Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/157/2023

ATA/225/2024 du 16.02.2024 sur JTAPI/1356/2023 ( ICCIFD ) , SANS OBJET

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/157/2023-ICCIFD ATA/225/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 16 février 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

 



Attendu, en fait, que :

1) A______ est l’associé gérant de la société à responsabilité limitée B______ Sàrl (ci-après : la Sàrl), inscrite en 2008, qui a pour but : « étude, planification et direction de constructions, en Suisse et à l'étranger » et dont il détient l’intégralité des parts. Il est également l’unique administrateur de C______ SA (ci-après : la SA), inscrite en 2020, qui poursuit un but identique à la Sàrl.

2) Il s’est séparé de son épouse en mai 2006 et en a divorcé en avril 2008. Il est en outre père d’un enfant né en 2015.

3) Par lettre recommandée du 22 août 2019, l’administration fiscale cantonale (ci‑après : AFC-GE) a informé le contribuable de l’ouvertures de procédures de rappel et de soustraction d’impôt pour les années 2014 à 2016. Selon le service de la taxation des personnes morales, il avait perçu des prestations appréciables en argent sous forme d’un prêt simulé octroyé par la Sàrl.

4) Le 12 octobre 2021, l’AFC-GE a notifié au précité des bordereaux de rappel d’impôt, ainsi que des bordereaux d’amendes pour des montants totalisant CHF 519'436.-, y compris les intérêts.

5) Le 11 novembre 2021, ces bordereaux ont fait l’objet d’une réclamation, que l’AFC-GE a rejetée, par décision du 17 février 2022. Les prêts que la Sàrl avait octroyés au contribuable étaient fictifs et devaient être requalifiés en distributions dissimulées de bénéfice imposables auprès du précité.

6) Par jugement du 5 mai 2022, entré en force, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable pour cause de tardiveté le recours interjeté par le contribuable contre la décision sur réclamation précitée.

7) Par courrier du 16 juin 2022, le contribuable a adressé à l’AFC-GE une demande de remise d’impôt et sollicité la suspension de la procédure de recouvrement.

8) L’AFC-GE ayant rejeté la requête de remise par décisions du 6 octobre 2022, le contribuable a élevé réclamation contre celles-ci par courrier du 25 octobre 2022.

9) Le 7 novembre 2022, le contribuable s’est vu notifier six commandements de payer portant sur les bordereaux de rappel et d’amendes IFD 2014 à 2016.

10) Par deux décisions sur réclamation du 23 décembre 2022, l’AFC-GE a maintenu ses décisions de refus de remise du 6 octobre 2022. Les distributions dissimulées de bénéfices ne pouvaient pas faire l’objet d’une remise d’impôt. Les pertes de CHF 1'221'000.- subies en bourse sur les bénéfices de la Sàrl, bien que considérables, n’étaient pas considérées par le législateur comme un critère de dénuement. La procédure de remise n’avait pas pour but de remplacer les voies de droit ordinaires, ni de modifier par le biais d’une révision les taxations entrées en force. Enfin, la requête n’apportait aucun fait nouveau propre à modifier la décision de refus du 6 octobre 2022. Les deux décisions précisaient que l’exécution forcée suivrait son cours.

11) Par acte déposé le 17 janvier 2023, le contribuable a interjeté recours auprès du TAPI contre ces deux décisions sur réclamation, concluant principalement à leur annulation et à une remise sur l’ensemble des suppléments d’impôts et des amendes notifiés le 12 octobre 2021, ainsi que sur les intérêts et frais. Préalablement, le contribuable a conclu à ce que l’effet suspensif au recouvrement des créances fiscales soit accordé et à l’annulation des poursuites.

12) Par décision du 20 février 2023, le TAPI a admis la demande d’effet suspensif traitée comme requête de mesures provisionnelles.

L’issue de la procédure de remise n’apparaît pas dénuée de toute chance de succès. En effet, en l’absence de mesures provisionnelles visant à suspendre l’encaissement de la créance fiscale, le paiement de la somme litigieuse l’exposerait à d’importantes difficultés. Il se verrait notamment fortement entravé dans l’assainissement de sa situation financière et le développement de son activité professionnelle. L'intérêt public défendu par l'autorité intimée était certes important, mais il convenait d'écarter une mise en danger grave et imminente qui justifierait le refus de suspendre l’encaissement de la créance fiscale.

13) Par jugement du 4 décembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La conclusion en annulation des poursuites devait être déclarée irrecevable, car le TAPI n’est pas compétent en matière de poursuites pour dettes et de faillites. S'agissant de la remise d'impôts, la fortune investie par le contribuable n’avait cessé de diminuer depuis le mois d’avril 2014. Or, l’intéressé avait continué à investir massivement. Les importants apports de fonds consentis par le contribuable en dépit de la piètre performance de son portefeuille dénotaient de sa part un manque de diligence qui pouvait lui être reproché.

Même si l’on devait admettre que le recourant se trouvait dans le dénuement, il conviendrait de retenir qu’il en portait la responsabilité et l’avait provoqué de manière irréfléchie, de sorte qu’il ne pouvait bénéficier d’une remise d’impôt.

Les autres arguments développés ne pouvaient pas non plus être retenus.

14) Par acte posté le 8 janvier 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation et à une remise sur l’ensemble des suppléments d’impôts et des amendes notifiés le 12 octobre 2021, ainsi que sur les intérêts et frais. Préalablement, le recourant a conclu à ce que l’effet suspensif soit accordé au recours.

Il n'avait pas du tout les moyens de régler les reprises d'impôt et les amendes notifiées le 12 octobre 2021. Selon l'art. 20 al. 2 du règlement concernant la remise en matière d'impôts directs du 8 décembre 2008 (RRID - D 3 18.03), l'AFC-GE pouvait suspendre l'encaissement de la créance fiscale jusqu'au prononcé de la décision octroyant ou refusant la remise. Vu les conséquences d'une saisie des sociétés servant de cadre à son unique activité rémunératrice, il y avait lieu de prononcer la suspension de l'encaissement de la créance fiscale.

15) Le 26 janvier 2024, l'AFC-GE a conclu au rejet de « la requête de suspension de l'instruction du recours » (sic). Les décisions sur réclamation avaient été confirmées par le TAPI, et les chances de succès du recours étaient compromises, le contribuable ayant bénéficié d'avantages appréciables en argent, ce qui résultait d'une procédure déjà entrée en force.

16) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif et d'éventuelles mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice‑président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) Selon la jurisprudence, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d'une prestation ou d'une demande. La fonction de l'effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l'objet du contentieux judiciaire n'existait pas, l'effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d'être mis au bénéfice d'un régime juridique dont il n'a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

4) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles, en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

5) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, 265).

6) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

7) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

8) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

9) En l'espèce, comme déjà explicité par le TAPI dans sa décision sur effet suspensif et mesures provisionnelles, dès lors qu’elles portaient sur un refus, tant au niveau de la remise que sur la suspension de la procédure de recouvrement, les décisions contestées avaient un contenu négatif, si bien que seul l'octroi de mesures provisionnelles est envisageable.

Le recours porte sur un refus de remise, la créance d'impôt étant entrée en force. Les intimées ne donnent pas d'indication permettant de penser que la poursuite de l'exécution forcée de ladite créance soit nécessitée par les circonstances. Or, l'absence d'exécution forcée contribue en l'espèce au maintien de l'état de fait litigieux, si bien que la suspension de l'encaissement de la créance fiscale jusqu'à droit jugé dans la présente procédure sera prononcée à titre de mesure provisionnelle.

10) Le sort des frais sera également réservé jusqu'à droit jugé au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare sans objet la demande de restitution de l’effet suspensif au recours ;

suspend, à titre de mesure provisionnelle, l'encaissement de la créance fiscale jusqu'à droit jugé dans la présente procédure ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à A______ ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale et à l'administration fédérale des contributions.

 

 

Le président :

 

 

 

C. MASCOTTO

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :