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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/9/2023

ATA/46/2024 du 16.01.2024 sur JTAPI/808/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/9/2023-PE ATA/46/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______, agissant en son nom et celui de ses enfants mineurs B______ et C______ recourants
représentés par Me Martin AHLSTROM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juillet 2023 (JTAPI/808/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1980, est ressortissant D______.

b. Il a épousé E______, née le ______ 1968, citoyenne suisse, le 4 juin 2018 à F______ et a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial, valable jusqu'au 3 juin 2019.

c. Le 28 mars 2019, il a déposé une demande de renouvellement de son autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

d. Les époux n’ont pas eu d’enfants. Ils se sont séparés le 26 juin 2019 et ont divorcé le 13 février 2020.

e. Le 4 juillet 2019, E______ a déposé plainte pénale contre A______ pour lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), menaces (art. 180 al. 1 CP) et injures (art. 177 al. 1 CP), et produit un certificat médical du 2 juillet 2019 attestant de douleurs au poignet, à l'épaule, d'hématomes et d'un état de stress post-traumatique.

Interrogé par la police le 30 juillet 2019, A______ a notamment expliqué avoir quitté son emploi de forgeron qu'il exerçait depuis vingt ans en D______ pour s'installer en Suisse et que ses deux filles vivaient avec leur mère en D______.

f. Le 26 juillet 2019, A______ a sollicité un visa de retour pour des vacances en D______ et y visiter sa maison du 10 au 22 août 2019.

g. Le 22 mai 2020, il a déposé une demande de regroupement familial en faveur de ses filles, B______, ressortissante D______, et C______, ressortissante du G______, nées respectivement le ______ 2008 et le ______ 2012 et arrivées en Suisse le 21 août 2019.

h. Par décision du 21 novembre 2022, l'OCPM a refusé la prolongation de l'autorisation de séjour de A______ et l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de ses filles B______ et C______, et a prononcé leur renvoi. Un délai au 31 janvier 2023 leur a été imparti pour quitter le territoire suisse ainsi que les États membres de l'Union européenne et des États associés à Schengen.

Les conditions de l'art. 50 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n'étaient pas réunies, l'union conjugale n'ayant pas duré trois ans. Son renvoi en D______ ne le placerait pas dans une situation de rigueur. Il était arrivé en Suisse à l'âge de 38 ans, avait passé son enfance, sa jeunesse et le début de sa vie d'adulte dans son pays d'origine, où résidait l'ensemble de sa famille. Il y avait d'ailleurs maintenu des attaches puisqu'il y était retourné depuis son arrivée en Suisse. Son intégration sociale et professionnelle n'était pas particulièrement marquée. La présence de son père à Genève n'était pas de nature à justifier l'existence d'une situation de rigueur. Il avait déposé une demande de regroupement familial en faveur de ses filles plus de neuf mois après leur arrivée en Suisse. Elles étaient âgées de 10 et 14 ans lorsqu'elles étaient arrivées en Suisse. Leur intégration n'était pas déterminante et elles étaient en bonne santé. Dès lors, leur réintégration dans leur pays d'origine n'était pas insurmontable.

B. a. Le 3 janvier 2023, A______, agissant en son nom et celui de ses filles mineures B______ et C______, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant principalement à son annulation, au renouvellement de son autorisation de séjour et à l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de ses filles, subsidiairement à ce que la cause soit retournée à l'OCPM pour nouvelle décision.

Il était autonome d'un point de vue financier, disposait d'un emploi stable dans le secteur du bâtiment avec un revenu de CHF 5'000.- brut par mois. Il possédait un permis de conduire suisse, n'avait ni poursuites ni casier judiciaire et n'émargeait pas à l'Hospice général (ci-après : l’hospice). Il avait une excellente maîtrise du français et était parfaitement intégré à la vie sociale et politique genevoise, ce que de nombreux témoignages confirmaient. Il apportait une aide nécessaire à son père vivant à Genève, lequel souffrait de problèmes de santé. Il avait subi de la pression et des violences psychologiques de la part de E______. Dès lors, les conditions de l'art. 50 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) étaient réunies. Ses filles étaient scolarisées à Genève où leur cercle social se trouvait. Elles étaient totalement intégrées à la vie familiale, sociale et scolaire à Genève. La décision entreprise violait l'art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) car un renvoi entraînerait un traumatisme grave et important chez ses filles, attesté par des médecins.

Il produisait des pièces, dont : sept témoignages attestant des bonnes relations du recourant avec ses filles, de leur bonne réputation, de leur intégration et de leurs qualités de cœur ; une attestation de la psychiatre H______ du 24 octobre 2022 indiquant que l'état de santé psychique de son père était précarisé et qu'il avait besoin d'être épaulé et accompagné régulièrement dans son quotidien par sa famille et surtout par lui ; une attestation du 24 octobre 2022 du Dr I______, médecin traitant de son père, indiquant que ce dernier était de santé fragile en raison de problèmes cardio-vasculaires sévères et qu'il était très important et salutaire qu’il puisse rester à ses côtés pour l'aider et prendre soin de lui ; une attestation du 5 décembre 2022 de la pédiatre J______ certifiant que C______ présentait un trouble métabolique avec augmentation majeure de son IMC nécessitant une prise en charge diététique et médicale ainsi qu'un trouble psychique lié à la menace d'expulsion de sa famille de Suisse nécessitant une prise en charge spécialisée ; une attestation du 5 décembre 2022 de la Dre J______ certifiant que B______ présentait un trouble psychique avec dysthymie et trouble alimentaire et souffrait de douleurs pelviennes atypiques nécessitant une prise en charge en gastro-entérologie et gynécologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ; une évaluation de B______ du 5 décembre 2022 par la Dre H______ expliquant qu'elle avait demandé de l'aide en lien avec l'apparition depuis plusieurs semaines d'attaques de panique, de perturbations du sommeil et de manifestations phobiques invalidantes car elle s'estimait perturbée par les tensions apparues dans sa famille suite à la menace d'expulsion en D______ et était stressée et angoissée par sa vie instable.

b. Le 2 mars 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

c. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti.

d. Par jugement du 24 juillet 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Les époux s’étaient mariés le 4 juin 2018, s’étaient séparés le 26 juin 2019 et avaient divorcé le 13 février 2020, de sorte que leur union conjugale avait duré moins de trois ans.

La poursuite du séjour de A______ et de ses filles en Suisse ne s'imposait pas pour des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI. A______ alléguait avoir été victime de violences psychologiques sans expliquer de quelle manière ni en apporter la moindre preuve. Son père n’était pas dans un rapport de dépendance à son égard. Sa réintégration sociale en D______ n'était pas gravement compromise.

C______ et B______, âgées de 11 et 15 ans, devraient pouvoir compter sur le soutien de leur mère – avec laquelle elles avaient vécu jusqu'à leur arrivée en Suisse quatre ans auparavant – de leur père et de leurs familles respectives. Elles avaient certainement gardé en D______ des liens amicaux et pourraient y poursuivre leur scolarité. La prise en charge diététique de C______ ainsi que des troubles alimentaires et douleurs pelviennes de B______ pourraient se faire en D______ où elles pourraient également bénéficier d'un suivi psychologique. Il n'était pas démontré ni même allégué qu’elles ne pourraient pas avoir accès aux soins dont elles avaient besoin dans leur pays d’origine. Les problèmes psychiques et physiques dont elles souffraient n’atteignaient pas le seuil exigé pour retenir une raison personnelle majeure et délivrer un permis de séjour. Il ressortait des certificats médiaux produits que tant C______ que B______ présentaient des difficultés psychiques liées à leur condition de séjour et au stress de devoir quitter la Suisse. Cette situation regrettable était entièrement due au recourant qui avait choisi délibérément de faire venir ses enfants en Suisse alors qu'il était déjà séparé et que la poursuite de son séjour était compromis, ce qu'il savait pertinemment. L'intégration de A______ et de ses filles C______ et B______ au milieu socioculturel suisse n'était pas si profonde et irréversible qu'un retour dans leur pays d'origine où ils conservaient des liens très étroits, constituerait un déracinement complet.

C. a. Par acte remis au greffe le 14 septembre 2023, A______, agissant en son nom et au nom de ses filles C______ et B______, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, au renouvellement de son autorisation de séjour et à l’octroi d’une autorisation de séjour à ses filles B______ et C______. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision.

C’était à tort que l’OCPM et le TAPI avaient refusé de reconnaître qu’ils se trouvaient dans un cas individuel d’extrême gravité.

Il produisait des déclarations : de son père attestant que son état de santé se dégradait et que son fils avait été victime de l’échec de son mariage ; du médecin de son père attestant que celui-ci, dont les troubles allaient s’aggravant, avait besoin d’être épaulé par son fils au quotidien ; de proches attestant de leur excellente intégration ; du parti libéral-radical attestant de son affiliation depuis plusieurs années ; de l’espace K______ attestant que ses filles et lui étaient très bien intégrés en Suisse ; de la paroisse orthodoxe D______ attestant de son implication et de son attachement aux valeurs chrétiennes ; des écoles de ses filles attestant de leur bonne scolarité ; des médecins de ses filles attestant qu’elles bénéficiaient de soutiens et que leur départ aurait des conséquences « traumatiques et dramatiques ».

Il apportait une aide essentielle à son père. Ses deux filles l’avaient rejoint en 2019. Elles étaient parfaitement intégrées. Elles étaient scolarisées dans le canton, où se trouvait tout leur cercle social. C______ ne connaissait même pas l’alphabet D______. C’était son épouse qui avait demandé le divorce et il avait dû trouver refuge auprès de son père. Ce n’était pas sa volonté et il se considérait comme une victime de la situation. Il avait subi des pressions et de la violence psychologique de la part de son épouse. Plusieurs de ses amis en témoignaient. Ses filles avaient mal vécu son union avec elle. Il apportait une aide nécessaire et essentielle à son père, citoyen suisse vivant à Genève. Le renvoi de ses filles entraînerait pour elles un traumatisme grave et important. Leurs chances de réintégration en D______ étaient faibles. Ils couraient le risque de se retrouver « à la rue » et dans une situation financière précaire.

b. Le 12 octobre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le 15 novembre 2023, les recourants ont persisté dans leurs conclusions et leur argumentation. A______ avait annoncé à l’OCPM la venue de ses enfants. Cela ressortait du courrier de E______ à l’OCPM du 31 juillet 2018 confirmé le 2 juin 2019. Ses filles étaient arrivées en Suisse le 21 août 2019.

d. Le 17 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant reproche à l’OCPM d’avoir retenu à tort que ses filles et lui-même ne remplissaient pas les conditions des raisons personnelles majeures et du cas individuel d’extrême gravité.

2.1 Selon l'art. 50 al. 1 LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 (membres étrangers de la famille d’un ressortissant suisse) et 43 (conjoint et enfants étrangers du titulaire d’une autorisation d’établissement) subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis (let. a), ou lorsque la poursuite du séjour en Suisse s’impose pour des raisons personnelles majeures (let. b).

2.2 Les raisons personnelles majeures visées à l'art. 50 al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI). Cette disposition a pour vocation d'éviter les cas de rigueur ou d'extrême gravité (ATF 137 II 1 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_500/2014 du 18 juillet 2014 consid. 7.1 ; 2C_165/2014 du 18 juillet 2014 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, il convient de prendre au sérieux toute forme de violence conjugale, qu'elle soit physique ou psychique. La violence conjugale doit toutefois revêtir une certaine intensité. Elle constitue une maltraitance systématique ayant pour but d'exercer pouvoir et contrôle sur celui qui la subit (ATF 138 II 229 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.1). À l'instar de violences physiques, seuls des actes de violence psychique d'une intensité particulière peuvent justifier l'application de l'art. 50 al. 1 let. b LEI
(ATF 138 II 229 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_201/2019 du 16 avril 2019 consid. 4.1 ; 2C_12/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.19). Lorsque des contraintes psychiques sont invoquées, il incombe à la personne d'illustrer de façon concrète et objective ainsi que d'établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent. Des affirmations d'ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_12/2018 précité consid. 3.2 ; 2C_401/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.2).

Des insultes proférées à l'occasion d'une dispute, une gifle assénée, le fait pour un époux étranger d'avoir été enfermé une fois dehors par son conjoint ne sont pas assimilés à la violence conjugale au sens de l'art. 50 al. 2 LEI (ATF 136 II 1 consid. 5). En effet, sans que cela légitime en rien la violence conjugale, n'importe quel conflit ou maltraitance ne saurait justifier la prolongation du séjour en Suisse, car telle n'était pas la volonté du législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_654/2019 du 20 août 2019 consid. 2.1), ce dernier ayant voulu réserver l'octroi d'une autorisation de séjour aux cas de violences conjugales atteignant une certaine gravité ou intensité.

La personne étrangère qui soutient, en relation avec l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, avoir été victime de violences conjugales est soumise à un devoir de coopération accru. Il lui appartient de rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, la violence conjugale, respectivement l'oppression domestique alléguée. En particulier, il lui incombe d'illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d'établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent (art. 77 al. 6 et al. 6 bis OASA et arrêt du Tribunal fédéral 2C_68/2017 du 29 novembre 2017 consid. 5.4.1). L'art. 50 al. 2 LEI n'exige toutefois pas la preuve stricte de la maltraitance, mais se contente d'un faisceau d'indices suffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_593/2019 du 11 juillet 2019 consid. 5.2 ; 2C_196/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.4) respectivement d'un degré de vraisemblance, sur la base d'une appréciation globale de tous les éléments en présence (ATF 142 I 152 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_671/2017 du 29 mars 2018 consid. 2.3 et 2C_831/2018 du 27 mai 2019 consid. 4.3.1). Ainsi, selon le degré de preuve de la vraisemblance, il suffit que l'autorité estime comme plus probable la réalisation des faits allégués que la thèse contraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2019 précité consid. 3.5).

2.3 Lors de l'examen des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA peuvent entrer en ligne de compte, même si, considérés individuellement, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 5.2).

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er mars 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Cst. (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

S'agissant de la réintégration sociale dans le pays d'origine, l'art. 50 al. 2 LEI exige qu'elle soit fortement compromise. La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1188/2012 du 17 avril 2013 consid. 4.1).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

2.4 Un étranger peut, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour, s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap, si le proche aidant ou le proche aidé est au bénéfice d'un droit de séjour en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1 ; 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2).

2.5 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

2.6 En l’espèce, il est établi que le recourant a épousé E______ le 4 juin 2018, s’est séparé d’elle le 26 juin 2019 et a divorcé le 13 février 2020, de sorte que leur union a duré moins de trois ans, que le recourant ne peut prétendre à la prolongation de son autorisation de séjour en raison de son mariage et qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner s’il est bien intégré sous l’angle de l’art. 50 al. 1 let. a LEI.

Le recourant fait valoir que c’est son épouse qui a demandé le divorce, qu’il a dû se réfugier chez son père et qu’il était une victime de la situation. Bien qu’il n’y ait pas eu de violences physiques, il avait subi de la pression et de la violence psychologique de la part de son épouse. Ce faisant, il ne rend pas vraisemblable qu’il aurait subi des violences ou une maltraitance dont l’intensité, le caractère systématique ou la durée correspondraient aux exigences posées par la jurisprudence susmentionnée. Il expose encore que ses enfants auraient mal vécu son union avec son épouse. Outre que le ressenti de ses enfants ne saurait être constitutif de violence ou de maltraitance de la part de son épouse, le recourant a exposé s’être séparé de cette dernière le 26 juin 2019 alors que ses filles seraient arrivées en Suisse le 21 août 2019, si bien qu’elles n’ont en tout cas jamais cohabité avec elle. C’est ainsi de manière conforme au droit que l’OCPM puis le TAPI n’ont pas retenu un cas d’application de l’art. 50 al. 1 let. b LEI.

Le recourant soutient qu’il est particulièrement bien intégré. Il perd de vue qu’il peut être attendu de tout candidat à la régularisation qu’il soit autonome financièrement, maîtrise le français au niveau requis, n’émarge pas à l’hospice et n’ait ni dettes ni poursuites ni casier judiciaire. Le recourant travaille dans le bâtiment. Il a noué à Genève les liens personnels et professionnels usuels résultant de l’immigration dans un pays. Son intégration socio-économique ne saurait dans ces circonstances être qualifiée d’exceptionnelle, au sens où l’exige la loi.

Le recourant fait valoir qu’il apporte à son père une « aide nécessaire et essentielle ». Il n’établit toutefois un rapport de dépendance particulier entre lui et son père, étant observé que ce dernier vit avec son épouse et que les troubles de la santé dont il souffre font l’objet d’un suivi médical.

Le recourant soutient qu’un retour en D______ serait contraire aux intérêts bien compris de ses filles et entraînerait pour elles un traumatisme grave. Celles-ci sont âgées de 11 et 15 ans. Elles sont arrivées en Suisse en août 2019 et y séjournent donc depuis environ quatre ans et demi. Auparavant, elles ont vécu en D______ toute leur enfance avec leur mère et leur père avant que celui-ci n’émigre vers la Suisse. Elles maîtrisent la langue et les codes culturels de leur pays d’origine. Elles sont scolarisées et obtiennent de bons résultats. Si l’aînée est entrée dans l’adolescence, tel n’est pas encore le cas de la cadette. Quoi qu’il en soit, la durée de leur séjour et leur intégration ne sont pas encore si importantes qu’il faudrait considérer qu’elles sont complètement assimilées et qu’un retour en D______ équivaudrait pour elles à un véritable déracinement qui ne pourrait leur être imposé. Il doit en outre être tenu compte de ce que leur mère, avec laquelle elles ont vécu jusqu’à leur arrivée en Suisse, est toujours en D______. Enfin, le recourant ne soutient pas que les troubles de la santé dont elles souffrent ne pourraient pas être soignés en D______.

La réintégration des recourants en D______ n’apparaît pas fortement compromise. Le recourant, qui est encore relativement jeune et en bonne santé, pourra y faire valoir l’expérience professionnelle acquise en Suisse et ses filles les compétences acquises durant leurs années de scolarité à Genève. Les filles pourront y retrouver leur mère et les familles de leurs parents, sur lesquelles elles pourront compter. Le recourant soutient que ses filles et lui courraient le risque de se retrouver « à la rue » s’ils devaient retourner en D______. Il a toutefois indiqué dans une demande de visa pour un séjour du 10 au 22 août 2019 qu’il possédait en D______ une maison. Il ne peut être suivi lorsqu’il affirme qu’un retour en D______ entraînerait pour ses filles et lui une situation de « détresse intense ». Les difficultés propres à un retour au pays invoquées par la psychiatre des filles ne sauraient constituer un obstacle à leur réintégration. Il peut ainsi être attendu des recourants qu’ils se réintègrent dans leur pays d’origine.

C’est donc conformément au droit que l’OCPM puis le TAPI ont retenu que les recourants ne se trouvaient pas dans un cas d'extrême gravité et ont refusé de leur délivrer des autorisations de séjour.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour aux recourants, l'intimé devait prononcer leur renvoi. Il a été vu plus haut que le retour des recourants en D______ est exigible. Les recourants n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé. De tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de A______ et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par A______, agissant en son nom et au nom de ses filles C______ et B______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Martin AHLSTROM, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.