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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/81/2019

ATA/398/2019 du 09.04.2019 ( FPUBL ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/81/2019-FPUBL ATA/398/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2019

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par le Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs – SIT, soit pour lui Madame Clémence Jung, juriste

contre

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS POUR L'INTÉGRATION (EPI)

 



EN FAIT

1. Madame A______, née le ______ 1984, a été engagée en qualité de socio-éducatrice à 80 % dès le 15 décembre 2017 pour une durée indéterminée par les Établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI).

Les rapports de travail étaient régis par les dispositions de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ainsi que par la loi sur l’intégration des personnes handicapées du 16 mai 2003 (LIPH - K 1 36).

2. Le 6 avril 2018, Mme A______ a fait l’objet d’un entretien d’évaluation et de développement du collaborateur, mené par Monsieur B______, chef de secteur.

Sur les onze points évalués, neuf étaient maîtrisés. Les deux points concernant les compétences techniques en lien avec les métiers exercés étaient à développer.

Elle s’était intégrée rapidement à l’équipe. Elle avait su y trouver sa place malgré les difficultés rencontrées « par l’appartement en ce moment ». Elle devait veiller à se préserver des facteurs de stress rencontrés « dans cet appartement spécifique, notamment celui des comportements de violence fréquents dans la résidence ». Des objectifs étaient convenus.

Le document a été contresigné par Mesdames C______, cheffe de service, et D______, responsable des ressources humaines.

3. M. B______ a été remplacé par Monsieur E______ en mai 2018.

4. Un entretien d’évaluation et de développement s’est tenu le 27 août 2018. Il portait sur la période du 7 mai au 31 juillet 2018.

Trois des points évalués étaient « à développer » et le dernier « non maîtrisé ». Il était attendu de Mme A______ qu’elle maîtrise les « items » notifiés comme non maîtrisés et qu’elle améliore de manière significative tous ceux à développer en adoptant une posture professionnelle respectueuse, responsable, engagée et motivée. « Mis bout à bout, ces points montraient une professionnelle qui n’avait pas la réactivité et la vigilance attendues aux EPI et plus particulièrement dans une structure intermédiaire ».

L’intéressée indiquait souhaiter annexer un document pour répondre aux éléments qui lui étaient reprochés.

Dans l’attente notamment de ce document, aucun objectif n’était posé.

5. Le 4 septembre 2018 a eu lieu un entretien entre Mme A______, M. E______ et un collègue infirmier avec lequel l’intéressée indiquait rencontrer des problèmes.

6. Mme A______ a fait valoir ses observations à la suite de l’évaluation du 27 août 2018 par courrier du 5 septembre 2018.

La première évaluation avait été effectuée par l’ancien chef de secteur. Elle était très positive et encourageante. L’intéressé avait été destitué de ses fonctions et remplacé par M. E______. Jusqu’au mois d’août 2018, ni les éléments figurant dans l’évaluation litigieuse ni ses compétences n’avaient été remis en question. Lorsqu’elle s’était présentée à l’entretien du 27 août 2018, elle avait constaté que l’évaluation était déjà rédigée. Il lui avait été indiqué que l’évaluation était faite notamment en fonction d’ « éléments inquiétants » transmis à M. E______, à l’issue des vacances de celui-ci, par Madame F_____, cheffe de secteur.

De nombreuses critiques étaient injustifiées. L’accompagnement et le bien-être des résidents avaient toujours été au centre de ses préoccupations, tout comme son envie de constamment développer ses compétences et ses champs d’intervention. Si la question venait à se poser, elle était ouverte à une éventuelle proposition de transfert.

7. Par courriel du 14 septembre 2018, Monsieur G_____, intervenant pour la délégation syndicale du secteur socio-éducatif des EPI, a indiqué notamment au directeur, avoir été sollicité par Mme A______.

