Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/3833/2022

JTAPI/562/2023 du 17.05.2023 ( OCPM ) , REJETE

PARTIELMNT ADMIS par ATA/1047/2023

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;REGROUPEMENT FAMILIAL;OBJET DU RECOURS
Normes : LPA.48.al1.letb; LEI.47
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3833/2022

JTAPI/562/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 17 mai 2023

 

dans la cause

 

Madame A______et Monsieur B______, représentés par Me Anik PIZZI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur C______, né le ______ 1977, est ressortissant du Kosovo.

2.             Ses deux enfants, Monsieur B______, né le ______ 2002, et Madame A______, née le ______ 2006, sont issus de sa relation avec Madame D______, née le ______1977. Ils sont également ressortissants du Kosovo.

3.             Le 16 mai 2009, M. C______ a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour. Depuis le 26 septembre 2017, il est titulaire d’une autorisation d’établissement.

4.             Le 23 janvier 2018, il a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande de regroupement familial en faveur de ses enfants.

5.             Par décision du 10 septembre 2019, l’OCPM a refusé de faire droit à cette demande et a prononcé le renvoi de M. B______ et de Mme C______, leur impartissant un délai au 30 novembre 2019 pour quitter la Suisse.

La demande de regroupement familial était tardive. En effet, M. C______ avait été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour le 16 mai 2009, puis il avait obtenu une autorisation d’établissement le 26 septembre 2017. La demande de regroupement familial qui aurait dû être déposée avant le 15 mai 2014 n’avait été déposée que le 23 janvier 2018. Il n’était pas démontré que la mère des enfants n’était pas en mesure de s’occuper d’eux. Les principales attaches des enfants étaient au Kosovo et les déclarations des grands-parents n’étaient pas suffisantes pour démontrer l’absence de solution alternative à la prise en charge des enfants dans leur pays d’origine, où ils avaient vécu, respectivement, quatorze et dix ans auprès des autres membres de leur famille. Enfin, la date de leur arrivée en Suisse n’était pas clairement établie.

6.             Par acte du 11 octobre 2019, M. C______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi des autorisations de séjour requises.

Le délai pour demander le regroupement familial n’était pas échu, dès lors que sa situation personnelle et financière ne s’était suffisamment améliorée pour pouvoir assumer la venue de ses enfants, que depuis l’obtention de son autorisation d’établissement. De plus, il y avait des raisons familiales majeures car les grands-parents maternels et paternels, qui s’étaient occupés des enfants au Kosovo, n’avaient plus les capacités personnelles et financières pour les prendre en charge. Il n’existait aucune autre solution de prise en charge des enfants au Kosovo et seul le regroupement familial en Suisse avec leur père permettrait de garantir leur bien-être. L’OCPM n’avait pas pris en compte la situation personnelle des enfants ni leur excellente intégration en Suisse depuis leur arrivée.

À titre subsidiaire, les enfants devaient être admis à titre provisoire. Compte tenu de leurs âges respectifs et de leur bonne intégration, ils vivraient leur retour au Kosovo comme un déracinement, ce qui engendrerait des difficultés d’intégration. À une période charnière de leur vie, ils avaient besoin de leur père à leurs côtés pour se construire une identité.

7.             Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/1______.

8.             Le 28 mai 2020, le tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

M. C______ a confirmé les termes de son recours. Ses enfants vivaient avec leur mère au Kosovo, lors du départ de celle-ci. Ils avaient vécu avec leur mère à leur arrivée à Genève en 2016. Lui-même n’était pas au courant en raison de problèmes de santé. Il l’avait appris en 2017 et avait décidé de déménager de son lieu de résidence dans le canton de Vaud à Genève, les enfants ne souhaitant pas le rejoindre dans le canton de Vaud. À Genève se trouvaient ses frères et les cousins de ses enfants. Il avait aussi deux sœurs, l’une à Genève et l’autre à Saint-Julien, ainsi que des oncles, tantes et cousins. La quasi-totalité de sa famille vivait à Genève. Quant au fait que les enfants auraient vécu avec leurs grands-parents, c’était en réalité leur mère qui les déplaçait entre les domiciles des grands-parents maternels et paternels, sans avoir de logement propre. Il avait toujours contribué à l’entretien des enfants, avec l’aide de ses frères parfois. Il avait fait quelques courts séjours au Kosovo et entretenait des contacts par téléphone. Ses ennuis de santé l’avaient empêché de se rendre plus souvent au Kosovo. Il n’y avait jamais eu de mariage traditionnel ou non avec la mère de ses enfants.

Lors de son arrivée en Suisse, Mme D______ avait été logée chez son frère. Ils avaient ensuite organisé la garde des enfants entre eux, Mme D______ s’en occupant pendant qu’il travaillait. En mars 2020, il avait pris un appartement plus spacieux et proposé à Mme D______ de s’y installer avec eux. Ils n’étaient pas en couple mais formaient une vraie famille. Il n’excluait pas de reformer un couple, mais ce n’était pour l’instant pas envisagé.

Egalement entendue par le tribunal, Mme D______ a déclaré s’être occupée des enfants depuis leur naissance. Elle n’avait jamais été mariée à M. C______, même traditionnellement. Elle vivait avec les enfants chez ses parents et faisait des séjours réguliers chez ses beaux-parents afin de leur rendre visite, quelques jours tous les mois environ. Elle avait quitté le Kosovo en 2015 pendant trois mois pour voir la situation en Suisse, mais était revenue au Kosovo avant de repartir en 2016 avec ses enfants. Il n’avait jamais été question qu’elle laisse les enfants au Kosovo, ceux-ci manifestant leur désir de rejoindre leur père. Sur question du tribunal, si elle était renvoyée au Kosovo, il ne lui était pas possible de vivre sans ses enfants même s’ils restaient auprès de leur père en Suisse. Elle souhaitait pouvoir vivre ici avec eux et les voir grandir. Elle ne pouvait envisager la possibilité que ses enfants et elle-même soient renvoyés au Kosovo et insistait sur la nécessité que ses enfants puissent rester en Suisse et sur le fait qu’elle-même n’avait plus rien dans son pays. Elle s’était occupée des enfants « depuis leur naissance ». Ils n’avaient jamais été pris en charge exclusivement par leurs grands-parents, à l’exception de trois mois en 2015 quand elle avait quitté le Kosovo pour voir la situation en Suisse. Il n’avait jamais été question de laisser ses enfants derrière elle au Kosovo. Elle ne pouvait pas vivre sans ses enfants. Enfin, elle précisait être prête « à s’occuper d’eux jusqu’à ce qu’ils n’aient plus besoin [d’elle] ». Ils vivaient depuis mars 2020 tous ensemble, comme une famille, mais elle ne formait pas un couple avec M. C______. Elle ne travaillait pas. Au Kosovo, elle recevait l’aide financière de M. C______ et de sa famille de Genève. Ce dernier venait quelques semaines deux fois par an leur rendre visite. Elle suivait des cours de français depuis 2016, le comprenait mais préférait s’exprimer dans sa langue maternelle.

9.             Par jugement JTAPI/2______ du ______ 2020, le tribunal a rejeté le recours A/3______, après avoir tenu, le 28 mai 2020, une audience d'interrogatoire des parties durant laquelle le père de famille a expliqué qu'en mars 2020, il avait pris un appartement plus spacieux et proposé à la mère de ses enfants de s'y installer avec eux. Ils n'étaient pas en couple, mais formaient une vraie famille et n'excluait pas de reformer un couple. Quant à la mère de famille, elle avait expliqué s'être occupée de ses enfants depuis leur naissance et ne pas pouvoir envisager de vivre sans eux.

Le tribunal a retenu que la demande avait été déposée tardivement et qu’il n’y avait pas non plus de raisons familiales majeures autorisant le regroupement familial.

La venue des enfants en Suisse avait été principalement motivée par des considérations d'ordre éducatives et financières. M. C______ ne pouvait pas non plus se prévaloir de la bonne intégration sociale et scolaire de ses enfants, puisque le temps passé par ses enfants en Suisse découlait de la politique du fait accompli et relevait de la seule responsabilité de ce dernier et de leur mère.

Les enfants étaient nés et avaient vécu au Kosovo jusqu’à l’âge de 14 et 10 ans. Ils y avaient de fortes attaches familiales, notamment leur mère et leurs grands-parents maternels que paternels, et des attaches socio-culturelles, étant précisé que l’OCPM avait indiqué son intention de refuser une autorisation de séjour à Mme D______. Ils parlaient également la langue de leur patrie où ils avaient été scolarisés durant plusieurs années avant d’arriver en Suisse. Leur retour au Kosovo, où ils étaient régulièrement retournés, ne serait pas insurmontable.

L’examen du recours sous l’angle des art. 8 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) conduisait au même résultat.

10.         Par jugement JTAPI/4______ du ______ 2020, le tribunal a déclaré irrecevable le recours interjeté par Mme D______ contre la décision de l’OCPM du 16 octobre 2020, refusant de la mettre au bénéfice d’une autorisation de séjour.

11.         Par arrêt ATA/51/2021 du 19 janvier 2021, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a confirmé le jugement JTAPI/677/2020.

12.         Non contesté, cet arrêt est devenu définitif et exécutoire.

13.         Le 22 février 2021, M. C______ a épousé Mme D______. Le mariage a été célébré à Genève.

14.         Mme D______ a ensuite été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, renouvelée en dernier lieu jusqu’au 21 février 2024.

15.         Le 8 avril 2021, M. B______ et Mme A______ ont saisi l’OCPM de demandes d’autorisation de séjour à titre de regroupement familial.

16.         Par courrier du 21 avril 2021, l’OCPM leur a imparti un nouveau délai de départ au 31 mai 2021, la décision du 10 septembre 2019 étant exécutoire.

17.         Par courrier du 28 avril 2021 adressé à l’OCPM, les intéressés, sous la plume de leur conseil, ont indiqué que la situation familiale s’était modifiée de manière importante, suite au mariage des parents. Ces derniers faisaient désormais ménage commun avec leurs enfants, si bien qu’ils sollicitaient la reconsidération de la décision prononçant le renvoi de ces derniers.

18.         Par courrier du 20 mai 2021, l’OCPM a fait part aux précités de son intention de refuser de reconsidérer la décision du 10 septembre 2019.

Le mariage des parents était un élément nouveau et important permettant d’entrer en matière sur la demande, mais il ne changeait pas la position de l’OCPM sur le fond. Les délais de l’art. 47 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) étaient toujours dépassés et il n’apparaissait pas que les conditions de l’art. 47 al. 4 LEI étaient réalisées. Rien ne démontrait que la famille paternelle ou maternelle des enfants ne pourrait les prendre en charge, avec le soutien des parents. Ces derniers s’étaient mariés en connaissant la situation administrative de leurs enfants et le fait qu’ils devaient quitter la Suisse. Si leur mère décidait de faire de Genève son lieu de séjour, des dispositions devraient alors être mises en place pour la prise en charge des enfants au Kosovo. Les conditions de l’art. 47 al. 4 LEI n’étant pas remplies, il y avait lieu de croire qu’ils remplissaient les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Enfin, leur présence à Genève depuis quelques années résultait du fait qu’ils n’avaient pas respecté les procédures et qu’ils étaient entrés illégalement en Suisse. Un délai de trente jours leur était accordé pour exercer leur droit d’être entendu par écrit.

19.         Ils ont usé de ce droit le 2 juin 2021, sous la plume de leur conseil.

Les enfants vivaient en Suisse depuis janvier 2016. Ils n’avaient pas quitté le pays depuis et y avaient de fortes attaches. Ils vivaient sous le même toit que leurs parents et formaient une famille, ce qui n’était pas le cas lors de la procédure en regroupement familial. Dans l’ATA/51/2021, la chambre administrative avait reconnu le rôle prépondérant de la mère dans l’éducation des deux enfants depuis leur naissance. Le mariage des parents ainsi que l’autorisation de séjour délivrée à la mère devaient conduire à l’octroi des autorisations requises, ce d’autant que les enfants ne pourraient plus compter sur le soutien de leur mère au Kosovo ni sur leurs grands-parents trop âgés pour les prendre en charge. Leur renvoi contreviendrait également à l’art. 8 CEDH.

20.         Le 18 février 2022, M. B______ a fait une demande d’inscription auprès du Collège et école de commerce André-Chavanne (ci-après : CEC) afin d’obtenir une maturité professionnelle et poursuivre des études à la Haute école de gestion en vue d’obtenir un Bachelor en International Business Management (ci-après : BIBM).

21.         Le 24 juin 2022, M. B______ a obtenu un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’employé de commerce.

22.         Le 28 juin 2022, Mme A______ a achevé ses études secondaires I.

23.         Par courrier du 14 juillet 2022 adressé à l’OCPM, M. B______ et Mme A______ , sous la plume de leur conseil, ont fait part de leurs projets professionnels, après avoir rappelé leurs parcours scolaires respectifs et demandé à être mis au bénéfice d’autorisations de séjour.

En août 2022, M. B______ entamerait des études d’une durée d’une année auprès du CEC. Faisant preuve d’une excellente intégration en Suisse, il souhaitait y poursuivre sa formation et acquérir un métier. Financièrement, il dépendait entièrement de ses deux parents qui vivaient à Genève, de sorte qu’il ne pourrait pas étudier ailleurs.

Quant à Mme A______, elle s’était inscrite au centre de formation professionnelle nature et environnement de Lullier. À terme, elle souhaitait suivre l’École de police. Un CFC était toutefois indispensable. Elle était également très bien intégrée et faisait également partie de l’équipe de basket des Lions de Carouge. En tant que mineure, elle ne pouvait pas être séparée de ses parents.

24.         Par décision du 20 octobre 2022, exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a, d’une part refusé de reconsidérer la décision du 10 septembre 2019 et d’autre part, refusé de mettre M. B______ et Mme A______ au bénéfice d’autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité.

Reprenant les arguments développés dans sa lettre d’intention du 20 mai 2021, il a indiqué que dans la mesure où les précités ne se trouvaient pas dans une situation de rigueur au sens de l’art. 47 al. 4 LEI, il y avait lieu de croire qu’ils ne remplissaient pas les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour en application des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Ils étaient ainsi tenus de respecter la décision de renvoi dont ils faisaient l’objet et de quitter la Suisse et l’espace Schengen sans délai.

25.         Par acte du 17 novembre 2022, M. B______ (ci-après : le recourant) et Mme A______ (ci-après : la recourante), représentée par son père, sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi du dossier à l’OCPM pour nouvelle instruction, subsidiairement, à l’octroi des autorisations requises. Ils ont préalablement sollicité la restitution de l’effet suspensif, alléguant que leurs intérêts privés à demeurer en Suisse durant la procédure devaient primer sur l’intérêt public à l’exécution immédiate de leur renvoi, dès lors qu’ils seraient privés de leurs parents, empêchés de poursuivre leurs études et qu’ils se retrouveraient à la rue au Kosovo.

Après avoir rappelé l’historique du dossier et leur parcours, ils ont repris en substance les arguments invoqués dans le cadre de la procédure A/3______. Ils ont fait valoir qu’ils remplissaient les conditions du cas de rigueur de l’art. 47 al. 4 LEI et du regroupement familial en vertu de l’art. 8 CEDH, ajoutant qu’ils réalisaient également les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

Ils séjournaient en Suisse depuis plus de six ans et pouvaient se prévaloir d’une intégration particulièrement poussée. Ils poursuivaient leurs études avec succès et avaient des projets professionnels qu’ils ne pourraient pas réaliser au Kosovo. Ils vivaient à Genève auprès de leurs parents, dont ils dépendaient financièrement. Ces derniers n’envisageaient pas de retourner au Kosovo et personne ne pouvait les prendre en charge dans leur pays d’origine, où ils se retrouveraient livrés à eux-mêmes.

Ils ont produit un chargé comportant pour l’essentiel les pièces produites devant l’OCPM, ainsi que celles relatives à la procédure A/3796/2019.

26.         Par courrier du 22 novembre 2022, l’OCPM a fait part au recourant du fait que les autorités envisageaient de prononcer une interdiction d’entrée (art. 67 LEI) à son encontre, dès lors qu’il ressortait du dossier qu’il n’entendait pas respecter les décisions prises à son égard et qu’il refusait d’organiser son départ à destination de son pays d’origine. Un délai de dix jours ouvrables lui était imparti pour exercer son droit d’être entendu.

27.         Dans ses observations du 28 novembre 2022, l’OCPM s’est opposé à l’octroi de mesures provisionnelles qui permettraient aux recourants de demeurer sur le territoire, malgré la décision définitive et exécutoire rendue à leur encontre. Cela faisait près de deux ans que l’ATA/51/2021 du 19 janvier 2021 était entré en force et que les recourants persistaient à violer la loi et à ne pas se conformer à la décision de renvoi. Leur situation actuelle résultait exclusivement de leur refus d'obtempérer à la décision du 10 septembre 2019 qui était définitive et exécutoire.

Sur le fond, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Le mariage des parents des recourants n’entraînait pas une modification de l'appréciation faite dans la décision initiale, s’agissant de l'absence de raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI.


Les recourants n’avaient aucunement démontré qu'en cas de retour au Kosovo, ils seraient placés dans une situation de rigueur au motif que leur prise en charge n'y serait plus du tout assurée. En outre, l’analyse de la situation sous l’angle de l’art. 8 CEDH était comprise dans celle de l’art. 47 al. 4 LEI, tel que cela ressortait de la jurisprudence, et avait déjà été effectuée. S’agissant de l’examen du cas de rigueur au sens strict, qui se confondait avec la disposition précitée, la durée de séjour et l’intégration des recourants ne revêtaient pas une importance suffisante et il n’avait pas été démontré qu’un retour au Kosovo les exposerait à des conditions socioéconomiques ou sanitaires plus difficiles que celles auxquelles étaient confrontés la plupart de leurs compatriotes restés au pays. De plus, ils pourraient y mettre à profit les connaissances et diplômes acquis en Suisse. En tout état, leur situation actuelle était exclusivement due à leur obstination à violer la loi en ne se conformant pas à la décision de renvoi les concernant. Or, selon la jurisprudence, le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, qu’ils avaient largement favorisé par leur comportement, pouvait être reconnu comme un procédé dilatoire.

28.         Le 9 décembre 2022, les recourants, sous la plume de leur conseil, ont répliqué sur effet suspensif.

Persister dans la demande de reconsidération afin d'obtenir l'autorisation de poursuivre leur vie auprès de leurs parents ne relevait en aucun cas d'un refus d'obtempérer. Il s’agissait de tenir compte d'un nouvel élément en lien avec l'unité de leur famille, soit le mariage de leurs parents. Or, le droit au mariage était un droit fondamental que l’OCPM avait « balayé d’un revers de manche » pour prendre une décision qui heurtait le sentiment de justice.

La décision litigieuse violait également toutes les dispositions relatives à la liberté économique [art. 27 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et 6 par. 1 Pacte I CEDH], dès lors que la personne à laquelle l'accès à la formation était dénié ne pouvait pas choisir sa profession.

Ils ont repris pour le surplus les arguments précédemment invoqués, notamment la présence de leurs parents en Suisse, leurs formations en cours ainsi que l’absence de possibilités de prise en charge au Kosovo, et ont conclu à la restitution de l’effet suspensif.

29.         Par écritures du 23 décembre 2022, les recourant ont répliqué sur le fond. Leurs grands-parents paternels vivaient au Kosovo et étaient âgés et malades. Leur grand-mère souffrait des hanches et n'était pas en mesure de se déplacer sans canne et ne sortait plus de son domicile, ni n'était capable de faire des courses, tenir le ménage ou faire la cuisine. Des soins à domicile lui étaient prodigués quotidiennement par son médecin et des infirmiers. Le grand-père était diabétique et souffrait de problèmes rénaux. Les grands-parents paternels n'étaient donc pas en mesure d'accueillir les recourant chez eux pour s'en occuper. Leur grands-parents maternels étaient âgés et en mauvaise santé et n'étaient donc pas non plus en mesure de les accueillir chez eux. Quant aux autres membres de la famille, oncles, tantes et cousins, ils vivaient soit à Genève, soit à Zurich, soit en France voisine ou encore en Italie.

Ils contestaient à nouveau avoir adopté un comportement dilatoire, car ils s'étaient contenté de solliciter le droit de demeurer auprès de leurs parents afin d'y poursuivre leur développement et leur formation. Aucun intérêt supérieur de droit public ne justifiait de séparer une famille et de contraindre les enfants à quitter le domicile de leurs parents pour être livrés à eux-mêmes, sans ressources et sans formation professionnelle. Contrairement à ce que prétendait l'OCPM, il était démontré qu'ils n'auraient aucun soutien en cas de retour dans leur pays d'origine, leurs quatre grands-parents n'étant en plus en mesure de leur apporter leur aide. Il fallait rappeler qu'ils étaient arrivés en Suisse en 2016 et qu'ils avaient donc passé les années de leur enfance et leur adolescence auprès de leur parent et au sein d'un cercle social important dans lequel ils étaient particulièrement bien intégrés. De nombreux membres de leur famille vivaient à Genève ou dans les environs. Ainsi, un renvoi au Kosovo reviendrait à les laisser livrés à eux-mêmes et sans personne pour les prendre en charge, dans un pays qu'ils avaient quitté alors qu'ils étaient encore deux petits-enfants. Il ne leur serait pas possible d'accomplir des études et d'acquérir une formation professionnelle en cas de retour au Kosovo.

30.         Par courrier du 23 janvier 2023, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'autres observations à formuler.

31.         Il ressort du dossier que les recourants ont sollicité des visas de retour d’un mois afin de se rendre au Kosovo pour passer des vacances et rendre visite à leurs grands-parents, les 6 juillet 2021 et 13 avril 2022 et également le 22 octobre 2021, s’agissant de la recourante. Ces visas ont toutefois été refusés, compte tenu de leur statut de séjour en Suisse.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Il convient tout d'abord de rappeler quel est l'objet du litige.

4.             La décision litigieuse est un refus de reconsidération de la décision prise par l'autorité intimée le 10 septembre 2019, qui rejetait la demande de regroupement familial déposée par le père de famille en faveur de ses deux enfants. Ce faisant, l'autorité intimée a correctement compris le sens de la requête dont le père de famille et ses deux enfants, sous la plume de leur conseil, l'avait saisie par courrier du 28 avril 2021, courrier dans lequel ils sollicitaient explicitement la reconsidération de la décision susmentionnée.

L'objet du litige consiste ainsi à examiner si l'autorité intimée a correctement apprécié l'ensemble des circonstances dans le cadre de cette procédure de reconsidération. Cela signifie que les questions que le tribunal doit examiner s'inscrivent strictement dans le cadre des dispositions légales sur le regroupement familial, telles qu'elles avaient été appliquées dans la décision du 10 septembre 2019 puis examinées dans le cadre de la procédure A/3______ qui a abouti successivement au jugement JTAPI/2______ rendu par le tribunal le ______ 2020 puis à l'arrêt ATA/5______ rendu par la chambre administrative le ______ 2021.

5.             Dans le cadre de la procédure de reconsidération prévue par l’art. 48 al. 1 let. b LPA, ce n'est pas parce qu'il existe un droit à un nouvel examen de la cause que l'étranger peut d'emblée prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation. Les raisons qui ont conduit l'autorité à révoquer, à ne pas prolonger ou à ne pas octroyer d'autorisation lors d'une procédure précédente ne perdent pas leur pertinence. L'autorité doit toutefois procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, dans laquelle elle prendra notamment en compte l'écoulement du temps. Il ne s'agit cependant pas d'examiner librement les conditions posées à l'octroi d'une autorisation, comme cela serait le cas lors d'une première demande d'autorisation, mais de déterminer si les circonstances se sont modifiées dans une mesure juridiquement pertinente depuis la révocation de l'autorisation, respectivement depuis le refus de son octroi ou de sa prolongation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3 ; 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 7.2 ; 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.4 ; 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 ; 2C_198/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3).

6.             Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4 ; 2A.180/2000 du 14 août 2000 consid. 4c ; cf. aussi arrêt 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 5 et 6; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-1545/2008 du 8 juillet 2008 consid. 5 ; C-7483/2006 du 19 juin 2007 consid. 6 ; C-1798/2006 du 15 juin 2007 consid. 6 ; C-273/2006 du 25 avril 2007 consid. 5.3). Autrement dit, on ne saurait voir dans le simple écoulement du temps et dans une évolution normale de l’intégration en Suisse une modification des circonstances susceptibles d’entraîner une reconsidération de la décision incriminée (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5003/2019 du 6 avril 2020 consid. 4.3 ; F-2581/2017 du 3 septembre 2018 consid. 3.4 ; F-2638/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.3). Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, que le recourant a largement favorisé, peut d'ailleurs être reconnu comme un procédé dilatoire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 3.3).

Ainsi, bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 13 août 2019 consid. 5b).

7.             En l'espèce, au moment de leur demande de reconsidération du 28 avril 2021, les recourants ont invoqué comme modification important des circonstances le fait que leurs père et mère s'étaient mariés le 22 février précédent. Par conséquent, les époux et leurs enfants faisaient dorénavant ménage commun.

Dans sa décision litigieuse, l'autorité intimée a admis qu'il s'agissait là d'une modification des circonstances suffisamment importante pour justifier d'entrer en matière sur la demande de reconsidération. À partir de là, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, il incombait à l'autorité intimée de procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, tout en écartant de son examen les modifications résultant uniquement du fait que les recourants ont refusé de donner suite à la décision de renvoi du 10 février 2019, nonobstant les décisions de justice qui en ont confirmé le bien-fondé.

Dans cette mesure, l'ensemble des arguments développés par les recourants devant le tribunal de céans au sujet de leur intégration en Suisse ne peuvent être pris en considération, puisque ces aspects découlent uniquement de l'écoulement du temps depuis la décision de renvoi du 10 février 2019 et du séjour qu'ils ont poursuivi illégalement en Suisse. Comme le souligne la jurisprudence rappelée plus haut, tenir compte de ces aspects reviendrait à récompenser un comportement contraire au droit.

Quant au mariage de leurs parents, ce seul élément est insuffisant, comme l'a retenu à juste titre autorité intimé, pour modifier la façon dont a été appréciée, dans le cadre de la décision du 10 février 2019 et des décisions de justice rendues à sa suite, la question de savoir s'il existait, sous l'angle de l'art. 47 al. 1 LEI, des raisons familiales majeures d'admettre le regroupement familial. Il s'agit certes d'un changement d'ordre familial dans les possibilités de prise en charge éducative des recourants à l'étranger (ATF 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a), puisque la mère de famille dispose désormais d'une autorisation de séjour en Suisse, alors qu'à l'époque du jugement JTAPI/2______ rendu par le tribunal le ______ 2020, elle ne disposait d'aucune autorisation de séjour et devait retourner dans son pays d'origine. Il convient cependant de relativiser la portée de cette union, intervenue à peine un mois après l'ATA/5______ du ______ 2021 et dont il y a tout lieu de penser qu'elle n'est pas étrangère à des calculs juridiques. En effet, il faut rappeler que lors de son audition par le tribunal le 28 mai 2020, la mère des recourants avait clairement exprimé le fait que, bien que souhaitant ardemment que ses enfants puissent demeurer en Suisse et elle-même auprès d'eux, elle avait surtout insisté sur le fait qu'elle ne pouvait pas envisager un lieu de résidence différent du leur. Par conséquent, la décision de se marier avec leur père, alors que ses enfants faisaient l'objet d'une décision de renvoi exécutoire, ne pouvait exclure l'éventualité que ce renvoi soit exécuté et que par conséquent, au moins pendant un temps, elle retourne avec eux au Kosovo et ne revienne en Suisse auprès de son mari qu'à partir du moment où elle considérerait que ses enfants n'avaient plus besoin d'elle.

À cela s'ajoute que l'aîné des deux recourants est aujourd'hui âgé de 22 ans et demi et que sa cadette est âgée de 16 ans et demi. Cela signifie que le premier est devenu un jeune adulte en âge de s'assumer seul et qu'il serait également en mesure, comme cela arrive souvent, de prendre en charge sa sœur, qui s'approche de la fin de l'adolescence et entrera bientôt également dans l'âge adulte. La question de la prise en charge éducative des recourants au Kosovo n'a ainsi plus rien à voir avec celle des deux enfants de 14 et 10 ans qui sont arrivés en Suisse en 2016, étant précisé que même si leur mère décidait finalement de ne pas les accompagner au Kosovo, ne serait-ce que pour une année ou deux, ils continueraient à bénéficier en tous les cas de l'appui financier que leurs parents leur fournissent actuellement sous la forme de l'entretien quotidien.

8.             Sous l'angle de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), également invoqué par les recourants, la conclusion à laquelle on parvient n'est pas différente, dès lors que cette disposition légale ne trouve pas application de manière autonome, mais qu'elle est concrétisée par les dispositions de la LEI relatives au regroupement familial.

9.             Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'autorité intimée n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de reconsidérer sa décision du 10 septembre 2019 et que le recours devra donc être rejeté.

10.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

11.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2022 par Monsieur B______ et Madame A______contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 20 octobre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière