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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2700/2023

ATA/1261/2023 du 21.11.2023 sur JTAPI/1119/2023 ( ICCIFD ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2700/2023-ICCIFD ATA/1261/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Adrien BOREL, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 octobre 2023 (JTAPI/1119/2023)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 13 octobre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre la décision sur réclamation du 26 juillet 2023 de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), retenant que le paiement de l’avance de frais n’avait pas été effectué dans le délai fixé au 2 octobre 2023.

b. A______ a sollicité du TAPI la reconsidération de ce jugement. Selon l’ordre de paiement donné le 29 septembre 2023 et l’avis de crédit du 29 septembre 2023, qu’il annexait, l’avance de frais avait été créditée dans le délai imparti.

B. a. Par jugement du 31 octobre 2023, le TAPI, qui a traité la demande comme un recours, l’a déclaré irrecevable et l’a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice, comme objet de sa compétence.

b. Par courrier du 14 novembre 2023 adressé à la chambre administrative, A______ a exposé qu’il avait uniquement requis la reconsidération du jugement du 13 octobre 2023 et non entendu recourir contre celui-ci. Dès lors toutefois que sa demande avait été traitée comme un recours, il prenait des conclusions formelles tendant à l’annulation du jugement précité et à ce que la cause soit renvoyée au TAPI pour instruction et nouvelle décision.

Il a joint l’ordre de paiement relatif à l’avance de frais et l’avis de débit du montant de CHF 700.-, datés du 29 septembre 2023. Le numéro de compte indiqué était celui du Pouvoir judiciaire. Il admettait toutefois que le numéro de référence QR était erroné.

c. L’AFC-GE a été informée du recours, mais n’a pas été invitée à se déterminer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il ressort des pièces du dossier ainsi que des renseignements fournis par les services financiers du Pouvoir judiciaire que la somme de CHF 700.- relative à l’avance de frais sollicitée par le TAPI a été débitée du compte du recourant le 29 septembre 2023 et créditée sur le compte IBAN du Pouvoir judiciaire le même jour. Le paiement portait la mention du numéro de la présente cause (« A/2700/23-TRA-6-ICCIFD »), de la date du recours ainsi que l’indication « avance de frais ». Le numéro de référence QR étant erroné, le montant a été versé sur le compte de l’administration fiscale cantonale qui, interpellée par le Pouvoir judiciaire, le lui a ensuite restitué.

 

EN DROIT

1.             Le TAPI a, à juste titre, transmis la demande de reconsidération à la chambre administrative, autorité compétente pour connaître des recours contre ses jugements (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10). La question de savoir si le TAPI aurait pu traiter la demande de reconsidération comme une demande en révision peut demeurer indécise, compte tenu de ce qui suit.

2.             En vertu de l'art. 86 LPA, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

2.1 Le moment déterminant pour constater l'observation ou l'inobservation du délai est celui auquel la somme a été versée en faveur de l'autorité à la Poste suisse (que ce soit au guichet d'un bureau de poste ou lors d'un transfert depuis l'étranger) ou celui auquel l'ordre de paiement en faveur de l'autorité a été débité du compte postal ou bancaire du recourant ou de son mandataire (ATF 139 III 364 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2017 du 22 février 2018 consid. 3.1.1 et les arrêts cités ; ATA/1170/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3b).

2.2 La jurisprudence a tiré de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et de l’obligation d’agir de bonne foi à l’égard des justiciables (art. 5 et 9 Cst.) le principe de l’interdiction du déni de justice formel, qui comprend la prohibition de tout formalisme excessif. Un tel formalisme existe lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_254/2016 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 132 I 249 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_382/2015 du 21 mai 2015 consid. 5.1 ; ATA/49/2017 du 24 janvier 2017). Ainsi en va-t-il lorsque la violation d’une règle de forme de peu d’importance entraîne une sanction grave et disproportionnée, telle par exemple une décision d’irrecevabilité (ATF 133 V 402 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_328/2014 du 8 mai 2014 consid. 4.1 ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3eéd., 2011, p. 261 n. 2.2.4.6 et les références citées).

2.3 De manière générale, la sanction du non-respect d'un délai de procédure n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2 ; ATA/564/2012 du 21 août 2012). De jurisprudence constante, la sanction de l’irrecevabilité du recours pour défaut de paiement à temps de l’avance de frais ne procède pas d’un excès de formalisme ou d’un déni de justice, pour autant que les parties aient été averties de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le versement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1002 ad art. 86 LPA).

Le but de l'avance de frais est de garantir le paiement des frais de justice présumés ; il est donc arbitraire de ne pas tenir compte d'un versement fait à temps, mais à une autre autorité judiciaire que celle prévue par la loi, si cette autorité devait rectifier d'office cette erreur ou s'il était d'usage qu'elle le fît (ATF 101 Ia 112 consid. 5a ; 96 I 318 ; ATA/486/2022 du 10 mai 2022 consid. 6a).

2.4 En l’espèce, le montant de l’avance de frais a été débité du compte du recourant avant l’échéance du délai de paiement fixé par le TAPI. Il a été crédité sur le compte IBAN du Pouvoir judiciaire également avant l’échéance dudit délai. Compte tenu de l’erreur de référence QR, il n’a toutefois pas pu être attribué à la présente cause. Certes, il est regrettable que le recourant se soit trompé dans l’indication de la référence QR du paiement. Cela étant, le paiement était accompagné de l’indication du numéro de la présente cause et du domaine concerné (« ICCIFD »), de la date du recours ainsi que de la mention « avance de frais », le nom du recourant ressortant au surplus clairement de l’avis de crédit. Il était ainsi aisé d’identifier la procédure à laquelle ce paiement se rapportait, le nom du justiciable, le type de contentieux, la date du recours et la cause du paiement (« avance de frais ») étant suffisants pour permettre, sans déployer de grands efforts, d’attribuer cette avance à la présente cause.

Dans ces circonstances, le refus d’entrer en matière sur le recours pour défaut de paiement de l’avance de frais consacre un formalisme excessif.

Le recours sera ainsi admis, le jugement annulé et la cause renvoyée au TAPI afin qu’il instruise le recours.

3.             Le recourant obtenant gain de cause, il ne sera pas perçu d’émolument et une indemnité de procédure de CHF 500.- lui sera allouée, à la charge du Pouvoir judiciaire.

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 octobre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 octobre 2023 ;

au fond :

l’admet et annule le jugement précité ;

renvoie la cause au Tribunal administratif de première instance pour instruction et nouvelle décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l’État de Genève (Pouvoir judiciaire) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Adrien BOREL, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Cédric‑Laurent MICHEL juges.


Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :


M. MICHEL

 

 


la présidente siégeant :


F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :