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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4065/2022

ATA/173/2024 du 06.02.2024 sur JTAPI/788/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.03.2024, rendu le 19.03.2024, IRRECEVABLE, 2C_154/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4065/2022-PE ATA/173/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Minh Son NGUYEN, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juillet 2023 (JTAPI/788/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1988, est ressortissant tunisien.

b. Il est arrivé en Suisse le 19 février 2009, au bénéfice d’une autorisation de séjour pour études.

Le 19 février 2016, son autorisation a été renouvelée, à titre exceptionnel, jusqu’au 20 septembre 2017 aux fins de terminer ses études.

A______ a obtenu, le 5 septembre 2017, un bachelor en science en ingénierie des technologies de l’information auprès de la Haute École du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (ci-après : HEPIA), qu’il avait commencé le 15 septembre 2014.

Du 20 septembre 2017 au 19 mars 2018, il a bénéficié d’une autorisation de séjour de courte durée à des fins de recherche d’emploi.

Le 7 août 2018, il a obtenu une autorisation de courte durée en qualité de stagiaire, valable jusqu’au 5 août 2019. Il était employé de B______ SA. Une prolongation de six mois lui a été accordée par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) dans le cadre de l’accord entre la Confédération suisse et la République tunisienne relatif à l’échange de jeunes professionnels du 11 juin 2012.

c. Le 30 mars 2022, A______ a obtenu un master en sécurité informatique auprès de l’Université de Genève.

d. Durant son séjour en Suisse, il a participé à des séminaires et accompli plusieurs formations, dont :

-          un cours d’anglais niveau 4 durant le 2e semestre de l’année scolaire 2015-2016 auprès de l’université populaire à Genève ;

-          un cours de 20 périodes auprès de l’IFAGE à Genève en « réseaux PC et dépannage » durant l’exercice 2017 ;

-          le programme « Oxford Blockchain Strategy » auprès de la C______ SCHOOL de l’université d’Oxford entre septembre et décembre 2018 ;

-          un CAS en sécurité informatique auprès de l’université de Genève obtenu le 1er septembre 2019 ;

-          le cours « Autopsy Basics and Hands On » à raison de huit heures, le 13 mai 2020 auprès de l’entreprise D______ ;

-          un cours à raison de onze heures sur « The Ultimate Dark Web, Anonymity, Privacy & Security Course », le 4 août 2020, auprès d’E______ ;

-          une certification «Hacking Éthique ; tests d’intrusion et sécurité Web ».

e. Il a notamment exercé les activités suivantes :

-          en qualité de chargeur auprès de la société F______, en mars 2011 ;

-          en qualité de figurant au sein du Théâtre G______, pour sept productions, entre le 2 juillet 2012 et le 25 mai 2014 ;

-          employé, entre le 8 et le 31 octobre 2012, pour le compte de la société H______ SA ;

-          employé au sein du restaurant I______ en octobre 2016 ;

-          du 15 mars au 17 septembre 2017 à l’office J______ au sein du centre d’information et communication en technologie, en qualité de stagiaire ;

-          en qualité de stagiaire en tant qu’informaticien du 5 août 2018 au 5 février 2019, auprès de B______ SA ;

-          entre 2019 et 2022 il a travaillé en tant que « free-lance » sur la plate-forme « K______ » ; il a réalisé des tests de sécurité/intrusion pour les entreprises à distance ; il a développé une application en réalité augmentée d’ « Escape Room » pour L______ et a gagné en moyenne entre CHF 2'000.- et CHF 2'500.- grâce à ses projets ;

f. Il a rédigé et publié deux ouvrages sous forme de livres numériques : « Les M______ bancaires » et « N______ : Histoire, Analyse et Prévention ».

g. Il a été condamné par le Ministère public de Genève, le 10 mai 2012, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.-, délai d’épreuve trois ans, pour violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 ch. 2 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01).

h. En août 2023, il a créé une « start-up » nommée « GENEVA O______ » spécialisée dans le domaine de la sécurité informatique et donne des cours. Il travaille en parallèle pour P______ en tant que livreur de pizzas pour un revenu supplémentaire d’environ CHF 1’300.- par mois.

B. a. Le 10 mai 2020, alors que son permis était échu depuis le 5 août 2019 et sa demande de renouvellement en cours de traitement, il a sollicité une attestation de séjour en vue de mariage avec Q______, ressortissante roumaine, titulaire d’une autorisation de séjour avec activité lucrative.

Le 28 octobre 2020, l’arrondissement de l’état civil Rive droite du lac a imparti à A______ un délai de 60 jours pour attester de la légalité de son séjour en Suisse.

Le 7 août 2020, l’entreprise R______ SA a déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) en faveur l’intéressé. Le 9 novembre 2020, A______ en a demandé l’annulation, à la suite d’une interpellation de l’OCPM lui indiquant préférer privilégier la procédure au regroupement familial.

Le 9 mars 2021, Q______ a confirmé son intention d’épouser A______.

Le 18 mai 2021, elle a sollicité l’annulation de la procédure préparatoire de mariage ; elle devait regagner son pays d’origine en raison de l’état de santé de sa mère, les démarches pourraient être reprises ultérieurement.

Le 5 juillet 2021, l’arrondissement de l’état civil a classé le dossier sans suite.

b. Le 7 juillet 2021, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d’autorisation de séjour et lui a imparti un délai de 30 jours pour exercer son droit d’être entendu. Dans le délai prolongé, l’intéressé n’y a pas donné suite.

c. Par décision du 26 octobre 2022, l’OCPM a refusé de lui délivrer une autorisation de séjour de courte durée en vue de mariage ainsi qu’une autorisation de séjour pour cas de rigueur et lui a imparti un délai au 30 novembre 2022 pour quitter la Suisse, les États membres de l’union européenne et associés à Schengen.

La demande en vue de mariage avait été annulée suite à la demande de Q______ et partant, le dossier classé par l’arrondissement de l’état civil. Il devait donc être considéré que le mariage n’était plus voulu par les intéressés. A______ ne remplissait pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). La durée de son séjour ne constituait pas un élément déterminant. Elle devait être relativisée en lien avec le nombre d’année passées en Tunisie où il avait vécu jusqu’à l’âge de 20 ans, premières années essentielles pour le développement de sa personnalité. Il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée. Il n’avait pas acquis des connaissances professionnelles ou qualifications spécifiques telles qu’il ne pouvait plus les mettre en pratique en Tunisie. Il avait été admis à des fins de formation et était censé quitté la Suisse à l’issue de celle-ci. Son intégration sociale n’était pas particulièrement poussée et le fait qu’il n’ait pas été condamné pénalement relevait d’un comportement que l’on était en droit d’attendre de toute personne séjournant en Suisse. Enfin, son intégration en Suisse ne revêtait aucun caractère exceptionnel et ses attaches n’étaient pas suffisamment durables et profondes pour qu’il ne puisse pas envisager de retourner dans son pays d’origine où sa réintégration n’était pas fortement compromise. Enfin, son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI.

C. a. Par acte du 26 novembre 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à sa réformation en ce sens qu’il devait être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour à l’année, subsidiairement au bénéfice d’une autorisation de courte durée en vue de la recherche d’emploi.

Le 14 août 2020, l’entreprise R______ SA avait déposé une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative en sa faveur qu’elle avait annulée le 9 novembre 2020. À cette époque, deux demandes d’autorisation de séjour étaient pendantes. Comme celle avec activité lucrative nécessitait un contingent, l’OCPM lui avait recommandé de la retirer, ce qu’il avait fait. Malheureusement, sa fiancée avait demandé l’annulation du mariage le 18 mai 2021. Il disposait d’une solide formation et de connaissances pointues dans le domaine de la sécurité informatique, secteur avec pénurie de main-d’œuvre. Malgré cela, il se heurtait tout le temps au même obstacle. Il se voyait offrir de nombreuses propositions de travail mais recevait in fine des réponses négatives car il ne disposait pas de permis de séjour. Il était membre de l’association S______, faisait partie de la commission d’attribution de la T______, de clubs sportifs et était actif dans le domaine culturel. Il avait pu exercer ses droits politiques sur le plan communal. Autonome financièrement et ne bénéficiant pas de subside d’assurance-maladie, ses extraits de casier judiciaire et du registre des poursuites étaient vierges. Les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI étaient remplies vu la durée légale de son séjour, son parcours de formation remarquable ainsi que son intégration professionnelle, culturelle et sociale. Sa réintégration en Tunisie était impossible. Il avait grandi avec sa mère et son frère cadet à Tunis. Son frère vivait maintenant à Rome et sa mère prenait sa retraite dans son village natal, à 300 km de Tunis. Il vivait en Suisse depuis 14 ans et avait perdu le lien avec ses anciens amis. Les formations accomplies étaient essentiellement orientées vers le marché suisse et n’avaient que peu de chose à voir avec la Tunisie. Subsidiairement, un permis fondé sur l’art. 21 al. 3 LEI contribuerait grandement à l’obtention d’un travail correspondant à ses talents.

À l’appui de son recours, il a produit plusieurs pièces dont un contrat de travail du 5 novembre 2012 avec la société @AR______ pour un mandat concernant de la promotion, un contrat de travail du 2 mai 2020 avec AS______Sàrl pour une activité de livreur accompagné de fiches de salaire pour les mois d’août et septembre 2022 et plusieurs courriels avec des sociétés relatives à des candidatures. Il ressort de ces derniers que le 23 novembre 2022, la banque AT______ lui a confirmé son engagement pour un poste de « O______ Engineer » dès le 1er février 2023. Celui‑ci était subordonné à l’octroi et au maintien du permis de séjour. Le recourant a décliné ce poste, le 9 décembre 2022, par courriel. Il a encore produit quatre attestations de relations témoignant de son intégration sociale ainsi qu’un extrait du site internet du Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) du 7 décembre 2022 sur la pénurie dans les métiers de l’informatique en Suisse.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

La durée du séjour de l’intéressé devait être relativisée dans la mesure où il s’était formé en Suisse afin d’acquérir des connaissances pouvant être mises à profit dans son pays et qu’il devait être conscient de devoir quitter le territoire à la fin de ses études. Les étudiants étrangers ne pouvaient pas obtenir une exemption au nombre maximum fixé par le Conseil fédéral au terme de leur formation, sous réserve de circonstances exceptionnelles, non réalisées en l’espèce. Si la bonne intégration du recourant devait être soulignée, elle ne suffisait pas à réaliser les conditions strictes exigées pour un permis « cas de rigueur ». Il était célibataire, relativement jeune et sans enfant, de sorte qu’il ne devrait pas rencontrer de difficultés insurmontables à son retour dans sa patrie. Enfin, il ne pouvait pas bénéficier d’un titre de séjour de courte durée en vue de trouver un emploi fondé sur l’art. 21 al. 3 LEI, dès lors qu’il en avait déjà bénéficié et que sa durée de validité ne pouvait être prolongée.

c. Dans sa réplique, le recourant a relevé que sa réintégration en Tunisie était impossible. Il n’y avait jamais travaillé. Son réseau social, académique et professionnel était composé de relations nouées en Suisse. En cas de renvoi, il se retrouverait seul à Tunis, ville qu’il avait quittée il y avait presque 15 ans. Sans soutien familial, il ne pourrait certainement pas s’installer et trouver un emploi.

d. Par écriture spontanée, l’intéressé a produit copie des débats du Conseil national du 16 mars 2023 concernant l’admission facilitée pour les étrangers titulaires d’un diplôme d’une haute école suisse. Il lui semblait que la tendance générale consistait à donner un droit de séjour à des étrangers formés dans les hautes écoles suisses en cas de pénurie avérée de personnel qualifié dans certains domaines, ce qui le concernait directement.

e. Dans une duplique, l’OCPM a relevé que si le recourant estimait que son activité lucrative revêtait un intérêt scientifique ou économique prépondérant (art. 21 al. 3 1re phr. LEI), il lui appartenait de déposer une demande en application des art. 18ss LEI, auquel cas le présent recours pourrait être suspendu jusqu’à droit connu sur cette nouvelle requête.

f. Par écriture spontanée du 13 juin 2023, le recourant a expliqué qu’une telle procédure était illusoire. Lorsque les entreprises cherchaient à recruter des spécialistes en cybersécurité, c’était pour répondre à des besoins relativement pressants. Dès lors, elles évitaient de déposer une demande de permis pour un ressortissant d’un pays tiers car la procédure durait plusieurs mois avec un risque de réponse négative. D’ailleurs, lorsque l’entreprise SICLI avait déposé une demande de permis en sa faveur, la directrice du service de la main-d’œuvre étrangère lui avait répondu qu’elle privilégiait le regroupement familial car les autorisations de travail étaient contingentées.

g. Par jugement du 14 juillet 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La décision de l’OCPM du 26 octobre 2022, objet du recours, portait sur une autorisation de séjour en vue de mariage et en matière de cas de rigueur.

La conclusion subsidiaire tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour de courte durée en vue de la recherche d’un emploi après la fin d’une formation au sens de l’art. 21 al. 3 LEI était irrecevable.

C’était à bon droit que l’OCPM avait refusé de délivrer au recourant une autorisation de séjour en vue de mariage, celui-ci n’étant plus d’actualité, ce que le recourant ne contestait pas.

L’OCPM avait correctement appliqué le droit en refusant un permis pour cas de rigueur. Le recourant était arrivé en Suisse âgé de 20 ans. Il séjournait en Suisse depuis quatorze ans, essentiellement pour bénéficier d’une formation en vue d’une insertion professionnelle facilitée dans son pays d’origine. Cette longue durée ne le plaçait pas dans la situation d’une personne ayant depuis très longtemps reconstitué toute son existence en Suisse, tout en ayant perdu tout lien avec son pays d’origine. Dans de telles circonstances, il ne pouvait pas tirer parti de la seule durée de son séjour, qui n’était par ailleurs qu’un élément parmi d’autres à prendre en compte, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.

Il ne pouvait pas se prévaloir d’une excellente intégration socio-professionnelle au sens de la jurisprudence consacrée. Certes, il avait fourni les efforts nécessaires pour obtenir une formation supérieure, travailler en parallèle et obtenir des stages après ses études et était autonome financièrement. Il avait toutefois mis huit ans pour obtenir un bachelor dans une HES-SO, après cinq ans d’études universitaires inachevées. Il n’avait pas trouvé d’activité rémunérée durant la période de six mois où il était au bénéfice d’une autorisation fondée sur l’art. 21 al. 3 LEI alors que son secteur d’activité était en crise. L’intéressé n’avait pas travaillé après la fin de son stage auprès de B______ le 5 février 2019, hormis quelques mois en qualité de livreur de pizzas. Son intégration économique devait être considérée comme ordinaire, étant noté que son intégration professionnelle dans sa globalité ne pouvait être qualifiée d’exceptionnelle. Ses allégations quant à ses nombreuses propositions de travail non concrétisées pour cause d’absence de permis de séjour n’y changeaient rien. Les documents produits ne prouvaient en rien qu’il n’aurait pas été retenu ou aurait renoncé à un engagement, faute de permis. Il ressortait des échanges de courriels que c’était lui qui aurait décliné l’offre de la banque AT______ et non le contraire. Son engagement auprès de cet établissement étant subordonné à l’octroi et au maintien du permis de séjour, on comprenait mal pour quelles raisons son futur employeur n’aurait pas pu déposer une demande de permis de séjour en sa faveur en vue de l’exercice d’une activité lucrative au sens des art. 11 et 40 al. 2 LEI.

Son retour dans son pays natal n’entraînerait pas de conséquence particulièrement rigoureuse. Il disposait d’une solide formation et de connaissances pointues en cybersécurité, domaine utile en Tunisie également. Il pourrait utiliser les connaissances spécifiques acquises en Suisse pour obtenir plus aisément une activité intéressante et bien rémunérée en Tunisie.

Il en allait de même de son intégration sociale qui, même si elle pouvait être qualifiée de moyenne (et non bonne en raison de sa condamnation pénale), ne revêtait pas non plus le caractère exceptionnel défini par la jurisprudence. Il ne semblait pas qu’il se soit investi dans la vie sociale et associative genevoise ou qu’il ait noué, d’une autre façon, des attaches profondes avec la Suisse qui justifieraient la poursuite de son séjour.

Le recourant avait vécu en Tunisie jusqu’à l’âge de 20 ans. Sa mère y vivait, même si elle n’était plus à Tunis. Il pourrait renouer avec ses anciennes amitiés. Son état de santé était bon. Enfin, il ne pouvait ignorer qu’à l’issue de sa formation il devait quitter le territoire helvétique.

Les débats du Conseil national du 16 mars 2023, en soi non définitifs, ne sauraient servir à l’examen de la présente cause sauf à violer le principe de la non‑rétroactivité des lois découlant du principe de la prévisibilité et de la sécurité du droit.

D. a. Par acte du 13 septembre 2023, A______ a interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Il avait eu de nombreux entretiens avec des banques (telles que AJ______, CRÉDIT AK______ ou AL______ BANK) pour travailler comme ingénieur/expert en sécurité informatique, AM______, « The Global Fund », le Haut-Commissariat des droits de l’Homme, des entreprises de négoce international telles que AN______, des cabinets d’audit financier à l’instar de AO______ et AP______, ainsi que des institutions comme l’EPFL ou l’IMD en vue d’un emploi. Cela n’avait pas pu se concrétiser pour des questions de permis. Il travaillait en « free-lance » dans la sécurité informatique depuis une année. Il avait une promesse d’embauche comme plongeur/casserolier auprès de l’établissement LES AQ______ à Genève. Son objectif consistait à trouver un travail en Suisse correspondant à ses qualifications. Il était membre depuis le 20 janvier 2022 de l’association S______ (ci‑après : S______), avait fait partie de la commission d’attribution de la T______ en qualité de bénévole entre 2015-2020, était membre de SWISS U______, faisait partie de clubs sportifs de boxe et de fitness, avait participé au « Samaritain Marathon » de Genève de 2023, œuvré comme bénévole pour V______, faisait partie de plusieurs groupes sur « W______ », par exemple le GENEVA X______, avait fait des dons à LE Y______ dont il était membre. Il était également actif dans le domaine culturel : dès 2012 il avait été figurant à plusieurs occasions dans les pièces jouées au Théâtre G______ de Genève ; en 2014 il avait joué dans le « clip » de la chanson « AC______ » de Z______ ; en 2016 il avait tenu le rôle principal dans un court‑métrage d’AA______ produit par AB______ ; en 2017 il avait eu un rôle dans le court-métrage « AD______ » réalisé par AE______, produits par la RTS et l’école cantonale d’art de Lausanne.

AF______ attestait avoir connu l’intéressé en collocation. Il était serviable, ouvert d’esprit et cultivé. Elle avait collaboré sur deux projets professionnels de « start-up » dans le domaine des technologies de l’information (ci-après : IT) et de l’éducation. A______ avait un esprit d’initiative et un sens développé de la coopération et de la collaboration qui avait positivement servi au développement de ces projets. AG______ avait connu l’intéressé grâce à la coopérative la T______. Ils avaient été colocataires entre 2015 et 2020. Il vantait son sens du partage, sa tolérance, sa capacité à s’intégrer et l’aide qu’il lui avait apportée lors de problèmes informatiques. AH______ l’avait connu lors d’un événement réalisé par l’association de la communauté tunisienne en Suisse. Il était sociable et impliqué dans la vie culturelle genevoise. Il avait aidé l’association à organiser une soirée cinéma. AI______ citoyen suisse, frère de la prénommée, confirmait que l’intéressé était un « bon modèle d’intégration ».

Il avait pu participer à plusieurs votations communales et était donc considéré comme bien intégré.

Sa mère était rentrée vivre dans son village natal en Tunisie au moment de sa retraite. La situation politique y était difficile. L’économie était exsangue et les salaires très bas. La Tunisie avait trop d’ingénieurs informatiques alors que la Suisse était en situation de pénurie. Son frère séjournait en Italie pour études.

Son casier judiciaire était vierge. Il était autonome financièrement et ne bénéficiait pas du subside assurance-maladie.

Les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur étaient remplies. Il avait passé 14 ans en Suisse, soit une très longue durée. Son séjour avait été autorisé jusqu’au mois de mars 2020 date à laquelle il bénéficiait d’un permis B. Son parcours de formation était tout à fait remarquable avec l’obtention d’un Bachelor et d’un Master dans le domaine de la sécurité informatique. Sa réussite devait être qualifiée, à bien des égards, d’exceptionnelle. Il avait su s’intégrer professionnellement et, tout en accordant une priorité aux activités qui correspondaient à ses qualifications, ne rechignaient pas à exercer d’autres activités. Il était de même intégré culturellement et socialement. C’était à tort que l’autorité intimée avait retenu à son encontre une infraction pénale : les faits remontaient à 2012 ; à l’époque, il circulait en vélo et avait heurté une personne âgée en perdant le contrôle de son véhicule sur une chaussée humide ; il avait rendu visite à la victime, à l’hôpital puis à domicile pour l’aider à surmonter les séquelles de l’accident ; sa réintégration en Tunisie était impossible. Il n’avait plus aucun membre de sa famille à Tunis. Les formations accomplies en Suisse étaient essentiellement orientées vers le marché local et n’avaient que peu de choses à voir avec la Tunisie. Il n’avait jamais travaillé dans une entreprise tunisienne mais avait œuvré quatre ans à Genève dans le domaine de l’informatique.

Subsidiairement il invoquait l’art. 21 al. 3 LEI, selon lequel une personne qui avait accompli avec succès une formation au sein d’une haute école pouvait être mise au bénéfice d’une autorisation de six mois pour chercher un emploi.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. L’intéressé, venu en Suisse à des fins de formation, était censé quitter le territoire à l’issue de celle-ci.

c. Dans sa réplique le recourant a relevé qu’à la fin du mois d’août 2023 il avait créé sa « start-up », spécialisée dans le domaine de la sécurité informatique. Il offrait plusieurs services liés à la sécurité informatique tels que des formations de sensibilisation et des tests d’intrusion pour les entreprises. En deux mois, depuis le 1er septembre 2023, il avait déjà dispensé 22 cours et acquis un revenu de l’ordre de CHF 8'700.-. Il joignait plusieurs photos prises lors de formations et plusieurs pièces concernant sa « start-up » (contrat de domiciliation, capture du site Web, capture des pages « LinkedIn » et « Facebook » et factures de location de salles de cours).

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Par écriture spontanée du 9 janvier 2024, le recourant a relevé que le responsable de la formation du Master en sécurité de l’information à l’université de Genève avait assisté à son cours ; il l’avait approché aux fins qu’il intervienne dans la formation dudit Master. Sa réussite était exceptionnelle de par les connaissances qu’il avait acquises. Un départ du territoire priverait la Suisse d’une personne compétente qui disposait de solides atouts dans le domaine de la sécurité informatique. Il joignait un lot de photos et l’échange de courriels avec le responsable de la formation du Master précité.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la décision de l’OCPM du 26 octobre 2022 refusant de délivrer une autorisation de séjour de courte durée en vue de mariage ainsi qu’une autorisation de séjour pour cas de rigueur au recourant et lui impartissant un délai pour quitter la Suisse.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l’OASA. Conformément à l’art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.2 La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Tunisie.

2.3 L’art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d’admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

2.4 L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.10).

2.5 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

2.6 L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/887/2023 du 22 août 2023 consid. 4.3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATF 139 II 393 consid. 6 ; 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2022 du 11 juillet 2023 consid. 6.2).

La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

2.7 Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATAF 2020 VII/2 consid. 8.5).

2.8 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse pour admettre un cas de rigueur (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du TAF 
C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, développée sous l’empire de l’ancien droit mais toujours applicable, de manière générale, le « permis humanitaire » n’est pas destiné à permettre aux étudiants étrangers arrivant au terme de leurs études de rester en Suisse jusqu’à ce qu’ils remplissent les conditions pour déposer une demande de naturalisation. Par ailleurs, les « considérations de politique générale » prévues par l’art. 13 let. f de l’ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (aOLE) ne visaient certainement pas le cas des étudiants étrangers accueillis en Suisse pour qu’ils y acquièrent une bonne formation et la mettent ensuite au service de leur pays. Ainsi, vu la nature de leur autorisation de séjour limitée dans le temps et liée à un but déterminé, les étudiants ne peuvent pas obtenir un titre de séjour en Suisse après la fin de leurs études, ni compter en obtenir un. En principe, les autorités compétentes ne violent donc pas le droit fédéral lorsqu’elles refusent d’accorder une autorisation de séjour pour cas de rigueur à un étranger qui a terminé ses études en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.317/2006 du 16 août 2006 consid. 3 et la jurisprudence citée ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 ; arrêt du TAF C-5465/2008 du 18 janvier 2010 consid. 6.3 ; ATA/783/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

Il s’ensuit que la durée du séjour accompli en Suisse à la faveur d’un permis d’élève ou d’étudiant n’est pas déterminante pour la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité. Les ressortissants étrangers séjournant en Suisse à ce titre ne peuvent donc en principe pas obtenir une exemption des nombres maximums fixés par le Conseil fédéral au terme de leur formation, respectivement à l’échéance de l’autorisation – d’emblée limitée dans le temps – qui leur avait été délivrée dans ce but précis, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (ATAF 2007/45 consid. 4.4 in fine ; arrêt du TAF C-5465/2008 précité ; C-4646/2008 du 15 septembre 2010 consid 5.3).

2.9 S’agissant de l’intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu’elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l’arrêt cité).

2.10 En l’espèce, le recourant ne conteste pas que son mariage n’est plus d’actualité.

À juste titre, le TAPI a retenu que la requête en application de l’art. 21 al. 3 LEI ne faisait pas partie de l’objet du litige et que cette conclusion n’était pas recevable.

Il est arrivé en Suisse le 19 février 2009 afin d’y effectuer des études. Jusqu’au 20 septembre 2017 il a bénéficié de renouvellement de son permis de courte durée aux fins qu’il puisse terminer ses études. Il a ainsi obtenu un Bachelor en sciences en ingénierie des technologies de l’information. Il ne peut dès lors se prévaloir de ces années pour plaider la longue durée de son séjour en Suisse.

Par la suite, de septembre 2017 à février 2020, il a bénéficié, pendant les six premiers mois, de l’autorisation de séjour de courte durée à des fins de recherche d’emploi puis d’un emploi en qualité de stagiaire dans le cadre de l’accord entre la Confédération suisse et la République tunisienne relatif à l’échange de jeunes professionnels.

Depuis février 2020, il réside sur le territoire au bénéfice d’une seule tolérance des autorités. Si certes il a en conséquence vécu sur le territoire helvétique depuis 2009, il ne peut se prévaloir d’une longue durée de son séjour au sens de l’art. 31 OASA, celui-ci ayant été effectué au bénéfice de permis de courte durée puis d’une simple tolérance.

Le recourant fait valoir son excellente intégration. Il est établi qu’il parle et écrit parfaitement le français, qu’il a toujours travaillé et a été indépendant financièrement. Il n’a par ailleurs pas de dettes, ne fait pas l’objet de poursuites, n’a jamais émargé à l’aide sociale et présente un casier judiciaire vierge. Cela étant, l’indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s’établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément est à mettre au crédit de l’intéressé, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Il a mis à profit son séjour en Suisse pour obtenir un Master en sécurité informatique en mars 2022. Depuis quelques mois, il a créé sa propre « start-up » qui développe les activités consistant notamment à effectuer de la formation en sécurité informatique. Il allègue, sans toutefois le démontrer, avoir obtenu CHF 8'700.- de revenus en septembre et octobre 2023. Il n’allègue toutefois pas ne plus avoir besoin de travailler en qualité de livreur de pizzas. Si certes des discussions ont été entamées dans l’éventualité qu’il dispense un cours à l’université, ce seul élément ne permet pas de conclure à une ascension professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

Il met en avant son engagement associatif. Sous réserve de quelques engagements bénévoles (T______, V______, participation au « Samaritain Marathon » de Genève en 2023), il est uniquement membre d’associations (S______ ; SWISS U______, participation sur plusieurs groupes sur « W______ », par exemple le GENEVA X______, Y______). Il a fait partie de clubs sportifs de boxe et de « fitness », ce dernier n’impliquant pas forcément une grande intégration. Son abonnement fait état de trois mois en 2021, et trois mois dès juin 2023. Il a été actif dans le domaine culturel et a cité trois évènements auxquels il a participé entre 2014 et 2017. Il allègue avoir été figurant dès 2012 dans les pièces jouées au Théâtre G______ de Genève.

Il produit trois témoignages écrits de soutien, d’amis voire d’anciens colocataires qui soulignent son engagement, sa sociabilité, son dévouement, son enthousiasme ses compétences dans son domaine d’activité. Le recourant ne fait pas valoir de relation sentimentale ni d’autres liens de famille en Suisse. En conséquence, son intégration, bien que devant être considérée comme bonne, ne présente pas le caractère exceptionnel requis pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité.

En ce qui concerne le manque de main d’œuvre dans le domaine de la sécurité informatique en Suisse et le fait qu’il serait difficile de trouver des personnes qualifiées dans ce domaine, il y a lieu de relever que la question de savoir si l’intéressé exercerait effectivement une activité à ce point demandée ne peut pas être jugée dans le cadre de la présente procédure. Cette question devrait être examinée dans le cadre d’une procédure ordinaire d’autorisation par devant les autorités cantonales du marché du travail (art. 40 LEI) en relation avec les art. 83 et 88 OASA). À ce stade, le recourant ne peut se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable justifiant d’admettre l’existence d’un cas de rigueur, se limitant à alléguer avoir eu divers entretiens avec de potentiels employeurs, freinés par son absence de permis. Or, d’une part il ne démontre pas ces faits, notamment l’intérêt poussé desdites entreprises pour son profil. D’autre part, il a obtenu une autorisation de travailler en qualité de livreur de pizzas et l’on peine à comprendre les raisons pour lesquelles il n’aurait pas pu en obtenir une dans le domaine de la cybersécurité, le seul argument de l’urgence de l’intervention n’étant ni démontré ni suffisant.

Le recourant soutient que les connaissances et la formation qu’il a acquises ne pourraient être exploitées qu’en Suisse et certainement pas en Tunisie, où ses chances de réintégration seraient « nulles ». Il ne peut être suivi. Le recourant possède des connaissances et une expérience de valeur qu’il pourra mettre à profit en Tunisie, par exemple dans le milieu académique, dans la fonction publique ou dans le conseil aux entreprises. Son projet de formations en sécurité informatique intéresse pareillement tous les pays, est fondé sur des outils informatiques accessibles partout et rien n’indique qu’il ne pourra pas être réalisé en Tunisie.

La Suisse a par ailleurs précisément autorisé son séjour, en l’occurrence long, puisqu’il a duré près de dix années, aux fins de formation, à savoir à la condition que l’intéressé retourne dans son pays d’origine pour y mettre en valeur les connaissances acquises en Suisse.

Le recourant expose qu’il n’aurait plus aucun lien familial ou amical en Tunisie. Or, il est aujourd’hui âgé de 35 ans. Il a quitté la Tunisie à l’âge de 21 ans, et y a donc vécu toute son enfance, son adolescence et le début de l’âge adulte, soit des périodes essentielles pour la formation de la personnalité. Il maîtrise la langue et la culture de son pays d’origine. Il ne soutient pas que sa santé ne serait pas bonne. Il est encore jeune, n’est pas marié et n’a ni attaches ni charges de famille. Sa réintégration n’ira certes pas sans difficulté. Sa mère est retournée vivre en Tunisie quand bien même elle ne s’est pas établie dans la capitale. Il pourra ainsi trouver auprès de sa parenté un appui en vue de sa réinstallation en Tunisie, étant rappelé qu’il reviendrait pourvu de diplômes et d’une riche expérience. Ainsi, quand bien même elle ne sera pas simple, la réintégration du recourant ne se heurtera pas à des obstacles insurmontables.

Il sera enfin précisé que lors des débats de la session d’hiver 2023 aux chambres fédérales, le Conseil national a adhéré à la proposition du Conseil des États et a, le 19 décembre 2023, renvoyé au Conseil fédéral le projet de modification de la LEI concernant une admission facilitée pour les étrangers titulaires d’un diplôme d’une haute école suisse. Le recourant ne peut en conséquence en déduire aucun droit.

Le refus d’accorder au recourant une autorisation de séjour ne viole ainsi pas la loi ni ne consacre d’abus du pouvoir d’appréciation de l’OCPM.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Reste à examiner la conformité au droit du renvoi qui a été prononcé.

3.1 Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l’autorisation est refusée, révoquée ou qui n’est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d’un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

3.2 Le renvoi d’une personne étrangère ne peut être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L’exécution n’est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d’origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n’est pas licite lorsqu’elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

3.3 En l’espèce, le recourant ne soutient pas que son renvoi serait impossible, illicite ou inexigible, et les éléments figurant au dossier ne laissent pas apparaître que tel serait le cas, si bien que le prononcé du renvoi ne prête pas le flanc à la critique.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2023 par A______contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Minh Son NGUYEN, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, juge, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.