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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1174/2023

ATA/179/2024 du 06.02.2024 sur JTAPI/890/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1174/2023-PE ATA/179/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 février 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 août 2023 (JTAPI/890/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1983, est ressortissant du B______.

b. Le 26 avril 2018, il a déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'attestation en vue de son mariage avec une ressortissante C______, D______, née le ______ 1981.

c. Le 17 juillet 2018, il a célébré son mariage à Genève avec D______. Il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour UE/AELE au titre du regroupement familial.

d. Le 19 août 2020, à l'occasion d'un contrôle au domicile enregistré du couple, un collaborateur de l'OCPM a rencontré D______, laquelle a déclaré être séparée de fait de son mari et que ce dernier avait quitté le domicile conjugal six mois auparavant. Il serait ensuite revenu, puis reparti depuis deux mois. Une procédure de divorce était en cours depuis septembre 2019.

e. Le 7 juillet 2021, D______ a déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale (ci-après : MPUC) auprès du Tribunal de première instance (ci-après : TPI).

f. Le 30 août 2022, une audience de comparution personnelle entre D______ et A______ s'est tenue par devant le TPI. Celle‑ci a notamment déclaré que son époux avait quitté le domicile conjugal le 2 mai 2021.

g. Le 25 janvier 2023, l'OCPM a informé A______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour, de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour en vertu de l'art. 50 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de prononcer son renvoi.

h. Le 16 février 2023, A______ s’est déterminé.

i. Par décision du 28 février 2023, l'OCPM a révoqué l'autorisation de séjour EU/AELE de A______, refusé de lui délivrer une autorisation de séjour en vertu de l'art. 50 al. 1 LEI et prononcé son renvoi de Suisse.

Les époux ne vivaient plus en ménage commun, du moins depuis le mois de septembre 2019, et une procédure de divorce avait été entamée. Même si, selon les déclarations de D______, A______ serait revenu dans le courant du mois de février 2020 au domicile conjugal et serait reparti en juin 2020, il n'en demeurait pas moins que l'union conjugale s'était vidée de sa substance dans la deuxième partie de l'année 2019, précisément depuis septembre 2019.

Même si son épouse avait déclaré lors de l'audience de comparution du 30 août 2022 que A______ avait quitté le domicile conjugal le 2 mai 2021, il n'en demeurait pas moins que la vie commune des deux parties, en tant que mariés, avait duré moins de trois ans et que l'union conjugale n'était plus maintenue.

Dans ces circonstances, son intégration n'avait pas à être analysée, dès lors qu'il ne remplissait pas la condition d'une vie commune de trois ans au sens de l'art. 50 al. 1 let. a LEI. En outre, il n'existait aucune raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI.

Les éléments du dossier ne permettaient pas d'admettre l'existence d'un cas de rigueur, notamment en raison de la courte durée de son séjour effectué en Suisse et du manque d'attaches exceptionnelles avec la Suisse, et du fait que sa réintégration au B______ n'était pas compromise. Il ne se trouvait pas dans une situation de détresse personnelle. Bien qu'il eut démontré une volonté de prendre part à la vie économique, cet élément n'était pas déterminant à lui seul. Il maîtrisait la langue et la culture de son pays d'origine. Étant relativement jeune, on pouvait admettre qu'il pourrait trouver des ressources et déployer les efforts nécessaires à son retour.

Le dossier ne faisait pas apparaître que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

B. a. Par acte du 31 mars 2023, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour. À titre préalable, sa comparution personnelle ainsi que celle de D______ devaient être ordonnées.

Le droit de séjour ne s'éteignait pas en cas de séparation, même durable, des époux. Il perdurait aussi longtemps que le mariage n'était pas dissous juridiquement. Une procédure en MPUC était toujours en cours et celle de divorce n'était pas encore entamée. La durée de la vie conjugale était supérieure à trois ans et la relation n'était pas vidée de sa substance depuis 2019. L'OCPM aurait dû examiner son intégration et prendre en compte sa situation médicale, cause de la baisse de son revenu et de l'existence de ses dettes. La décision querellée était disproportionnée.

Bien qu'il disposât de quelques membres de sa famille au B______, il était ancré en Suisse. Il ne connaissait plus son pays d'origine. Sa situation médicale avait causé une incapacité de travail et une réduction de ses revenus, puisqu'il était indépendant et avait fondé sa société E______. Son état de santé ne lui permettait pas de quitter la Suisse et il devait, à tout le moins, être admis provisoirement.

Il produisait le procès-verbal d'audience devant le TPI du 30 août 2022, la requête en MPUC de D______ ainsi que divers documents médicaux, notamment des ordonnances et des certificats indiquant une période d'arrêt maladie en raison d'une péricardite et d'une pneumonie rétrocardiaque, avec une reprise totale prévue pour le 16 juin 2022 selon l'évolution clinique.

b. Le 5 juin 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 19 juin 2023, A______ a persisté dans ses conclusions, rappelant que la séparation avait été actée et approuvée par les parties dès son départ du domicile conjugal le 2 mai 2021.

d. Le 6 juillet 2023, l'OCPM a persisté dans ses conclusions.

e. Par jugement du 22 août 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La vie commune durant le mariage avait duré moins de trois ans. A______ n’alléguait pas avoir fait l’objet de violences conjugales ni que son mariage aurait été conclu en violation de sa libre volonté. Son départ de Suisse ne constituerait pas un déracinement et sa réintégration au B______ n’était pas compromise. Son renvoi était licite, possible et pouvait raisonnablement être exigé.

C. a. Par acte remis au greffe le 25 septembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au renouvellement de son titre de séjour. Subsidiairement, la cause devait être retournée à l’OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, son audition et celle de D______ devaient être ordonnées et un délai supplémentaire devait lui être octroyé pour compléter son recours.

Devant le juge chargé de la requête de MPUC, D______ avait déclaré le 30 août 2022 qu’il avait quitté le domicile conjugal le 2 mai 2021. Le couple avait en outre cohabité depuis 2016 avant de se marier. Il avait rencontré des problèmes cardiaques qui l’avaient empêché de travailler et qui expliquaient les poursuites dont il faisait l’objet.

Les faits avaient été constatés de manière manifestement inexacte. Son mariage n’était toujours pas dissous. Il avait vécu cinq ans avec D______. Son mariage ne s’était pas vidé de sa substance, ainsi que le démontraient les pièces et l’établirait leur audition.

Pour l’examen de son intégration, il fallait tenir compte des problèmes médicaux, qui avaient causé la baisse de son revenu et des poursuites. Il prenait autant qu’il pouvait une part active dans la vie économique genevoise en exerçant une activité indépendante.

La décision violait le principe de proportionnalité.

Son renvoi ne pouvait être exigé, sa situation médicale ne lui permettant pas de quitter la Suisse.

b. Le 16 octobre 2023, le recourant a indiqué qu’il complèterait son recours dans le cadre de sa réplique.

c. Le 16 novembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

d. Le 18 décembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

On ne pouvait lui reprocher les quelques mois de retard pris par les autorités pour finaliser sa procédure de mariage, alors qu’il faisait déjà vie commune avec D______.

En raison de ses problèmes de santé, il s’était résolu à trouver un emploi salarié.

e. Le 20 décembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut préalablement à son audition et à celle de son épouse.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion de s’exprimer par écrit et de produire toute pièce utile devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans. Il n’expose pas quels éléments utiles pour trancher le sort de la cause, qu’il n’aurait pu produire par écrit, son audition serait susceptible d’apporter. Quant au témoignage de son épouse, il n’apparaît pas nécessaire, les éléments au dossier, et en particulier ses déclarations à l’investigateur de l’OCPM, étant suffisants pour établir les faits et décider du sort du recours.

