Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1955/2023

ATA/42/2024 du 16.01.2024 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.02.2024, 1C_123/2024
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;PÉRIODE D'ESSAI;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;RÉSILIATION ABUSIVE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION DE LA DÉCISION;CONSULTATION DU DOSSIER
Normes : Cst.29.al2; CO.336.al1.letd
Résumé : Examen de la conformité au droit du licenciement d'un employé en période probatoire prononcé par une commune. Pas de violation de droit d'être entendu du recourant, ni sous l'aspect de son droit à une décision motivée, ni sous celui de son droit à consulter le dossier. La résiliation des rapports de service repose sur une insuffisance de prestations. Les allégations du recourant quant à l’existence d’un congé-représailles, formulées pour la première fois dans son acte de recours, ne sont étayées par aucune pièce du dossier. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1955/2023-FPUBL ATA/42/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Mathieu JACQUERIOZ, avocat

contre

COMMUNE B______ intimée
représentée par Me François BELLANGER, avocat

 



EN FAIT

A. a. A______ a été engagé par la Commune B______ (ci-après : la commune) en qualité d’agent de police municipale, au grade d’appointé, dès le
1er novembre 2022, pour un salaire mensuel de CHF 8'000.-, augmenté à
CHF 8'256.- à partir du 1er janvier 2023.

b. C______, chef du service de la police municipale, a quitté ses fonctions au 31 décembre 2022. Il a été remplacé par son adjoint, D______, dès le
1er janvier 2023.

A______ a postulé à la succession de D______ en tant qu’adjoint. Sa candidature n’a pas été retenue.

c. Un entretien d’évaluation et de développement des compétences a été réalisé le 17 janvier 2023 par D______ et E______, responsables hiérarchiques de A______. Il en ressort que ce dernier commettait trop d’erreurs lors de la rédaction de documents officiels, manquait de maîtrise des « outils police », devait prendre des mesures et des initiatives avant d’en référer au responsable. Il était invité à établir des priorités, améliorer ses prestations, diversifier les sujets traités et être plus attentif au respect des délais fixés par son chef de groupe.

d. A______ s’est absenté du travail les 7 et 8 février 2023. La responsable des ressources humaines l’a prié de transmettre ses certificats médicaux par courriels des 16 et 21 février 2023.

e. Par courriel du 8 mars 2023, le secrétaire général a confirmé à A______ les termes de leur entretien du jour même, à savoir que les activités privées n’étaient pas admises durant le temps de travail professionnel et que son attitude devait être immédiatement corrigée. Une évaluation intermédiaire serait réalisée d’ici au
7 avril 2023.

f. Du 8 au 11 mars 2023, A______ a été en incapacité de travail.

g. Par courriel du 12 mars 2023, il a indiqué qu’il n’était « toujours pas en forme » et serait absent le lendemain.

h. Le 13 mars 2023, la commune lui a demandé de produire une attestation relative à la prolongation de son arrêt de travail.

i. Le 15 mars 2023, A______ a transmis un certificat médical attestant d’une incapacité de travail les 13 et 14 mars 2023.

j. Le jour même, la commune lui a rappelé qu’il devait immédiatement prévenir son employeur en cas d’empêchement de travailler. En cas de nouvelle absence injustifiée, une procédure pour abandon de poste serait lancée.

k. Par courriel du 16 mars 2023, D______ a informé la responsable des ressources humaines que A______ avait ouvertement et fermement critiqué la commune devant plusieurs collègues et lui avait répondu agressivement lorsqu’il lui avait demandé de s’abstenir de tels commentaires dans le poste de police. Ce collaborateur portait préjudice à la bonne marche du service et désavouait constamment son employeur.

l. Par courriel du 16 mars 2023, A______ a transmis à la responsable des ressources humaines un certificat médical attestant d’une totale incapacité de travail jusqu’au 31 mars 2023. Il lui a en outre précisé qu’il ne souffrait pas d’une maladie grave et espérait pouvoir reprendre le travail rapidement.

m. Depuis lors, A______ est en arrêt de travail. Le dernier certificat médical atteste d’une incapacité de travail totale jusqu’au 30 juin 2023.

