il considère dès lors comme conforme au droit. Ce principe, qui ne peut avoir qu'une influence limitée dans les matières dominées par le principe de la légalité lorsqu'il entre en conflit avec ce dernier, suppose notamment que celui qui s'en prévaut ait, en se fondant sur les assurances ou le comportement de l'administration, pris des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2013 du 4 novembre 2013 consid. 3.1).

2.8.2 En l’espèce, le PDZI n’est qu’à l’état d’avant-projet – dans sa troisième version.

L’intimé a en outre expliqué qu’il était en suspens dans l’attente de la détermination des emprises définitives du barreau routier F______.

Il a ajouté que c’était précisément après l’abandon du deuxième avant-projet que le processus de détermination de la nature forestière avait été engagé, en lien non seulement avec la troisième version de l’avant-projet de PDZI mais également avec le projet de l’OU de classer en zone de bois et forêts les parcelles sur lesquelles se situaient les surfaces boisées objet de la présente procédure, laquelle affectation requérait une constatation préalable de la nature forestière (art. 10 al. 2 let. a LFo).

Enfin, il a souligné que l’OU avait indiqué que même si la dernière version de l’avant-projet de PDZI devait être modifiée, cela n’aurait aucune conséquence sur les surfaces de forêt, qu’il n’était pas prévu de défricher.

Il ne paraît ainsi pas possible de déterminer en l’état l’emprise future du PDZI sur la parcelle du recourant.

C’est toutefois pour un autre motif que les considérations du recourant sur les tracés routiers envisagés ou le voisinage avec les boisés d’éventuelles constructions futures sont sans pertinence pour l’issue du litige. C’est en effet la situation au moment du constat par le spécialiste qui est déterminante pour la qualification de forêt, et non les projets futurs ou hypothétiques. Dans la dynamique d’aménagement, la qualification de forêt puis l’affectation des parcelles en zone de bois et forêts constituent des préalables, avec toutes les conséquences qui y sont liées, pour reprendre les termes de l’intimé.

C’est ainsi sans qu’il puisse lui être reproché de comportement contradictoire ni de mauvaise foi que l’autorité intimée a conduit la procédure de qualification des zones boisées de la parcelle du recourant.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal PÉTROZ, avocat du recourant, à l'office cantonal de l'agriculture et de la nature, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office fédéral de l’environnement (OFEV).

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :