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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1983/2023

ATA/1069/2023 du 19.09.2023 ( PATIEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1983/2023-PATIEN ATA/1069/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 19 septembre 2023

 

dans la cause

 

A______ requérant
représenté par Me Nicola MEIER, avocat

contre

COMMISSION DU SECRET PROFESSIONNEL citée

 



EN FAIT

A. a. Le 12 juin 2023, A______ a formé un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre une décision rendue le 21 mars 2023 par la commission du secret professionnel.

b. Par lettre datée du 14 juin 2023, envoyée sous pli recommandé au domicile élu de A______, pli reçu le 15 juin 2023, la chambre administrative a invité le précité à s'acquitter d'une avance de frais d'un montant de CHF 500.- dans un délai échéant le 24 juin 2023, sous peine d'irrecevabilité de son recours.

c. Par décision du 3 août 2023, la chambre administrative a déclaré le recours irrecevable.

Malgré l'envoi du pli précité, l'avance de frais n'avait pas été effectuée.

B. a. Le 28 août 2023, par l'intermédiaire d'un nouveau conseil, A______ a demandé la restitution du délai de paiement de l'avance de frais.

La requête se fondait sur l'art. 16 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il avait été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé. Déposée dans le délai légal, en la forme prescrite et devant l'autorité compétente, la requête était recevable.

La demande d'avance de frais avait été notifiée le 15 juin 2023 en l'étude de son ancien conseil. Ce dernier ne la lui avait cependant pas transmise, si bien qu'il n'en avait eu connaissance que par un courriel du 16 août 2023, en même temps que la décision d'irrecevabilité rendue par la chambre administrative. Son ancien conseil – qui ne l'avait par ailleurs même pas informé du dépôt du recours auprès de la chambre administrative – avait fourni à son nouveau conseil les pièces pertinentes le 21 août 2023.

Le comportement fautif de l'avocat était certes en principe imputable à son client, mais ce principe ne valait pas en cas de grossière erreur de l'avocat, ce qui était le cas en l'espèce – d'autant plus que le précédent conseil agissait aussi en tant que défenseur obligatoire dans la cause pénale connexe.

b. Après un échange de correspondance, le juge délégué a, le 14 septembre 2023, indiqué au nouveau conseil que la chambre administrative statuerait sur la demande de restitution de délai, sur quoi la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/200/2023 du 3 mars 2023 consid. 1 ; ATA/91/2023 du 31 janvier 2023 consid. 1 ; ATA/139/2021 du 9 février 2021 consid. 2).

1.1 D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, c'est en principe à l'autorité compétente sur le fond de se prononcer sur une demande en restitution de délai et non pas à l'instance de recours. La demande de restitution peut toutefois encore intervenir alors que le procès a pris fin et que le jugement cantonal est entré en force ou qu'un arrêt définitif a été rendu par le Tribunal fédéral. En effet, la restitution du délai entraîne l'annulation de la décision entrée entre-temps en force. Il s'agit là d'une exception à la force de chose jugée, comparable à la révision et nécessaire pour corriger les conséquences de l'omission et éviter le formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_301/2013 du 17 décembre 2013 consid. 7.1).

1.2 Il découle de ce qui précède que la chambre de céans peut entrer en matière sur une demande de restitution de délai quand bien même elle a déjà prononcé l'irrecevabilité du recours.

1.3 Selon l'art. 16 al. 3 2e phr. LPA, la demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé.

1.4 Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA).

1.5 En l'espèce, le requérant indique lui-même à plusieurs reprises dans sa requête avoir eu connaissance de la demande d'avance de frais – et donc de l'empêchement de procéder – le 16 août 2023, si bien que le délai de dix jours prévu par l'art. 16 al. 3 LPA venait à échéance le samedi 26 août 2023, et était donc reporté au lundi 28 août 2023, date de dépôt de la requête.

Il sera donc entré en matière sur celle-ci.

2.             Le requérant demande la restitution du délai pour effectuer l'avance de frais, qui lui avait été imparti au 24 juin 2023.

2.1 Le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA). La restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si la requérante ou le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé (art. 16 al. 3 1ère phr. LPA).

2.2 En procédure administrative genevoise, lorsqu’un administré a constitué un avocat ou désigné un autre mandataire qualifié au sens de l’art. 9 LPA, cela entraîne la création d’un domicile de notification à l’adresse de ceux-ci. Si l’administré, l’avocat ou le mandataire veulent qu’il en soit autrement, il leur appartient alors de l’indiquer clairement à l’autorité administrative (ATA/102/2023 du 31 janvier 2023 consid. 2.4 ; ATA/224/2020 du 25 février 2020 consid. 3b et l'arrêt cité).

Les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 1ère phr. LPA).

2.3 La responsabilité du mandant ne saurait être dissociée de celle de son mandataire. En effet, le premier est responsable des actes de celui qui le représente et répond de toute faute de ses auxiliaires (ATA/102/2023 précité consid. 2.5 ; ATA/271/2014 du 15 avril 2014 consid. 4).

Par ailleurs, selon la jurisprudence fédérale, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/89/2018 du 30 janvier 2018 consid. 2).

2.4 Selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l’art. 16 al. 1 LPA à l’art. 16 al. 3 LPA afin d’examiner si l’intéressé a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé (ATA/1096/2018 du 16 octobre 2018 consid. 3b ; ATA/727/2018 du 10 juillet 2018 consid. 2b ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2c et la jurisprudence citée).

Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/928/2023 du 29 août 2023 consid. 3b ; ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (arrêt du Tribunal fédéral 2P.259/2006 du 18 avril 2007 consid. 3.2 et la jurisprudence Citée ; ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016 consid. 4 ; ATA/916/2015 précité consid. 2c ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 consid. 3b et la jurisprudence citée), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/544/2013 du 27 août 2013 ; ATA/397/2013 du 25 juin 2013 consid. 9).

2.5 Selon la jurisprudence fédérale rendue à propos de l'art. 50 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), et qui ne vaut donc pas telle quelle en procédure administrative cantonale, l'empêchement non fautif d'accomplir un acte de procédure correspond non seulement à l'impossibilité objective, comme le cas de force majeure, mais également à l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou une erreur qui soient excusables. La restitution d'un délai au sens de l'art. 50 al. 1 LTF n'entre pas en considération dans l'éventualité où la partie ou son mandataire n'ont pas été empêchés d'agir à temps ; c'est le cas notamment lorsque l'inaction résulte d'une faute, d'un choix délibéré ou d'une erreur qui leur est imputable, si bien qu'il y a empêchement d'agir dans le délai lorsqu'aucun reproche ne peut être formulé à l'encontre de la partie ou de son mandataire. Les actes et omissions d'un avocat sont imputables à son client, et il incombe notamment à l'avocat de s'assurer que la communication qu'il adresse, d'une manière ou d'une autre, à son client lui est bien parvenue et que celui-ci – dans le cas de la notification d'un jugement – renonce effectivement à recourir. De plus, s'il y a péril en la demeure, l'avocat doit en principe entreprendre les démarches nécessaires à l'accomplissement de l'affaire confiée, si bien que dans le cas où un avocat ne retire pas le pli de notification d'un acte judiciaire, la demande de restitution du délai de recours fondée sur l'art. 50 LTF est mal fondée et doit être rejetée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_743/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.3 et 4.4 et les arrêts cités).

2.6 Au plan cantonal, dans sa jurisprudence, confirmée par le Tribunal fédéral, la chambre de céans a retenu que s'agissant d'aspects aussi fondamentaux que le respect d'un délai unique pour effectuer une avance de frais, il incombe à l'avocat de s'assurer que la communication qu'il adresse à son mandant lui est bien parvenue. Tout moyen utile peut être utilisé à cette fin, tel un appel téléphonique, la requête d'un accusé de réception ou un courrier électronique. Dans la mesure où il veut se dispenser de telles démarches, l'avocat peut simplement, d'entrée de cause, se faire provisionner à hauteur suffisante pour effectuer les avances de frais prévisibles auprès des tribunaux. De toute évidence, un mandataire qui ne prend pas de telles précautions n'agit pas de manière non fautive (ATA/684/2021 du 29 juin 2021 consid. 4f ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 5b).

2.7 En l'espèce, l'ancien conseil du requérant, qui est avocat, ne lui a pas transmis la demande d'avance de frais, et n'a pas non plus effectué lui-même ladite avance. Les actes et omissions d'un avocat étant, comme déjà exposé, imputables à son client, cette inaction est due à une faute du mandataire et n'est ainsi pas assimilable à un cas de force majeure, ni même à un empêchement non fautif de procéder. Le requérant souligne du reste le caractère imputable à faute de l'erreur commise par son ancien conseil ; il ne cite cependant aucune règle ni jurisprudence permettant de faire, comme il le souhaite, une différence entre les erreurs grossières du mandataire et les autres.

Il découle de ce qui précède que la requête de restitution de délai doit être rejetée.

3.             La présente décision étant un arrêté au sens de l'art. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), et vu l'issue du litige, un émolument de CHF 300.- sera mis à la charge du requérant (art. 87 al. 1 LPA) ; également vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la requête de restitution de délai formée par A______ le 28 août 2023 ;

au fond :

la rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 300.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Nicola MEIER, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission du secret professionnel.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :