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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/415/2023

ATA/1274/2023 du 28.11.2023 sur JTAPI/938/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.01.2024, rendu le 17.01.2024, IRRECEVABLE, 2C_39/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/415/2023-PE ATA/1274/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 novembre 2023

2e section

 

dans la cause

 

A______ et B______ , agissant pour eux et leurs enfants
C______, D______ et E______ recourants
représentés par Me Sébastien LORENTZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er septembre 2023 (JTAPI/938/2023)



EN FAIT

A. a. A______ , née le ______1986, B______, né le ______ 1981, et leurs enfants C______, né le ______ 2010, D______, née le ______ 2013, et E______, née le ______ 2021, sont ressortissants du Kosovo.

b. Le 4 mars 2020, la famille s’est vu accorder une autorisation de séjour.

c. Par décision du 3 juin 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de la famille ABCDE______et lui a imparti un délai au 3 août 2022 pour quitter la Suisse.

La famille avait obtenu la régularisation de ses conditions de séjour sur la base de fausses déclarations et la présentation de faux documents. Lors de son audition par les services de police, B______ avait reconnu avoir effectué de nombreux allers-retours entre la Suisse et le Kosovo entre 2005 et 2015. Il ne pouvait pas prétendre à un séjour continu et ininterrompu de cinq ans lors du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour en 2017. Il reconnaissait avoir fourni des faux documents de l'entreprise F______Sàrl dans le cadre de la procédure de régularisation.

d. Par jugement du 22 juillet 2022, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours contre cette décision, pour cause de tardiveté. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 13 septembre 2022.

B. a. Par courrier du 25 octobre 2022, les époux AB______ ont formé une demande de reconsidération auprès de l’OCPM.

C______ avait été suivi par l'office médico-pédagogique (ci-après : OMP) en raison de troubles de communication et suspicion d'autisme comme l'attestait le rapport du bilan psychologique daté du 8 septembre 2017.

Son état de santé avait empiré. Ils ont produit un avis médical des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 18 octobre 2022. C______ présentait une malformation de la verge sous la forme d'un hypospadias et avait bénéficié d'une correction de sa malformation le 25 janvier 2012. En février 2022, il présentait une fistule au niveau du fût qui nécessitait une seconde intervention programmée pour le 28 octobre 2022. Il était indispensable que l’enfant soit suivi jusqu'à l'âge de 17 ou 18 ans par un centre pratiquant l'urologie pédiatrique. Cette prise en charge devrait idéalement se faire aux HUG puisqu'ils connaissaient tous ses antécédents, ce qui lui donnerait le meilleur pronostic possible.

Pour le surplus, la famille était bien intégrée, les faits incriminés s'étaient déroulés avant l'octroi des titres de séjour et les titres de séjours n'avaient été révoqués que le 3 juin 2022.

b. L'OCPM a informé les intéressés qu’il avait l’intention d’entrer en matière sur la demande de reconsidération, mais de la rejeter.

c. Faisant valoir leur droit d’être entendus, les époux ont exposé qu’il était disproportionné de ne pas prolonger leurs autorisations de séjour. Ils étaient bien intégrés et vivaient en Suisse de manière continue depuis 2015. L'OCPM considérait que le suivi de l'opération de C______ pourrait se faire au Kosovo, sans avoir fait des recherches spécifiques et sans examiner les répercussions d'ordre psychologique sur l’enfant. L'intérêt supérieur de celui-ci devait être pris en considération au sens de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). S'il y avait bien eu une conférence spécialisée concernant la chirurgie pédiatrique et l'urologie en septembre 2022 à Pristina, rien n'indiquait que le contexte de la chirurgie en urologie pédiatrique avait trouvé un nouvel essor. Le Kosovo tentait de « remonter la pente » sur le plan médical, social et politique. L’époux n'avait pas fait l'objet d'une condamnation pour la production d'un faux document, de sorte que les conditions d’une révocation n'étaient pas remplies. Il n'y avait aucun intérêt public à renvoyer la famille et l'ingérence des pouvoirs publics allait à l'encontre des intérêts de l'enfant, C______, fragilisé et des intérêts de la famille parfaitement intégrée.

d. Les intéressés ont encore transmis à l'OCPM des certificats médicaux concernant C______, datés d'octobre, novembre et décembre 2022 ainsi que des articles disponibles sur Internet, datés de 2009 et 2022, relatifs à sa pathologie.

e. Par décision du 27 janvier 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a rejeté la demande et rappelé aux intéressés qu’ils devaient, sans délai, se conformer à la décision de renvoi rendue à leur encontre.

Le fait que la famille soit bien intégrée, que les actes incriminés se soient déroulés avant l'octroi des titres de séjour et que les titres de séjour n'aient été révoqués que le 3 juin 2022 n'étaient pas considérés comme des faits nouveaux au sens de la jurisprudence, tout comme le suivi de C______ par l’OMP, dont le rapport psychologique remis datait de 2017. Seul le fait que l'enfant souffrait d'une malformation de la verge sous la forme d'un hypospadias, qu'il nécessitait une prise en charge chirurgicale, que son suivi devait se poursuivre jusqu'à ses 17 ans ou 18 ans dans un centre pratiquant l'urologie pédiatrique et que cette prise en charge devrait idéalement se faire aux HUG, constituait un fait nouveau qui devait être pris en compte dans l'examen de la situation de la famille. Toutefois, la majorité des affections pouvaient être traitées dans l'hôpital public le plus avancé du Kosovo, l'UCCK à Pristina. De même, plusieurs cliniques privées proposaient des traitements complémentaires, notamment l'American Hospital à Pristina qui offrait une prise en charge urologique pédiatrique. De plus, un éventuel départ de Suisse ne causerait pas, a priori, une mise en danger de la santé de C______. Ainsi, les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n'étaient pas remplis.

C. a. Par acte du 6 février 2023, les époux AB______ ont recouru auprès du TAPI contre cette décision, concluant à son annulation et à celle du 3 juin 2022 et à ce que la prolongation de leurs autorisations de séjour leur soit accordée. Préalablement, les intéressés ont sollicité des mesures provisionnelles tendant à ce qu’il soit fait interdiction à l’OCPM de procéder à leur renvoi jusqu’à la nouvelle décision.

C______ se remettait péniblement de troubles de communication et autistiques et devait recevoir des soins spécifiques jusqu'à l'âge de 17 ou 18 ans. L'hypospadias était mal connue en Suisse. Partant, cette affection serait encore moins bien soignée au Kosovo. S'ajoutait à cela que la société kosovare était conservatrice et ne prendrait pas au sérieux une malformation de la verge. Ils semblaient également reprocher à l'OCPM une violation du principe de proportionnalité.

b. L'OCPM s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif et à l'octroi des mesures provisionnelles et a conclu au rejet du recours.

La problématique médicale dont souffrait C______ pouvait être prise en charge par au Kosovo. Les autres arguments des intéressés avaient déjà été pris en considération dans la décision du 3 juin 2022.

c. Dans leur réplique, les époux ont relevé que la simple existence d'une clinique en urologie pédiatrique à Pristina ne signifiait pas que l'affection de C______ pouvait être prise en charge, ni que celle-ci pourrait tenir compte de sa fragilité psychique. Ni l'État de Genève, ni la Confédération ne subissaient de préjudice si l'effet suspensif était accordé au recours. C______, en revanche, en subirait les conséquences en raison des soins insuffisamment prodigués. L'administration devait ainsi faire preuve d'humanité.

d. Le 3 mars 2023, la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles a été rejetée. Le recours contre cette décision l’a également été par arrêt du 18 avril 2023.

e. Dans une nouvelle écriture, les intéressés ont exposé qu’à la suite de la décision du 3 juin 2022, ils avaient demandé une expertise psychologique/psychiatrique qui traiterait des effets du renvoi sur C______. L'OCPM n'avait fourni aucune preuve ou indice corroborant le fait que les nova concernant l'enfant ne suffisaient pas à reconsidérer sa décision.

f. Ils ont encore produit des pièces attestant des rendez-vous avec l'OMP ainsi qu'une lettre de la docteure G______, pédiatre de C______, du 10 mars 2023, un rapport d'évaluation médico-pédagogique de l'OMP du 31 juillet 2023, un extrait du casier judiciaire de l’époux ainsi qu'un mandat de comparution pour le 15 septembre 2023 en lien avec la production de faux dans le cadre de la faillite de F______ Sàrl.

Selon le rapport d'évaluation médico-pédagogique, le trouble anxieux présenté par C______ n'était pas réactionnel à la décision d'expulsion mais le contexte d'un retour au Kosovo activait de manière importante ce trouble.

g. Par jugement du 1er septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

L’intégration de la famille, les faits reprochés à B______, le suivi de C______ par l’OMP ainsi que la révocation du 3 juin 2022 ne constituaient pas des faits nouveaux justifiant l’entrée en matière sur la demande de reconsidération. Seul l’état de santé de C______ était susceptible de fonder l’admission d’un cas de rigueur. Or, l’intervention chirurgicale avait pu avoir lieu en Suisse. Le suivi en pédiatrie urologique était disponible au Kosovo. Aucune circonstance ne justifiait ainsi d’accéder à la demande des intéressés, étant relevé que la décision de renvoi concernait l’ensemble de la famille, de sorte qu’il n’y avait pas violation de l’art. 8 CEDH, la famille n’étant pas séparée.

D. a. Par acte déposé le 2 octobre 2023 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, les époux AB______ ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation ainsi que de la décision du 3 juin 2022. Ils ont conclu à l’octroi de l’effet suspensif et de la prolongation de leur autorisation de séjour et, « en tout état de cause », qu’il soit sursis à leur renvoi jusqu’à nouvelle décision de l’OCPM.

L’aggravation de l’affection urologique de C______ n’était pas connue en février 2022. Il nécessitait un suivi jusqu’à l’âge adulte. Malgré ses troubles de communication et autistiques, il avait « bien réussi » sa scolarité et était bien intégré. En cas de départ au Kosovo, ne maîtrisant pas l’albanais, il n’était pas certain qu’il parvienne à faire face à ce changement, compte tenu de son état de santé. Ils ont repris les arguments déjà exposés. Le Ministère public avait rendu un avis de prochaine clôture le 15 septembre 2023, en indiquant voulant rendre une ordonnance de classement. Le recourant avait toujours travaillé de manière déclarée. Lorsqu’il ne l’était pas, cela résultait du choix de son employeur.

b. L’OCPM a conclu au rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif et du recours.

c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieux le refus de l’OCPM d’admettre la demande de reconsidération.

2.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe notamment lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

2.2 En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1098/2022 du 1er novembre 2022 consid. 2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e).

2.3 Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

2.4 En l’espèce, l’OCPM a retenu que les problèmes urologiques de C______ constituaient un fait nouveau et est, ainsi, entré en matière sur la demande de reconsidération. Il a, en revanche, retenu que les autres éléments avancés, à savoir l’intégration de la famille, le fait que les éléments reprochés au recourant s’étaient produits avant l’octroi de l’autorisation de séjour en 2020 et que les titres de séjour n’aient été révoqués que le 3 juin 2022, ne constituaient pas des circonstances nouvelles. Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique.

L’OCPM étant entré en matière sur la demande de reconsidération, il convient de réexaminer la situation de la famille.

3.             L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.1 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

3.2 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

3.3 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

3.4 La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 Des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 5f).

3.6 En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (ATA/628/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.5 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

Le Kosovo dispose de structures de soins et des médicaments nécessaires au traitement des maladies tant physiques que psychiques. Concernant en particulier les retards de développement, les enfants identifiés (par leurs parents, l'école, ou encore un spécialiste en cas de désaccord entre les parents et l'école) comme ayant des besoins spéciaux étudient dans des classes spéciales attachées à des écoles classiques ou dans des écoles spéciales. Des solutions de prise en charge des enfants autistes existent au Kosovo et se développent activement (ATA/391/2023 du 18 avril 2023 consid. 2.3 et les nombreuses références citées).

3.7 L'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266).

3.8 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.9 L’examen de la proportionnalité de la mesure, imposé par l’art. 96 LEI, se confond avec celui qui est prévu à l’art. 8 § 2 CEDH (ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 ; 139 I 145 consid. 2.2).

3.10 En l’espèce, il ressort du dossier, singulièrement des pièces médicales produites, que C______ a entretemps subi l'intervention chirurgicale urologique nécessaire et n’a pas présenté de complications. Son affection ne nécessite plus d’opération, mais un suivi jusqu'à l’âge adulte. L’OCPM a retenu qu’un tel suivi était disponible au Kosovo. Les recourants doutent de cette possibilité, considérant leur pays d’origine comme trop conservateur pour faire du traitement de la verge une priorité.

Or, comme le TAPI l’a relevé en se référant aux sites Internet des établissements en question, il existe au Kosovo des Hôpitaux universitaires et services de clinique, notamment le Centre clinique universitaire du Kosovo comptant le centre urologique le plus avancé du pays et pouvant traiter la majorité des affections. Il s’agit d’un centre public, situé à Pristina. L'American Hospital à Pristina dispose également d'un service d'urologie pédiatrique. Les recourants ne remettent pas en cause ces constats. Partant, il y a lieu de retenir que le suivi urologique nécessaire à C______ est disponible dans son pays d’origine.

Il en va de même de son suivi psychiatrique, dès lors qu’il existe au Kosovo des structures scolaires et des soins médicaux destinés à prendre en charge des enfants souffrant des troubles du spectre autistique. Le fils des recourants pourra ainsi prétendre, dans son pays d’origine, à un traitement de ses troubles, quand bien même les soins pourraient ne pas atteindre le standard élevé de ceux dont il bénéficie actuellement en Suisse. Partant, il n’apparaît pas que C______ ne pourrait plus recevoir, une fois au Kosovo, les soins essentiels garantissant ses conditions minimales d'existence. Il ne peut en tout cas pas être retenu que l’état de santé de l’adolescent se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse et durable de son intégrité physique ou psychique en cas de séjour durable au Kosovo.

Pour le surplus, il est rappelé que le recourant a reconnu, lors de son audition par la police, que certains documents produits avec sa demande d’autorisation de séjour étaient des faux. Quand bien même le Ministère public devrait classer la procédure pénale, il n’en demeure pas moins que le recourant a, grâce aux documents qu’il reconnaît être des faux, pu obtenir pour lui et sa famille une autorisation de séjour en 2020. Un tel comportement, qui fait fi de l’ordre juridique suisse, ne permet pas de retenir qu’il remplirait le critère d’une intégration réussie. Il n’est, par ailleurs, pas allégué qu’il se serait d’une quelconque manière investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Enfin, l’activité exercée dans l’entreprise de son frère depuis novembre 2015, dans le domaine de la pose de marbre, pierre, granit et carrelage, ne permet pas de retenir une intégration professionnelle remarquable.

Il n’est pas allégué que la recourante exercerait une activité professionnelle, ni qu’elle serait socialement intégrée à Genève. Partant, son intégration socio‑professionnelle n’est pas établie.

L’aîné des enfants, désormais âgé de 13 ans, se trouve à l’orée de l’adolescence. Né en Suisse, parti au Kosovo avec ses parents lorsqu’il avait 3 ans et revenu en Suisse en 2016, à l’âge de 6 ans, il a passé une partie importante de sa vie en Suisse. Sa réintégration au Kosovo présentera pour lui certaines difficultés. Toutefois, il sera accompagné de ses parents et de ses sœurs et parle albanais, langue qu’il parle avec ses parents comme cela ressort du bilan psychologique figurant au dossier. Ainsi, sa réintégration ne devrait pas présenter de difficultés insurmontables.

Sa sœur D______, âgée de 10 ans, ne se trouve pas encore dans la période de l’adolescence, âge déterminant pour le développement, notamment, social. Elle est, comme son frère, exposée au quotidien à la langue (albanaise) de ses parents. Pour le surplus, elle est en bonne santé et n’est pas encore très avancée dans son parcours scolaire. Sa réintégration au Kosovo, dans laquelle elle sera entourée de sa famille nucléaire, ne devrait ainsi pas poser de problème majeur.

La cadette de la fratrie, âgée de seulement 2 ans, est encore essentiellement attachée à ses parents et ses frère et sœur, de sorte que le départ au Kosovo n’est pas de nature à représenter pour elle un véritable déracinement.

Les recourants ont passé leur enfance, leur adolescence et le début de leur vie d’adulte au Kosovo. Ils sont ainsi familiers des us et coutumes de leur pays d’origine dont ils maîtrisent la langue. Compte tenu de l’absence d’intégration socio-professionnelle de la recourante en Suisse, sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît nullement compromise. Comme elle, son mari est encore relativement jeune et en bonne santé. Celui-ci pourra, en sus, faire valoir l’expérience professionnelle ainsi que ses connaissances de la langue française acquises en Suisse. Si, certes, après plusieurs années passées en Suisse, il traversera une nécessaire phase de réadaptation, rien n’indique que sa réintégration socio‑professionnelle serait gravement compromise.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a ni violé la loi, notamment pas l’art. 8 CEDH, ni abusé de son pouvoir d’appréciation en rejetant la demande de reconsidération.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution d’effet suspensif.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 octobre 2023 par A______ et B______, agissant pour eux et leurs enfants C______, D______ et E______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge solidaire de A______ et B______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Sébastien LORENTZ, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au Secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Claudio MASCOTTO, Françoise SAILLEN AGAD, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.