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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2213/2023

ATA/78/2024 du 23.01.2024 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : TAXI;AUTORISATION D'EXPLOITER UN SERVICE DE TAXI;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROPORTIONNALITÉ;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE
Normes : Cst.29.al2; Cst.36; LTVTC.1; LTVTC.6; LTVTC.7.al3.lete; LTVTC.7.al5; RTVTC.6.al2; RTVTC.6.al3
Résumé : Annulation de la révocation des cartes professionnelles de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur et de taxi prononcée par le PCTN faisant suite à une décision de retrait de permis de conduire en raison d’une infraction grave au règles de la circulation routière prononcée par l’OCV. En l’espèce, excès négatif du pouvoir d’appréciation, l’autorité intimée soutenant n’avoir aucun pouvoir d’appréciation contrairement à l’interprétation des dispositions concernées faite par la chambre administrative. Confirmation de sa jurisprudence après examen du pouvoir d’appréciation conféré au PCTN par la loi et le règlement. La pratique de l’autorité intimée est contraire à la loi, elle ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’OCV pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur dans les circonstances d’espèce.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2213/2023-TAXIS ATA/78/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Romain JORDAN, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ est au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) depuis le 31 janvier 2018.

b. Il est au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi depuis le 6 juillet 2018.

B. a. Le 21 octobre 2022, par ordonnance pénale, il a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- avec sursis de trois ans, ainsi qu’une amende de CHF 500.- pour avoir circulé, le 28 mai 2022, à 5h36, à proximité du ______, à B______, en direction de la ______, au volant du véhicule automobile immatriculé GE 1______ à la vitesse de 80 km/h alors que la vitesse maximale autorisée à cet endroit était de 50 km/h.

b. Le 14 février 2023, A______ a fait l’objet d’une décision de retrait de permis pour trois mois par l’office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) pour une infraction grave aux règles de la circulation, au sens de l’art. 16c loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) en raison des faits ayant eu lieu le 28 mai 2022.

Une copie de la décision a été adressée par l’OCV au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN).

c. Le 30 mars 2023, le PCTN a fait part à A______ de son intention de révoquer ses cartes professionnelles, dès lors que la décision du 14 février 2023 semblait correspondre à une décision incompatible avec la profession de chauffeur au sens de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31).

d. Le 14 avril 2024, A______ a notamment exposé au PCTN les circonstances de l’infraction commise le 28 mai 2022. L’endroit se situait à l’entrée du village, avant les premières habitations. Au moment du contrôle, il entamait sa décélération afin de se conformer à la vitesse imposée.

e. Par décision du 1er juin 2023, le PCTN a révoqué les cartes professionnelles de A______.

La décision de l’OCV rentrait dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession s’agissant d’une infraction grave aux règles de la circulation routière. Les éléments exposés dans les observations ne permettaient pas de s’écarter de la solution prévue par le législateur.

C. a. Par acte mis à la poste le 3 juillet 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision du PCTN en concluant à son annulation.

Il invoquait la violation du principe de non-rétroactivité, la LTVTC et le RTVTC étant entrés en vigueur le 1er novembre 2022, alors que les faits reprochés dataient du 28 mai 2022. Il convenait d’appliquer l’ancienne teneur de la loi et du règlement, la même solution s’imposait au regard du principe de la lex mitior. Il invoquait une violation des art. 5 aLTVTC et 6 aRTVTC, le PCTN devant admettre que le retrait de permis prononcé n’était pas constitutif d’une décision incompatible avec l’exercice de la profession, compte tenu des circonstances de l’infraction.

La décision attaquée violait sa liberté économique en lien avec le principe de la proportionnalité. La restriction grave à la liberté économique devait figurer dans une loi et elle devait en l’occurrence également être qualifiée de disproportionnée.

Le principe ne bis in idem était également violé, puisque le retrait de permis prononcé par l’OCV avait déjà pour effet de l’empêcher d’exercer son activité. Les sanctions étant donc de même nature, portant sur les mêmes faits, et ne pouvaient se cumuler conformément au principe précité.

La transmission de la décision de l’OCV au PCTN violait la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08) en lien avec l’égalité de traitement. La transmission ne reposait pas sur une base légale et un intérêt suffisants, cela d’autant plus qu’elle était automatique.

b. Le 18 septembre 2023, le PCTN a conclu au rejet du recours.

La transmission de la décision de l’OCV trouvait son fondement dans la loi, à savoir l'art. 4 al. 1 LTVTC.

La survenance des faits sur lesquels reposait la décision était la prise de connaissance des décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession et non les faits sur lesquels celles-ci reposaient. Le principe de la lex mitior ne trouvait pas application. Le recourant était informé de la nouvelle législation après sa publication le 3 février 2022 dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) et ayant été promulguée par arrêté du 23 mars 2022 publié dans la FAO du 25 mars 2022.

La décision était en outre conforme au principe de la proportionnalité et, partant, à la liberté économique, reposant sur une base légale et poursuivant un but d’intérêt public admissible, la sécurité publique, la protection des usagers et le maintien de la réputation de la profession.

c. Le 27 octobre 2023, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions et son argumentation. La décision consacrait également un excès négatif du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant invoque une violation du principe de non-rétroactivité, les faits ayant fondé la décision étant antérieurs à l’entrée en vigueur de la LTVTC.

2.1 La rétroactivité est réalisée lorsque la loi attache des conséquences juridiques nouvelles à des faits qui se sont produits et achevés entièrement avant l’entrée en vigueur du nouveau droit (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 417).

2.2 En l’espèce, l’argument du recourant tombe à faux.

En effet, lors de son entrée en vigueur la nouvelle LTVTC n’a pas prévu d’examiner à nouveau les conditions de la délivrance d’une carte professionnelle (art. 46 al. 2 LTVTC), celles délivrées sou l’ancienne LTVTC demeurant valable. Dans les deux lois, l’ancienne et la nouvelle, la carte professionnelle peut être révoquée lorsque les conditions de délivrance ne sont plus remplies (art. 7 al. 5 LTVTC et art. 5 al. 4 aLTVTC). L’une des exigences est que le chauffeur n’ait pas fait l’objet de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession, telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC et art. 5 al. 2 let. e aLTVTC). La seule différence substantielle réside dans la longueur de la période prise en compte, soit une période de cinq ans pour l’aLTVTC, réduite à trois ans dans la LTVTC (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10 portant également sur la commission d’une violation à la LCR avant le 30 novembre 2022, date de l’entrée en vigueur de la LTVTC).

Il n’est dès lors pas possible de retenir un effet rétroactif, au sens défini ci-dessus, à la loi. L’application de l’aLTVTC serait d’ailleurs moins favorable, dans la mesure où d’éventuelles décisions ou condamnations plus anciennes pourraient le cas échéant être prises en compte par l’autorité intimée.

Le grief sera donc écarté.

3.             Le recourant invoque le principe ne bis in idem.

3.1 Selon la jurisprudence, le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b ; 120 IV 10 consid. 2b ; 118 IV 269 consid. 2).

Concernant l'application de ce principe en droit administratif, le Tribunal fédéral s'est penché sur d'éventuelles violations de celui-ci notamment dans le cadre des procédures administratives en matière de retrait de permis, en concluant que la double procédure pénale et administrative prévue par la LCR ne violait pas le principe ne bis in idem (ATF 137 I 363 consid. 2.4). De même, il a jugé que la décision de révoquer un permis de séjour à la suite d'une infraction pénale qui a valu à l'intéressé une condamnation pénale ne constituait pas une double peine et ne violait pas ledit principe (arrêts du Tribunal fédéral 2C_459/2013 du 21 octobre 2013 consid. 4 et 2C_432/2011 du 13 octobre 2011 consid. 3.3). De même, pour un avocat, une condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat peut entraîner, au plan administratif, une radiation du registre des avocats (arrêt du Tribunal fédéral 2C_187/2011 du 28 juillet 2011 consid. 7.2).

3.2 En l’espèce, la révocation de la carte professionnelle est une mesure administrative prévue par la LTVTC (art. 7 al. 5 LTVTC) qui vise à promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). En cela, cette mesure se distingue de la mesure administrative prise par l’OCV, laquelle est prononcée en application de la LCR qui vise à assurer la sécurité publique en gérant la circulation sur la voie publique notamment (art. 1 al. 1 LCR).

Il n’y a donc pas lieu d’appliquer le principe ne bis in idem, au même titre que dans les autres domaines du droit administratif précités, comme l’a déjà retenu la chambre de céans pour les mesures prévues par la LTVTC dans le cas de condamnations pénales (ATA/937/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4b).

Le grief sera donc écarté.

4.             Le recourant invoque une violation de la LIPAD par la transmission de la décision de l’OCV au PCTN.

La transmission d’une copie la décision de l’OCV au PCTN figure expressément dans la décision rendue le 14 février 2023 par l’OCV, que le recourant n’a pas contestée et qui est donc revêtue de l'autorité matérielle de la chose décidée. En conséquence, son grief est exorbitant au présent litige. En outre, la transmission en vue de l’entraide administrative est prévue aux art. 4 al. 1 LTVTC et 3 RTVTC.

5.             Le recourant invoque un excès négatif du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans la révocation de la carte professionnelle de chauffeur de VTC prononcée à l’égard du recourant ainsi qu’une violation de la liberté économique.

5.1 Selon l'art. 27 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

5.2 Constitue un excès positif du pouvoir d’appréciation le fait que l’autorité prend une mesure que la loi ne lui laisse pas la liberté d’adopter (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 514).

5.3 Constitue un excès négatif du pouvoir d'appréciation le fait que l'autorité se considère comme liée, alors que la loi l’autorise à statuer selon son appréciation, ou qu'elle renonce d'emblée en tout ou partie à exercer son pouvoir d'appréciation (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_144/2021 du 30 août 2022 consid. 2.1), ou qu’elle applique des solutions trop schématiques, ne tenant pas compte des particularités du cas d’espèce (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1276/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.6 ; ATA/926/2021 du 7 septembre 2021 consid. 6b).

L’excès du pouvoir d’appréciation revient à une violation pure et simple de la loi alors que son abus constitue une violation des principes constitutionnels (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 514).

6.             La LTVTC a pour objet de réglementer et de promouvoir un service de transport professionnel de personnes efficace, économique et de qualité (art. 1 al. 1 LTVTC). Elle vise à garantir la sécurité publique, l’ordre public, le respect de l’environnement et des règles relative à l’utilisation du domaine public, la loyauté dans les transactions commerciales, la transparence des prix, ainsi que le respect des prescriptions en matière de conditions de travail, de normes sociales et de lutte contre le travail au noir, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 LTVTC).

6.1 L’activité de chauffeur de VTC est soumise à autorisation préalable (art. 6 al. 1 LTVTC). Les autorisations et immatriculations sont délivrées sur requête, moyennant le respect des conditions d’octroi (art. 6 al. 3 LTVTC).

La carte professionnelle est délivrée au chauffeur à plusieurs conditions décrites à l’art. 7 al. 3 LTVTC dont celle de n’avoir pas fait l’objet, dans les trois ans précédant le dépôt de sa requête, de décisions administratives ou de condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession telles que définies par le Conseil d’État (art. 7 al. 3 let. e LTVTC).

La carte professionnelle est révoquée par le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) lorsqu’une des conditions visées à l’art. 7 al. 3 LTVTC n’est plus remplie (art. 7 al. 5 LTVTC).

6.2 Le RTVTC, entré en vigueur le 1er novembre 2022, prévoit à son art. 6 al. 2 que sont considérées comme incompatibles avec la profession de chauffeur de taxi ou de VTC au sens de l’art. 7 al. 3 let. 3 LTVTC les condamnations pénales et décisions administratives prononcées pour infractions : a) au droit pénal suisse ou étranger, en particulier les condamnations prononcées pour infractions contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine ; b) aux règles de la circulation routière ayant mené au retrait du permis de conduire en application des art. 15d, 16b, 16c, 16c bis ou 16d LCR ; c) aux prescriptions du droit fédéral ou cantonal régissant l’activité des chauffeurs professionnels ainsi qu’aux exigences liées aux véhicules ; d) aux prescriptions de la loi et du règlement ayant mené à un retrait de la carte professionnelle de chauffeur.

Le service tient compte de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC).

S’agissant plus précisément du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée dans ce cadre, la chambre de céans a déjà relevé qu’avec l’entrée en vigueur des modifications de la LTVTC et du RTVTC le 1er novembre 2022, la jurisprudence rendue sous l’ancienne teneur restait applicable. Si le législateur avait entendu renforcer certaines mesures dans le domaine du service de transport professionnel, il n’en demeurait pas moins qu’il avait réduit le délai de prise en considération des antécédents de cinq à trois ans. Il s’agissait d’ailleurs là de la seule modification substantielle apportée aux disposition légales concernant l’octroi et la révocation de la carte professionnelle. Les dispositions relatives au pouvoir d’appréciation du PCTN, dans le cas de décisions ou condamnations incompatibles avec l’exercice de la profession de chauffeur, n’avaient pas été modifiées (ATA/994/2023 du 12 septembre 2023 consid. 4.10).

6.3 La chambre administrative a déjà examiné à de nombreuses reprises, sous l’ancienne ou la nouvelle version de la loi et de son règlement, des décisions du PCTN refusant ou révoquant une autorisation d’exercer la profession de chauffeur de taxi ou de VCT sous l’angle de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée. Elle a ainsi retenu à deux reprises qu’en considérant que des infractions qui n’avait pas été accomplie dans l’exercice de la profession de chauffeur, le PCTN avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation, ne prenant notamment pas en compte l’intérêt public premier visé par la loi (ATA/669/2018 du 26 juin 2018 ; ATA/3327/2018 du 10 avril 2018). Dans une autre espèce, elle a considéré que la décision du PCTN révoquant une autorisation en raison d’une infraction pour violation grave des règles de la circulation routière, ne consacrait aucun excès ni abus du pouvoir d’appréciation du PCTN (ATA/994/2023 précité).

6.4 Ainsi, il n’est pas possible de retenir, comme le fait l’autorité intimée in casu, que le texte du RTVTC ayant été modifié, elle ne disposerait plus d’aucun pouvoir d’appréciation. S’il est vrai que le texte de la nouvelle disposition est : « sont considérées comme incompatibles » (art. 6 al. 2 RTVTC) et que l’ancienne formulation utilisée était : « peuvent être considérées comme » (art. 6 al. 1 aRTVTC), il n’est pas possible de conclure que ce changement de formulation affecte le pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée, ne s’agissant que d’une disposition règlementaire adoptée sur délégation d’une disposition légale dont le contenu n’a pas été modifié sur ce point, comme vu ci-dessus.

De plus et surtout, si un doute devait subsister au sujet d’une formulation clairement potestative de l’art. 6 al. 2 RTVTC, il doit être levé à la lecture de l’alinéa suivant qui précise, comme le faisait l’ancienne disposition, que le service doit prendre en compte dans sa décision, la gravité des faits, leur réitération, le temps écoulé depuis le prononcé de la sanction et le risque de récidive (art. 6 al. 3 RTVTC et art. 6 al. 2 aRTVTC qui ne présentent que de légères différences de rédaction).

L’autorité intimée ne peut pas non plus être suivie lorsqu’elle soutient, pour justifier l’inexistence de toute marge d’appréciation dont elle se prévaut, que la prise en compte dans sa décision des éléments énumérés à l’art. 6 al. 3 RTVTC serait applicable aux lettre a, c et d de l’al. 2 de l’art. 6 RTVTC et non à la let. b laquelle viserait des articles spécifiques de la LCR, alors que les autres lettres de la disposition se référeraient de manière générale à des domaines du droit, permettant au PCTN de déterminer quels états de faits seraient incompatibles. Cette affirmation est erronée puisqu'à l’art. 6 al. 2 let. a RTVTC sont mentionnées des infractions précises, telles que celles contre la vie, l’intégrité corporelle, l’intégrité sexuelle ou le patrimoine.

En conclusion, sur ce point, il appert, en confirmation de la jurisprudence susmentionnée, que l’art. 6 al. 3 RTVTC confère un pouvoir d’appréciation au PCTN s’agissant de déterminer l’incompatibilité de décisions ou de condamnations prononcées pour des infractions telles que celles énumérées aux let. a à d de l’art. 6 al. 2 RTVTC. Ce pouvoir d’appréciation l’obligeant à tenir compte notamment de la gravité des faits, de leur réitération, du temps écoulé depuis le prononcé de la sanction ainsi que du risque de récidive selon les termes de l’art. 6 al. 3 RTVTC.

6.5 En l’espèce, dans sa décision, le PCTN mentionne uniquement que le recourant a subi un retrait de son permis de conduire en raison d’un infraction grave aux règles de la circulation routière en application de l’art. 16c LCR. L’infraction commise et les circonstances dans lesquelles elle a été commise ne sont pas mentionnées. L’état de fait ne mentionne pas non plus les antécédents de l’intéressé ou d’autres circonstances pourtant nécessaires à l’examen auquel l’autorité intimée aurait dû procéder. La décision retient uniquement que l’infraction grave retenue en application de l’art. 16c LCR entre dans la catégorie des décisions incompatibles avec l’exercice de la profession au sens de l’art. 7 al. 3 let. e LTVTC, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté en l’espèce. En revanche, la motivation concernant les autres circonstances, dont le recourant s’est en partie prévalu dans ses observations, est inexistante. Comme l’a exposé le PCTN dans ses écritures, il a prononcé la révocation de manière automatique en présence d’une infraction mentionnée à l’art. 6 al. 2 let. b RTVTC, puisqu’il estime être privé de pouvoir d’appréciation dans ce cas.

Comme vu ci-dessus, cette pratique est contraire à la loi (art. 7 al. 3 let. e et al. 5 LTVTC cum art. 6 al. 2 let. b et al. 3 RTVTC) puisqu’elle relève d’un excès négatif du pouvoir d’appréciation. Le PCTN ne pouvait se fonder sur la condamnation de l’OCV pour révoquer son autorisation d’exercer sans examiner si celle-ci était effectivement incompatible avec l’exercice de la profession de chauffeur dans les circonstances d’espèce.

Par conséquent, la décision querellée doit être annulée et le dossier renvoyé au PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours sera admis partiellement.

Vu cette issue, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 a. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, qui y a conclu, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 1er juin 2023 ;

 

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 1er juin 2023 ;

renvoie la cause au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat du recourant ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le  la greffière :