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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3605/2022

ATA/1104/2023 du 06.10.2023 sur JTAPI/723/2023 ( PE ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3605/2022-PE ATA/1104/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 6 octobre 2023

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Vadim NEGRESCU, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 (JTAPI/723/2023)


Attendu, en fait, que :

1) Par jugement du 26 juin 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a rejeté le recours formé par A______ contre la décision du 28 septembre 2022 par laquelle l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) maintenait son refus de lui octroyer une autorisation de séjour avec activité lucrative indépendante.

L’OCIRT avait retenu à bon droit que son admission ne servirait pas les intérêts économiques de la Suisse. La société qu’il avait fondée n’avait jamais atteint les objectifs qu’il avait fixés, et ce deux ans après l’octroi de la première autorisation de type L. Sa société n’avait pas collaboré avec l’OCIRT. Elle n’avait pas établi que l’offre de ses prestations était insuffisante à Genève, les conditions de la création de postes de travail et d’investissements substantiels n’apparaissaient pas réalisées. Le fait qu’il travaillait dans des espaces de coworking montrait la faiblesse des investissements. Enfin, il indiquait lui-même qu’une partie de ses activités avaient été touchées par des sanctions et restrictions de tous ordres.

2. Par acte du 31 août 2023, A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’un préavis favorable à la délivrance d’une autorisation de séjour soit rendu.

Sur mesures provisionnelles, il devait être autorisé à rester en Suisse jusqu’à l’entrée en force de l’arrêt à rendre.

Au fond, sa société avait été affectée par la pandémie de Covid, comme la presque totalité des sociétés suisses. Il n’avait pu dès le début réaliser ses objectifs en raison de la pandémie, qui l’avait empêché de voyager. Sa société avait toutefois réalisé un chiffre d’affaires de CHF 5'369'813.38 et un bénéfice net après impôts de CHF 45'656.- en 2021. Elle avait dû ensuite affronter les sanctions frappant ses partenaires russes. Il avait ce nonobstant obtenu trois contrats non négligeables et avait engagé une collaboratrice qui avait débuté en février 2023. Son activité servait l’économie du canton. La décision violait par ailleurs le principe de proportionnalité. Elle lui imposait de quitter la Suisse et d’arrêter sa société, entraînant des pertes financières considérables. La décision et le jugement violaient son droit d’être entendu, en méconnaissant des éléments déterminants et ne répondant pas à certains de ses arguments.

Sur mesures provisionnelles, sa présence était certes tolérée, mais sa situation était précaire et kafkaïenne. Il était toléré mais avait depuis le 14 juillet 2022 l’interdiction de quitter la Suisse. Il séjournait en Suisse depuis treize ans et avait toujours pu voyager. On lui avait refusé un visa pour aller voir sa famille en Arménie. S’il ne pouvait pas quitter la Suisse pour un voyage professionnel, son activité était compromise. Il rencontrait enfin des difficultés pour diverses démarches administratives. Il ne troublait pas l’ordre public ni n’émargeait à l’aide sociale.

3. Le 15 septembre 2023, l’OCIRT s’en est rapporté à justice sur les mesures provisionnelles.

Il s’opposait par principe à l’octroi de mesures provisionnelles lorsque, comme en l’espèce, les conditions à la délivrance d’une autorisation n’étaient pas remplies. Selon sa pratique et par économie de procédure, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) ne prononcerait en principe pas le renvoi du recourant avant que le jugement du TAPI ne devienne exécutoire. Le recourant n’avait pas demandé les mêmes mesures dans son recours devant le TAPI.

4. Le 29 septembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions en mesures provisionnelles.

L’autorisation de demeurer en Suisse qu’il demandait était moins importante que l’autorisation de séjour objet du fond du recours, et ne s’opposait pas à la pratique bien établie de l’OCPM selon laquelle il pouvait continuer à séjourner sur le territoire au bénéfice d’une tolérance tant que la décision querellée n’était pas devenue exécutoire.

5. Le 3 octobre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou la
vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de celles-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
53-420, 265).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3a ; ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2).

7) En l’espèce, le recourant n’est au bénéfice d’aucune autorisation de séjour en Suisse. Dans ces conditions et au vu de la jurisprudence précitée, seule la question des mesures provisionnelles peut se poser.

Or, donner suite à sa requête en mesures provisionnelles reviendrait à lui accorder, même temporairement, ce à quoi il conclut, à savoir être autorisé à résider en Suisse. Dans ces conditions, la mesure ne peut qu’être rejetée.

Le renvoi du recourant n’a par ailleurs pas été prononcé. L’OCIRT a indiqué que l’OCPM attendait selon sa pratique l’entrée en force de la décision de refus de permis pour ordonner le renvoi. Le recourant admet lui-même qu’il bénéficie d’une tolérance.

Les chances de succès du recours n’apparaissent pas, à ce stade de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, si évidentes qu’il faudrait examiner l’intérêt privé que fait valoir le recourant à voyager.

La chambre de céans observe toutefois que le recourant ne détaille pas ses besoins et ne rend pas vraisemblable – à une époque où les communications électroniques sont très développées – que l’impossibilité de voyager depuis le 14 juillet 2022, soit depuis plus d’un an, menacerait concrètement son activité d'un dommage difficile à réparer et appellerait une mesure urgente.

La demande de mesures provisionnelles sera rejetée.

8. Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que les éventuelles voies de recours contre la présente décision, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Vadim NEGRESCU, avocat du recourant, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :