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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3833/2022

ATA/1047/2023 du 26.09.2023 sur JTAPI/562/2023 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3833/2022-PE ATA/1047/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Anik PIZZI, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17  mai 2023 (JTAPI/562/2023)


EN FAIT

A. a. C______, né le ______1977, est ressortissant du Kosovo.

b. Il est le père d’B______, né le ______2002, et de A______, née le ______2006, ressortissants du Kosovo, issus de sa relation avec D______, née le ______ 1977.

c. Le 16 mai 2009, C______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour. Depuis le 26 septembre 2017, il est titulaire d’une autorisation d’établissement.

d. Le 23 janvier 2018, il a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande de regroupement familial en faveur de ses deux enfants, refusée le 10 septembre 2019. L’OCPM a alors prononcé le renvoi d’B______ et de A______, leur impartissant un délai au 30 novembre 2019 pour quitter la Suisse.

La demande de regroupement familial était tardive. Elle aurait dû être déposée avant le 15 mai 2014. Il n’était pas démontré que la mère des enfants n’était pas en mesure de s’occuper d’eux. Les principales attaches des enfants étaient au Kosovo et les déclarations des grands-parents n’étaient pas suffisantes pour démontrer l’absence de solution alternative à leur prise en charge dans leur pays d’origine, où ils avaient vécu, quatorze et dix ans. La date de leur arrivée en Suisse n’était pas clairement établie.

B. a. Par acte du 11 octobre 2019, C______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision (cause A/3796/2019).

b. Lors d’une audience le 28 mai 2020 :

b.a C______ a expliqué que ses enfants vivaient avec leur mère au Kosovo, de même qu’à leur arrivée à Genève en 2016, ce dont il n’était pas au courant vu ses problèmes de santé. Il l’avait appris en 2017 et avait décidé de déménager du canton de Vaud à Genève, où se trouvaient également ses frères et les cousins de ses enfants. Il avait aussi deux sœurs, l’une à Genève et l’autre à Saint-Julien, ainsi que des oncles, tantes et cousins. La quasi-totalité de sa famille vivait à Genève. La mère des enfants les déplaçait entre les domiciles des grands‑parents maternels et paternels, et n’avait pas de logement propre. Il avait toujours contribué à l’entretien des enfants, avec l’aide de ses frères parfois. Il avait fait quelques courts séjours au Kosovo et entretenait des contacts par téléphone. Ses ennuis de santé l’avaient empêché de se rendre plus souvent au Kosovo. Il ne s’était pas marié avec la mère de ses enfants.

Lors de son arrivée en Suisse, D______ avait été logée chez son frère. L’intéressé et la mère des enfants avaient organisé leur garde, elle s’en occupait pendant qu’il travaillait. En mars 2020, il avait pris un appartement plus spacieux et proposé à D______ de s’y installer avec les enfants. Ils n’étaient pas en couple mais formaient une vraie famille.

b.b D______ a déclaré s’être occupée des enfants depuis leur naissance. Elle vivait avec eux chez ses parents et faisait des séjours réguliers chez ses beaux‑parents afin de leur rendre visite, quelques jours tous les mois environ. Elle avait quitté le Kosovo en 2015 pendant trois mois pour voir la situation en Suisse, mais était revenue au Kosovo avant d’en repartir en 2016 avec ses enfants. Il n’avait jamais été question qu’elle les laisse au Kosovo, puisqu’ils voulaient rejoindre leur père. Elle souhaitait pouvoir vivre en Suisse avec eux et les voir grandir. Ils n’avaient jamais été pris en charge exclusivement par leurs grands-parents, à l’exception des trois mois en 2015 précités. Ils vivaient depuis mars 2020 tous ensemble, comme une famille, mais elle n’était pas en couple avec C______. Au Kosovo, elle recevait l’aide financière de ce dernier ainsi que de sa famille vivant à Genève. Ce dernier venait leur rendre visite quelques semaines deux fois par an. Elle suivait des cours de français depuis 2016, le comprenait mais préférait s’exprimer dans sa langue maternelle.

c. Le TAPI a, par jugement du 20 août 2020, rejeté le recours.

La demande avait été déposée tardivement et il n’existait pas de raisons majeures autorisant le regroupement familial. La venue des enfants en Suisse avait été principalement motivée par des considérations d'ordre éducatif et financier. Le temps passé par les enfants en Suisse découlait de la politique du fait accompli et relevait de la seule responsabilité de leurs parents.

Les enfants étaient nés et avaient vécu au Kosovo jusqu’à l’âge de 14 et 10 ans. Ils y avaient de fortes attaches familiales, notamment leur mère et leurs grands-parents tant maternels que paternels, et des attaches socio-culturelles, étant précisé que l’OCPM avait indiqué son intention de refuser une autorisation de séjour à D______. Ils parlaient également la langue de leur patrie où ils avaient été scolarisés durant plusieurs années. Les difficultés à leur retour au Kosovo, où ils avaient séjourné de manière régulière, ne seraient pas insurmontables.

d. Par arrêt du 19 janvier 2021, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a confirmé ce jugement. Non contesté, cet arrêt est devenu définitif et exécutoire.

e. Par jugement du 22 décembre 2020, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté par D______ contre la décision de l’OCPM du 16 octobre 2020 refusant de la mettre au bénéfice d’une autorisation de séjour.

C. a. Le 22 février 2021, C______ a épousé D______ à Genève.

b. Celle-ci a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, renouvelée en dernier lieu jusqu’au 21 février 2024.

D. a. Le 8 avril 2021, B______ et A______ ont saisi l’OCPM de demandes d’autorisation de séjour à titre de regroupement familial.

b. Par courrier du 21 avril 2021, l’OCPM leur a imparti un nouveau délai de départ au 31 mai 2021, la décision du 10 septembre 2019 étant exécutoire.

c. Le 28 avril 2021, les intéressés ont fait savoir à l’OCPM que la situation familiale s’était modifiée de manière importante, à la suite du mariage de leurs parents. Ces derniers faisaient désormais ménage commun avec eux, si bien qu’ils sollicitaient la reconsidération de la décision prononçant leur renvoi.

d. Par courrier du 20 mai 2021, l’OCPM a fait part à B______ et A______ de son intention de refuser de reconsidérer sa décision du 10 septembre 2019.

Le mariage des parents était un élément nouveau et important permettant d’entrer en matière sur la demande, mais il ne changeait pas sa position sur le fond. Les délais de l’art. 47 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) étaient toujours dépassés et il n’apparaissait pas que les conditions de l’al. 4 de cette disposition étaient réalisées. Rien ne démontrait que la famille paternelle ou maternelle des enfants ne pourrait les prendre en charge, avec le soutien des parents. Ces derniers s’étaient mariés en connaissant la situation administrative de leurs enfants et le fait qu’ils devaient quitter la Suisse. Si leur mère décidait de faire de Genève son lieu de séjour, des dispositions devraient alors être mises en place pour la prise en charge des enfants au Kosovo. Les conditions de l’art. 47 al. 4 LEI n’étant pas remplies, celles d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur ne l’étaient pas non plus. Enfin, leur présence à Genève depuis quelques années résultait du non-respect des procédures et de leur entrée illégale en Suisse.

e. Faisant usage de leur droit d’être entendus le 2 juin 2021, B______ et A______ ont indiqué qu’ils n’avaient pas quitté la Suisse depuis leur arrivée en janvier 2016. Ils y avaient de fortes attaches et formaient une famille avec leur parents. Dans l’ATA/51/2021 du 19 janvier 2021, la chambre administrative avait reconnu le rôle prépondérant de la mère dans l’éducation des deux enfants depuis leur naissance. Le mariage de leurs parents et l’autorisation de séjour délivrée à leur mère devaient conduire à l’octroi des autorisations requises, ce d’autant qu’ils ne pourraient plus compter sur le soutien de leur mère au Kosovo ni sur leurs grands-parents trop âgés pour les prendre en charge. Leur renvoi contreviendrait également à l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

f. Le 18 février 2022, B______ a fait une demande d’inscription auprès du Collège et école de commerce E______ (ci-après : CEC) afin d’obtenir une maturité professionnelle et briguer un Bachelor en International Business Management auprès de la Haute école de gestion.

Le 24 juin 2022, il a obtenu un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’employé de commerce.

g. Le 28 juin 2022, A______ a achevé ses études secondaires I.

h. Par courrier du 14 juillet 2022 à l’OCPM, B______ et A______ ont fait part de leurs projets professionnels et demandé à être mis au bénéfice d’autorisations de séjour.

En août 2022, B______ entamerait des études d’une durée d’une année auprès du CEC. Faisant preuve d’une excellente intégration en Suisse, il souhaitait y poursuivre sa formation et acquérir un métier. Financièrement, il dépendait entièrement de ses deux parents, de sorte qu’il ne pourrait pas étudier ailleurs qu’à Genève.

A______ s’était inscrite au centre de formation professionnelle nature et environnement de Lullier. À terme, elle souhaitait suivre l’École de police. Un CFC était toutefois indispensable. Elle était très bien intégrée et faisait partie de l’équipe de basket F______ de G______. En tant que mineure, elle ne pouvait pas être séparée de ses parents.

i. Par décision du 20 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé de reconsidérer la décision du 10 septembre 2019 et de mettre B______ et A______ au bénéfice d’autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité.

Dans la mesure où ils ne se trouvaient pas dans une situation de rigueur au sens de l’art. 47 al. 4 LEI, il y avait lieu de croire qu’ils ne remplissaient pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en application des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Ils étaient ainsi tenus de quitter la Suisse et l’espace Schengen sans délai.

E. a. Par acte du 17 novembre 2022, B______ et A______, agissant par leur père, ont recouru au TAPI contre cette décision.

Ils remplissaient les conditions du cas de rigueur de l’art. 47 al. 4 LEI et du regroupement familial en vertu de l’art. 8 CEDH, tout comme celles des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

Ils séjournaient en Suisse depuis plus de six ans et pouvaient se prévaloir d’une intégration particulièrement poussée. Ils poursuivaient leurs études avec succès et avaient des projets professionnels qu’ils ne pourraient pas réaliser au Kosovo. Ils vivaient à Genève auprès de leurs parents, dont ils dépendaient financièrement. Ces derniers n’envisageaient pas de retourner au Kosovo et personne ne pouvait les prendre en charge dans leur pays d’origine, où ils se retrouveraient livrés à eux‑mêmes.

b. Par courrier du 22 novembre 2022, l’OCPM a fait part à B______ de l’intention des autorités de prononcer une interdiction d’entrée (art. 67 LEI) à son encontre, dès lors qu’il ressortait du dossier qu’il n’entendait pas respecter les décisions prises et qu’il refusait d’organiser son départ à destination de son pays d’origine. Un délai de dix jours ouvrables lui était imparti pour exercer son droit d’être entendu.

c. Dans ses observations au TAPI du 28 novembre 2022, l’OCPM s’est opposé à l’octroi de mesures provisionnelles qui permettraient à B______ et A______ de demeurer sur le territoire, malgré la décision définitive et exécutoire rendue à leur encontre. Cela faisait près de deux ans que l’ATA/51/2021 du 19 janvier 2021 était entré en force et que les recourants persistaient à violer la loi et à ne pas se conformer à la décision de renvoi.

Sur le fond, il a conclu au rejet du recours. L’analyse de la situation sous l’angle de l’art. 8 CEDH était comprise dans celle de l’art. 47 al. 4 LEI, tel que cela ressortait de la jurisprudence. Le cas de rigueur au sens strict, qui se confondait avec la disposition précitée, ne saurait être retenu. Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, qu’ils avaient largement favorisé par leur comportement, pouvait être reconnu comme un procédé dilatoire.

d. Les 9 et 23 décembre 2022, B______ et A______ ont persisté dans la demande de reconsidération afin d'obtenir l'autorisation de poursuivre leur vie auprès de leurs parents, ce qui ne relevait en aucun cas d'un refus d'obtempérer. Le droit au mariage, de leurs parents, était un droit fondamental que l’OCPM avait « balayé d’un revers de manche » pour prendre une décision qui heurtait le sentiment de justice.

La décision litigieuse violait toutes les dispositions relatives à la liberté économique (art. 27 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst - RS 101 et 6 par. 1 Pacte I CEDH), dès lors que la personne à laquelle l'accès à la formation était dénié ne pouvait pas choisir sa profession.

Leurs grands-parents paternels étaient âgés et malades. Leur grand-mère souffrait des hanches, n'était pas en mesure de se déplacer sans canne, ne sortait plus de son domicile, n'était pas capable de faire des courses, tenir le ménage ni de faire la cuisine. Des soins à domicile lui étaient prodigués quotidiennement par son médecin et des infirmiers. Le grand-père était diabétique et souffrait de problèmes rénaux. Leurs grands-parents maternels étaient âgés et en mauvaise santé et n'étaient donc pas non plus en mesure de les accueillir chez eux. Les autres membres de la famille, oncles, tantes et cousins, vivaient à Genève, à Zurich, en France et en Italie. Aucun intérêt supérieur de droit public ne justifiait de séparer une famille et de contraindre les enfants à quitter le domicile de leurs parents pour être livrés à eux-mêmes, sans ressources et sans formation professionnelle. Il était démontré qu'ils n'auraient aucun soutien en cas de retour dans leur pays d'origine.

Ils avaient passé les années de leur enfance et leur adolescence auprès de leurs parents, au sein d'un cercle social important dans lequel ils étaient particulièrement bien intégrés. Un renvoi au Kosovo reviendrait à les laisser livrés à eux-mêmes dans un pays qu'ils avaient quitté alors qu'ils étaient encore de jeunes enfants. Il ne leur serait pas possible d'accomplir des études et d'acquérir une formation professionnelle.

e. Le TAPI a, par jugement du 17 mai 2023, rejeté le recours.

L'objet du litige consistait à examiner si l'OCPM avait correctement apprécié l'ensemble des circonstances dans le cadre de cette procédure de reconsidération dans le cadre strict des dispositions légales sur le regroupement familial, telles qu’appliquées dans la décision du 10 septembre 2019 et jugées le 20 août 2020 par le TAPI puis par la chambre administrative le 19 janvier 2021.

L’OCPM avait admis que le mariage des parents d’B______ et A______ constituait une modification des circonstances suffisamment importante pour justifier d'entrer en matière sur la demande de reconsidération, de sorte qu’il lui incombait de procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, tout en écartant de son examen les modifications résultant uniquement de leur refus de donner suite à la décision de renvoi du 10 septembre 2019.

Ainsi, l’ensemble des arguments au sujet de leur intégration en Suisse ne pouvait être pris en considération, puisque ces aspects découlaient uniquement de la poursuite de leur séjour illégal. Tenir compte de ces aspects reviendrait à récompenser un comportement contraire au droit.

Le mariage de leurs parents était certes un changement d'ordre familial dans les possibilités de prise en charge éducative d’B______ et A______ à l'étranger, puisque leur mère disposait désormais d'une autorisation de séjour en Suisse, alors que tel n’était pas le cas le 20 août 2020 et qu’elle devait retourner dans son pays d'origine. Il convenait cependant de relativiser la portée de cette union, intervenue à peine un mois après l'arrêt de la chambre administrative du 19 janvier 2021 et dont il y avait tout lieu de penser qu'elle n'était pas étrangère à des calculs juridiques. En effet, lors de son audition par le TAPI le 28 mai 2020, la mère d’B______ et A______ avait clairement exprimé le fait que, bien que souhaitant ardemment que ses enfants puissent demeurer en Suisse et elle‑même auprès d'eux, elle ne pouvait pas envisager un lieu de résidence différent du leur. Par conséquent, la décision de se marier avec leur père, alors que ses enfants faisaient l'objet d'une décision de renvoi exécutoire, ne pouvait exclure l'éventualité que ce renvoi soit exécuté et que par conséquent, au moins pendant un temps, elle retourne avec eux au Kosovo et ne revienne en Suisse auprès de son mari qu'à partir du moment où elle considérerait que ses enfants n'avaient plus besoin d'elle.

À cela s'ajoutait qu’B______ était âgé de 22 ans et demi (sic) et sa cadette de 16 ans et demi. Le premier, devenu un jeune adulte, était en âge de s'assumer seul et, comme cela arrivait souvent, de prendre en charge sa sœur, qui approchait de la fin de l'adolescence. La question de leur prise en charge éducative au Kosovo n'avait ainsi plus rien à voir avec celle des deux enfants de 14 et 10 ans arrivés en Suisse en 2016. Même si leur mère décidait de ne pas les accompagner au Kosovo, ne serait-ce que pour une année ou deux, ils continueraient à bénéficier de l'appui financier fourni par leurs parents, actuellement sous la forme de leur entretien quotidien.

L’art. 8 CEDH ne trouvait pas application de manière autonome, mais était concrétisée par les dispositions de la LEI relatives au regroupement familial.

F. a. B______ et A______ ont formé recours contre ce jugement à la chambre administrative le 21 juin 2023.Ils ont conclu à son annulation, de même qu’à l’octroi d’une autorisation de séjour.

B______ était inscrit à la HEG pour la rentrée de septembre 2023, après avoir obtenu sa maturité.

Le TAPI n’avait pas tenu compte de leurs intérêts personnels et familiaux. Le mariage de leurs parents n’avait pas été analysé à sa juste valeur. Une autorisation de séjour conférée à leur mère, qui permettait que leur soit accordée une autorisation au sens de l’art. 44 LEI, ne modifiait pas la prise en charge de ses enfants. Il était particulièrement choquant de livrer les enfants à eux-mêmes loin de leur parent (sic) au Kosovo, en attendant de l’aîné qu’il prenne en charge sa cadette, alors qu’il n’en avait pas l’obligation. Leurs grands-parents, malades et en fin de vie, n’étaient pas en mesure de s’en occuper jusqu’à leur vie d’adultes indépendants. Ils n’y auraient aucun soutien familial et, livrés à eux-mêmes, ne pourraient pas achever leur formation. Le TAPI remettait en cause la liberté fondamentale du droit au mariage et avait ignoré la réalité de leur situation et leur intérêt supérieur. Il les privait de tout contact avec leur parenté vivant à Genève et alentours.

Ils étaient parfaitement intégrés, tout comme leurs parents avec lesquels ils vivaient, et leur parcours était exemplaire.

Aucun intérêt public prépondérant ne pouvait être privilégié pour justifier leur renvoi.

Bien que la décision querellée n’aborde ni le cas de rigueur, ni l’art. 8 CEDH sous l’aspect du respect de la vie familiale, ces questions devaient être examinées puisque la décision leur imposait, alors qu’ils étaient encore en formation, de quitter la Suisse et de vivre seuls.

Selon deux arrêts du Tribunal fédéral qu’ils citaient, datant de 1995, leur situation réalisait les conditions du cas de rigueur.

Il n’était pas exigible de leurs parents, avec lesquels les liens familiaux étaient effectifs, de quitter la Suisse pour les prendre en charge au Kosovo. Ce lien étroit devait être préservé.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants ont persisté dans les conclusions de leur recours.

d. Les parties ont été informées, le 22 août 2023, que la cause était gardée à juger.

G. Il ressort du dossier que les recourants ont sollicité des visas de retour d’un mois afin de se rendre au Kosovo pour passer des vacances et rendre visite à leurs grands‑parents les 6 juillet 2021 et 13 avril 2022. La recourante a sollicité encore un tel visa le 22 octobre 2021. Toutes ces demandes ont été refusées par l’OCPM au motif de leur statut en Suisse.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             L’objet du litige est la conformité au droit du refus de l’OCPM, confirmé par le TAPI, de reconsidérer la décision du 10 septembre 2019 et d’octroyer un permis de séjour aux deux recourants, âgés de bientôt 21 ans et bientôt 17 ans et arrivés en Suisse en 2016.

2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr – F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

2.2 Au cours de la procédure de recours, il n'est tenu compte des faits nouveaux que si la juridiction y est en général autorisée, si la décision ne sortit ses effets que dès la date de la décision sur recours et si l'économie de procédure l'impose. Le rôle de l'autorité de recours consiste non seulement à contrôler la solution qui a été adoptée, mais aussi à imposer celle qui est propre à mettre fin à la contestation (ATF 98 Ib 178 ; 92 I 327 ; 89 I 337). Or, en faisant abstraction des faits survenus après la décision attaquée, l'autorité de recours ouvrirait la porte à de nouvelles procédures et risquerait donc de laisser subsister le litige, sans contribuer toujours utilement à le trancher (André GRISEL, Traité de droit administratif, Vol. II, 1984, p. 932). Statuant sur les recours de droit administratif, le Tribunal fédéral prend en compte les faits nouveaux notamment dans le domaine de la police des étrangers (ATF 105 Ib 165 consid. 6b ; 105 Ib 163).

2.3 À plusieurs reprises, la chambre de céans a tenu compte, d'office ou sur requête, de faits qui s'étaient produits après que la décision de première instance a été rendue (ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4b).

3.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

4.             4.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

4.2 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a).

4.3 En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

4.4 En l'occurrence, le mariage des parents des recourants, à la suite duquel leur mère a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour, constitue une circonstance nouvelle, ce que l’OCPM a admis, puisqu'il est entré en matière sur la demande de reconsidération. En conséquence, il s'agit d'examiner la requête en cause dans la mesure où les nouvelles circonstances sont susceptibles de conduire à un résultat juridique différent de celui résultant des décisions précédentes.

5.             Il convient d’examiner en premier lieu si, en tant qu’enfants d’étrangers titulaires en Suisse d’un permis d’établissement, s’agissant de leur père, et de séjour, pour ce qui est de leur mère, les recourants peuvent prétendre à la délivrance d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial sur la base des art. 43 et/ou 44 LEI.

5.1 Selon ces deux dispositions, l’autorité compétente peut octroyer une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d’établissement ou de séjour et à ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans s'ils vivent en ménage commun avec elle ou lui (let. a), disposent d'un logement approprié (let. b) ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) et sont aptes à parler la langue nationale au lieu de domicile (sauf pour les enfants célibataires de moins de 18 ans [al. 3](let. d).

Ces dispositions ne confèrent pas un droit au regroupement familial (ATF 139 I 330 consid. 1.2; 137 I 284 consid. 1.2; Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les étrangers (intégration) du 8 mars 2013, FF 2013 2131, spéc. 2153).

Il s'agit des conditions de base qui doivent impérativement être remplies pour qu'une autorisation de séjour puisse être accordée dans ce cadre, l'examen du respect des autres conditions n'intervenant qu'une fois que ces conditions de base sont réalisées (arrêt du TAF F-7533/2016 du 10 janvier 2018 consid. 5.2 et les références citées).

5.2 Le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois (art. 47 al. 1 LEI ; art. 73 al. 1 OASA). Pour les membres de la famille d'étrangers, les délais commencent à courir lors de l'octroi de l'autorisation de séjour ou lors de l'établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI ; art. 73 al. 2 OASA). Ces délais visent à permettre une intégration précoce et à offrir une formation scolaire en Suisse aussi complète que possible. Ils ont également pour objectif la régulation de l'afflux d'étrangers. Ces buts étatiques légitimes sont compatibles avec la CEDH ; (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; ATA/1319/2019 du 3 septembre 2019 consid. 5a et les références citées).

5.3 Si le parent à l'origine de la demande de regroupement familial ne dispose pas d'un droit au regroupement (par exemple simple permis de séjour), la naissance ultérieure du droit (par exemple lors de l'octroi d'un permis d'établissement) fait courir un nouveau délai pour le regroupement familial, à condition cependant que le regroupement de l'enfant ait déjà été demandé sans succès auparavant et ce dans les délais impartis (ATF 137 II 393 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2435/2015 du 11 octobre 2016 consid. 6.3 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_1083 du 24 avril 2017 ; ATA/341/2020 du 7 avril 2020 consid. 7a ; secrétariat d'État aux migrations [ci-après : SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013, état au 1er novembre 2019 [ci-après : directives], ch. 6.10.1).

Passé ce délai, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures (art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA).

5.4 Le moment déterminant du point de vue de l'âge comme condition du droit au regroupement familial en faveur d'un enfant (art. 42 ss LEI) est celui du dépôt de la demande (ATF 136 II 497 consid. 3.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_409/2018 du 23 janvier 2019 consid. 3.1). La condition est réalisée et le droit doit être reconnu si, à ce moment, l'enfant n'a pas atteint l'âge limite. Le droit au regroupement ne disparaît pas lorsque l'enfant atteint cet âge pendant la suite de la procédure, avant que l'autorisation ne lui soit octroyée (ATF 136 II 497 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2010 du 1er octobre 2010 ; directives, n. 6.10).

5.5 Hormis les conditions précitées et énumérées à l'art. 44 LEI, l'octroi du regroupement familial selon cette disposition suppose encore qu'il n'y ait pas d'abus de droit et qu'il n'existe pas de motif de révocation au sens de l'art. 62 LEI (par analogie à l'art. 51 al. 2 let. a et b LEI ; art. 6 al. 1 OASA ; ATF 137 I 284 consid. 2.7).

6.             En l’espèce, le 16 mai 2009, le père des recourants s’est vu délivrer une autorisation de séjour et le 26 septembre 2017 une autorisation d’établissement. Ce n’est que le 23 janvier 2018 qu’il a déposé une demande de regroupement familial en faveur de ses deux enfants, laquelle a été refusée le 10 septembre 2019 pour cause de tardiveté, ce qui a été confirmé par le TAPI puis par arrêt définitif et exécutoire de la chambre administrative du 19 janvier 2021. Le 8 avril 2021, les recourants ont déposé une demande de regroupement familial en leur faveur, étant relevé qu’entre‑temps leur mère avait épousé leur père et été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, dès le 22 février 2021. Le recourant était alors âgé de 18 ans et la recourante de 14 ans.

Ainsi, l’obtention par la mère du recourant d’une autorisation de séjour en cours de procédure n’a pas ouvert pour le recourant une nouvelle possibilité de regroupement familial différé pour la raison déjà qu’il était âgé de plus de 18 ans au moment du dépôt de sa demande. Tel n’apparaît pas non plus être le cas pour la recourante, bien qu’encore mineure, puisque le regroupement est effectivement intervenu par son arrivée en Suisse avec son frère en 2016, avec leur mère, qui en partageait la garde avec le père, soit donc bien avant la régularisation des conditions de séjour de celle‑ci.

Ainsi, à teneur du dossier, les conditions pour l’obtention d’une autorisation de séjour sur la base des art. 43 et/ou 44 LEI ne sont pas réalisées.

7.             Reste à examiner l’existence ou non de raisons familiales majeures.

7.1 Les raisons familiales majeures au sens des art. 47 al. 4 LEI et 73 al. 3 OASA peuvent être invoquées, selon l'art. 75 OASA, lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse. C'est l'intérêt de l'enfant, non les intérêts économiques (prise d'une activité lucrative en Suisse), qui prime. Selon la jurisprudence, il faut prendre en considération tous les éléments pertinents du cas particulier. Il y a lieu de tenir compte du sens et des buts de l'art. 47 LEI. Il s'agit également d'éviter que des demandes de regroupement familial différé soient déposées peu avant l'âge auquel une activité lucrative peut être exercée lorsque celles-ci permettent principalement une admission au marché du travail facilitée plutôt que la formation d'une véritable communauté familiale. D'une façon générale, il ne doit être fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.3 et les références citées).

La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose qu'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, telle qu'une modification des possibilités de la prise en charge éducative à l'étranger (ATF 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a). Il existe ainsi une raison familiale majeure lorsque la prise en charge nécessaire de l'enfant dans son pays d'origine n'est plus garantie, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s'en occupait. Lorsque le regroupement familial est demandé en raison de changements importants des circonstances à l'étranger, il convient toutefois d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit. De telles solutions correspondent en effet mieux au bien-être de l'enfant, parce qu'elles permettent d'éviter que celle-ci ou celui-ci ne soit arraché à son milieu et à son réseau de relations de confiance. Cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescentes et adolescents qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine dès lors que plus une ou un enfant est âgé, plus les difficultés d'intégration qui la ou le menacent apparaissent importantes. Il ne serait toutefois pas compatible avec l'art. 8 CEDH de n'admettre le regroupement familial différé qu'en l'absence d'alternative. Simplement, une telle alternative doit être d'autant plus sérieusement envisagée et soigneusement examinée que l'âge de l'enfant est avancé et que la relation avec le parent vivant en Suisse n'est pas (encore) trop étroite (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.3.2 et les références citées).

Le regroupement familial ne saurait être motivé principalement par des arguments économiques (meilleures perspectives professionnelles et sociales en Suisse, prise en charge des frères et sœurs moins âgés, conduite du ménage familial en Suisse) ou par la situation politique dans le pays d’origine (SEM, op. cit., ch. 10.6.2).

7.2 Le parent qui fait valoir le regroupement familial doit disposer de l'autorité parentale ou au moins du droit de garde sur l'enfant (ATF 137 I 284 consid. 2.7 ; 136 II 78 consid. 4.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_576/2011 du 13 mars 2012 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4615/2012 du 9 décembre 2014).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l'ancien droit, mais encore pertinente, le regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1). On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Pour autant, le maintien d'une telle relation ne signifie pas encore que le parent établi en Suisse puisse faire venir ses enfants à tout moment et dans n'importe quelles conditions. Il faut, comme dans le cas où les deux parents vivent en Suisse depuis plusieurs années séparés de leurs enfants, réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour elle ou lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; ATF 129 II 11 consid. 3.3.2).

Un regroupement familial différé peut ainsi être refusé si l'un des parents et les enfants ont toujours vécu séparés de l'autre parent à l'étranger et qu'ils peuvent sans autre continuer d'y séjourner (arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 6.2 et les références citées).

7.3 Le désir – pour compréhensible qu'il soit – de voir (tous) les membres de la famille réunis en Suisse, souhait qui est à la base de toute demande de regroupement familial et représente même une condition d'un tel regroupement, ne constitue pas en soi une raison familiale majeure. Lorsque la demande de regroupement familial est déposée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1025/ 2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 et 6.2 et la jurisprudence citée).

7.4 Il faut également tenir compte de l'intérêt de l'enfant à maintenir des contacts réguliers avec ses parents, ainsi que l'exige l'art. 3 § 1 CDE, étant précisé que les dispositions de la convention ne font toutefois pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.2 et 5.3 et les références citées). Lorsque l'enfant est devenu majeur au cours de la procédure de regroupement familial, la CDE ne lui est plus applicable (art. 1 CDE ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_767/2013 du 6 mars 2014 consid. 3.5). Le pouvoir d'appréciation de l'autorité est donc encore plus restreint (arrêt du Tribunal fédéral C/4615/2012 du 9 décembre 2014 consid. 4.4).

7.5 Enfin, les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 et 8 CEDH ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1102/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.2).

7.5.1 Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette disposition ne confère cependant pas un droit à séjourner dans un État déterminé. Le fait de refuser un droit de séjour à une personne étrangère dont la famille se trouve en Suisse peut toutefois porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 135 I 153 consid. 2.1). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de l'art. 8 CEDH, un droit d'entrée et de séjour. Ainsi, lorsqu'une personne étrangère a elle-même pris la décision de quitter sa famille pour aller vivre dans un autre État, ce dernier ne manque pas d'emblée à ses obligations de respecter la vie familiale s'il n'autorise pas la venue des proches de la personne étrangère ou qu'il la subordonne à certaines conditions (arrêt du Tribunal fédéral 2C_153/2018 du 25 juin 2018 consid. 5.3 et les références citées).

Les relations visées par l’art. 8 CEDH sont avant tout celles qui existent entre époux ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 127 II 60 consid. 1d/aa ; 120 Ib 257 consid. 1d).

7.5.2 Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH est possible aux conditions de l'art. 8 § 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence. S'agissant d'un regroupement familial, il convient de tenir compte dans la pesée des intérêts notamment des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci. Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, une personne étrangère qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2 ; 137 I 284 consid. 2.6).

7.5.3 La protection accordée par l'art. 8 CEDH suppose que la relation avec l'enfant – qui doit être étroite et effective (ATF 139 I 330 consid. 2.1) – ait préexisté (arrêts du Tribunal fédéral 2C_537/2009 du 31 mars 2010 consid. 3 ; 2C_490/2009 du 2 février 2010 consid. 3.2.3). On ne saurait accorder le regroupement familial si le regroupant et le regroupé n'ont jamais vécu ensemble, sous réserve de la situation dans laquelle le regroupant fait établir le lien de filiation ultérieurement (Eric BULU, Le regroupement familial différé, in Actualité du droit des étrangers, les relations familiales, 2016, p. 88).

En matière de regroupement familial, sous l'angle de l'art. 8 CEDH, c'est l'âge atteint au moment où le Tribunal fédéral statue qui est déterminant (ATF 129 II 11 consid. 2 ; 120 Ib 257 consid. 1f ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_606/2009 du 17 mars 2010 consid. 1).

8.             La situation des deux recourants doit s’examiner distinctement vu la majorité du premier et la minorité de la deuxième.

8.1 Le recourant, désormais âgé de près de 21 ans, ne peut pas se prévaloir de l’art. 47 LEI pas plus que de l’art. 8 CEDH sous l’angle de la préservation de sa vie familiale. En revanche, son cas n’a pas été examiné par l’OCPM sous l’angle du cas de rigueur des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA puisque, selon l’autorité intimée, dans la mesure où son cas ne tombait pas sous le coup de l’art. 47 al. 4 LEI, « il y a lieu de croire qu’il ne remplissait pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en application » desdites dispositions. Ce raisonnement ne peut être suivi et, le concernant, le dossier doit être retourné à l’autorité intimée pour qu’elle examine les conditions du cas de rigueur, étant relevé que le recourant vit désormais en Suisse depuis plus de sept ans.

8.2 La recourante est âgée de près de 17 ans. Les conditions de sa prise en charge au Kosovo ont radicalement changé, puisqu’elle y a vécu jusqu’au départ de sa mère en Suisse auprès de celle-ci, alternativement chez ses grands-parents paternels et maternels. À son arrivée en Suisse en 2016, elle a vécu avec son père et sa mère qui chacun disposait de leur logement, puis auprès de ses deux parents dès le mois de mars 2020 où tous ont intégré le même appartement. Ainsi, elle n’a à aucun moment vécu éloignée de sa mère qui désormais bénéficie d’une autorisation de séjour. Quand bien même la réelle intention de ses parents de se marier ne serait pas celle d’entretenir une vie de couple, comme ils l’ont déclaré avant de s’unir en février 2021, mais constituerait une tactique juridique, il n’en demeure pas moins que la recourante a constamment vécu auprès de sa mère. Dans ces circonstances, il ne peut être attendu de sa part qu’elle retourne au Kosovo vivre chez ses grands‑parents paternels et/ou maternels, quand bien même ces derniers seraient encore en bonne santé et en état de pourvoir à l’entretien au quotidien de cette jeune fille sortie de l’adolescence. La solution d’un retour au Kosovo auprès de cette parenté ne saurait constituer la meilleure solution pour le bien de la recourante, alors que son père et sa mère vivent sous le même toit à Genève.

Il doit en conséquence être considéré qu’un changement important de circonstances s’est produit, en particulier par la légalisation du séjour de la mère de la recourante qui n’a donc plus à quitter la Suisse, de sorte qu’il ne saurait être exigé de cette dernière qu’elle déplace son centre de vie au Kosovo et ce, que son frère doive par hypothèse en définitive y retourner ou pas.

L’intéressée vit et est scolarisée en Suisse depuis plus de sept ans. Son intégration se déroule à totale satisfaction. Elle suit depuis la rentrée 2023 – 2024 des cours auprès du centre de formation professionnelle nature et environnement de Lullier en vue d’obtenir un CFC indispensable pour intégrer l’École de police, ce qui est son souhait. Elle fait partie d’une équipe de basket.

Sa prise en charge est assurée par ses parents tant en termes de logement que de frais généraux.

Dans ces conditions, il existe dans le cas d’espèce des raisons familiales majeures pour un regroupement familial en faveur de la recourante dont l’intérêt est d’atteindre l’âge adulte auprès de ses deux parents.

L’OCPM a ainsi abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant à la recourante une autorisation de séjour au titre du regroupement familial.

8.3 Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis.

Le jugement du TAPI et la décision de l’OCPM du 20 octobre 2022 seront annulés. Le dossier sera renvoyé à ce dernier pour examen des conditions du cas de rigueur pour le recourant et pour la délivrance d’une autorisation de séjour en faveur de la recourante.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument, réduit, de CHF 200.-, sera mis à la seule charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1’000.- sera allouée aux recourants, pris solidairement, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 juin 2023 par B______ et A______, cette dernière agissant par son père C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mai 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 20 octobre 2022 ainsi que le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 mai 2023 ;

renvoie le dossier à l’office cantonal de la population et des migrations du 20 octobre 2022 pour suite à donner dans le sens des considérants ;

met un émolument de CHF 200.- à la charge d’B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______ et A______, pris solidairement, à l’a charge de l’État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. de Lausanne 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anik PIZZI, avocate des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.