Celle-ci avait appris la veille être convoquée pour « une séance de confrontation » avec le collègue infirmier avec lequel elle entretenait une relation conflictuelle. Elle travaillait depuis de nombreuses semaines dans la crainte de celui-ci. Après avoir consulté la délégation syndicale, il sollicitait qu’il soit sursis à cette séance et que toutes les mesures indispensables pour construire, avec exigence et bienveillance, un rapport de confiance renouvelé soient prises non seulement avec Mme A______, mais également avec l’ensemble de l’équipe, laquelle était en souffrance.

8. La séance réunissant Mme A______, M. G_____, le collègue infirmier et M. E______ s’est tenue le 18 septembre 2018.

9. Selon certificat médical du 29 septembre 2018, Mme A______ a été en incapacité de travail à compter du jour même jusqu’au 1er novembre 2018.

10. Par certificat médical du 26 octobre 2018, l’incapacité de travail a été prolongée jusqu’au 5 décembre 2018.

11. Mme A______ a pris des vacances du 12 au 27 novembre 2018. Elles étaient autorisées par l’employeur et par son médecin traitant.

12. Par courriel du jeudi 22 novembre 2018 adressé au « secteur des ressources humaines » et à M. E______, Mme A______ a indiqué qu’elle serait de retour dans l’équipe à l’issue de son arrêt de travail 2018 « en respect des horaires prévus pour le mois de décembre ».

M. E______ a fait suivre ce courriel le vendredi 23 novembre 2018 à 11h56 à Mme D______.

13. Par courriel du même jour, à 12h40, Mme D______ a indiqué à Mme A______ qu’elle souhaitait lui proposer une rencontre. Elle n’arrivait pas à la joindre téléphoniquement. Elle la remerciait de lui indiquer lequel des deux créneaux horaires lui convenait le mieux entre le lundi 26 novembre à 10h ou le vendredi 30 novembre à 11h. Elle pouvait être jointe par téléphone.

14. Par courriel du mardi 27 novembre 2018, Mme D______ a souhaité que Mme A______ lui confirme sa présence à l’entretien du vendredi 30 novembre à 11h.

15. Par courrier du 27 novembre 2018 envoyé en A+, Mme D______ a convoqué Mme A______ à un entretien le 30 novembre 2018.

Elle lui avait adressé un courriel resté sans réponse, puis un second le 27 novembre 2018. Ses nombreuses tentatives de la joindre par téléphone étaient restées vaines. L’entretien devait avoir pour but de proposer un changement d’affectation tenant compte du souhait que l’intéressée avait émis ainsi que des besoins du service.

16. Mme A______ ne s’étant pas présentée le 30 novembre 2018, elle a été convoquée, par courrier du même jour, à un entretien de service pour la date du 6 décembre 2018.

À la suite de l’entretien d’évaluation constatant divers manquements et compte tenu des observations écrites formulées, un entretien avait été proposé dans le but d’envisager un changement d’affectation. Les EPI n’étaient toutefois pas parvenus à la joindre, malgré de nombreuses tentatives. Ils considéraient qu’elle était absente de Genève alors même qu’elle avait produit un certificat médical attestant d’une incapacité de travail jusqu’au 5 décembre 2018. Durant une maladie ou une absence pour cause d’accident, le collaborateur devait rester joignable et répondre aux demandes de son employeur. Par conséquent, ce fait constituait une faute grave de sa part. Il y avait lieu de procéder à un entretien de service afin d’entendre ses explications. La teneur de l’évaluation du 27 août 2018 et de ses observations subséquentes y serait aussi évoquée.

Elle était tenue de participer audit entretien. Seule une incapacité de déplacement, validée par certificat médical, serait acceptée. Une absence non justifiée serait considérée comme une nouvelle faute de sa part.

17. Lors de l’entretien de service du 6 décembre 2018, Mme D______ a indiqué qu’elle avait tenté de joindre Mme A______ par différents canaux : téléphone mobile, trois adresses de messagerie électronique de l’intéressée – celle professionnelle, utilisée pour informer l’équipe de son retour, et les deux adresses privées avec lesquelles elle avait joint les EPI – ainsi que deux courriers A+ au domicile. Lors des tentatives téléphoniques, la ligne fixe des EPI semblait avoir été bloquée, un message automatique indiquant « cette relation est temporairement bloquée, veuillez rappeler plus tard ». Lors d’une tentative par un téléphone mobile, la ligne avait sonné. Mme A______ n’avait pas répondu. Par la suite, la ligne avait aussi été bloquée. Lorsque Mme A______ avait contacté Mme D______ le 3 décembre 2018, le numéro ne s’affichait pas, mais indiquait « inconnu ».

Mme A______ a précisé que ses deux boîtes de messagerie électronique personnelles étaient bloquées depuis le 10 novembre 2018. Elle a montré son téléphone affichant un message d’absence de mise à jour des courriels depuis cette date pour les deux boîtes concernées.

Mme A______ a produit une attestation de sortie du territoire datée du 26 octobre 2018, établie par un médecin lequel confirmait que celle-ci était suivie médicalement. Son état de santé lui permettait de sortir du territoire du 10 novembre 2018 au 30 novembre 2018.

Mme A______ a confirmé avoir été absente de Genève du 11 au 30 novembre 2018. Elle avait consulté sa boîte professionnelle régulièrement durant cette période, mais pas après le 22 novembre 2018. C’était son médecin qui lui avait demandé de s’éloigner de Genève et de ne fournir l’attestation de sortie du territoire qu’à la demande de l’employeur. Elle pensait être joignable via sa boîte mail professionnelle.

Mme D______ a précisé que, dès lors qu’elle n’avait pas consulté sa boîte de messagerie électronique entre le 22 et le 30 novembre 2018 au soir, selon les indications de la collaboratrice, et que celle-ci avait préféré attendre le lundi 3 décembre 2018 pour recontacter téléphoniquement la directrice des ressources humaines, l’employeur considérait qu’elle n’était pas joignable. Une décision de l’employeur suivrait.

18. Par décision du 10 décembre 2018, les EPI ont résilié le contrat de travail de Mme A______ pour le terme du 31 janvier 2019.

Lors de l’entretien de service, il avait été indiqué à l’intéressée les diverses manières par lesquelles son employeur avait essayé de la joindre, en vain. Durant une période d’absence pour cause de maladie, elle était tenue d’être joignable et de répondre aux demandes de son employeur. Les arguments qu’elle avait exposés durant l’entretien n’étaient pas suffisants pour rétablir le lien de confiance nécessaire à la poursuite des relations de travail.

Elle était en première année de période probatoire. Il ne pouvait être envisagé de pouvoir poursuivre les rapports professionnels.

Elle était libérée de son obligation de venir travailler et percevrait normalement sa rémunération jusqu’à l’échéance précitée.

Mme A______ a refusé de signer ce courrier, remis en mains propres le 11 décembre 2018 à 12h40, ce dont attestent les signatures de Mme D______ et M. E______.

19. Par acte du 9 janvier 2019, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de résiliation des rapports de service.

Elle a conclu à l’annulation de la décision, subsidiairement au constat du caractère illicite de ladite décision et au paiement d’une indemnité équivalent à six mois de traitement. Préalablement, elle devait pouvoir compléter son recours et une comparution personnelle des parties devait être ordonnée.

La décision de licenciement violait l’interdiction de l’arbitraire et le respect de la légalité. Elle avait rencontré un problème de messagerie électronique qu’elle avait démontré lors de l’entretien de service. Elle avait aussi expliqué avoir été hors de Suisse du 11 novembre au 30 novembre 2018 en accord avec son médecin, conformément à une attestation fournie à son employeur. Il ne pouvait pas lui être reproché de n’avoir pas pu se rendre à un entretien convoqué pendant son arrêt maladie. Le certificat médical, connu de son employeur, indiquait une reprise à 100 % le 5 décembre 2018. Il ne pouvait pas être attendu d’elle qu’elle se rende à l’entretien le 30 novembre 2018. Elle avait reçu en mains propres la lettre de licenciement le 11 décembre 2018. À quatre jours près, elle finissait sa première année de service, faisant passer le délai de licenciement d’un à trois mois. Il devait être procédé à une analyse fine de la chronologie des événements. La résiliation des rapports de service avait été précipitée. Ses droits étaient niés par une décision arbitraire et choquante.

L’art. 23 let. f RPAC était violé. Les difficultés rencontrées dans l’équipe étaient connues de l’autorité. Avant l’arrivée de l’intéressée, l’appartement dans lequel elle travaillait passait par une période difficile, notamment en raison d’un clivage entre les employés des EPI et ceux des HUG. Ces difficultés avaient été reconnues lors de l’évaluation d’avril où il avait été indiqué qu’elle s’était « intégrée rapidement à l’équipe, elle a su y trouver sa place malgré les difficultés rencontrées par l’appartement en ce moment ». Le collègue infirmier avait exercé sur elle une forme de harcèlement par des remarques quotidiennes et un comportement délétère tant pour elle que pour l’équipe de travail. Malgré la lettre du représentant syndical, indiquant que l’entretien de confrontation était impropre à régler la situation et mettrait en péril la santé de la recourante, tout en risquant de péjorer les conditions de travail de l’équipe et d’emporter un risque pour les conditions de prise en charge des résidents, ledit entretien de confrontation avait eu lieu le 18 septembre 2018. La recourante avait dû être arrêtée par son médecin le 29 septembre 2018, ne pouvant plus se rendre au travail vu les conditions. Les EPI n’avaient pas su intervenir pour protéger leur employée et éviter la mise en arrêt maladie de celle-ci. La convocation à un entretien pour discuter d’un changement d’affectation pendant la période d’incapacité de travail était un
non-sens. Le licenciement sans ménagement et dans un délai record achevait d’atteindre sa personnalité. La décision de résiliation était disproportionnée et ne respectait pas le droit.

Elle concluait à l’annulation de la décision et à une indemnité si sa réintégration était niée par les EPI.

20. Les EPI ont conclu au rejet du recours et de la demande de réintégration.

Les spécificités du lieu de travail étaient connues de la recourante au moment de son engagement. La hiérarchie avait réagi dès qu’elle avait eu connaissance du différend relationnel avec le collègue infirmier. Une réunion de travail avait été rapidement organisée. La réunion du 4 septembre 2018 ayant mis en évidence des soucis de collaboration, la décision avait été prise d’organiser une nouvelle rencontre destinée à aplanir les difficultés et clarifier la situation.

L’attestation de sortie du territoire datée du 26 octobre 2018 n’avait été produite à l’employeur que lors de l’entretien de service du 6 décembre 2018. Mme A______ avait obtenu de son employeur de pouvoir prendre des vacances du 12 au 27 novembre 2018. La convocation adressée le 27 novembre 2018 faisait suite à de nombreuses tentatives infructueuses de la contacter sur son téléphone mobile et ses trois adresses de messagerie électronique. Elle ne s’était toutefois pas présentée à l’entretien du 30 novembre 2018 à 11h. et n’avait pas averti de son impossibilité d’être présente.

L’employeur avait essayé de veiller à la personnalité de la collaboratrice, notamment de répondre à sa demande de pouvoir changer d’affectation, conformément à son courrier du 5 septembre 2018. C’était afin de satisfaire cette demande et de mettre en place ce changement d’affectation, dès son retour de congé maladie, qu’il avait tenté de la contacter par téléphone et par message. L’ensemble des moyens de communication professionnels et privés, dont ils avaient les coordonnées, avait été utilisé, sans succès, alors que tout collaborateur absent pour raison de maladie devait pouvoir être joignable par sa hiérarchie et répondre à ses demandes.

Un courrier de convocation lui avait été finalement envoyé, encore une fois sans succès, puisqu’elle ne s’était pas présentée le 30 novembre 2018, ni excusée, étant absente du territoire sans en avoir averti son employeur alors qu’elle se trouvait en congé maladie. L’entretien de service avait permis de confirmer la réalité de l’absence liée au voyage à l’étranger aux mêmes dates que celles qu’elle avait demandées pour partir en vacances et qui lui avaient été accordées par sa hiérarchie. La production, pour la première fois, d’une autorisation de sortie du territoire n’était pas de nature à renforcer la confiance nécessaire à la poursuite des rapports de travail.

21. Dans sa réplique, le recourante a persisté dans ses conclusions. Elle n’était pas censée se rendre sur le lieu de travail avant que son médecin ne lui prescrive une reprise de travail. La rupture du lien de confiance était vide de sens. Elle relevait une nouvelle fois la célérité avec laquelle son employeur avait procédé à son licenciement.

22. Sur ce, les parties sont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige concerne la conformité au droit de la décision de résiliation des rapports de service de la recourante du 10 décembre 2018 pour le terme du 31 janvier 2019.

3. a. Sous l’appellation Établissements publics pour l’intégration, il est institué un établissement de droit public, doté de la personnalité juridique, dont le siège est à Genève (art. 28 LIPH).

À teneur de l’art. 29 LIPH, les EPI ont pour but l’intégration et la réinsertion professionnelle des personnes handicapées, l’augmentation de leur autonomie et l’amélioration de leurs conditions de vie en tenant compte de leurs besoins particuliers. Ils exploitent également des lieux d’activités de jour et des lieux de vie accueillant des personnes handicapées.

b. Les relations entre les EPI et son personnel sont régies par la législation cantonale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux (art. 43 al. 1 LIPH).

4. La recourante est soumise à la LPAC et au RPAC, qui s’appliquent dans leur teneur au moment des faits.

5. Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d’employés, d’auxiliaires, d’agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC). Est un fonctionnaire le membre du personnel régulier ainsi nommé pour une durée indéterminée après avoir accompli comme employé une période probatoire (art. 5 LPAC). Est un employé le membre du personnel régulier qui accomplit une période probatoire (art. 6 al. 1 LPAC).

Il n’est pas contesté que la recourante était en période probatoire au moment du licenciement.

6. a. Pendant le temps d’essai et la période probatoire, l’employeur étatique peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de congé ; le membre du personnel doit être entendu par l’autorité compétente et peut demander que le motif de résiliation lui soit communiqué (art. 21 al. 1 LPAC). Après le temps d’essai – de trois mois (art. 20 al. 1 LPAC) –, et pendant la première année d’activité, le délai de résiliation est d’un mois pour la fin d’un mois (art. 20
al. 2 LPAC). Lorsque les rapports de service ont duré plus d’une année, le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d’un mois (art. 20 al. 3 LPAC).

Demeure toutefois réservée la résiliation en temps inopportun – non pertinente en l’espèce –, pour laquelle les art. 336c et 336d de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sont applicables par analogie (art. 44A RPAC).

b. Durant la période probatoire, même s’il doit exister un motif justifiant de mettre fin aux rapports de service pour ne pas tomber dans l’arbitraire, l’administration dispose d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Ce large pouvoir d’appréciation permet le recrutement d’agents répondant véritablement aux besoins du service. L’administration reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment le droit d’être entendu, l’interdiction de l’arbitraire, et le respect de l’égalité de traitement et du principe de la proportionnalité (ATA/408/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/32/2017 du 17 janvier 2017 et les références citées).

Saisie d’un recours pour résiliation des rapports de service durant la période probatoire, la chambre administrative dispose, sauf violation des droits et principes constitutionnels, d’un pouvoir d’examen limité à l’application des délais légaux de congé, compte tenu du large pouvoir d’appréciation laissé à l’autorité compétente (ATA/1071/2016 du 20 décembre 2016 ; ATA/408/2017 précité ; ATA/590/2016 du 12 juillet 2016).

7. a. Le Conseil d'État veille à la protection de la personnalité de tous les membres du personnel dans le cadre de leur activité professionnelle. Il prend les mesures nécessaires à la prévention, à la constatation, à la cessation et à la sanction de toute atteinte à la personnalité d'un membre du personnel, en particulier en cas de harcèlement sexuel ou psychologique (art. 1 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 - RPPers - B 5 05.10).

Est également soumis au présent RRPers (art. 2 al. 2 let. a RRPers).

Est constitutive d'une atteinte à la personnalité toute violation illicite d'un droit de la personnalité, telles notamment la santé physique et psychique, l'intégrité morale, la considération sociale, la jouissance des libertés individuelles ou de la sphère privée (art. 3 al. 1 RPPers).

b. Les membres du personnel chargés de fonctions d’autorité sont tenus, notamment, de veiller à la protection de la personnalité des membres du personnel (art. 23 let. f RPAC).

c. Il incombe à l'employeur public, comme à l'employeur privé (art. 328 CO), de protéger et respecter la personnalité du travailleur. Cette obligation comprend notamment le devoir de l'employeur d'agir dans certains cas pour calmer la situation conflictuelle et de ne pas rester inactif (ATF 137 I 58 consid. 4.2.3).

d. Le principe de la proportionnalité contraint l’employeur à devoir chercher des solutions aux conflits plus que ne le fait le droit privé (Valérie DÉFAGO GAUDIN, conflits et fonction publique, instruments in Conflits au travail, CERT, 2015, p. 174).

8. Les instructions de l'employeur doivent être en rapport avec les besoins de l'entreprise, proportionnées au but visé, conformes à la loi, aux mœurs, au contrat individuel et au droit collectif, respectueuses de la personnalité, de la santé et de la sécurité du travailleur, et prendre en compte, si nécessaire, les composantes personnelles, familiales et sociales de ce dernier (Aurélien WITZIG, La subordination dans le contrat de travail in SJ 2015 II 39 ss, p. 65).

Une instruction abusive ou violant les protections susmentionnées n'a pas à être respectée par le travailleur. Ce dernier peut s'abstenir de la respecter sans encourir les sanctions prévues en cas de désobéissance. Il est toutefois généralement conseillé au travailleur de signaler à l'employeur le caractère abusif ou illicite de l'instruction avant de s'autoriser à ne pas la respecter unilatéralement, sauf à commettre en retour un abus dans le droit de refuser de respecter une instruction abusive ou illicite. L'existence et l'étendue de l'obligation de signalement préalable pesant sur le travailleur devront être déterminées en équité par le juge. Ce jugement tiendra compte de l'expérience et des connaissances particulières du travailleur, ainsi que de sa place dans la hiérarchie de l'entreprise (Aurélien WITZIG, op. cit., p. 65).

9. Le but des vacances est de pouvoir bénéficier d'un repos effectif (ATF 129 III 664 consid. 7.3 et les références ; Gabriel AUBERT, Le droit des vacances : quelques problèmes pratiques, in Journée 1990 de droit du travail et de la sécurité sociale, p. 120 ss).

Le but des vacances est de permettre au travailleur de se reposer et de se détendre et, par ce moyen, de retrouver sa forme physique et psychique. Les vacances constituent une période durant laquelle le travailleur doit pouvoir prendre de la distance à l'égard de ses obligations professionnelles, se reposer sans se soucier de son travail. À ce titre, il n'existe pas de devoir contractuel pour le travailleur de rester atteignable durant ses vacances. Admettre le contraire reviendrait en effet à limiter dans une trop grande mesure la liberté de choix des activités qu'il entend mener pendant les vacances (Eric CEROTTINI, Commentaire du contrat de travail, 2013, ad. art. 329a, n. 2).

Une incapacité de travailler n’occasionne pas forcément une incapacité de prendre des vacances (Éric CEROTTINI, op. cit. ad. art. 329a CO, n. 22)

Certains événements, lorsqu’ils se produisent pendant une période de vacances, sont de nature à empêcher la réalisation du but des vacances, à savoir le repos et la distraction. La maladie et l’accident sont les premiers cas d’empêchement qui viennent à l’esprit et qui sont les plus fréquemment rencontrés en pratique. Certaines maladies vont entraîner une diminution des forces physiques ou psychiques du travailleur, au point de rendre illusoire toute concrétisation du but des vacances. D’autres affections, en revanche, n’auront pas de véritable impact sur la capacité du travailleur à profiter de ses vacances. Sa santé est certes atteinte, mais l’affection n’est pas assez sérieuse pour empêcher le travailleur de se reposer et de se distraire (Eric CEROTTINI, op. cit., ad. art. 329a, n. 17).

10. Le principe de la bonne foi consacré aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale et leur commande de s'abstenir, dans leurs relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1).

11. a. En l’espèce, la recourante a été en incapacité de travail dès le 29 septembre 2018. La période de protection de trente jours (art. 336c al. 1 let. b CO) est arrivée à échéance le 28 octobre 2018. Dès cette date, la recourante n’était plus au bénéfice de la protection contre les licenciements en temps inopportun, ce que les parties ne contestent pas.

b. La recourante a été en vacances du 12 au 27 novembre 2018. Ces vacances étaient dûment permises par l’employeur. Certes, l’employeur ignorait que la recourante était autorisée par son médecin à quitter le territoire suisse. Ce fait est toutefois sans pertinence dès lors que son déplacement n’était pas médicalement contrindiqué et que, conformément à ce qui précède, le but des vacances est le repos, le travailleur n’ayant pas l’obligation de rester atteignable durant ses vacances.

Pendant ses vacances, le 22 novembre 2018, la recourante a informé son employeur de son retour au travail à l’issue de son incapacité de travail, attestée médicalement, soit le 5 décembre 2018.

Dès réception de cette information, l’employeur a, le vendredi 23 novembre 2018, à 12h40, convoqué l’intéressée par courriel en lui indiquant qu’il ne parvenait pas à la joindre téléphoniquement. Deux dates étaient proposées pour un entretien, soit le lundi 26 ou le vendredi 30 novembre 2018.

Ces prises de contact de l’employeur sont intervenues pendant les vacances de la recourante, pourtant dûment connues et autorisées par lui-même. De même, la fixation d’un entretien le 26 novembre 2018 coïncide avec une date pendant les vacances de l’intéressée.

Il n’est pas allégué que l’intéressée ait dû être disponible pendant ses vacances pour des motifs particuliers liés à son travail ou des responsabilités particulières.

En conséquence, l’attitude de l’autorité intimée viole les obligations de l’employeur notamment sous l’angle de la protection de la personnalité du travailleur et de sa vie privée. Les prises de contact de l’employeur avec sa collaboratrice, dans les circonstances susmentionnées entre le 23 et le 26 novembre 2018, étaient contraires à son obligation de protéger la personnalité de l’employée.

c. L’employeur indique avoir licencié la recourante au motif que, durant une période d’absence pour cause de maladie, elle était tenue d’être joignable et de répondre aux demandes de son employeur.

Certes, l’employeur doit pouvoir, si nécessaire et en fonction des circonstances, contacter un employé pendant une incapacité de travail. D’une part, un employé ne bénéficie d’une protection contre le licenciement en temps inopportun que d’une manière limitée dans le temps. Il doit pouvoir être joint au plus tard à l’issue de celle-ci. D’autre part, en fonction publique, un entretien de service est nécessaire avant un licenciement (art. 46A RPAC). D’autres motifs peuvent, dans certaines circonstances, notamment en fonction des responsabilités du fonctionnaire, justifier des contacts pendant une maladie.

En l’espèce, le délai de protection contre le licenciement était échu. L’employeur était en droit de contacter l’intéressée dès son retour de vacances le mardi 27 novembre 2018. Toutefois, la convocation pour le vendredi 30 novembre 2018 laissait peu de temps à l’intéressée pour s’organiser. De surcroît, la recourante était malade pour un motif en lien avec son emploi, ce que l’autorité intimée savait. Cet élément aurait dû être pris en compte par l’autorité intimée pour assouplir ses exigences de disponibilité du collaborateur malade pour une cause en lien avec son emploi. Enfin, si les raisons de la convocation étaient louables, à savoir l’organisation de la reprise d’activité de l’intéressée dans un cadre nouveau aux fins de tenir compte des difficultés relationnelles rencontrées, elles n’étaient pas urgentes au point de devoir impérativement être résolues avant la reprise de travail que l’autorité intimée savait prochaine, soit la semaine suivante, le 5 décembre 2018.

À titre de comparaison, une convocation pour un entretien de service doit parvenir au membre du personnel quatorze jours avant l’entretien (art. 44
al. 3 RPAC). La date d’un entretien individuel après la période probatoire est arrêtée au moins deux semaines à l’avance (art. 46 al. 3 RPAC).

En conséquence, l’envoi de courriels et d’un courrier A+ le mardi 27 novembre 2018, pour un entretien le vendredi 30 novembre 2018 en matinée, à un employé malade, dont la cause est en lien avec son emploi, ce que l’employeur savait, au motif de discuter de la reprise de l’activité une semaine plus tard, à l’issue de son incapacité de travail, ne respecte pas la personnalité de la collaboratrice. Cette attitude la respecte d’autant moins que l’employeur se prévaut d’avoir précédemment tenté de la joindre alors qu’elle se trouvait en vacances.

Le fait que l’employeur ait appris par la suite que la collaboratrice n’ait été de retour à Genève que le 30 novembre 2018 alors qu’elle était malade ne change rien à ce qui précède s’agissant d’une convocation abusive, ne respectant pas la personnalité de la collaboratrice.

Le licenciement de la collaboratrice, fondé sur le seul motif de ne pas avoir été joignable pendant son incapacité de travailler pour raison de maladie et ne pas avoir été présente à l’entretien du 30 novembre 2018 est contraire au droit.

12. a. Selon l'art. 31 LPAC, si la chambre administrative retient que la résiliation des rapports de service est contraire au droit, elle peut proposer à l’autorité compétente la réintégration (al. 3). En cas de décision négative de l’autorité compétente ou en cas de refus du recourant, la chambre administrative fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois et supérieur à vingt-quatre mois du dernier traitement brut à l’exclusion de tout autre élément de rémunération ; concernant un employé, l’indemnité ne peut être supérieure à six mois (al. 4).

b. En l'espèce, il ne ressort pas des écritures de l'autorité intimée que celle-ci s'oppose catégoriquement à la réintégration de la recourante. Certes, elle a pris des conclusions en rejet de la demande de réintégration. Celles-ci étaient toutefois motivées par le fait qu’elle estimait, à tort, que l’art. 31 al. 3 LPAC n’était pas applicable aux employés (art. 31 al. 1 LPAC ; ATA/238/2019 du 12 mars 2019 ; ATA/252/2018 du 20 mars 2018).

Partant, la chambre de céans proposera à l’autorité intimée la réintégration de la recourante. L’activité des EPI se déroulant sur plusieurs lieux, il est possible, et était d’ailleurs envisagé, qu’une autre place puisse être proposée à la recourante. En cas de refus, il appartiendra à l'autorité intimée de transmettre immédiatement copie de sa décision à la chambre de céans afin qu’elle puisse se ressaisir de l’affaire (art. 31 al. 4 LPAC).

13. Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de de l'autorité intimée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 janvier 2019 par Madame A______ contre la décision des Établissements publics pour l'intégration (EPI) du 10 décembre 2018 ;

au fond :

l'admet ;

constate que la décision de résiliation des rapports de service des Établissements publics pour l'intégration (EPI) du 10 décembre 2018 est contraire au droit ;

propose la réintégration de Madame A______ au sein des Établissements publics pour l'intégration (EPI) ;

ordonne aux Établissements publics pour l'intégration (EPI), en cas de refus de procéder à cette réintégration, de transmettre immédiatement sa décision à la chambre administrative ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à Madame A______, à la charge des Établissements publics pour l'intégration (EPI) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 1113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, soit pour elle au Syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs (SIT), à l'attention de Madame Jung ainsi qu'aux Établissements publics pour l'intégration (EPI).

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :