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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2178/2022

ATA/1061/2023 du 26.09.2023 sur JTAPI/457/2023 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2178/2022-LCI ATA/1061/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 septembre 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

C______ et D______

représentés par Me Olivier BRUNISHOLZ, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 avril 2023 (JTAPI/457/2023)


EN FAIT

A. a. C______ et D______ sont propriétaires de la parcelle n° 3’967 de la commune de E______ (ci-après : la commune), d’une surface de 1’977 m2, sur laquelle sont érigés une maison d’habitation et un garage, ainsi que de la parcelle n° 3’968, d’une surface de 32 m2. Ces parcelles sont situées au ______, chemin F______, en zone 5.

b. A______ est propriétaire de la parcelle n° 3’969, de la même commune, sise ______

c. , chemin F______, où elle demeure avec son époux.

d. Les parcelles n° 3’967 et n° 3’968 sont grevées d’une servitude de passage à pied et à véhicules, inscrite au registre foncier, au profit de la parcelle n° 3’969.

Le 24 juin 2021, A______ a signé devant notaire avec C______ et D______ un acte de radiation de cette servitude, prévoyant que la réquisition au registre foncier interviendrait une fois l’autorisation de construire entrée en force.

B. a. Par requête du 8 juillet 2021, enregistrée sous le n° DD 1______/1, G______, a sollicité auprès du département du territoire (ci-après : le département), pour le compte de C______ et D______, une autorisation de construire un habitat groupé sur leurs parcelles, avec un indice d’utilisation du sol (ci-après : IUS) de 43,9%.

Ils ont sollicité, le 19 janvier 2022, l’abattage de quatre arbres sur la parcelle n° 3’967.

b. Le projet a connu trois versions successives, des 24 janvier 2021, 24 janvier et 1er juin 2022. Les instances consultées dans le cadre de l’instruction de cette requête ont toutes émis des préavis favorables, à savoir :

-       la commune, le 19 août 2021 ;

-       le secteur accidents majeurs, le 21 septembre 2021 ;

-       la police du feu les 30 août 2021 et 4 février 2022 ;

-       la direction de l’information du territoire, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants, ainsi que la protection civile, sous conditions, les 25 août, 1er et 24 septembre 2021 ;

-       l’office cantonal de l’énergie et le service de géologie, sols et déchets, sous conditions et avec des souhaits, les 25 août et 27 septembre 2021 ;

-       la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) les 20 juillet 2021 et 1er février 2022, avec dérogation ;

-       l’office cantonal des transports (ci-après : OCT), les 23 septembre 2021 et 1er mars 2022 ;

-       l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : l’OCAN), le 11 février 2022, liant, après avoir sollicité des pièces complémentaires et la modification du projet, à condition notamment de replanter des arbres pour un montant d’au moins CHF 21'500.-, puis sous conditions, notamment qu’un arboriste-conseil soit mandaté à l’ouverture du chantier pour le suivi des travaux à proximité des arbres conservés et pour la mise en place des mesures prophylactiques nécessaires à leur préservation, au vu de la dérogation accordée pour intervenir dans le domaine vital des végétaux ;

-       l’office cantonal de l’eau, le 14 février 2022, sous conditions, après avoir sollicité des pièces complémentaires le 30 août 2021 ;

-       la commission d’architecture (ci-après : CA), le 8 mars 2022, après avoir sollicité des pièces complémentaires et la modification du projet le 15 septembre 2021, sous conditions et avec dérogation, se déclarant favorable à l’IUS de 43,9% ;

-       l’office de l’urbanisme (ci-après : l’OU), le 11 mai 2022, sous conditions, après un premier préavis favorable sans observation le 29 octobre 2021. La parcelle était sise dans un secteur identifié dans la fiche A04 - Favoriser une utilisation diversifiée de la zone 5 du plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCant 2030). À teneur de ce document, le canton devait « veiller à une application cohérente, sur l'ensemble du territoire cantonal, des critères permettant de déroger à la densité usuelle » et les communes étaient mandatées pour « proposer dans leur plan directeur communal, une stratégie pour leur zone 5, en identifiant les réserves en zone à bâtir, les secteurs à densifier ou à protéger et les éléments paysagers structurants ». Ainsi l'établissement systématique d'une vision urbanistique à l'échelle de la commune était nécessaire. Dans le PDCom de E______ (ci-après : PDCom), adopté par le Conseil municipal le 17 décembre 2019 et approuvé par le Conseil d’État le 25 août 2020, la stratégie de densification de la zone 5 identifiait les parcelles du projet comme densifiables au sens de l'art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI – L 5 05 ; fiches 8A Cadre de la densification en zone 5 et Fiche 8B - quartier du H______ – https:// ge.ch / geodata / SIAMEN/ PDL/PDCOm_E______/PDCom_E_______2e_rapport.pdf). Selon la CA, le projet était conforme aux attentes décrites dans la stratégie communale : Aspects paysagers - traitements des seuils du chemin F______ et du I______, soit garantir des perméabilités visuelles entre le chemin et le domaine privé et veiller au maintien de la végétation existante. Le gabarit, l'implantation bâtie et le stationnement en sous-sol tels que proposés permettaient de maintenir des arbres au sud de la parcelle.

c. Le 11 avril 2022, C______ et D______ ont accepté de réduire la totalité de la surface de la parcelle n° 3’968 au profit de la n° 3’967, restriction qui serait inscrite au registre foncier.

d. Par décision du 1er juin 2022, publiée le jour même dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO), le département a délivré l’autorisation n° DD 1______/1 portant sur la construction d’un habitat groupé (43,9% haute performance énergétique [ci-après : HPE]), comprenant sept logements sur trois niveaux hors-sol, avec garage souterrain, sondes géothermiques et abattage d’arbres.

C. a. Par acte du 30 juin 2022, A______ et B______ ont recouru contre cette autorisation auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

La dérogation accordée violait l’art. 59 al. 4 let. a LCI. Le projet prévoyait la plantation d’une haie en bordure du chemin F______ alors qu’à teneur du PDCom, l’une des conditions impératives à laquelle était soumise la densification en zone villa était « un traitement qualitatif des seuils entre les espaces publics et privés avec une perméabilité visuelle des aménagements en bord de parcelle ». Il était prévu d’abattre quatre arbres, dont un grand pin, alors qu’ils pourraient être maintenus en implantant la future construction sur l'espace déjà excavé et occupé par une piscine. Le projet ne prévoyait pas la plantation d’arbres à fort développement dans la continuité de l'alignement présent sur le chemin J______ (haie bocagère à chênes), alors qu’il s’agissait d’un des objectifs d'aménagement du H______. Le chemin F______ était un axe principal de mobilité douce. Or, l’entrée de parking prévue sur cette voirie de largeur restreinte, avec un trafic important piétonniers, dont d'enfants, et de vélos, et sur laquelle la collecte des déchets était déjà problématique en raison des stationnements le long des propriétés, mettrait en danger ses usagers. Un accès par le chemin J______ serait nettement plus approprié.

En matière de densification de la zone villa, le PDCom recommandait une démarche participative pour les propriétaires d'un secteur se densifiant afin de saisir les opportunités de projets coordonnés et éviter un mitage de la zone villa. Cette démarche n'avait pas été entreprise au chemin F______, alors que les villas situées aux nos 8 et 10 étaient inhabitées et qu'un projet de construction visait celles situées aux n° 9 et n° 11 (DD 2______ en cours d'instruction). Dans de telles circonstances, un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) aurait dû être préalablement établi.

b. C______ et D______ ont exposé qu’ils étaient les fondateurs et actionnaires de G______. Ils avaient présenté leur projet de construction à plusieurs reprises à A______ et B______ dont les objections avaient été prises en compte. Ceux-ci avaient ainsi obtenu la suppression de balcons prévus sur la façade arrière du futur bâtiment donnant sur leur jardin, la création de places de parking le long du chemin J______ et le déplacement de l’entrée du chantier. Ils n’avaient toutefois jamais évoqué la question d’une rotation à 90° du futur bâtiment. Sur recommandation de l’OCAN, le futur bâtiment avait été éloigné de la limite nord-ouest qui séparait les deux propriétés et le sous-sol avait été reconfiguré. Ces modifications entraînaient effectivement l’abattage de trois arbres malades et d’un pin sylvestre sain qui serait toutefois compensé par la plantation de trois arbres à développement important. La haie de thuyas serait remplacée par une haie indigène. L’alignement qui se trouvait sur le bord est du chemin J______ ne concernait en rien le projet.

Le chemin F______ était privé et la circulation y était réduite depuis une trentaine d’années au moyen d’une barrière qui ne permettait que le passage des piétons et des deux-roues. Depuis deux ans, les seules voitures garées à l’entrée dudit chemin appartenaient aux habitants du n° 1. Le projet prévoyait un ascenseur à voitures qui serait situé à 5 m de la limite de propriété et laisserait un espace largement suffisant à une voiture en attente. L’actuel garage, situé en bordure de la parcelle, n’avait donné lieu à aucune plainte de A______ et B______. À teneur du document « Stratégie d'aménagement pour l'évolution des quartiers de villas » qui complémentait le PDCom, le côté pair du chemin F______ faisait partie d'un périmètre de densité intermédiaire « IUS inf. ou = 0.48 ».

c. Le département a conclu au rejet du recours, relevant notamment que l’OCAN avait accepté, dans son préavis liant, l'abattage de certains des arbres, dont le grand pin. L’OCT n’avait émis aucune réserve concernant les accès au projet qui prévoyait huit places de stationnement supplémentaires.

d. Dans leur réplique, A______ et B______ ont relevé qu’il appartenait au TAPI de s'assurer que les préavis reposaient sur un fondement suffisant, ce qui était contesté en l’espèce, s’agissant notamment des accès et de la mobilité douce. Ils ont sollicité un transport sur place.

Les accès aux futurs logements prévus sur le chemin F______ ne garantissaient pas la sécurité des usagers, du voisinage et du public. Un accès par le chemin J______, tel que prévu pour la phase de chantier, serait plus adapté. Une réorientation du bâtiment offrirait également une plus grande sécurité et une meilleure qualité de vie aux personnes concernées. L’implantation du sous-sol du futur bâtiment touchait l'espace vital des arbres se trouvant sur leur parcelle. La dérogation accordée par le département ne reposait sur aucun impératif majeur, ce d’autant que la couronne de ces arbres avait été réduite à dessein avant de requérir l’autorisation litigieuse. Les rencontres avec les requérants n’avaient porté que sur la réduction de la couronne des arbres et la radiation de la servitude, ce qui ne pouvait être considéré comme une démarche participative. Ils avaient été abusés par les requérants qui leur avaient fourni des informations tronquées et fait des promesses fallacieuses dans le but d’obtenir la radiation de leur servitude de passage. Dans ces circonstances, ils révoquaient leur consentement à cette radiation, si bien que la construction ne pouvait être autorisée.

e. Après dupliques des requérants et du département, le TAPI a, par jugement du 27 avril 2023, rejeté le recours.

Grâce aux plans versés au dossier et aux indications découlant du Système d'information du territoire genevois (ci-après : SITG), il était parfaitement en mesure de situer et de visualiser le périmètre dans lequel la construction litigieuse serait insérée, de sorte qu’il ne se justifiait pas de procéder à un transport sur place.

Toutes les instances spécialisées consultées avaient préavisé favorablement le projet, parfois sous conditions. La CA s'était penchée à plusieurs reprises sur le projet avant de se déclarer favorable, sous condition, à la dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI, s’agissant de l’IUS de 43,9%, sans émettre la moindre réserve concernant une quelconque incompatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. La brièveté de sa motivation ne saurait signifier qu’elle n'aurait pas examiné de manière complète et circonstanciée l'intégration des constructions projetées dans le site et le quartier.

Le législateur, compte tenu de l’exiguïté du territoire et de la pénurie de logements, avait souhaité permettre à la zone villas d'évoluer et de se densifier, notamment par la création d'habitats groupés, qui modifieraient à terme sa configuration. L'obligation de densification résultait aussi du PDCant 2030. Selon le PDCom, la parcelle concernée se trouvait en zone 5 densifiable. Le projet litigieux était conforme aux attentes décrites dans la stratégie communale, en particulier sous l’angle de l’aspect paysager et du traitement des seuils du chemin F______ et du I______.

L’OCAN, instance constituée de spécialistes, avait veillé à une implantation du projet permettant de préserver au mieux la végétation existante et n'avait admis la version définitive que dans la mesure où la suppression des arbres, compte tenu de leur valeur relative, serait compensée par la plantation de nouveaux sujets pour au moins CHF 25'000.-. Dans la mesure où il avait accordé une dérogation pour intervenir dans le domaine vital de végétaux afin de permettre la réalisation de l’ouvrage projeté, il avait requis qu’un arboriste-conseil soit mandaté pour le suivi des travaux.

L’OCT, instance spécialisée en matière de mobilité et de sécurité routière, avait par deux fois préavisé favorablement le projet sans émettre la moindre réserve ou remarque quant à la sécurité des usagers du chemin F______, étant rappelé que la loi n'exigeait pas une telle motivation. Rien n’indiquait que le trafic supplémentaire engendré par les nouveaux habitants serait incompatible avec les caractéristiques du quartier et la sécurité des usagers, que ce soit en raison de l’accès prévu à la construction projetée ou pour d’autres motifs. Une situation insatisfaisante préexistante au projet en lien notamment avec les difficultés liées à la collecte des déchets en raison de la largeur restreinte du chemin et des voitures stationnées le long des propriétés en construction, ne saurait justifier le refus d'un permis de construire, étant rappelé que le projet prévoyait la création de huit places de stationnement.

D. a. A______ et B______ ont formé recours contre ce jugement par acte expédié le 31 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation dudit jugement, à un transport sur place « à effectuer par le Tribunal » et à « inviter » ce dernier à rendre une nouvelle décision annulant, le cas échéant, l’autorisation de construire en cause.

Le TAPI ne pouvait pas simplement se référer aux avis des instances ayant émis des préavis, « souvent même pas motivés » mais devait examiner leurs arguments, sauf à violer les principes de la séparation des pouvoirs et d’interdiction de l’arbitraire. Le transport sur place était une mesure d’instruction simple et appropriée pour appréhender d’une seule démarche l’ensemble de la situation litigieuse. Le TAPI, en refusant d’y procéder, avait violé leur droit d’être entendus et était tombé dans l’arbitraire. Or, le bâtiment projeté serait le seul de son type dans la zone, ce qu’il y avait lieu de vérifier.

Le TAPI s’était contenté de rappeler des grands principes et avait commis un déni de justice en ne contrôlant pas la motivation du préavis de la CA, ni l’implantation de la future construction, afin de préserver la végétation, ni la nécessité d’établir un PLQ afin de « faire respecter les coordinations indispensables dans le développement d’un secteur de cette nature ». Il s’était contenté de renvoyer au préavis non motivé de l’OCT sur la question de l’accès par le chemin J______ plutôt que le chemin F______. Le TAPI ne s’était pas prononcé sur le retrait de leur consentement à la radiation de la servitude de passage, qui empêchait la construction prévue.

b. C______ et D______ ont conclu au rejet du recours.

c. Tel est également le cas du département.

d. Dans leur réplique du 28 juillet 2023, les recourants ont répété qu’il serait choquant que l’application des conditions de dérogation prescrites (art. 59 al. 4 let. a LCI) soit laissée au seul département, sans contrôle judiciaire. Ce dernier s’était gardé d’indiquer que cinq villas avaient été terminées au ______, chemin F______ et que trois villas étaient en cours de construction au n° ______ de ce même chemin. C’était dire que le voisinage se maintenait en une zone villa harmonieuse que la construction de l’immeuble en cause viendrait détériorer. Ils avaient le droit de retirer le consentement à la radiation de la servitude puisqu’ils avaient été trompés quant aux accès au chantier qui devaient intervenir par le chemin J______ afin de limiter les nuisances.

e. Les parties ont été informées, le 3 août 2023, que la cause était gardée à juger.

f. Leurs arguments et la teneur des pièces versées à la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Les recourants sollicitent un transport sur place et considèrent que le TAPI aurait violé leur droit d’être entendus en ne procédant pas à cet acte d’instruction.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, le dossier contient des plans et quelques photos du chemin F______. Les outils numériques, parmi lesquels figure le SITG (découlant de la loi relative au système d’information du territoire à Genève du 17 mars 2000 - LSITG - B 4 36), permettent d'apprécier avec précision l'environnement, les caractéristiques architecturales du quartier, l'emplacement, les dimensions et le périmètre dans lequel le projet s'insérerait.

Par appréciation anticipée de preuves, il apparaît qu’un transport sur place n’est ni nécessaire ni utile à la solution du litige.

Il ne sera ainsi pas donné suite à cette demande d’acte d’instruction des recourants.

Pour cette même raison, le TAPI n’a pas violé leur droit d’être entendus en n’accédant pas à leur demande.

3.             Les recourants soutiennent que le TAPI aurait commis un « déni de justice » en ne se prononçant pas sur leurs griefs de l’exigence d’un PLQ et de la révocation de leur consentement à la radiation de leur servitude de passage. Ce faisant, ils se plaignent en réalité d’une violation de leur droit d’être entendus.

3.1 Le droit d'être entendu comprend, notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1; 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2).

3.2 Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2 ; 133 I 201 consid. 2.2), et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF 136 III 174 consid. 5.1.2). La réparation du droit d'être entendu en instance de recours peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1).

3.3 À Genève, l’art. 12 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) précise que pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones (al. 1), lesquelles sont de trois types (al. 2), à savoir les zones ordinaires (let. a ; voir aussi art. 18 à 27), les zones de développement (let. b ; voir aussi art. 30 à 30B) et les zones protégées (let. c ; voir aussi art. 28).

L’art. 19 LaLAT détaille les zones à bâtir. L’art. 19 al. 5 définit la 5ème zone comme résidentielle, destinée aux villas ; des exploitations agricoles peuvent également y trouver place.

3.3.1 Selon l’art. 12 al. 4 LaLAT, dont la note marginale est « zones de développement », en vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation.

Selon l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et par la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45).

3.3.2 La zone de développement a pour l'essentiel comme objectif de favoriser la construction de logements répondant à un besoin d'intérêt public (ATA/1000/2020 du 6 octobre 2020 consid. 4a ; Alain MAUNOIR, Les zones de développement dans le canton de Genève, in RDAF 1998 I p. 266 et 267).

Selon l'art. 1 LGZD, cette loi fixe les conditions applicables à l'aménagement et l'occupation rationnelle des zones de développement affectées à l'habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d'État peut autoriser l'application des normes d'une telle zone. Le Conseil d'État peut également autoriser des activités artisanales dans les zones de développement précitées lorsqu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public.

L’art. 2 al. 1 let. a LGZD prévoit que la délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée, sous réserve des demandes portant sur des objets de peu d’importance ou provisoires, à l’approbation préalable par le Conseil d’État d’un PLQ au sens de l’art. 3 LGZD, assorti d’un règlement.

3.4 Selon la jurisprudence, l'autorité compétente peut autoriser une construction sur un bien-fonds qui, sans être directement accessible depuis la voie publique, l'est par le biais d'une servitude foncière au sens des art. 730 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210), dans la mesure où cet accès est suffisant au regard de l'utilisation prévue. En cas de doute sur la capacité de l'accès prévu à répondre aux besoins de la future construction, l'autorisation de construire doit en principe être refusée, la condition de l'art. 22 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) n'étant alors pas réalisée. S'il apparaît toutefois vraisemblable que la parcelle en cause dispose d'un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartient aux recourants s'opposant au projet de démontrer que tel ne serait pas le cas (arrêt du Tribunal fédéral 1C_52/2017, 1C_54/2017 du 24 mai 2017 consid. 5.4 et les références citées).

Les accès doivent être garantis tant sur le plan juridique que factuel au moment de la délivrance du permis de construire (arrêt 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1 et les réf. cit.). S'il est vraisemblable que le terrain destiné à être construit dispose d'un accès suffisant en vertu du droit privé, il appartient aux propriétaires du terrain grevé de démontrer le contraire (cf. consid. 3.2.1 ci-dessus). Le projet doit disposer de l'équipement routier au plus tard au moment de sa réalisation (ATF 127 I 103 consid. 7d). Il est à cet égard suffisant que, pour entrer en force, l'autorisation de construire soit assortie de la condition que l'accès routier est garanti (arrêts 1C_589/2020 du 25 mars 2021 consid. 3.1; 1C_245/2014 du 10 novembre 2014 consid. 4.1; 1C_271/2011 du 27 septembre 2011 consid. 2.5).

3.5 En l’espèce, le jugement attaqué ne contient effectivement aucune motivation quant aux problématiques évoquées par les recourants de l’exigence d’un PLQ ni en lien avec « la révocation de leur consentement à la radiation de leur servitude ».

Le TAPI n’avait toutefois pas à discuter ces griefs dans la mesure où ils ne sont pas pertinents pour l’issue du litige.

En effet, en 5ème zone, la LaLAT ne prévoit aucunement l’obligation d’adoption d’un PLQ qui ne trouve place que dans les zones de développement selon la LGZD notamment.

S’agissant de la servitude de passage à pied et à véhicules grevant les deux parcelles propriétés des intimés, au bénéfice de la parcelle des recourants, telle qu’elle apparaît sur l’extrait du plan cadastral du 17 janvier 2022 versé dans le dossier du département, sa radiation selon acte notarié du 24 juin 2021 est sans incidence sur le projet litigieux. Les recourants ne soutiennent en effet pas que les futurs habitants de l’habitat groupé projeté ne pourraient avoir accès à leur garage, respectivement leurs logements par le chemin F______ si ladite servitude devait être maintenue. Ils ne soutiennent pas davantage ni ne démontrent qu’à l’inverse ils n’auraient plus accès à leur parcelle d’une quelconque manière une fois la servitude radiée. Le fait que les recourants estiment avoir été trompés par les propriétaires du fonds servant quant à la nature du projet litigieux n’y change rien, étant pour le surplus relevé qu’il s’agit d’un litige de nature civile et que les recourants ne démontrent pas avoir en l’état entrepris une quelconque démarche judiciaire en vue de « révocation » de l’acte notarié du 24 juin 2021.

Ainsi, quand bien même il eût été peut-être souhaitable que le TAPI explique dans son jugement aux recourants, qui comparaissent en personne, sans assistance d’un conseil, en quoi ces deux griefs n’étaient pas pertinents, il n’en a pas pour autant violé leur droit d’être entendus.

Ce grief sera rejeté.

4.             Le recours porte sur l’autorisation de construire DD 1______ délivrée par le département le 1er juin 2022 et confirmée par le TAPI dans son jugement du 27 avril 2023.

Le projet litigieux, soit sa troisième version, approuvée par toutes les instances ayant émis des préavis, dont la commune, la CA, la DAC, l’OU et la police du feu, vise la construction, sur les parcelles nos 3'967 et 3'968 de la commune de E______, situées en zone 5, d’un habitat groupé comprenant sept logements THPE d’un indice de densité de 43.90%, avec dérogation selon l’art. 59 al. 4 LCI.

4.1 En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.2 Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; ATA/349/2021 du 23 mars 2021 consid. 3).

4.3 Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

5.             Les recourants soutiennent que le TAPI aurait violé leur droit d’être entendus, versé dans l’arbitraire, commis un déni de justice et violé le principe de séparation des pouvoirs en se contentant de se référer aux préavis des diverses instances.

5.1 Chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/1296/2022 du 20 décembre 2022 consid. 6c ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 508 p. 176 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/423/2023 du 25 avril 2023 consid. 5.2 ; ATA/1261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4d et les références citées).

5.2 En l'occurrence, la décision d'autorisation de construire querellée indique qu'elle peut faire l'objet d'un recours au TAPI dans les 30 jours, ce qu'ont fait précisément les recourants. Ainsi une autorité judiciaire a traité le dossier. Autre est la question de savoir si c'est à juste titre que le TAPI a confirmé l'autorisation de construire querellée, ce qui va être examiné ci-après.

6.             Les recourants se plaignent d’une violation de l’art. 59 al. 4 let. a LCI.

6.1 Sur tout le territoire du canton, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment, élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (art. 1 al. 1 let. a LCI). Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l'autorisation de construire (art. 1 al. 6 LCI).

6.2 Le PDCom fixe les orientations futures de l'aménagement de tout ou partie du territoire d'une ou plusieurs communes. Il est compatible avec les exigences de l'aménagement du territoire du canton, contenues notamment dans le PDCn (art. 10 al. 1 et al. 2 LaLAT).

La fiche A04 du PDCn, intitulée « Favoriser une utilisation diversifiée de la zone villas », a pour objectif la poursuite de la densification sans modification de zone de la zone villas en favorisant l'habitat individuel groupé. Elle vise une accentuation de la densification de la zone villas aux abords de l'agglomération, alors que les secteurs relevant de la protection du patrimoine et des sites devraient conserver une urbanisation plus légère. Cette fiche donne mandat aux communes de proposer, dans leurs PDCom, des stratégies communales pour leur zone villas en identifiant les secteurs à densifier, les éléments remarquables à protéger, le maillage arborisé à maintenir ou à créer, les espaces verts et publics à créer. Le plan directeur localisé adopté par une commune et approuvé par le Conseil d'État a force obligatoire pour ces autorités. Il ne produit aucun effet juridique à l’égard des particuliers, lesquels ne peuvent former aucun recours à son encontre, ni à titre principal, ni à titre préjudiciel. Pour autant que cela soit compatible avec les exigences de l'aménagement cantonal, les autorités cantonales, lors de l'adoption des plans d'affectation du sol relevant de leur compétence, veillent à ne pas s'écarter sans motifs des orientations retenues par le plan directeur localisé (art. 10 al. 8 LaLAT).

6.3 Selon la jurisprudence, un projet de construction conforme au droit cantonal ne peut être refusé au seul motif qu'il contreviendrait à un PDCom (arrêt du Tribunal fédéral 1C_257/2013 du 13 janvier 2014 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.154/2002 du 22 janvier 2003). Par « conforme au droit cantonal », il faut entendre conforme au plan d'affectation (nutzungskonformes Bauvorhaben). En effet, le refus d'une autorisation au seul motif que le projet de construction contreviendrait au PDCom, reviendrait à donner à ce plan directeur un effet anticipé inadmissible (unzulässige Vorwirkung) et à aboutir à une modification du plan d'affectation en vigueur (arrêt du Tribunal fédéral 1A.154/2002 précité consid. 4.1). Toutefois, il ne faut pas tirer de cette argumentation la conclusion que le plan directeur ne serait d'aucune importance dans le cadre d'une autorisation de construire. L'effet obligatoire d'un tel plan se déploie là où l'ordre juridique confère un pouvoir d'appréciation ou introduit des concepts juridiques indéterminés ménageant de la sorte une marge de manœuvre. Si le droit applicable exige une pesée globale des intérêts, alors le contenu du plan directeur doit être considéré, dans la pesée des intérêts, comme le résultat obligatoire du processus de coordination spatiale (räumlicher Abstimmungsprozess), étant précisé que le plan directeur n'exprime les besoins spatiaux que du point de vue de la collectivité publique. Reste réservée la pesée des intérêts qui doit être faite dans un cas particulier en prenant aussi en compte les intérêts publics qui ne relèvent pas de l'aménagement du territoire ainsi que les intérêts privés. Le plan directeur s'impose aux seules autorités chargées des tâches dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire, et non aux autorités judiciaires qui ont pour fonction d'examiner la légalité des actes étatiques. Dans le cadre d'un recours interjeté par une personne privée, il y a lieu de vérifier si le refus de l'autorisation sollicitée dans cette affaire repose sur une pesée globale de tous les intérêts publics et privés déterminants, qui ne soit pas entachée d'un vice lié à l'exercice du pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 1A.154/2002 précité consid. 4.2 ; ATA/639/2020 précité consid. 5c).

6.4 Au niveau cantonal, le respect des plans directeurs est assuré par la direction de la planification cantonale, cette instance étant, selon la jurisprudence, celle qui est le plus à même de déterminer si une révision d'un PDCom est en cours, ainsi que l'impact de ce projet sur une requête en autorisation de construire (ATA/498/2020 du 19 mai 2020 consid. 4d).

7.             En l'espèce, la demande d'autorisation de construire litigieuse, déposée le 8 juillet 2021, est postérieure à la modification de l'art. 59 LCI entrée en vigueur le 28 novembre 2020 (art. 156 al. 5 LCI ; ATA/156/2021 du 9 février 2021 consid. 3). C'est donc l'art. 59 LCI en vigueur dès le 28 novembre 2020 qui est applicable, ce que le TAPI a à juste titre retenu.

7.1 Dans sa teneur actuelle applicable, l’art. 59 al. 4 let. a LCI prévoit que dans les périmètres de densification accrue définis par un PDcom approuvé par le Conseil d’État et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département (a) peut autoriser, après la consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de THPE, reconnue comme telle par le service compétent.

7.2 Les conditions imposées par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, et celle relative à la compatibilité du projet qui pose des critères relatifs à l'esthétique et à l'aménagement du territoire, relèvent de l'exercice du pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente, qui doit s'exercer dans le cadre légal dont les instances de recours sont habilitées à sanctionner, selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, l'excès ou l'abus (arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.3).

La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, exigée par l'art. 59 al. 4 LCI est une clause d'esthétique, analogue à celle contenue à l'art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3d ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4c ; ATA/45/2019 du 15 janvier 2019 consid. 5b).

7.3 L'autorité administrative jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'octroi de dérogations. Cependant, celles-ci ne peuvent être accordées ni refusées d'une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l'équité et se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs. Quant aux autorités de recours, elles doivent examiner avec retenue les décisions par lesquelles l'administration accorde ou refuse une dérogation. L'intervention des autorités de recours n'est admissible que dans les cas où le département s'est laissé guider par des considérations non fondées objectivement, étrangères au but prévu par la loi ou en contradiction avec elle. Les autorités de recours sont toutefois tenues de contrôler si une situation exceptionnelle justifie l'octroi de ladite dérogation, notamment si celle-ci répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATA/514/2018 du 29 mai 2018 consid. 4b ; ATA/281/2016 du 5 avril 2016 consid. 7a ; ATA/451/2014 du 17 juin 2014 consid. 5c et les références citées).

7.4 Selon une jurisprudence constante, s'ils sont favorables, les préavis de la CA n'ont, en principe, pas besoin d'être motivés (ATA/724/2020 du 4 août 2020 consid. 3g ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 du 6 décembre 2017 consid. 3.4.2).

8.             En l’espèce, comme l'a retenu le TAPI, tous les préavis des instances spécialisées consultées sont favorables, parfois sous conditions, et la commune ne s’oppose pas au projet. La CA s'est penchée deux fois sur le projet. Après avoir obtenu des pièces complémentaires et une modification du projet, elle a délivré un préavis favorable, avec la dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI ; les plans étaient conformes aux préavis de consultation et elle n'a émis aucune réserve concernant une quelconque incompatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier. La brièveté de sa motivation, que la loi et la jurisprudence n'exigent au demeurant pas, ne saurait signifier que cette instance n'aurait pas examiné de manière complète et circonstanciée l'intégration des constructions projetés dans le site et le quartier. L’analyse de la CA, composée de spécialistes en matière d'architecture et d'urbanisme, apparaît parfaitement défendable. Aucun élément ne permet de retenir que la CA n'aurait, dans le cas présent, pas disposé des éléments suffisants pour procéder à un examen minutieux de la clause d'esthétique contenue dans l'art. 59 al. 4 LCI.

Par ailleurs, le législateur a souhaité permettre à la zone villa d'évoluer et de se densifier, notamment par la création d'habitats groupés, qui modifieront à terme sa configuration. Il a eu conscience de cette évolution et, en augmentant les indices d'utilisation du sol dérogatoires susceptibles d'être appliqués dans cette zone, a souhaité encourager la réalisation de ces nouvelles formes d'habitation. L'exiguïté du territoire et la pénurie de logements sont en effet des problèmes auxquels le législateur a jugé nécessaire d'apporter des solutions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/828/2015 du 11 août 2015, confirmé par le Tribunal fédéral dans son arrêt 1C_476/2015 du 3 août 2016). De plus, l'obligation de densification émanant des autorités genevoises résulte du PDCn 2030, adopté le 20 septembre 2013 et approuvé par le Conseil fédéral le 28 janvier 2015. Ce document fondateur illustre leur réelle intention de procéder aux aménagements nécessaires. Or, le projet querellé s'inscrit dans cette optique, puisque, pour la parcelle visée, il n'est pas contesté que celle-ci est à destination d'utilisation diversifiée de la zone villa avec comme objectif de planification directrice la densification sans modification de zone de la zone villa, en favorisant l'habitat individuel groupé (fiche A04 ; ATA/498/2020 du 19 mai 2020 consid. 4e).

Enfin, le nouveau PDCom adopté par la commune le 17 décembre 2019 et approuvé par le Conseil d'État le 25 mai 2020, prévoit une densification modérée pour le secteur du H______ dans lequel se situe le projet, soit une densité intermédiaire avec un IUS pouvant s'élever jusqu’à 0.48 (au sens de l’art. 59 al. 4 let. a LCI) lorsque le projet de construction intègre les principes d’organisation de la trame urbaine et paysagère et s’inscrit dans le quartier selon les objectifs d’aménagement (Rapport explicatif du PDCom p. 186 et ss).

Il s'ensuit que le projet litigieux, qui s'inscrit dans l'évolution législative de l'art. 59 LCI, n'apparaît pas incompatible avec le nouveau visage du quartier, tel qu'il est appelé à se dessiner, conformément à la volonté du législateur (ATA/1485/2017 du 14 novembre 2017 consid. 8d ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7e), étant souligné que la 5ème zone ne bénéficie en soi d'aucune protection particulière, de sorte que les constructions n'y sont pas soumises, s'agissant de leur expression architecturale, à une contrainte autre que celle résultant de la clause d'esthétique de l'art. 59 al. 4 let. a LCI (ATA/1485/2017 du 14 novembre 2017 consid. 8d ; ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6f ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7e).

Ainsi, c'est à bon droit que le TAPI a jugé que l’opposition à la densification du secteur en question situé en zone 5 formulée par les recourants, qui entendent avant tout substituer leur propre appréciation à celle de l'autorité intimée, ne peut être suivie. En définitive, il ne peut pas être reproché au département, en présence de préavis favorables, en particulier ceux de la CA, de la commune et de l’OU, d'avoir délivré l'autorisation de construire querellée. Le fait qu'il ait, en tenant compte de tous les intérêts en présence, procédé à une appréciation différente de celle des recourants ne permet pas de retenir qu'il se serait fondé sur des critères et considérations dénués de pertinence et étrangers au but visé par l'art. 59 al. 4 let. a LCI. La chambre de céans, qui doit faire preuve de retenue et respecter le pouvoir d’appréciation conféré au département, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi ne lui permet pas (art. 61 al. 2 LPA).

Les instances compétentes, à savoir l’OCT, l’OU et l’OCAN, ont préavisé favorablement le projet, sans émettre de quelconque réserve quant à son intégration sous l’angle de la végétation environnante ni des voies d’accès.

Le TAPI a, à leur suite, à juste titre retenu que l’OCAN avait veillé à une implantation du projet permettant de préserver au mieux la végétation existante, à l’exception de l’abattage de quatre arbres, mais une obligation d’en replanter pour CHF 21'500.-. Vu la dérogation accordée pour intervenir dans le domaine vital de végétaux, l’OCAN a requis qu’un arboriste-conseil soit mandaté pour le suivi des travaux à proximité des arbres conservés et pour la mise en place des mesures prophylactiques.

Les recourants n’amènent aucun élément au stade du recours permettant de remettre en cause le raisonnement du TAPI selon lequel leur allégation de la création d’un danger pour les usagers d’un accès à la future construction par le chemin F______ n’est nullement étayée et ne repose que sur des conjectures.

Enfin, le fait que d’autres villas soient construites dans le secteur, plutôt que des habitats groupés, ne saurait avoir pour conséquence qu’une telle construction ne puisse y trouver place, alors que l’autorisation litigieuse est conforme au droit.

Au vu de ce qui précède, le département et le TAPI n’ont pas excédé leur pouvoir d'appréciation ni violé le droit en délivrant l'autorisation de construire DD 1______, respectivement en la confirmant.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2’000.- sera mis à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2’000.- sera allouée conjointement à C______ et D______, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2023 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à C______ et D______, pris conjointement, à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à Me Olivier BRUNISHOLZ, avocats des intimés, au département du territoire ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :