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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3511/2023

ATA/1224/2023 du 14.11.2023 sur JTAPI/1184/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3511/2023-MC ATA/1224/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 octobre 2023 (JTAPI/1184/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1988, est ressortissant du B______

b. Le 17 décembre 2020, il a été appréhendé par les services de police genevois dans le cadre d'une enquête portant sur un important trafic d’héroïne et de cocaïne.

c. Lors de son audition par la police, il a nié toute implication dans le trafic. Il était arrivé à Genève en octobre 2020, il y travaillait au noir depuis lors, il n'avait ni famille, ni attaches particulières en Suisse et il souhaitait retourner dans son pays.

d. Mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup - RS 812.121) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), A______ a été maintenu en arrestation provisoire le 19 décembre 2020, puis en détention provisoire à la prison C______ dans l'attente de son jugement.

e. Le 13 juillet 2022, il a déposé une demande d'asile qu'il a complétée le 12 août 2022 par des indications portant sur son état de santé.

f. Par jugement du 7 octobre 2022, le Tribunal correctionnel (ci-après : TCor) a déclaré A______ coupable de violation grave de la LStup (art. 19 al. 1 let. c et g et al. 2 let. a LStup), de contravention à la LStup (art. 19a ch. 1 LStup), de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 du code pénal suisse - CP - RS 311.0), d'entrée illégale (art. 115 al.1 let. a LEI) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 16 mois, sous déduction de 658 jours de détention avant jugement, assortie du sursis avec délai d'épreuve de trois ans. Le TCor a par ailleurs ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. o CP). Ce jugement est devenu définitif.

g. Par décision du 6 décembre 2022, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté la demande d'asile déposée par A______ et a prononcé son renvoi de Suisse ainsi que l'exécution de cette mesure, jugée licite, raisonnablement exigible et possible. Il lui a imparti un délai au lendemain de l'entrée en force de sa décision pour quitter le territoire suisse et l'espace Schengen et pour rejoindre le pays dont il possédait la nationalité ou tout pays dont il était originaire ou tout autre pays hors de l'espace Schengen où il serait légalement admissible, faute de quoi il s’exposait à une détention en vue de l’exécution de son renvoi sous la contrainte. L’exécution du renvoi a été confiée par le SEM au canton de Vaud.

Entendu par un collaborateur du SEM le 8 décembre 2022, A______ a confirmé qu'il avait compris que sa demande d'asile avait été rejetée et que son renvoi avait été ordonné. Il a été informé des conséquences possibles en cas de disparition ou en cas de la poursuite de son voyage dans un autre État européen. Il a indiqué qu'il n'était pas disposé à rentrer au B______ et qu'il ferait recours contre la décision du SEM. Son attention a été attirée sur la possibilité d'un retour volontaire – qu'il a exclue – et des implications d'un retour sous la contrainte.

h. Par arrêt du 8 décembre 2022, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a déclaré irrecevable le recours formé le 8 décembre 2022 par A______ contre la décision du SEM du 6 décembre 2022, laquelle est entrée en force le 13 janvier 2023.

i. Le 28 mars 2023, A______ a demandé au SEM la suspension de l'exécution de son renvoi de Suisse. Il avait engagé une procédure judiciaire et qu'il attendait une audience auprès de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de Genève (ci-après : CPAR).

j. Par décision du 5 avril 2023, le SEM a refusé de suspendre l’exécution du renvoi.

k. Le 27 avril 2023, A______ a déposé auprès du SEM une demande de réexamen de sa décision du 6 décembre 2022.

Par décision du 11 mai 2023, le SEM a rejeté la demande.

Le recours formé contre cette décision a été déclaré irrecevable par le TAF le 30 juin 2023.

l. Le 11 août 2023, le service de la population du canton de Vaud (ci-après : SPOP) a remis à A______ un plan de vol pour le B______ au départ de Genève le 29 août 2023.

Le 14 août 2023, A______ a formé recours devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois, concluant à l'annulation de la « décision de renvoi » du SPOP.

Par arrêt du 23 août 2023, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois a déclaré le recours irrecevable.

m. Le 28 août 2023, A______ a derechef demandé au SPOP d'annuler, voire de reporter son départ de Suisse.

Par retour de courriel, le SPOP lui a indiqué qu'il n'avait pas la compétence de traiter sa demande, qu’il devait s'adresser au SEM et qu'il était tenu de quitter la Suisse conformément au plan de vol qui lui avait été notifié le 11 août 2023. Son attention était une nouvelle fois attirée sur le fait que s'il ne prenait pas le vol en question, il s'exposait à des mesures de contrainte, impliquant une détention administrative en vue de son renvoi de Suisse.

n. A______ ne s'est pas présenté à l'aéroport de Genève le 29 août 2023.

Le même jour, il a été assigné à résidence à D______, à E______ (VD), tous les jours entre 22 heures et 7 heures, à compter du 29 août 2023 et pour une durée de trois mois.

o. Le 4 septembre 2023, le SPOP a requis la Brigade Migration Réseaux Illicites (BMRI) de réserver un vol à destination de Priština (B______) et d'organiser le transfert d’A______ jusqu'à l'aéroport le jour fixé pour son refoulement, au besoin par la force.

p. Le 12 septembre 2023, le SPOP a requis auprès du Tribunal des mesures de contrainte vaudois la perquisition par la BMRI du logement d’A______.

Le 25 septembre 2023, le Tribunal des mesures de contrainte vaudois a ordonné la perquisition.

q. Le 29 septembre 2023, la CPAR a répondu au SPOP qu’elle ne s’opposait pas à l’exécution du renvoi de Suisse d’A______ prévue pour le 10 octobre 2023.

r. Le 3 octobre 2023, le Ministère public genevois a enjoint à l'OCPM d’exécuter l’expulsion ordonnée par le TCor le 7 octobre 2022.

s. Le 10 octobre 2023, la BMRI n’a pas pu interpeller A______ et le vol sur lequel il était inscrit pour l'après-midi a dû être annulé.

t. Interpellé le 26 octobre 2023 dans le canton de Vaud, A______ a été acheminé à Genève en vue de l'exécution de son expulsion pénale.

Il a été inscrit pour le premier vol disponible à destination du B______. Son évaluation médicale par OSEARA était attendue.

B. a. Le même jour, à 16h55, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre, pour une durée de deux mois.

Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au B______. Il n'était pas en bonne santé et poursuivait actuellement un traitement médical. Il prenait plusieurs médicaments.

Selon le procès-verbal, la détention administrative avait débuté à 11h00.

b. Le commissaire de police a soumis l’ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

c. Entendu le 27 octobre 2023 par le TAPI, A______ a déclaré qu'il n'était pas d’accord de retourner au B______. Le 21 février 2024, il avait un rendez-vous dans une clinique à F______ pour être opéré de la prostate. Il disposait à l’établissement de détention administrative G______ (ci-après : G______) dans son dépôt d'un rapport médical sur lequel l'adresse de cette clinique était indiquée. Il avait montré au SPOP la veille ce rapport médical ainsi que la carte de visite de la clinique. Le médecin lui avait indiqué également qu'il devait se rendre à ce rendez‑vous avec un traducteur. Il n'avait pas les moyens de se faire soigner au B______ et n'y avait pas de couverture médicale. Son père ainsi que d'autres membres de la famille de celui-ci étaient morts du cancer. Il bénéficiait d'une couverture d'assurance-maladie en Suisse. Il avait été opéré pour la troisième fois le 17 octobre 2023. Ces documents avaient été pris par le SPOP. Il avait un syndrome de Marfan. Il avait un rendez-vous le 8 novembre 2023 pour cela. Il avait eu un cancer de la peau en 2021 et avait été opéré à Genève. Tous les documents relatifs à son état de santé avaient été envoyés au SEM. Il n'avait malheureusement pas de documents avec lui. Il ne s'était pas fait opérer depuis sa libération en octobre 2022. En janvier 2023, il avait obtenu un permis N. En mars 2023 ce permis lui avait été retiré. Dès le mois de mars-avril 2023, il avait compris qu'il subissait une rechute à cause du stress. Il avait été opéré deux fois depuis avril 2023. Tout était dans le foyer où il résidait dans le canton de Vaud. Il avait un rendez-vous le 1er novembre 2023 pour se faire retirer les points de suture. Le 30 octobre 2023, il avait un rendez-vous chez le psychiatre. Il ne se souvenait pas de son nom et sa carte de visite se trouvait dans son dépôt. S'il était renvoyé au B______, il ne pourrait pas s'y faire soigner car il n'y avait pas de couverture d'assurance-maladie et les opérations étaient aux frais des patients. Les médicaments qu'il avait pu obtenir en Suisse devaient être payés au B______. Ses recours contre les décisions d'expulsion avaient été déclarés irrecevables car il n'avait pas payé les avances de frais. Il recevait CHF 9.50 par jour et il n'avait pas le droit de travailler.

La représentante du commissaire de police a confirmé que l'évaluation médicale que les autorités attendaient était arrivée ce matin. Elle avait également été établie sur la base du document du 11 octobre 2023 (pièce 23). Elle l'a produite à l'audience. Ce document attestait que A______ était transportable et qu'il n'y avait pas d'assistance spéciale requise. Ce document leur avait permis d'obtenir la confirmation du vol prévu pour le 31 octobre 2023. Elle a précisé qu'une évaluation médicale avait également été effectuée dans le cadre du vol précédent du mois de septembre 2023. Elle a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois.

Le conseil d’A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement au prononcé de mesures de substitution.

d. Par jugement du 27 octobre 2023, le TAPI a confirmé l’ordre de détention administrative pour une durée de deux mois, jusqu’au 25 décembre 2023 inclus.

A______ faisait l’objet d’une décision d’expulsion pénale ainsi que d'une décision de renvoi prononcée par le SEM, toutes deux exécutoires. Il avait été condamné pour cas grave de trafic de stupéfiants. Il n'avait pas quitté le pays dans le délai qui lui avait été imparti au 14 janvier 2023. Il n'avait pas pris place à bord de l'avion devant le renvoyer de Suisse le 29 août 2023. Il n’avait pas d’attaches en Suisse si aucun moyen de subsistance. Sa présence en Suisse était uniquement motivée par le trafic de stupéfiants et il existait un risque sérieux qu’il continue à vendre de la drogue s’il était laissé en liberté. Toute autre mesure moins incisive serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait monter dans l’avion. Une place à bord d’un vol avait d’ores et déjà été réservée pour le 31 octobre 2023. La détention administrative avait débuté le 26 octobre 2023 et sa durée était tout à fait proportionnée compte tenu des démarches à entreprendre en vue du renvoi.

C. a. Par acte remis à la poste le 7 novembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, à sa mise en liberté et à ce qu’il soit sursis à son expulsion. Subsidiairement, des mesures de substitution devaient être prononcées et la durée pour surseoir à son expulsion devait être déterminée. Préalablement, il devait être entendu.

Le départ imminent pour le B______ représentait une atteinte à sa santé et un risque inhérent à sa vie et à son intégrité physique. Il avait rendez-vous chez son médecin le 8 novembre 2023 pour décider de la suite de son traitement médicamenteux pour une hyperplasie bénigne de la prostate et une éventuelle intervention sur sa vessie en 2024. Il ne pourrait pas terminer son traitement s’il était renvoyé vers le B______. Il avait également développé des problèmes psychiques et était suivi par une psychiatre. Il recevait des soins à G______.

Le TAPI avait constaté les faits de façon inexacte. Il avait retenu à tort que son renvoi était exigible. Le refus de surseoir à son expulsion et sa mise en détention sans mesures de substitution violaient le principe de proportionnalité. Il avait été appréhendé dans le canton de Vaud comme il se présentait au SPOP pour éclaircir sa situation médicale, ce qui prouvait qu’il se présentait lorsqu’il était convoqué. Les mesures de substitution lui permettraient de poursuivre son traitement.

b. Le 9 novembre 2023, la commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Le 6 décembre 2022, le SEM avait jugé le renvoi licite, raisonnablement exigible et possible. Le 31 octobre 2023, A______ avait refusé d’embarquer dans le vol à destination du B______. Un vol DEPA avec accompagnement policier était prévu le 15 novembre 2023. Il avait été validé par OSEARA, selon qui aucun changement ne s’était produit et l’avis médical du 27 octobre 2023, qui avait pris en compte les courriers des médecins d’A______, restait valable.

Les problèmes médicaux du recourant ne s’opposaient pas à son renvoi, et on ne voyait pas quelle autre mesure que la détention assurerait sa présence lors de l’exécution de son renvoi.

c. Le 13 novembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le B______ ne dispensait les traitements qu’il suivait qu’aux patients ayant souscrit une assurance privée. Les assureurs pourraient le refuser et la prime serait quoi qu’il en soit exorbitante. Son renvoi immédiat interromprait ses traitements, ce qui était inacceptable. L’objectif de son recours était de pouvoir terminer son traitement début février 2024.

Le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité n’était pas établi, puisqu’il suivait un traitement auprès de ses médecins et se présentait aux convocations.

d. Le 13 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut préalablement à sa comparution personnelle.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant s’est vu offrir l’occasion d’exposer ses arguments et de produire toute pièce utile devant le commissaire de police, le TAPI et la chambre de céans. Il n’expose pas quels éléments décisifs pour l’issue de la procédure qu’il n’aurait pu produire par écrit son audition serait susceptible d’apporter. Son état de santé est suffisamment documenté dans la procédure et les prestations offertes par le système de santé du B______ sont détaillées dans la jurisprudence, de sorte que son audition sur ces points n’apparait pas nécessaire.

Il ne sera ainsi pas donné suite à la demande d’acte d’instruction.

3.             Le litige a pour unique objet le bien-fondé de la détention administrative prononcée par le TAPI.

Le TCor a ordonné l’expulsion du recourant de Suisse pour une durée de cinq ans par jugement du 7 octobre 2022 entré en force. Le SEM a par ailleurs prononcé le renvoi de Suisse du recourant par décision du 6 décembre 2022 entrée en force.

Les conclusions du recourant à ce qu’il soit sursis à son expulsion, subsidiairement que soit déterminée la durée du sursis à son expulsion, excèdent le cadre du présent litige et sont irrecevables.

4.             Le recourant reproche au TAPI d’avoir établi les faits de manière incorrecte. Il ne présenterait pas de risque de fuite. Le prononcé de la détention au lieu d’une mesure moins incisive violerait le principe de proportionnalité. Son état de santé rendrait l’exécution de son renvoi impossible ou illicite.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950
(CEDH - RS 0.101) ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012
consid. 2.1).

4.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; cum art. 75 al. 1 let. c
et f LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement ou si elle séjourne illégalement en Suisse et dépose une demande d’asile dans le but manifeste d’empêcher l’exécution d’un renvoi ou d’une expulsion. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du
27 février 2018 consid. 4).

4.3 Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite – c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités – existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2).

4.4 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

4.5 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci‑après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

4.6 En l’espèce, le recourant ne peut pas être suivi lorsqu’il soutient qu’il ne présenterait pas de risque de fuite.

Il ne s’est pas conformé à l’expulsion prononcée le 7 octobre 2022 ni au renvoi prononcé le 6 décembre 2022. Il ne s'est pas présenté à l'aéroport de Genève le 29 août 2023 alors qu’un vol de retour avait été réservé pour lui. La police vaudoise n’a pas pu l’interpeller le 10 octobre 2023 et le vol réservé pour lui ce jour-là a dû être annulé. Il n’a pu être appréhendé que le 26 octobre 2023, comme il se rendait au SPOP. Il a alors déclaré au commissaire s’opposer à son renvoi au B______. Le 31 octobre 2023, il a refusé d’embarquer dans le vol à destination du B______ réservé pour lui, contraignant le SEM à organiser un vol DEPA avec accompagnement policier pour le 15 novembre 2023.

Une mesure moins incisive n’apparaît pas propre, dans ces conditions, à assurer que le recourant sera présent lorsqu’il devra embarquer le 15 novembre 2023 dans le vol avec escorte policière réservé pour lui à destination du B______. L’intérêt public à l’exécution de son renvoi et à ce qu’il quitte la Suisse justifie l’atteinte à sa liberté constituée par la détention, qui apparait ainsi proportionnée, étant observé que le recourant aurait pu éviter ou abréger sa détention administrative en acceptant de monter dans l’avion le 29 août ou le 31 octobre 2023.

Le recourant fait valoir que son renvoi serait impossible en raison de son état de santé. Il ne peut être suivi.

Le formulaire d’information médicale MEDIF établi par le SEM en vue du voyage du 31 octobre 2023 indique qu’il est apte à voyager et à marcher non accompagné et qu’aucune assistance n’est requise au départ ni à l’arrivée.

Le rapport établi par le Dr H______ le 11 octobre 2023, qui a été pris en compte par le SEM, (a) met en évidence des troubles mictionnels obstructifs de longue date et prescrit un traitement de Tamsulosine, soit un médicament indiqué pour les symptômes fonctionnels de l’hyperplasie bénigne de la prostate (https://compendium.ch/product/1449910-tamsulosine-axapharm-caps-ret-0-4-mg /mpro), affection que le recourant mentionne par ailleurs, (b) tout en réservant l’indication d’une incision cervicoprostatique en l’absence de bénéfice du traitement médicamenteux, à évaluer.

Le recourant, affecté de longue date de troubles de la miction en lien avec une hyperplasie bénigne de la prostate et placé sous traitement médicamenteux, ne rend pas vraisemblable qu’il serait exposé à un danger de mort ou d’atteinte très grave à sa santé en devant retournant au B______.

Il fait certes valoir qu’aucun assureur privé ne voudrait l’admettre. Il n’étaye toutefois pas cette assertion et ne saurait l’étayer par son audition comme il le prétend.

S’agissant de la poursuite d’un traitement médicamenteux, la chambre de céans a encore récemment retenu que le B______ dispose d’une liste de médicaments essentiels basée sur les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé relative à la disponibilité des médicaments. En principe, les médicaments doivent être disponibles dans les pharmacies et hôpitaux publics et être gratuits ou soumis à un co‑paiement modique. Dans la pratique, ils sont souvent achetés par les patients eux-mêmes et tous les médicaments figurant sur la liste ne sont pas disponibles partout et à tout moment. L’accès s’est toutefois amélioré ces dernières années. Outre les pharmacies publiques, il existe un certain nombre de pharmacies privées, 650 en 2019, qui peuvent importer tous les médicaments nécessaires. Les patients semblent y avoir un bon accès aux médicaments, bien qu’ils y soient souvent chers (ATA/1046/2023 du 26 septembre 2023 consid. 10.3).

S’agissant par ailleurs des traitements essentiels, ceux-ci sont en principe gratuits dans les établissements de santé publics tels que par exemple l’hôpital universitaire de Pristina (ATA/393/2023 du 18 avril 2023 consid. 3.2 ; ATA/986/2023 du 12 septembre 2023 consid. 3.4).

Enfin, le recourant évoque la consultation d’un psychiatre, sans plus de précision quant au trouble dont il serait affecté et à sa gravité. Il ne soutient pas qu’il ne trouverait pas au B______ l’appui médical nécessaire ou que sa vie ou sa santé seraient gravement menacées.

C’est ainsi conformément à la loi que le TAPI a établi que le recourant présentait un risque de fuite justifiant sa mise en détention jusqu’à l’exécution de son renvoi, et que ce dernier n’était pas impossible pour des raisons médicales.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             La procédure étant gratuite, aucun émolument de procédure ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 octobre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fernando Henrique FERNANDES DE OLIVEIRA, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, à l'établissement de détention administrative G______ ainsi qu'à l'établissement concordataire de détention administrative I______, pour information.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :