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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3527/2022

ATA/884/2023 du 22.08.2023 sur JTAPI/375/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3527/2022-PE ATA/884/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Marco ROSSI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 avril 2023 (JTAPI/375/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1966, est ressortissant du Kosovo. Il allègue être venu en Suisse en 2009 et a déposé une demande de permis de séjour en juillet 2019.

b. Le 20 juin 2021, A______ a chuté dans les escaliers sur son lieu de travail. Il a eu une fracture C1 « de type 3 selon GEHWILER et une instabilité
C1-C2 ». Le 24 juin 2021 il a été procédé, aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), à la « fixation par système VERTEX C1-C2 » et le 26 juin à la « révision de la spondylodèse avec changement de la vis C2 droite remplacée ». L’intéressé a été incapable de travailler plusieurs mois.

Selon une attestation médicale établie le 11 mars 2022 par son médecin traitant, le docteur B______, son patient était en incapacité de travail suite à son accident et, son état de santé ne s’améliorant pas, l’on s’acheminait vers une incapacité de longue durée.

Selon un certificat d’hospitalisation du 31 mai au 28 juin 2022 établi par la clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR) à Sion le 28 juin 2022 et un avis de sortie du même jour, le diagnostic principal était thérapies physiques et fonctionnelles pour cervicalgies. La rubrique « complications » précisait « nihil ». Les comorbidités étaient diabète inaugural, HTA, obésité grade 1 et tabagisme. Le traitement consistait en : Beloc Zok 100 mg, Dafalgan 1 g, Ibuprofen 400 mg et Sirdalud 2 mg. Des séances de physiothérapie durant deux-trois semaines étaient préconisées. Il était en incapacité de travail dans sa profession habituelle du 31 mai au 29 juillet 2022 et un changement de profession était indiqué. Un suivi chez son médecin traitant dans les trois semaines était conseillé. Était également proposée la réalisation d’une IRM de l’épaule droite en cas de persistance de la douleur durant plus d’un mois.

Une demande auprès de l’assurance invalidité (ci-après : AI) a été déposée le 17 octobre 2022.

A______ a rechuté les 1er novembre 2022 dans sa salle de bains et 29 mai 2023 dans son appartement. Selon son médecin traitant, il s’agirait de « rechutes » de l’accident du 20 juin 2021 et le patient serait toujours en incapacité de travailler.

c. Par décision du 24 mai 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de soumettre le cas de A______ au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 24 juillet 2022 pour quitter la Suisse.

Sa présence sur le sol helvétique n’était prouvée que depuis 2019. Il n’avait pas démontré souffrir de graves problèmes de santé nécessitant pendant une longue période des soins permanents ou des mesures médicales d’urgence indisponibles au Kosovo. Ses liens avec son pays étaient encore forts, sa famille et ses centres d’intérêts s’y trouvant. Il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée et n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. L’exécution de son renvoi apparaissait possible, licite et raisonnablement exigible.

En l’absence de recours, cette décision est entrée en force.

B. a. Par courrier du 18 juillet 2022, A______ a sollicité de l’OCPM la reconsidération de la décision du 24 mai 2022, contre laquelle il n’avait pas été en mesure de recourir en raison d’importants problèmes de santé, et la délivrance d’un titre de séjour pour cas de rigueur.

Suite à son accident professionnel du 20 juin 2021, il avait été hospitalisé à la CRR. Toujours en incapacité de travail, son état de santé ne s’améliorait pas, étant précisé qu’il souffrait également de diabète. En cas de renvoi au Kosovo, il ne serait pas en mesure de bénéficier des soins médicaux nécessaires ni de collaborer à l’instruction de la demande AI qu’il avait l’intention de déposer.

b. Par décision du 20 septembre 2022, exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 18 juillet 2022. Les éléments invoqués – soit le fait qu’il avait subi une fracture suite à son accident, qu'il continuait à avoir des douleurs à l’épaule, raisons pour lesquelles il avait été hospitalisé à la CRR, qu'il souffrait de comorbidités telles que le diabète inaugural et qu'il était toujours en incapacité de travail sans avoir, à ce jour, justifié du dépôt d’une demande AI – ne constituaient pas des faits nouveaux et importants susceptibles de modifier sa position.

C. a. Par acte du 24 octobre 2022, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre la décision du 20 septembre 2022 concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif, à l’octroi d’un délai pour produire des pièces, à la comparution personnelle des parties et à l’audition du Dr B______ et, principalement, à l’annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l’OCPM pour transmission de sa requête au SEM avec un préavis positif.

b. Par décision du 6 décembre 2022 (DITAI/453/2022) entrée en force en l’absence de recours, le TAPI a rejeté la demande d’effet suspensif.

c. Après un double échange d’écritures et la production de plusieurs pièces sur lesquelles il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 3 avril 2023.

Les motifs invoqués en lien avec ses problèmes de santé existaient déjà lors du prononcé de la décision initiale en mai 2022.

L’évolution de ses problèmes de santé était due à l’écoulement du temps depuis la décision du 24 mai 2022. Les derniers éléments en lien avec son état de santé ne justifiaient pas le réexamen de sa situation. En effet, s’agissant de l’attestation établie le 4 novembre 2022 par son médecin traitant selon laquelle une IRM était désormais nécessaire suite à une chute le 1er novembre 2022 ayant provoqué des douleurs cervicales, la réalisation d’une telle imagerie était déjà envisagée dans le cadre de l’avis de sortie de la CRR du 28 juin 2022. Pour le surplus, il n’avait pas démontré, ni même allégué, dans le cadre de la présente procédure, qu’une IRM aurait désormais été réalisée et, cas échéant, quel en aurait été le résultat. Rien ne permettait de considérer qu’un tel examen, relativement usuel, ne pouvait être réalisé au Kosovo ou que le recourant ne pouvait bénéficier d’un visa idoine pour réaliser cet examen en Suisse si nécessaire, le cas échéant. Dans le même sens, il n’apparaissait pas qu’un retour dans son pays empêcherait le recourant de bénéficier de son traitement médical, lequel consistait, à teneur des éléments au dossier, en la prise de paracétamol, d’anti-inflammatoire, de myorelaxant et de bêtabloquant, soit des médicaments courants dont rien n'indiquait en l'état du dossier qu'ils ne seraient pas disponibles au Kosovo.

Pour le surplus, le courrier du 13 octobre 2022 par lequel la SUVA précisait qu’il n’y avait plus lieu d’attendre d’amélioration notable des suites de son accident par le biais de la continuation du traitement ne pouvait être considéré comme un fait nouveau déterminant, ce courrier ayant pour but d’informer le recourant du fait qu’il serait prochainement mis fin au paiement de ses soins médicaux et de l’indemnité journalière. L’incapacité de travail de longue durée alléguée par le recourant n’avait pas été confirmée par une décision AI en l’état. Au contraire, il ressortait notamment du courrier de la SUVA du 13 octobre 2022 que les seules limitations fonctionnelles à l’exercice d’une activité lucrative par le recourant étaient le port de charges supérieures à 20 kg, voire 15 kg de manière répétée, et la mobilisation active de son rachis. Le fait que le Dr B______ précisait dans son attestation du 11 mars 2022 que l’on s’acheminait vers une incapacité de longue durée n'était en tout état qu'une hypothèse non définitive à ce stade du dossier et qui n'aurait en outre pas pour conséquence qu'une autorisation de séjour pour cas de rigueur doive être octroyée au recourant.

Le dépôt d’une demande AI ne saurait pas non plus constituer un fait nouveau, dès lors qu’il aurait eu tout loisir de formuler une telle requête bien plus tôt. En outre, l’existence d’une telle demande, tout comme celle d’une procédure auprès de l’assurance-maladie, ne sauraient nullement justifier sa présence en Suisse. En effet, conformément à la jurisprudence fédérale, pour subir des examens médicaux ou se présenter à des audiences durant une procédure en cours, il n’est pas nécessaire de rester en Suisse, l’intéressé pouvant effectuer des séjours touristiques et se faire représenter par un mandataire. Quant aux difficultés financières alléguées à ce titre, il aurait la possibilité, si nécessaire, de trouver un accompagnement adapté à ses moyens auprès d’organismes caritatifs à Genève, qui pourraient notamment se charger du suivi de ses démarches auprès de l'AI.

Enfin, le fait que la demande de reconsidération avait été déposée moins de deux mois après le prononcé de la décision de refus et de renvoi, respectivement moins d’un mois après l’échéance du délai de recours et qu’elle ne reposait sur aucun fait nouveau important, laissait à penser qu’elle avait eu pour finalité de poursuivre par un autre moyen la procédure judiciaire à l’encontre de la décision de refus et de renvoi de mai 2022, alors même que le but d’une demande de reconsidération était de permettre le réexamen d’un cas dans lequel la situation s’était modifiée de manière notable depuis le prononcé de la décision initiale.

D. a. Par acte du 16 mai 2023, A______ a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l’OCPM afin qu’il transmette la requête de titre de séjour au SEM avec un préavis positif. Préalablement, sa comparution personnelle devait être ordonnée, à l’instar de l’audition du Dr B______, au sujet de l’évolution de son état de santé depuis le mois de mai 2022, de C______ et D______ et d’une expertise médicale afin d’établir quel était son état de santé actuel et si celui‑ci s’était aggravé depuis le mois de mai 2022.

Il a repris l’historique de son dossier. Les faits nouveaux consistaient en d’importants problèmes de santé (conséquences de l’accident survenu en juin 2021 et apparition du diabète), étant précisé qu’il avait notamment été hospitalisé à la CRR du 31 mai 2022 au 28 juin 2022 et que, selon une attestation médicale établie par son médecin traitant, il y avait lieu de s’attendre à ce que son incapacité de travail soit de longue durée. Son état de santé s’était considérablement dégradé en l’espace d’une année. Il avait besoin d’une assistance quotidienne de la part de proches, dont notamment C______ et D______, pour des déplacements, faire des courses alimentaires, le ménage, la cuisine, le repassage notamment. Il sollicitait une expertise médicale afin de prouver ses allégations. L’hospitalisation avait eu lieu postérieurement à la décision. L’incapacité de travail durable n’était pas encore établie au moment de la décision du 24 mai 2022.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans sa réplique, l’intéressé a relevé que son incapacité de travail, due à une rechute le 28 mai 2023, constituait un fait important et nouveau. Elle perdurerait au-delà du 28 juin 2023, ce qu’un prochain certificat médical établirait. Il persistait dans ses demandes d’actes d’instruction.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant conclut à l’annulation du jugement et au renvoi de la cause à l’autorité intimée afin qu’il transmette sa requête en autorisation de séjour au SEM.

2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. En d'autres termes, l'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; ATA/123/2019 du 5 février 2019 consid. 5).

2.2 En l'espèce, la décision querellée est un refus d'entrer en matière sur la demande de reconsidération du 18 juillet 2022. Conformément à la jurisprudence précitée, le seul objet du présent recours consiste à vérifier la bonne application de l'art. 48 LPA.

Les conclusions tendant à ordonner à l'OCPM de transmettre le dossier avec un préavis favorable au SEM seront déclarées irrecevables.

3.             Le recourant sollicite son audition ainsi que celle de témoins et une expertise judiciaire sur son état de santé, notamment son aggravation.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l'espèce, le recourant a pu s’exprimer par écrit tant dans la procédure ayant abouti à la décision du 24 mai 2022 que celle en reconsidération intervenue quelques semaines plus tard, dans laquelle il a pu faire valoir ses arguments devant l’autorité intimée, le TAPI et la chambre de céans, y compris dans le cadre d’une réplique et produire toute les pièces notamment médicales qu’il jugeait utiles. Il n’indique pas quels éléments il n’aurait pas pu expliciter dans ce cadre qui nécessiteraient son audition.

Il a sollicité l’audition de son médecin, lequel a produit plusieurs attestations et certificats médicaux. Le recourant ne précise pas sur quels points l’audition de ce dernier serait utile, qu’il n’aurait pas déjà précisé dans ses certificats médicaux. L’évolution possible de l’état de santé du patient relève cependant de l’hypothèse et n’est pas pertinente dans le cas de la présente procédure dont l’objet est limité conformément au considérant qui précède.

L’audition de témoins pour attester de l’aide quotidienne apportée au recourant n’est pas pertinente. D’une part, rien n’indique que cet élément soit postérieur à la décision initiale du 24 mai 2022. D’autre part, les limitations fonctionnelles ont déjà été établies. Même à supposer que les témoins, pour autant qu’ils puissent être entendus en cette qualité, le recourant les qualifiant de proches, confirment les faits allégués par l’intéressé, cela ne serait pas de nature à modifier l’issue du litige, comme cela sera exposé ci-après.

Enfin, le recourant conclut à une expertise médicale sur l’aggravation de son état de santé. Aucun élément médical ne permet de retenir une aggravation, d’une importance conforme à ce qu’exige la jurisprudence, entre la décision prononcée le 24 mai 2022 et la demande de reconsidération du 18 juillet 2022. Même à retenir l’évolution entre fin juin 2022 et aujourd’hui, les pièces du dossier ne rendent pas vraisemblable qu’une expertise pourrait attester une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question, conformément aux considérants qui suivent.

Pour le surplus, la chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige sans procéder à d’autres actes d’instruction.

Il ne sera donc pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction complémentaires.

4.             L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA.

4.1 Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1
let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

4.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211).

4.3 Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4).

Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429 p. 493).

Ainsi, ce n'est pas parce qu'il existe un droit à un nouvel examen de la cause que l'étranger peut d'emblée prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation. Les raisons qui ont conduit l'autorité à révoquer, à ne pas prolonger ou à ne pas octroyer d'autorisation lors d'une procédure précédente ne perdent pas leur pertinence. L'autorité doit toutefois procéder à une nouvelle pesée complète des intérêts en présence, dans laquelle elle prendra notamment en compte l'écoulement du temps. Il ne s'agit cependant pas d'examiner librement les conditions posées à l'octroi d'une autorisation, comme cela serait le cas lors d'une première demande d'autorisation, mais de déterminer si les circonstances se sont modifiées dans une mesure juridiquement pertinente depuis la révocation de l'autorisation, respectivement depuis le refus de son octroi ou de sa prolongation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.3 ; 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 7.2).

4.4 Selon la jurisprudence rendue en matière de police des étrangers, le simple écoulement du temps entre les décisions des autorités ne constitue pas un motif justifiant une reconsidération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_38/2008 du 2 mai 2008 consid. 3.4 ; 2A.180/2000 du 14 août 2000 consid. 4c). Autrement dit, on ne saurait voir dans le simple écoulement du temps et dans une évolution normale de l’intégration en Suisse une modification des circonstances susceptibles d’entraîner une reconsidération de la décision incriminée (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5003/2019 du 6 avril 2020 consid. 4.3 ; F-2581/2017 du 3 septembre 2018 consid. 3.4 ; F-2638/2017 du 9 novembre 2017 consid. 5.3). Le fait d'invoquer des faits nouveaux résultant pour l'essentiel de l'écoulement du temps, que le recourant a largement favorisé, peut d'ailleurs être reconnu comme un procédé dilatoire (arrêt du Tribunal fédéral 2A.271/2004 du 7 octobre 2004 consid. 3.3).

Ainsi, bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio‑professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA, lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 précité consid. 4b).

5.             En l’espèce, la décision initiale date du 24 mai 2022. Elle a été notifiée à une date non précisée dans le dossier. Le délai de recours à son encontre, de 30 jours, est arrivé à échéance au plus tôt le 23 juin 2022. Les éléments nouveaux intervenus avant cette date auraient en conséquence dû faire l’objet d’une procédure de recours et ne peuvent être pris en considération dans le cadre d’une demande de reconsidération.

L’intéressé fait état d’une hospitalisation ayant eu lieu postérieurement à la décision, soit du 31 mai 2022 au 28 juin 2022. Il n’est pas allégué que cette hospitalisation soit intervenue subitement. S’agissant de réadaptation, elle était manifestement planifiée. L’hospitalisation est intervenue une semaine après le prononcé de la décision querellée. Cette hospitalisation, planifiée pendant la procédure ayant abouti à la décision du 24 mai 2022, n’est dès lors pas un fait nouveau.

De même, le recourant ne peut rien déduire de l’attestation médicale établie par le Dr B______ le 11 mars 2022 soit antérieurement à la décision initiale du 24 mai 2022. Au contraire, les faits qui y sont invoqués, à savoir une incapacité de travailler suite à un accident du 20 juin 2021, 1’état de santé qui ne s’améliore pas et le fait que « on s’achemine vers une incapacité de longue durée » ne peuvent pas être considérés comme des faits nouveaux, étant ou devant être connus pendant la procédure ayant abouti à la décision du 24 mai 2022.

À juste titre, le TAPI a retenu que la date du dépôt de la demande de prestation AI pour les mesures professionnelles et la rente dépendait de l’intéressé, lequel aurait pu la déposer avant le 17 octobre 2022. Dans sa correspondance du 22 janvier 2022, l’intéressé avait d’ailleurs informé l’OCPM que vu la gravité de l’accident qu’il avait subi le 20 juin 2021, l’intervention chirurgicale qui avait suivi aux HUG en vue de mettre des vis dans sa colonne vertébrale, son incapacité totale de travailler, une demande de rente AI était envisagée. Le dépôt d’une demande de prestations AI ne constitue en conséquence pas un fait nouveau.

En résumé, l’accident du 20 juin 2021 était connu de l’autorité intimée au moment de la prise de décision du 24 mai 2022, à l’instar de ses conséquences quand bien même l’examen médical mené pendant plusieurs jours à la CRR a permis d’en affiner les contours et les modalités. Les correspondances subséquentes, qu’elles proviennent de l’assurance invalidité ou de la SUVA ne comportent aucun élément qui doive être considéré comme nouveau et important de nature à modifier l’évaluation initiale faite par l’autorité intimée.

La chute faite le 1er novembre 2022 par le recourant dans sa salle de bains, nécessitant une IRM cervicale selon l’attestation du Dr B______ du 4 novembre 2022, impliquant « une rechute des douleurs cervicales », consiste, à teneur de ce document des suites de l’accident du 20 juin 2021. Outre que la qualification de fait nouveau apparait dès lors douteuse, elle ne revêt pas l’importance qu’exige la jurisprudence pour pouvoir entrer en matière pour une reconsidération.

La situation est la même pour la chute faite le 29 mai 2023, – l’avis de sinistre à la SUVA précisant toutefois « la date du sinistre est imprécise » – dans le corridor de son appartement, le médecin traitant considérant, là aussi, qu’il s’agissait d’une rechute de l’accident initial dû à une perte d’équilibre. La lésion qui en a découlé serait, à teneur de la déclaration à la SUVA « corps étranger », le recourant étant tombé en arrière, « coinçant son bras », ce qui aurait impliqué un « craquement de l’épaule » et un choc à la tête. Bien que malheureuses, ces rechutes ne sont pas d’une importance telle qu’elles remplissent les conditions de faits nouveaux importants pour justifier l’entrée en matière sur la demande de reconsidération de la décision du 24 mai 2022.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

7. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 16 mai 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 avril 2023 ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marco ROSSI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.