B. a. Le 12 avril 2023, la commune a informé A______ qu’elle envisageait de résilier ses rapports de service et lui a octroyé un délai au 22 avril 2023 pour faire valoir son droit d’être entendu.

b. Le 21 avril 2023, l’employé, représenté par un avocat, a sollicité la prolongation du délai susmentionné et demandé les motifs fondant cette position, ainsi que l’accès à son dossier.

c. Par courrier du 27 avril 2023, la commune lui a répondu qu’elle n’était pas satisfaite de ses prestations. Conformément aux dispositions règlementaires, les rapports de travail pouvaient être librement résiliés dans le respect des délais prévus, étant rappelé qu’il était en période probatoire. Le délai pour faire valoir ses observations était prolongé au 8 mai 2023.

d. En date du 4 mai 2023, A______ a demandé des précisions quant au motif invoqué et a sollicité une nouvelle fois copie de son dossier. Il ne comprenait pas le motif du congé et ne pouvait donc pas exercer son droit d’être entendu.

e. Le 9 mai 2023, l’employé s’est soumis à un examen médical sollicité par l’assureur perte de gain. Le médecin a considéré qu’une pleine capacité de travail pouvait être attendue dès le jour même, pour autant qu’une médiation soit mise en place, « auprès d’un autre employeur ou du chômage ».

f. Par courrier du 11 mai 2023, le Conseil administratif de la commune a résilié les rapports de service de l’employé pour le 30 juin 2023, précisant qu’il n’était pas obligé de fournir une motivation détaillée en période probatoire. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours. Le droit d’être entendu avait pu être valablement exercé et l’employé avait renoncé à la consultation de son dossier, puisqu’il n’avait pas contacté le service des ressources humaines pour ce faire.

g. Le 22 mai 2023, la responsable des ressources humaines a demandé à
A______ de restituer le matériel déjà demandé, faute de quoi une retenue sur salaire serait appliquée.

h. Le 12 juin 2023, la commune a annoncé sur le site « F______ » que les rapports de travail de A______ prendraient fin le 30 juin 2023.

C. a. Par acte du 12 juin 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 11 mai 2023. Il a conclu, préalablement, à ce que soient ordonnées la levée de son secret de fonction et la production par l’intimée de l’intégralité de son dossier. Principalement, il a conclu à ce que le caractère abusif de son licenciement soit constaté et à ce que l’intimée soit condamnée à lui verser des indemnités de CHF 48'000.- à ce titre et de CHF 10'000.- à titre de tort moral.

Il n’avait jamais pu exercer son droit d’être entendu, les motifs de la résiliation lui ayant été communiqués de manière vague, ni accéder à son dossier personnel malgré plusieurs demandes, l’intimée ne lui ayant pas indiqué qu’il pouvait prendre rendez-vous pour le consulter.

Le service de la police municipale connaissait de graves dysfonctionnements au moment de son engagement, ce qui avait entraîné des incapacités de travail, démissions et licenciements. Dès sa prise de fonction, D______ avait entretenu des rapports conflictuels avec l’ensemble de ses subalternes, qui se trouvaient en sous-effectif. La situation avait été dénoncée au Conseil administratif de l’intimée, sans qu’aucune mesure ne soit prise pour protéger la personnalité des employés. La situation s’était au contraire détériorée jusqu’à devenir insupportable, lui causant une longue période d’incapacité de travail à partir du 8 mars 2023. Il avait ainsi été licencié, car il avait exprimé de manière légitime des protestations contre les méthodes de travail et les mauvais traitements de son supérieur hiérarchique, de sorte que son licenciement revêtait un caractère abusif. Il disposait d’une solide expérience dans le métier, puisqu’il avait précédemment travaillé pour la police municipale d’une autre commune. Il n’avait reçu aucune remarque quant à ses prestations durant les rapports de service et ses supérieurs s’étaient déclarés satisfaits.

L’intimée avait adopté un comportement inacceptable lors de la procédure de résiliation. D______ avait en effet annoncé à de nombreuses personnes son licenciement, qui n’avait pas encore été prononcé, violant ainsi son droit à la protection de sa personnalité. Le 1er juin 2023, il avait été sommé de restituer ses affaires, sous la menace d’une retenue de salaire, alors que la fin des rapports de service n’était pas encore intervenue.

b. Dans sa réponse du 21 juillet 2023, l’intimée a conclu au rejet du recours.

Aucune violation du droit d’être entendu ne pouvait être retenue, étant souligné que le recourant connaissait la situation qui prévalait et qu’il n’avait jamais contacté les ressources humaines pour consulter son dossier.

Lors de l’évaluation du 17 janvier 2023, des critiques avaient été émises sur la qualité des prestations du recourant, dont l’attitude et la qualité du travail s’étaient par la suite péjorées. Le responsable de service avait formulé oralement plusieurs remarques au recourant et un avertissement oral avait été prononcé par le secrétaire général, accompagné d’un courriel de rappel à l’ordre.

Elle pouvait résilier librement les rapports de travail sans devoir établir l’existence d’un motif fondé, le recourant étant en période probatoire. Les prestations de
celui-ci avaient fait l’objet de plusieurs critiques et l’intéressé avait dû être rappelé à l’ordre s’agissant de l’utilisation de son temps de travail pour des activités privées. Il n’avait donc pas été licencié en raison de ses prétendues demandes de respect de sa dignité et son intégrité, étant observé qu’il exposait pour la première fois dans son recours que le comportement de D______ serait à l’origine de son incapacité de travail. Elle avait pris les mesures nécessaires afin de déterminer si D______, qui faisait l’objet d’une enquête administrative, avait commis des fautes dans la gestion de son service.

L’annonce officielle du licenciement du recourant avait été faite le 12 juin 2023 sur sa plateforme de communication, « F______ ». Le service des ressources humaines s’était par ailleurs coordonné avec D______ pour que cette publication et l’annonce au service se fasse le même jour. Le licenciement étant fondé, aucune indemnité pour tort moral ne pouvait être octroyée.

L’intimée a produit le dossier du recourant.

c. Le 2 octobre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

L’intimée ne l’avait jamais informé de sa prétendue pratique concernant la consultation du dossier, dont les demandes étaient demeurées vaines.

Le dossier ne faisait état d’aucune sanction disciplinaire, en particulier de l’avertissement oral mentionné par l’intimée.

Il n’avait pas à communiquer les motifs de son incapacité de travail. En dépit des recommandations de l’assureur perte de gain, l’intimée n’avait pas mis en place une médiation au sein du service afin de lui permettre un retour au travail serein. Selon les informations en sa possession, D______ aurait effectivement concédé une gestion catastrophique et des rapports conflictuels avec ses subalternes. Il disposait d’une pièce l’attestant, laquelle serait produite dès la levée de son secret de fonction.

La résiliation de son engagement avait été annoncée à l’ensemble de ses collègues le 3 mai 2023 par D______ et les prétendus motifs de son licenciement transmis à des services de police municipale d’autres communes, si bien qu’il avait été entravé dans ses recherches d’emploi.

d. Le 12 octobre 2023, l’intimée a également maintenu ses conclusions.

L’avertissement oral était confirmé par le courriel du secrétaire général. Elle n’avait pas eu connaissance des « protestations » que le recourant soutenait avoir formulées contre les méthodes de son supérieur hiérarchique. Ce motif avait été évoqué pour la première fois dans le recours, alors que l’intéressé aurait eu de multiples occasions de lui en faire part auparavant.

Aucune médiation n’avait été mise en place en raison de la résiliation des rapports de travail.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 ‑ LOJ ‑
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 11 al. 6 du règlement du personnel communal, entré en vigueur le 1er janvier 2021), sous réserve des conclusions en tort moral pour lesquelles la chambre administrative n’est pas compétente (art. 7
al. 1 de la loi sur la responsabilité de l’État et des communes du 24 février 1989 ‑ LREC ‑ A 2 40).

2.             Dans un grief d’ordre formel qu’il convient de traiter en premier lieu, le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu.

2.1 Le droit d’être entendu, garanti à l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment et celui d’avoir accès au dossier. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497
consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 28 novembre 2022
consid. 3 et les références).

Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause
(ATF 143 III 65 consid. 5.2). L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232
consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1). Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 4A.25/2007 du 25 mai 2007 consid. 3 ; ATA/1235/2018 du
20 novembre 2018 consid. 6a). La jurisprudence admet de manière générale le renvoi au contenu d’entretiens avec la hiérarchie (ATA/1275/2022 du
20 décembre 2022 consid. 2e ; ATA/418/2022 du 26 avril 2022 consid. 2b) s’agissant des motifs de licenciement.

La violation du droit d’être entendu doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond
(ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; 140 I 68 consid. 9.3 ; 135 I 279 consid. 2.6.1). Une réparation devant l’instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_302/2018 du 14 mars 2019 consid. 2.1). Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d’être entendu, même si l’autorité de recours n’a pas la compétence d’apprécier l’opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5). La réparation d’un vice de procédure en instance de recours peut se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2).

2.2 En l’occurrence, l’intimée n’a indiqué aucune raison justifiant son intention de résilier les rapports de service dans son premier courrier du 12 avril 2023, puis s’est limitée à mentionner qu’elle n’était pas satisfaite des prestations du recourant dans sa lettre du 27 avril 2023. Elle a repris cette succincte explication dans la décision litigieuse du 11 mai 2023, quand bien même l’intéressé avait déploré qu’il ne comprenait pas les motifs de son congé. Cela étant, il convient également de rappeler que le recourant a travaillé moins de cinq mois au service de l’intimée, puisqu’il a été en incapacité totale de travail à partir du 16 mars 2023. Durant cette brève période, ses responsables hiérarchiques ont mené un entretien d’évaluation et ont alors émis plusieurs critiques, dument consignées dans le formulaire y relatif que l’intéressé a signé. En outre, le service des ressources humaines a dû lui rappeler à réitérées reprises la procédure à suivre en cas d’incapacité de travail, allant jusqu’à le prévenir qu’une procédure pour abandon de poste serait initiée s’il ne se conformait pas à la règlementation applicable. Enfin, le secrétaire général lui a reproché d’exercer des activités privées pendant ses heures de travail et l’a enjoint de changer d’attitude. Compte tenu de ces manquements, tant professionnels que personnels, une évaluation intermédiaire était prévue à brève échéance. Ainsi, le recourant connaissait la nature concrète des reproches de l’intimée et pouvait se déterminer à leur sujet.

S’agissant de la consultation du dossier, il est exact que l’intimée n’a pas précisé au recourant qu’il pouvait solliciter un rendez-vous pour en prendre connaissance. Toutefois, le recourant était en possession de tous les éléments pertinents, en particulier du formulaire d’entretien qu’il avait signé et des courriels dont il était le destinataire. De surcroît, il a été en mesure de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’il aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse.

Le grief de violation du droit d’être entendu sera ainsi écarté.

3.             Le recourant a conclu préalablement à la levée du secret de fonction.

3.1 Les rapports de service du recourant sont régis par le règlement du personnel communal, lequel prévoit à son art. 18 que les collaboratrices et les collaborateurs de l’intimée sont tenus au secret de fonction.

Le Conseil administratif de l’intimée est compétent pour se prononcer sur les demandes de levée dudit secret émanant des membres de son personnel
(cf. art. 48 de la loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984
[LAC - B 6 05]).

3.2 Le recourant ne soutient pas avoir demandé en vain à l’autorité compétente de le délier du secret de fonction, qui n’est en outre pas l’objet de la décision attaquée, de sorte que sa conclusion préalable est irrecevable.

4.             Le recourant conteste le bien-fondé de son licenciement, qu’il qualifie d’abusif.

4.1 L’art. 4 du règlement du personnel prévoit que les relations de travail entre un membre du personnel communal et la commune sont régies par le contrat individuel de travail (let. a), le cahier des charges (let. b), le présent règlement (let. c), les directives internes (let. d) et, pour le surplus, par les art. 319 ss de la loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), applicables à titre de droit public supplétif (let. e).

À teneur de l’art. 6 al. 1 du règlement, le temps d’essai pour les contrats à durée indéterminée est de trois mois pour tous les collaborateurs.

Conformément à l’art. 7 du règlement, les membres du personnel sont en outre soumis à une période probatoire de deux ans qui débute dès l’engagement et comprend le temps d’essai précité (al. 1). Pendant la période probatoire, les rapports de travail peuvent être librement résiliés de part et d’autre conformément aux délais prévus à l’art. 10 (al. 6).

Selon l’art. 10 al. 3 let. a du règlement, après le temps d’essai, le contrat de travail peut être résilié par l’une ou l’autre des parties pour la fin d’un mois avec un délai de congé d’un mois pendant la première année de service.

Selon l’art. 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant de son contrat de travail.

4.2 Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion d’exposer que lorsque le droit applicable ne fait pas dépendre le licenciement de conditions matérielles, l’autorité dispose dans ce cadre d’un très large pouvoir d’appréciation. Dans un tel cas, la cour cantonale n’est fondée à intervenir qu’en cas de violation des principes constitutionnels tels que l’égalité de traitement et l’interdiction de l’arbitraire. En particulier, le grief d’arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l’employé ou en cas de discrimination. En revanche, l’autorité de recours n’a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l’employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives ou qu’elle n’apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêts du Tribunal fédéral 8C_40/2022 du 15 juillet 2022 consid. 4.4 ; 8C_146/2018 du 7 décembre 2018 consid. 4.2 ; 8C_577/2014 du 8 octobre 2015 consid. 2.3 ; 8C_182/2013 du 7 novembre 2013 consid. 2.2 et les références citées).

L’administration doit jauger, au vu des prestations fournies par l’employé et du comportement adopté par celui-ci pendant la période probatoire, les chances de succès de la collaboration future et pouvoir y mettre fin si nécessaire avant la nomination s’il s’avère que l’engagement à long terme de l’agent public ne répondra pas aux besoins du service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_182/2013 du
7 novembre 2013 consid. 2.2).

Durant la période probatoire, même s’il doit exister un motif justifiant de mettre fin aux rapports de service pour ne pas tomber dans l’arbitraire, l’administration dispose d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Ce large pouvoir d’appréciation permet le recrutement d’agents répondant véritablement aux besoins du service. L’administration reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment le droit d’être entendu, l’interdiction de l’arbitraire, le respect de l’égalité de traitement et des principes de la proportionnalité et de la bonne foi (ATA/398/2019 du 9 avril 2019 consid. 6b ; ATA/408/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/32/2017 du
17 janvier 2017 et les références citées). Saisie d’un recours pour résiliation des rapports de service durant la période probatoire, la chambre administrative dispose, sauf violation des droits et principes constitutionnels, d’un pouvoir d’examen limité à l’application des délais légaux de congé, compte tenu du large pouvoir d’appréciation laissé à l’autorité compétente (ATA/398/2019 précité
consid. 6b ; ATA/1071/2016 du 20 décembre 2016 ; ATA/408/2017 précité ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016).

4.3 Aux termes de l’art. 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Le travailleur n’est protégé contre le licenciement que s’il peut supposer de bonne foi que les droits qu’il a prétendus lui sont acquis. L’exigence de la bonne foi présente un double aspect, protégeant à la fois l’employeur et le travailleur : d’une part, la réclamation ne doit être ni chicanière ni téméraire, car la protection ne s’étend pas au travailleur qui cherche à bloquer un congé en soi admissible ou qui fait valoir des prétentions totalement injustifiées ; d’autre part, la prétention exercée ne doit pas nécessairement être fondée en droit puisqu’il suffit que le travailleur soit légitimé, de bonne foi, à penser qu’elle l’est (ATF 136 III 513 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.1).

La manière dont le congé est donné peut aussi le faire apparaître comme abusif. Même lorsque le motif de la résiliation est en soi légitime, celui qui exerce son droit de mettre fin au contrat doit agir avec des égards. Si l’employeur porte une grave atteinte aux droits de la personnalité du travailleur dans le contexte d’une résiliation, celle-ci doit être considérée comme abusive; un comportement simplement inconvenant ne suffit cependant pas (ATF 132 III 115 consid. 2.2 et 2.3; 131 III 535 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.2). Il s’agit donc d’un cas de violation de l’art. 328 CO qui oblige l’employeur à protéger la personnalité du travailleur, notamment son honneur personnel et professionnel. L’employeur ne doit pas stigmatiser, de manière inutilement vexatoire et au-delà du cercle des intéressés, le comportement du travailleur. Il y a atteinte grave aux droits de la personnalité lorsque l’employeur formule des accusations lourdes qui se révèlent infondées alors qu’il ne dispose d’aucun indice sérieux ou n’a fait aucune recherche en vue d’établir les faits. L’employeur ne doit pas formuler des accusations accablantes si ses soupçons ne reposent sur aucun élément sérieux. Même si les faits sont exacts, la stigmatisation à l’égard de tiers peut constituer, de la part de l’employeur, une violation de son devoir de protéger la personnalité du travailleur (arrêts du Tribunal fédéral 4A_3/2023 du 30 août 2023 consid. 4.2 ; 4A_485/2016 du 28 avril 2017 consid. 2.2.2 ; 4A_99/2012 du 30 avril 2012
consid. 2.2.1 et les arrêts cités).

La chambre de céans a déjà retenu que l’envoi d’un courriel aux collaborateurs d’un cadre afin de les informer de son licenciement, contenant comme explications qu’il était responsable de graves dysfonctionnements, portait atteinte à sa personnalité. De plus, l’intimée évoquait l’existence d’un conflit d’intérêts entre l’emploi du recourant et ses activités accessoires, alors que ce motif n’avait finalement pas été retenu. Toutefois, bien que ce courriel fût inutile et inconvenant, il ne constituait pas une atteinte à la personnalité du recourant suffisamment grave pour rendre le licenciement abusif, au regard de l’ensemble des circonstances particulières (ATA/1807/2019 du 17 décembre 2019 consid. 15 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2020 du 12 janvier 2021).

4.4 En l’espèce, les allégations du recourant en lien avec un congé-représailles ont été formulées pour la première fois dans son acte de recours et elles ne sont étayées par aucune pièce du dossier. En l’état, rien ne permet de retenir que l’intéressé aurait fait valoir de bonne foi des revendications en lien avec son contrat de travail, qu’il aurait dénoncé de graves dysfonctionnements au Conseil administratif de l’intimée, ou qu’il se serait plaint des méthodes de travail de son supérieur hiérarchique. Qui plus est, le recourant a indiqué dans son courriel du 16 mars 2023, soit juste après son altercation avec D______, qu’il ne souffrait pas d’une maladie grave et espérait pouvoir reprendre rapidement son travail, sans la moindre allusion à la situation insupportable qu’il décrit dans le cadre de la présente procédure et qu’il impute à son chef de service.

De plus, contrairement à ce que soutient le recourant, l’intimée lui a fait plusieurs reproches concernant la qualité de ses prestations et son comportement. Ainsi, le formulaire relatif à l’entretien d’évaluation et de développement des compétences du 17 janvier 2023 relève l’existence de nombreuses erreurs dans la rédaction de documents officiels, une connaissance insuffisante des « outils police », un manque d’initiative. Le recourant était invité à établir des priorités, à diversifier les sujets traités et à veiller aux respects des délais. Si le prononcé d’un avertissement ne saurait être retenu, dès lors que les sanctions disciplinaires doivent faire l’objet d’une décision notifiée par écrit (cf. art. 32 al. 1 let. a et 33 al. 3 du règlement), les pièces produites attestent néanmoins que le secrétaire général a convoqué le recourant pour lui enjoindre de cesser toute activité privée pendant son service et corriger son attitude générale. Une évaluation intermédiaire était d’ores et déjà prévue. Enfin, le service des ressources humaines a également dû demander au recourant de se conformer à ses obligations en cas d’absence, puisque le collaborateur a omis à plusieurs reprises d’informer immédiatement son responsable et de transmettre ses certificats médicaux.

L’intimée était donc fondée à se séparer du recourant, lequel était en période probatoire et ne répondait pas à ses attentes. Le délai de congé d’un mois pour la fin d’un mois a été respecté, ce qui n’est au demeurant pas remis en cause. En outre, le licenciement n’est pas intervenu en temps inopportun, ce que le recourant ne conteste pas, dès lors que celui-ci se trouvait dans sa première année de service et que le congé a été prononcé plus de 30 jours après le début de l’incapacité de travail, étant encore relevé que le règlement applicable ne prévoit pas de dérogation à
l’art. 336c al. 1 let. b CO.

Enfin, s’agissant de la procédure de résiliation, l’intimée a indiqué le 12 juin 2023 sur le site « F______ » que les rapports de service du recourant prendraient fin le 30 juin 2023. Cette publication n’était visible que par le personnel de l’intimée et ne mentionne aucun détail, en particulier les raisons ayant conduit l’intimée à rendre la décision litigieuse. Aucun élément du dossier ne vient confirmer les affirmations du recourant, selon lesquelles D______ aurait annoncé à plusieurs personnes son licenciement avant que la décision ne soit prononcée. Partant, aucune violation du droit à la protection de la personnalité ne saurait être retenue.

À toutes fins utiles, il sera encore observé que l’intimée n’était pas tenue de mettre en œuvre la médiation évoquée dans le rapport médical demandé par l’assureur perte de gain, alors que la procédure de résiliation avait déjà été entamée et que le recourant avait produit un certificat médical attestant d’une totale incapacité de travail jusqu’à l’échéance du délai de congé. Enfin, il ne saurait être reproché à l’intimée d’avoir sollicité la restitution du matériel dont le recourant ne pouvait plus se servir, compte tenu de son arrêt de travail et du caractère exécutoire nonobstant recours de la décision de licenciement.  

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il sera alloué à la commune intimée, qui y a conclu et qui compte moins de 10'000 habitants (ATA/1223/2021 du 16 novembre 2021 ; ATA/792/2022 du 9 août 2022), une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à
CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 12 juin 2023 par A______ contre la décision de la Commune B______ du 11 mai 2023 ; 

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______;

alloue à la Commune B______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de A______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les
trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé, au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mathieu JACQUERIOZ, avocat du recourant, ainsi qu’à Me François BELLANGER, avocat de la Commune B______.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :