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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1538/2023

ATA/211/2024 du 13.02.2024 sur JTAPI/934/2023 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;SÉJOUR ILLÉGAL;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.30.al1.letb; LEI.64.al1; LEI.83.al1; OASA.31.al1
Résumé : Recours d'un ressortissant kosovar, né en 1979, qui n’a jamais obtenu d’autorisation de séjour en Suisse. Le recourant ne peut pas se prévaloir d’une intégration sociale exceptionnelle ni d’une ascension professionnelle remarquable. Il a fait l'objet de deux condamnations pénales relatives à un séjour illégal et a en outre reconnu avoir fait de fausses déclarations et avoir produit de faux documents dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour. Son épouse et ses enfants vivent au Kosovo, où il se rend régulièrement. Le refus de l'OCPM de délivrer l'autorisation de séjour requise pour cas de rigueur n'est pas constitutif d'un abus du pouvoir d'appréciation, et le prononcé du renvoi est conforme au droit. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1538/2023-PE ATA/211/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 février 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Martin AHLSTROM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
31 août 2023 (JTAPI/934/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1979, est ressortissant du B______.

b. Le 20 décembre 2011, il a fait l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse, valable jusqu’au 19 décembre 2013.

c. Par ordonnance pénale du 9 novembre 2012, il a été condamné par le Ministère public à une peine de 90 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis de trois ans, pour infraction aux art. 115 al. 1 let. a et b de la de la loi fédérale sur les étrangers du
16 décembre 2005 (LEtr, renommée loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 [LEI - RS 142.20]), au motif qu’il entré et avait séjourné illégalement en Suisse du 1er mai 2009 au 9 novembre 2012.

d. Par ordonnance pénale du 29 mars 2018, il a été condamné par le Ministère public de l’arrondissement de C______ à une peine de 110 jours-amende à
CHF 30.-, avec sursis de trois ans, pour infractions à l’art. 115 LEI (entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation).

e. Par décision du 5 juin 2018, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi avec un délai au 5 juillet 2018 pour quitter la Suisse.

f. Le 4 juillet 2018, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à l’encontre de l’intéressé une interdiction d’entrée en Suisse, valable jusqu’au
3 juillet 2021.

g. Depuis lors, il a sollicité à réitérées reprises des visas de retour afin de rendre visite à sa famille au B______ (demandes des 30 novembre 2018, 12 juillet et
18 novembre 2019, 5 novembre et 4 décembre 2020, 15 février, 18 août et
25 décembre 2021, 5 décembre 2022, 3 avril 2023).

B. a. Par courrier du 14 novembre 2018, A______ a saisi l’OCPM d’une demande de régularisation de ses conditions de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en application du « programme Papyrus ». Dans ce cadre, il a produit divers justificatifs, dont un contrat de travail du 1er mai 2016 et des fiches de salaire pour les mois de mars à décembre 2016.

b. Le 12 février 2019, le SEM a annulé l’interdiction d’entrée en Suisse prononcée le 4 juillet 2018, compte tenu du dépôt de la demande de régularisation.

c. Selon un rapport de police du 7 juin 2022, A______ a été arrêté et mis à disposition du Ministère public pour des infractions aux art. 115 et 118 LEI, pour faux dans les titres, rupture de ban et omission de souscription à une
assurance-maladie obligatoire. L’intéressé a reconnu ces faits, notamment d’avoir trompé les autorités, dont l’OCPM, en fournissant de faux documents dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour.

Il ressort du procès-verbal de son audition qu’il s’était marié au B______ en 2000, avait eu deux enfants avant de venir seul en Suisse pour la première fois en 2004, avait par la suite eu deux autres enfants, dont une fille qui était décédée en 2016. Il n’avait pas d’emploi fixe, mais travaillait sur demande de ses connaissances à Genève. Il n’avait pas quitté la Suisse après son arrestation en 2012 et rentrait en principe dans son pays chaque année pour voir sa famille. Entre 2015 et 2017, il était resté au B______. Lors du dépôt de sa « demande Papyrus », il lui manquait des justificatifs pour l’année 2016 et avait donc dû trouver une solution. Un ressortissant albanais lui avait fourni un faux contrat de travail et de fausses fiches de salaire en échange de travaux de peinture.

d. Par décision du 24 mars 2023, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande d’autorisation de séjour de A______, de soumettre son dossier avec un préavis positif auprès du SEM et a prononcé son renvoi, avec un délai au 24 juin 2023, pour quitter le territoire helvétique et celui des États membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen.

La situation de l’intéressé ne répondait ni aux critères de l’« opération Papyrus », ni à ceux relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Un séjour continu de
dix ans à Genève ou une très longue durée de séjour en Suisse n’étaient pas établis, étant notamment rappelé que A______ avait admis être rentré au B______ durant deux ans entre 2015 et 2017. Par ailleurs, il avait fait l’objet d’une décision de renvoi le 5 juin 2018, d’une interdiction d’entrée en Suisse valable du
4 juillet 2018 au 3 juillet 2021 et d’une condamnation pénale le 29 mars 2018 pour diverses infractions à la LEI. Il avait reconnu avoir fourni de faux documents en vue d’induire les autorités en erreur, comportement qui dénotait un manque de respect manifeste pour l’ordre juridique suisse. Il n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. Il n’avait en effet pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’il ne pourrait envisager un retour au B______, où vivaient toujours son épouse et ses enfants, qu’il revoyait régulièrement et avec lesquels il avait vécu entre 2015 et 2017. Pour le surplus, il n’avait pas démontré l’existence d’obstacles au retour dans son pays d’origine et le dossier ne laissait pas paraître que l’exécution de son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait être raisonnablement exigée.

C. a. Le 4 mai 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il vivait en Suisse depuis 2004 et pouvait dès lors se prévaloir d’une très longue durée de séjour. De plus, il était parfaitement intégré, travaillait dans le domaine du bâtiment et était autonome financièrement. Il parlait parfaitement le français, n’avait jamais recouru à l’aide sociale et son casier judiciaire était vierge, à l’exception d’une condamnation pour infraction à la LEI qui ne pouvait être retenue comme une preuve d’irrespect de l’ordre juridique suisse. Il était ainsi disproportionné de lui refuser une autorisation sur la base de cette condamnation. Enfin, l’OCPM avait abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que son intégration n’était pas remarquable.

Un retour au B______ l’exposerait à des graves difficultés personnelles et financières. Il devrait en effet quitter un logement stable et son emploi, et il lui serait impossible de s’intégrer à nouveau dans son pays où il n’avait gardé ni contact ni attache depuis son arrivée en Suisse. Dans la mesure où il risquait de se retrouver « à la rue » et dans une situation financière précaire, son renvoi engendrerait pour lui une situation de détresse personnelle intense.

b. Le 5 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Par jugement du 31 août 2023, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé avait reconnu être retourné vivre avec sa famille au B______ entre 2015 et 2017 et avoir produit de faux documents à l’OCPM pour justifier sa présence en Suisse durant ses périodes d’absence. Ainsi, à la date du dépôt de sa demande d’autorisation de séjour, il ne pouvait se prévaloir d’un séjour continu de dix ans sur le territoire genevois, de sorte que les critères cumulatifs retenus dans le cadre de l’ « opération Papyrus » n’étaient pas remplis.

Sous l’angle du cas de rigueur, il n’était pas prouvé que l’intéressé était arrivé en Suisse en 2004, son séjour avait été entrecoupé de longues périodes au B______ et il n’avait jamais bénéficié d’un quelconque titre de séjour. Il ne pouvait dès lors tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse, qui devait être fortement relativisée, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission. L’intéressé avait certes subvenu à ses besoins, sans jamais recourir à l’aide sociale. Il ne faisait l’objet d’aucune poursuite, ni d’aucun acte de défaut de biens en Suisse. Il avait exercé diverses activités lucratives durant plusieurs années dans le domaine de la construction, mais son intégration professionnelle ne pouvait être qualifiée d’exceptionnelle. Employé en qualité de manœuvre au salaire horaire de CHF 25.- selon le dernier contrat de travail produit, il n’avait pas fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable, ni acquis des connaissances ou des qualifications spécifiques qu’il ne pourrait mettre en pratique dans sa patrie. Il ne ressortait pas non plus du dossier que l’intéressé aurait noué avec la Suisse des liens dépassant en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu de tout étranger ayant passé un nombre d’années équivalent dans le pays. En outre, il n’avait pas respecté les décisions administrative prises à son encontre et avait reconnu s’être prévalu, à dessein et en toute connaissance de cause, de faux documents dans le cadre de la régularisation de ses conditions de séjour, ce qui dénotait un mépris certain pour l’ordre juridique suisse et ses valeurs. Né au B______, il y avait passé son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d’adulte. Il avait gardé des attaches avec sa patrie, dont il connaissait parfaitement les us et coutumes et où vivaient son épouse et leurs enfants. De graves difficultés de réadaptation et l’impossibilité de retrouver un emploi dans son pays d’origine n’étaient pas établies. Les diverses expériences professionnelles acquises en Suisse et ses connaissances en langue française pourraient constituer des atouts susceptibles de favoriser sa réintégration, étant relevé qu’il était dans la force de l’âge et en bonne santé.

Enfin, aucun élément ne laissait supposer que l’exécution du renvoi de Suisse se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

D. a. Par acte du 3 octobre 2023, A______ a interjeté recours contre le jugement précité, notifié le 4 septembre 2023, auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation, à ce que l’OCPM soumette son dossier avec un préavis positif au SEM et à l’octroi d’une autorisation de séjour.

Les critères relatifs à un cas d’extrême gravité étaient réalisés, pour les motifs déjà évoqués devant le TAPI. Il avait vécu à Genève pendant 17 ans, son parcours professionnel était respectable et son intégration économique excellente. Sa situation financière, et partant professionnelle, était une réussite. Il était disproportionné de lui refuser un titre de séjour au motif que son intégration n’était pas « exceptionnelle ». Un retour au B______ le placerait dans une situation précaire, étant rappelé qu’il avait développé en Suisse tout son réseau professionnel et social. Il n’avait gardé aucune attache et aucun contact au B______, et risquait de s’y retrouver à la rue et dans une situation financière précaire.

b. Le 2 novembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, étant rappelé que le recourant n’avait pas su adopter un comportement respectueux de l’ordre juridique suisse.

c. Le 8 décembre 2023, le recourant a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’autorité intimée, refusant d’accorder au recourant une autorisation de séjour et prononçant son renvoi de Suisse.

3.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEtr, devenue la LEI, et de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du B______.

3.1 Selon l’ancien art. 30 al. 1 let. b LEI (dont la teneur correspond à celle de l’actuel art. 30 al. 1 let. b LEI), il est possible de déroger aux conditions d’admission (art. 18 à 29) dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

Conformément à l’art. 31 al. 1 OASA (dans sa teneur en vigueur jusqu’au
31 décembre 2018), pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant (let. a), du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

3.2 Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/1087/2022 du 1er novembre 2022 consid. 11a ; ATA/1669/2019 du
12 novembre 2019 consid. 7b).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/189/2022 du 22 février 2022 consid. 3d). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200
consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/16/2024 du 9 janvier 2024 consid. 3.2).

3.3 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/16/2024 précité consid. 3.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises
(ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

3.4 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et les références citées).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement et professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 précité consid. 7.2 et 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse, soit une période de sept à huit ans (ATA/1306/2020 du
15 décembre 2020 consid. 5b), une durée de séjour régulier et légal de dix ans permettant de présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). En règle générale, la durée du séjour illégal en Suisse ne peut être prise en considération dans l’examen d’un cas de rigueur car, si tel était le cas, l’obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée
(ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c). Les années passées en Suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance – par exemple en raison de l’effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

L’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

3.5 Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

4.             En l’espèce, le recourant ne conteste pas que les exigences requises pour bénéficier de l’« opération Papyrus » ne sont pas remplies.

S’agissant des conditions permettant de retenir un cas de rigueur, le recourant ne fait pas état de liens affectifs ou amicaux particulièrement forts, ni d’un investissement dans la vie culturelle, associative ou sportive à Genève. Il ne peut dès lors être retenu qu’il aurait fait preuve d’une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d’autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années.

Outre les deux condamnations pénales relatives à l’entrée illégale, au séjour illégal et à l’exercice d’une activité lucrative sans autorisation en Suisse, le recourant a admis avoir donné de fausses informations et produit de faux documents dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour, et avoir omis de souscrire à une assurance-maladie. Ces infractions dénotent un mépris certain pour les institutions du pays et un manque de respect de l’ordre juridique suisse.

Au niveau familial, l’épouse du recourant et leurs trois enfants ont toujours vécu au B______.

Sur les plans financier et professionnel, le recourant n’a jamais bénéficié de l’aide sociale, et il ne fait l’objet d’aucune poursuite ou acte de défaut de biens en Suisse. Cette indépendance économique correspond à ce qui est attendu de tout étranger souhaitant s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. L’activité lucrative qu’il a exercée dans le secteur de la construction n’est pas constitutive d’une ascension professionnelle remarquable et ne l’a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu’il ne pourrait mettre à profit dans son pays d’origine. Elle ne lui permet donc pas de se prévaloir d’une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

Le recourant n’a jamais obtenu d’autorisation de séjour en Suisse. Ce dernier, dont la durée n’est au demeurant pas établie, s’est ainsi déroulé dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance des autorités compétentes.

Enfin, la réintégration du recourant au B______ n’est pas gravement compromise. En effet, il y a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il en maîtrise la langue et connait les us et coutumes. Contrairement à ce qu’il soutient, il entretient des contacts réguliers avec sa famille, comme en attestent ses multiples demandes de visas de retour. Il y a en outre vécu entre 2015 et 2017. Âgé de 44 ans et en bonne santé, il ne devrait donc pas rencontrer de problèmes majeurs de réintégration professionnelle, pouvant au demeurant se prévaloir de son expérience professionnelle acquise en Suisse et de ses connaissances de la langue française.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’autorité intimée, qui a correctement appliqué le droit et n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, a conclu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur n’étaient pas remplies.

5.             Il convient encore d’examiner le bien-fondé du renvoi du recourant.

5.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d’une demande d’autorisation.

Le renvoi d’un étranger en application de l’art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas possible lorsque l’intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.2 En l’occurrence, dès lors qu’elle a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’autorité intimée devait prononcer son renvoi.

Pour le surplus, l’intéressé n’allègue pas que le retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29,
1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de
l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Martin AHLSTROM, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.