Il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

3.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de renouveler l’autorisation de séjour du recourant, sur son refus de délivrer à ce dernier une autorisation de séjour en vertu de l'art. 50 al. 1 LEI et sur sa décision d’ordonner le renvoi du recourant de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, en cas de révocation, le nouveau droit matériel s'applique à la cause lorsque l'autorité de migration a informé l'administré de son intention de révoquer son autorisation de séjour après le 1er janvier 2019 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2021 du 30 septembre 2021 consid. 3). En l’espèce, l’OCPM a annoncé son intention le 25 janvier 2023, de sorte que le nouveau droit s’applique.

3.2 Selon l'art. 50 al. 1 LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 (membres étrangers de la famille d’un ressortissant suisse) et 43 (conjoint et enfants étrangers du titulaire d’une autorisation d’établissement) subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis (let. a), ou lorsque la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures (let. b).

La limite légale de trois ans se calcule en fonction de la durée pendant laquelle les époux ont fait ménage commun en Suisse (ATF 136 II 113 consid. 3.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1), soit depuis la date du mariage, à condition que la cohabitation ait lieu en Suisse, jusqu'à ce que les époux cessent d'habiter sous le même toit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2010 du 24 novembre 2010 consid. 3.1 ; 2C_195/2010 du 23 juin 2010 consid. 5.1).

Il n'est pas nécessaire d'examiner la condition de la réussite de l'intégration lorsque l'union conjugale a duré moins de trois ans, les deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4 ; ATA/1091/2018 du 16 octobre 2018 consid. 5a).

3.3 Outre les hypothèses retenues à l'art. 50 al. 1 let. a LEI, le droit au renouvellement de l'autorisation de séjour existe également si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (art. 50 al. 1 let. b LEI). Les raisons personnelles majeures visées à l'al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI).

Lors de l'examen des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA peuvent entrer en ligne de compte, même si, considérés individuellement, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6b et l'arrêt cité).

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er mars 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Cst. (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

S'agissant de la réintégration sociale dans le pays d'origine, l'art. 50 al. 2 LEI exige qu'elle soit fortement compromise. La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1188/2012 du 17 avril 2013 consid. 4.1).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

3.4 En l’espèce, le recourant fait valoir qu’il aurait cohabité avec son épouse depuis 2016. Il y a lieu d’observer à ce propos que selon le courrier adressé par son épouse à l’OCPM le 24 avril 2018, il l’avait rencontrée en janvier 2017 et l’avait ensuite revue plusieurs fois par semaine avant de « sortir ensemble » et de décider de l’épouser en mars 2018 – ce qui contredit une cohabitation dès 2016. Quoi qu’il en soit, selon la jurisprudence susmentionnée, ce n’est que depuis la célébration du mariage, soit le 17 juillet 2018, que la cohabitation est prise en compte pour le calcul de la durée de la vie commune.

Le recourant fait ensuite valoir que la demande de MPUC a été formée par son épouse le 7 juillet 2021 et évoque une séparation le 2 mai 2021, pour en inférer que le mariage n’était pas vidé de sa substance jusqu’en 2021. Cependant, selon les déclarations de son épouse à l’enquêteur de l’OCPM le 11 août 2020, figurant au rapport du 19 août 2020, il avait quitté le domicile conjugal six mois auparavant, avant de revenir et de repartir deux mois auparavant, et une procédure de divorce était en cours depuis septembre 2019. Il ressort donc des premières déclarations de son épouse que le recourant aurait déjà quitté le domicile conjugal en février 2020, puis à nouveau en juin 2020. Il ressort en outre du dossier de l’OCPM qu’une étude d’avocats agissant pour le compte de son épouse avait demandé le 7 décembre 2020 la nouvelle adresse du recourant, indiquant que celle-ci devait être produite avant le 11 décembre 2020 au TPI. L’OCPM avait répondu le 22 décembre 2020 que le recourant était sans adresse connue. Enfin, le recourant lui-même a déclaré lors de son audition par le juge civil le 30 août 2022 qu’il vivait à Vernier depuis fin août 2021, et qu’il vivait auparavant chez des amis. Il ressort de ce qui précède que la vie commune a selon toute vraisemblance pris fin une première fois en tout cas durant l’année 2020, et au plus tard, de manière définitive cette fois, le 2 mai 2021, selon les déclarations les plus récentes des époux. Ainsi, en toute hypothèse, la vie commune durant le mariage a duré moins de trois ans (17 juillet 2018 - 2 mai 2021), ce qui suffit pour que la première condition de l'art. 50 al. 1 let. a LEI fasse défaut.

Les deux conditions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI étant cumulatives, il n’y a pas lieu d'examiner la condition de la réussite de l'intégration.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour du recourant.

3.5 Il reste à examiner si, selon l'art. 50 al. 1 let. b LEI, la poursuite du séjour du recourant en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures.

Le recourant ne soutient pas qu’il aurait subi des violences conjugales ni qu’il aurait contracté mariage sous la contrainte.

Âgé de 40 ans, il est encore jeune et sans enfants.

Il est arrivé en Suisse en 2017 au plus tard, selon les déclarations de son épouse, et ne soutient pas qu’il n’aurait pas vécu au B______ jusque-là. La durée de son séjour en Suisse ne peut être qualifiée de longue. Il a longtemps travaillé et assuré son indépendance, et il a créé une société pour travailler en qualité d’indépendant dans le domaine de la construction. Cette activité ne saurait toutefois être qualifiée d’intégration professionnelle exceptionnelle. Il ne soutient pas s’être investi dans la vie culturelle, associative ou sportive. Il n’émarge pas à l’assistance publique mais indique faire l’objet de poursuites pour dettes. Lors de son audition devant le juge civil, un interprète albanophone était présent. Il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. Quoi qu’il en soit, son degré d’intégration en Suisse n’est pas déterminant en l’espèce.

Il connaît la langue et la culture de son pays d’origine, où il semble avoir vécu avant son arrivée en Suisse. Il y a selon ses propres dires encore quelques membres de sa famille. Il pourra faire valoir au B______ les connaissances et l’expérience professionnelles acquises en Suisse, notamment dans la conduite d’une entreprise individuelle active dans la construction. Sa réintégration au B______ n’apparaît pas compromise. Le recourant fait certes valoir qu’il est « ancré » en Suisse et ne connaît plus son pays s’origine, où il n’aurait plus de perspectives professionnelles. Toutefois, et pour autant qu’elles seraient établies, ces difficultés, par ailleurs communes à tous les émigrés devant retourner au pays, ne sont pas susceptibles de compromettre sa réintégration au sens où l’entend la jurisprudence suscitée.

La situation médicale du recourant ne justifie pas qu’il reste en Suisse. Elle sera examinée en détail sous l’angle du renvoi.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur au recourant.

3.6 Il reste à examiner si le renvoi du recourant est fondé.

3.6.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/322/2022 du 29 mars 2022 consid. 11a). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

3.6.2 En l'espèce, dès lors qu'elle a, à juste titre, refusé de renouveler l'autorisation de séjour du recourant, l'autorité intimée devait prononcer son renvoi.

Le recourant fait toutefois valoir des troubles dans sa santé et soutient que sa situation médicale actuelle ne lui permet pas de quitter la Suisse. Il ressort des documents qu’il a produits qu’il a été victime d’une péricardite en mai 2022, a séjourné le 11 mai 2022 un jour aux urgences des Hôpitaux universitaires genevois avant de revenir à la maison et s’est vu prescrire d’éviter le sport et les efforts importants pendant un mois et de prendre des antibiotiques (pénicilline), un inhibiteur de la mitose (colchicine ; pendant trois mois), des anti‑inflammatoires (ibuprofène) et un inhibiteur de la pompe à protons. Le recourant n’a pas actualisé cette documentation et ne soutient pas qu’il serait toujours incapable de travailler. Le dernier arrêt de travail qu’il a produit étend ses effets jusqu’au 16 juin 2022. Quoi qu’il en soit, le recourant ne soutient pas que ses problèmes de santé, s’ils devaient persister, ne pourraient être pris en charge au B______.

C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCPM a ordonné son renvoi.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Claudio MASCOTTO, juge, Louis PEILA, juge suppléant.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.