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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3582/2023

ATA/1313/2023 du 06.12.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3582/2023-FPUBL ATA/1313/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 6 décembre 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Robert ASSAEL, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé



Attendu, en fait, que :

A. a. A______ a été engagé, dès le 1er août 2009, en qualité de directeur de gestion et constructions auprès du département B______ [ci-après : B______]).

b. Dès le 1er mai 2011, il a changé de fonction et a occupé celle de chargé de mission à l’office C______.

c. Dès le 1er juin 2012, il a été affecté, en tant que chargé de mission, à la direction D______ (ci-après : D______) de l’office E______.

d. Le 1er août 2012, il a été nommé fonctionnaire.

e. Par arrêté du 25 janvier 2023, le Conseil d’État a prononcé l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de A______. Cette décision entrainait sa suspension provisoire avec maintien des prestations à charge de l’État.

f. Par arrêté du 27 septembre 2023, déclaré exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a révoqué A______ de ses fonctions avec effet immédiat en raison d’une violation grave des devoirs des service. Il avait, de manière répétée, adopté des comportements et tenu des propos inappropriés à l’égard d’au moins trois personnes depuis des années. Par son comportement, il avait irrémédiablement rompu le lien de confiance avec son employeur.

B. a. Par acte du 30 octobre 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet arrêté, concluant à son annulation et à sa réintégration en sa qualité de chargé de mission à la D______. À titre préalable, il a sollicité la restitution de l’effet suspensif au recours.

Sa requête en restitution de l’effet suspensif visait au maintien de son salaire, étant précisé qu’il avait été suspendu par arrêté du 25 janvier 2023. Il n’y avait aucune urgence à supprimer le versement de son salaire, à tout le moins jusqu’à droit connu au fond. Son intérêt privé devait primer sur l’intérêt public de l’État à le sanctionner immédiatement.

Sur le fond, la révocation était disproportionnée. Compte tenu de la prescription, seul le comportement du 1er novembre 2022 et ses propos à l’égard de F______ pouvaient être retenus. Le Conseil d’État n’avait pas tenu compte du trouble déficit d'attention-hyperactivité (TDA-H) et du trouble bipolaire dont il souffrait, de son évolution positive et des bonnes évaluations de la hiérarchie.

b. Se déterminant sur l’effet suspensif, l’autorité intimée a conclu au rejet de la requête de restitution. Il y avait en soi un intérêt public indéniable à ce que les sanctions disciplinaires soient appliquées immédiatement. La demande de réintégration provisoire se confondait avec ce qu’il réclamait au fond, ce qui n’était pas possible. De jurisprudence constante, l’intérêt public à la préservation des finances de l’État était important et primait sur l’intérêt financier à percevoir un salaire durant la procédure. Il ne soutenait d’ailleurs pas qu’il serait en mesure de rembourser les traitements versés en cas de confirmation de l’arrêté attaqué, alors que l’État pourrait lui verser les montants qui lui seraient dus, s’il devait obtenir gain de cause. Il n’avait produit aucune pièce établissant son budget se limitant à alléguer qu’il se trouverait en difficultés financières s’il ne percevait pas son traitement.

c. Dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a rappelé que sa demande de restitution de l’effet suspensif ne visait pas sa réintégration, mais la poursuite de son traitement. Le reproche lié à l’absence de démarches auprès de l’assurance-chômage n’était pas raisonnable. Au moment du dépôt du recours, il n’avait été révoqué que depuis un mois.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l’effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1.             Prima facie, le recours est recevable (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par la présidente, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 20 juin 2023).

3.              

3.1 Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3.2 Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2 ; ATA/1110/2015 du 16 octobre 2015 consid. 3 ; ATA/997/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253‑420, p. 265).

L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; du 18 septembre 2018).

Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

Les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

3.3 En l'espèce, dans la décision entreprise, le Conseil d’État a estimé qu’au vu des faits en cause, il existait un intérêt public indéniable à ce que la sanction soit immédiatement exécutée nonobstant un éventuel recours. Or, dans la pesée des intérêts à prendre en compte, l’intérêt public au bon fonctionnement d’un service, notamment à la conservation d’un personnel respectueux des intérêts de l’employeur, est important. L’intérêt privé du recourant à conserver son traitement est, certes, également important. Toutefois, bien qu'il soit vraisemblable qu'au vu du prononcé de la révocation immédiate, le recourant subisse une suspension de son droit aux indemnités de chômage (art. 30 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 - loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0), il n'allègue pas ni a fortiori ne rend vraisemblable qu'il aurait entrepris des démarches nécessaires en vue d'obtenir lesdites indemnités. En tant que le recourant objecte qu’une telle démarche ne serait pas raisonnable, compte tenu du peu de temps écoulé depuis la décision de révocation, force est de relever qu’au moment du dépôt de sa réplique, le 4 décembre 2023, plus de deux mois s’étaient écoulés depuis la décision de révocation, sans qu’aucune démarche auprès de l’assurance-chômage n’ait été alléguée. S’ajoute à cela qu’il ne fournit aucune précision quant à sa situation financière (éléments de fortune, revenus/fortune, charges etc.), de sorte qu’il ne rend pas vraisemblable que la fin de son traitement l’exposerait à un préjudice difficilement réparable ni qu’il disposerait des moyens lui permettant, en cas de rejet de son recours, de rembourser les traitements indûment perçus pendant la durée de la procédure. Ainsi, et même s’il fallait admettre que le recourant ne dispose pas d’économies – ce qui n’est pas rendu vraisemblable –, l'intérêt public à la préservation des finances de l'entité publique intimée, qui serait alors exposée au risque qu’il ne rembourse pas les traitements versés en cas de rejet de son recours, prime son intérêt financier à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/466/2021 du 28 avril 2021 ; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019).

Enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu'elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif au recours.

Au vu de ce qui précède, la demande de restitution de l'effet suspensif au recours sera refusée.

4.             Le sort des frais sera réservé jusqu’à droit jugé au fond.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Robert ASSAEL, avocat du recourant, ainsi qu'au Conseil d'État.

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :