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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2394/2023

ATA/1259/2023 du 21.11.2023 sur JTAPI/905/2023 ( LDTR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2394/2023-LDTR ATA/1259/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OCLPF

B______ Sàrl intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 août 2023 (JTAPI/905/2023)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 24 août 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a déclaré irrecevable, pour non-paiement de l’avance de frais dans le délai imparti, le recours déposé par A______ Sàrl (ci-après : A______), ayant son siège au _______, rue C______, ______ D______, par son gérant E______, contre la décision du département du territoire (ci-après : le département) refusant l’autorisation d’aliéner un appartement dans l’immeuble érigé sur la parcelle no 490, feuille 46 de la commune de F______ à l’adresse ______, route G______ mis en vente par B______ Sàrl.

La demande de paiement de l’avance de frais avait été envoyée au siège de A______, adresse indiquée également sur le recours, par pli recommandé le 21 juillet 2023. Ce courrier avait été retourné au TAPI avec la mention « non réclamé » et l’indication du délai de garde au 29 juillet 2023.

B. a. Par envoi du 1er septembre 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation.

Aucune demande d’avance de frais ni aucun avis de retrait n’avait été trouvé dans sa case postale entre les 22 juillet et 31 juillet 2023.

b. Le 26 septembre 2023, le département a conclu au rejet du recours.

c. B______ Sàrl a renoncé à déposer des observations dans le délai qui lui avait été fixé.

d. Le 18 octobre 2023, A______ a répliqué, réitérant sa position et demandant que l’affaire puisse être jugée au fond, s’agissant d’une pratique du département d’introduire des conditions dans les autorisations LDTR délivrées qui devait cesser.

e. Le 20 octobre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste avoir reçu la demande de paiement de l’avance de frais du TAPI.

2.1 La juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant (art. 86 al. 1 LPA). Si l’avance n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (art. 86 al. 2 LPA).

Le texte de cette disposition ne prévoit pas de délai supplémentaire, étant précisé que l’exigence de l’avance de frais et les conséquences juridiques en cas de
non-paiement de celle-ci relèvent du droit de procédure cantonal (arrêt du Tribunal fédéral 
2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.3 ; ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 2.1).

2.2 La décision qui n’est remise que contre la signature du destinataire ou un tiers habilité est réputée reçue au plus tard sept jours après la première tentative infructueuse de distribution (art. 62 al. 4 LPA) pour autant que celui-ci ait dû s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une communication de l’autorité, ce qui est le cas chaque fois qu’il est partie à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1C_552/2018 du 24 octobre 2018 consid. 3 ; ATA/820/2021 du 10 août 2021 consid. 2c).

2.3 La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; ATA 130 III 396 consid. 1.2.3).

Cette fiction de notification n'est cependant applicable que lorsque la communication d'un acte officiel doit être attendue avec une certaine vraisemblance, ce qui est le cas lorsque l'intéressé est partie à une procédure pendante (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 p. 230).

Dès lors qu’un administré a déposé un recours, il se doit de prendre toutes les dispositions utiles afin de réceptionner les communications qui vont immanquablement lui parvenir en rapport avec ce contentieux. Il lui incombe d’avertir l’autorité de son absence, ou de prendre des dispositions pour faire réceptionner son courrier de façon à être averti de l’arrivée, pendant cette période, d’une décision le concernant. Dans ce sens, un ordre de retenue du courrier à la poste n’est pas suffisant, dans la mesure où, malgré cela, à l’échéance du délai de dépôt de l’avis de pli recommandé, la décision est malgré tout considérée comme notifiée à l’échéance du délai de garde. Si le recourant a omis de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis, il ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d’une communication officielle à son adresse habituelle s’il devait s’attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 134 V 49 consid. 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_549/2009 du 1er mars 2010 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/177/2015 du 6 octobre 2015 ; ATA/2653/2010 du 20 avril 2010).

2.4 La jurisprudence établit la présomption réfragable que l’employé postal a correctement inséré l’avis de retrait dans la boîte aux lettres du destinataire et que la date du dépôt, telle qu’elle figure sur la liste des notifications, est exacte. Cette présomption entraîne un renversement du fardeau de la preuve au détriment du destinataire : s’il ne parvient pas à établir l’absence de dépôt dans sa boîte ou sa case postale au jour attesté par le facteur, la remise est censée être intervenue en ces lieu et date. Le délai de garde de 7 jours commence alors à courir. Le destinataire ne doit cependant pas apporter la preuve stricte de l’absence de remise, s’agissant d’un fait négatif ; il suffit qu’il établisse qu’il existe une vraisemblance prépondérante que des erreurs se soient produites lors de la notification (ATF 142 IV 201 consid. 2.3).

2.5 Selon la jurisprudence constante, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute de verser l’avance de frais dans le délai fixé (ATA/153/2023 du 14 février 2023 consid. 23 et les arrêts cités).

2.6 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; ATA/1077/2015 précité consid. 6a ; ATA/836/2014 du 28 octobre 2014 consid. 7a).

Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

3.             En l’espèce, la recourante n’invoque aucun cas de force majeure l’ayant empêchée sans sa faute de verser l’avance de frais mais invoque ne pas avoir reçu l’avis de retrait.

Il n'est pas contesté que le délai de 30 jours, fixé par le TAPI, constitue un délai suffisant, ni que l'avance de frais n'a pas été acquittée. Ainsi, en application de la fiction jurisprudentielle susmentionnée, le pli recommandé est réputé avoir été valablement notifié à l'issue dudit délai de garde, soit dans le cas d'espèce le 29 juillet 2023.

Par ailleurs, le droit genevois ne prévoit pas d'office, à l'instar par exemple de l'art. 62 al. 3 2ème phr. de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), l'octroi d'un délai supplémentaire lorsque le versement de l'avance de frais n'est pas effectué dans le délai fixé en vertu de l'art. 86 al. 1 LPA. L'octroi d'un tel délai ne résulte pas non plus d'une pratique constante des juridictions administratives cantonales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_339/2020 du 20 octobre 2020 consid. 2.4). Le TAPI n'avait en conséquence aucune obligation de lui adresser un nouveau courrier par pli simple (ATA/684/2021 du 29 juin 2021 consid. 4g ; ATA/150/2021 du 9 février 2021consid. 6b), ce que la recourante ne prétend au demeurant pas.

Il ressort de l’application de traçage des envois de la poste qu’un avis de retrait a été déposé le 22 juillet 2023 dans la case postale de la recourante et le courrier retourné au TAPI mentionne « non réclamé ».

À défaut d’apporter des éléments concrets permettant de conclure, au degré de la vraisemblance, que l’avis de retrait n’aurait pas été posé dans sa boîte aux lettres, la recourante ne parvient pas à rendre vraisemblable que le courrier l’invitant à verser l’avance de frais ne l’aurait pas atteinte. La présomption selon laquelle elle a reçu l’avis de retrait le 22 juillet 2023 lui est ainsi opposable.

La demande d’avance de frais est ainsi réputée avoir été notifiée le dernier jour du délai de garde, soit le 29 juillet 2023, le courrier recommandé ayant bien été envoyé à l’adresse de la recourante, ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas.

Le TAPI était donc fondé à déclarer le recours irrecevable pour défaut de paiement de l’avance de frais dans le délai de 30 jours qu’il avait imparti à la recourante au 21 août 2023.

Le recours sera donc rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er septembre 2023 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ Sàrl, au département du territoire - OCLPF, à B______ Sàrl ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :