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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2868/2022

ATA/823/2023 du 09.08.2023 sur JTAPI/320/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2868/2022-PE ATA/823/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, agissant en son nom et en qualité de représentante de son fils mineur B______ recourants
représentés par Me Olivier FAIVRE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2023 (JTAPI/320/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1993 à Genève, est ressortissante d’Inde.

Son fils B______, né le ______ 2020, l’est également.

Ses parents et son frère résident à Genève. Son père et son frère sont citoyens suisses, tandis que sa mère est titulaire d’une autorisation de séjour.

b. À teneur du registre cantonal de la population, A______ a résidé à Genève de sa naissance jusqu’au 1er avril 2007, date à laquelle elle a quitté la Suisse à destination de l’Inde.

c. Elle a été titulaire d’abord d’une carte de légitimation délivrée par le département fédéral des affaires étrangères, puis d’une autorisation d’établissement délivrée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

d. A______ dit être arrivée en Suisse le 15 octobre 2021.

B. a. Le 13 janvier 2022, A______ a sollicité auprès de l’OCPM des autorisations de séjour pour cas de rigueur, pour son fils et elle-même.

Elle avait quitté la Suisse à l’âge de 5 ans en compagnie de sa mère et de son frère pour s’installer en Inde. Son père était resté en Suisse pour subvenir aux besoins de la famille. Elle était revenue régulièrement en Suisse jusqu’en 2008. Elle avait achevé ses études en Inde et obtenu un Bachelor en chimie à l’Université de E______ en 2015, puis un Master l’année suivante. Elle avait obtenu un diplôme d’études supérieures en matière de sécurité alimentaire de l’Université nationale ouverte C______, en 2018, ainsi que divers diplômes décernés par différentes institutions spécialisées dans ce domaine.

Le 31 mars 2019, elle avait épousé D______ à Kerala, en Inde, lequel était ensuite retourné aux Émirats Arabes Unis (ci-après : EAU) où il travaillait. Dans l’attente de son visa pour les EAU, elle avait été contrainte de vivre dans la maison familiale de son époux, à Bangalore, en compagnie de sa belle-famille dont les membres lui avaient fait subir moult maltraitances psychologiques et physiques. Après l’obtention de son visa, elle avait rejoint son époux aux EAU le 11 juillet 2019. L’harmonie conjugale s’était rapidement détériorée et la naissance de leur fils n’avait pas apaisé le climat. Son époux n’avait pas hésité à la violenter physiquement à maintes reprises et avait exercé des pressions psychologiques insoutenables, lui causant de profonds traumatismes. Il l’avait ainsi affamée, avait tenté de l’expulser avec leur fils du domicile familial et fait révoquer leur autorisation de séjour aux EAU, après qu’ils avaient quitté ce pays. Il voulait ainsi les contraindre à retourner vivre auprès de la belle-famille en Inde où ils risquaient de subir de nouvelles pressions psychiques et des violences physiques. Elle avait ouvert une action en divorce en Inde.

Elle ne disposait par des ressources financières pour vivre seule en Inde, ni d’aucun proche sur place susceptible de les héberger et de subvenir à leurs besoins, étant relevé qu’aucun membre de sa famille y vivait.

Genève s’imposait comme l’unique destination possible pour elle et son fils, puisque l’ensemble de sa famille proche y vivait depuis de nombreuses années, était en mesure de lui fournir un toit ainsi que de pourvoir financièrement à ses besoins. Son père et son frère s’engageaient à cet égard à l’héberger gracieusement et à prendre à leur charge l’ensemble de ses dépenses ainsi que celles de son fils à hauteur d’un montant mensuel de CHF 2'200.-, de sorte qu’on pouvait exclure le risque d’une dépendance à l’assistance publique. Elle avait d’ores et déjà développé des habitudes et lié des amitiés en Suisse. Elle souhaitait obtenir les équivalences nécessaires au sein d’une université suisse afin de pouvoir exercer une activité professionnelle.

À l’appui de sa demande, A______ a produit notamment un formulaire M du 13 janvier 2022 où il est indiqué que son fils et elle-même étaient arrivés à Genève le 15 octobre 2021, et deux formulaires O du 13 janvier 2022, par lesquels son père et son frère s’engageaient à la prendre en charge financièrement, chacun jusqu’à concurrence de CHF 1'100.- par mois pendant cinq ans.

b. Le 23 février 2022, à la demande de l’OCPM, A______ a notamment transmis des documents relatifs aux moyens financiers de ses garants ainsi qu’une attestation de l’Hospice général du 28 janvier 2022 dont il résulte qu’elle n’était pas aidée par celui-ci. Elle a précisé que la procédure judiciaire commencerait en Inde le 6 juin 2022.

c. Le 29 avril 2022, l’OCPM l’a informée de son intention de refuser d’accéder à sa demande de régularisation et de prononcer son renvoi et celui de son fils.

d. A______ a fait usage de son droit d’être entendue le 30 mai 2022.

e. Le 28 juin 2022, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a indiqué à l’OCPM que l’exécution du renvoi des intéressés en Inde était, en l’état, licite, possible et raisonnablement exigible. Ayant vécu très longtemps en Inde et y ayant suivi des études supérieures, l’intéressée appartenait assurément à un milieu privilégié et bénéficiait d’une excellente formation qui y faciliterait sa réintégration et l’exercice d’un emploi. Elle pourrait aussi vraisemblablement compter sur l’aide et le soutien de sa famille en Suisse. S’agissant de la situation conflictuelle l’opposant à sa belle-famille, elle pouvait requérir la protection des autorités indiennes et/ou s’établir dans une partie du pays à distance de celle-là.

f. Par décision du 6 juillet 2022, l’OCPM a refusé d’octroyer des autorisations de séjour en faveur de A______ et de son fils, a prononcé leur renvoi de Suisse et leur a imparti un délai au 15 septembre 2022 pour quitter la Suisse et l’ensemble de l’espace Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

A______ était arrivée en Suisse à l’âge de 27 ans après avoir vécu une grande partie de son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte en Inde. Elle ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée, n’ayant pas créé des attaches avec la Suisse au point qu’elle ne puisse plus raisonnablement envisager un retour en Inde. Son fils, âgé d’un an et non encore scolarisé, ne devrait pas être confronté à des problèmes insurmontables pour se réintégrer en Inde.

Il était loisible à l’intéressée de prendre résidence en Inde dans une région géographique autre que celle de son époux et de sa belle-famille. Son père et son frère, qui la soutenaient financièrement, pouvaient poursuivre ce même soutien afin qu’elle puisse s’intégrer en Inde plus facilement avec son fils et ne soit pas dépourvue de ressources financières.

C. a. Par acte du 7 septembre 2022, A______ a interjeté recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Elle dépendait désormais de l’aide de sa proche famille pour vivre. Elle n’avait en effet ni revenu ni la moindre fortune personnelle, puisqu’elle avait sacrifié une possible carrière professionnelle pour s’occuper, selon les habitudes locales, de son époux et de son fils. Elle disposait de notions de bases en langue française qu’elle s’employait à approfondir depuis plusieurs mois. Elle vivait avec ses parents et son fils dans un appartement permettant une cohabitation agréable. Faute d’accord entre les parties lors de l’audience de conciliation du 6 juin 2022, une procédure de divorce au fond serait prochainement introduite.

L’OCPM avait méconnu la diversité culturelle, politique et sociale de l’Inde, où les cultures étaient totalement différentes, une vingtaine de langues officielles étaient parlées et existaient une pléthore de religions. Les rares mères célibataires subissaient au quotidien les discriminations, le harcèlement sexuel et les violences physiques. Ces conditions de vie extrêmes, couplées aux exigences propres à l’éducation d’un enfant en bas âge, ne lui permettraient pas de s’intégrer dans une nouvelle région où tout serait à refaire, ni de commencer une première activité professionnelle. De plus, contrairement à d’autres mères célibataires, elle ne bénéficierait du soutien d’aucun proche sur place et se retrouverait livrée à elle-même.

Sa durée de séjour en Suisse, en tenant compte de toutes les années qu’elle y avait vécues, était d’approximativement sept ans. Elle pouvait se prévaloir de liens particuliers avec la Suisse où vivait l’intégralité de sa famille et où elle avait tissé de fortes relations amicales au fil des ans. Son fils avait déjà passé la moitié de sa vie à Genève auprès de sa famille dont les membres lui parlaient en français afin qu’il maîtrise cette langue. Elle n’avait plus de lien en Inde, pays où elle n’avait vécu que les deux tiers de sa vie. Sa réintégration sociale y était d’autant plus inconcevable qu’elle y serait, ainsi que son fils, à la merci de son époux et de la famille de ce dernier, avec un grand risque de subir à nouveau des atteintes physiques et psychiques.

Elle invoquait l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

En tout état, il conviendrait de renoncer au renvoi au motif que son fils et elle-même risqueraient, notamment en répercussions à la procédure de divorce en cours, de subir en Inde de nouvelles atteintes physiques et psychiques qui pourraient engendrer de très graves conséquences pour eux.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Sans minimiser les difficultés auxquelles A______ pourrait être confrontée à son retour en Inde en tant que femme divorcée avec un enfant en bas âge, aucun obstacle insurmontable ne paraissait cependant s’opposer à sa réintégration. Jeune et en bonne santé, dotée d’une solide formation universitaire et financièrement soutenue par les membres de sa famille en Suisse, elle pouvait décider du lieu de son installation et n’était pas contrainte de s’établir à proximité de la famille de son ex-conjoint.

Pour les mêmes motifs, son renvoi devait être considéré comme raisonnablement exigible et licite, ainsi que l’avait confirmé le SEM le 28 juin 2022, rappelant qu’elle pouvait requérir la protection des autorités indiennes et l’aide d’un avocat concernant les conflits avec sa belle-famille.

c. Par réplique du 23 décembre 2022, A______ a relevé qu’elle avait vécu dans les EAU ces dernières années avant de se réfugier en Suisse, et qu’avant son départ pour les EAU, elle était restée longtemps cloîtrée chez sa belle-famille, privée de toute vie sociale. Elle n’appartenait pas, pas plus que sa famille, à un milieu privilégié en Inde. Elle avait pu étudier moyennant le sacrifice de son père qui n’avait pas hésité à quitter sa famille pour travailler en Suisse. Elle ne disposait que de quelques biens séquestrés par sa belle-famille, dont elle avait requis la confiscation par la justice. Sa famille proche vivait dans des conditions très modestes eu égard au coût de la vie en Suisse et n’avait pas d’économies significatives.

Les autorités indiennes ne seraient pas en mesure d’assurer sa protection et celle de son fils.

d. Le TAPI a, par jugement du 21 mars 2023, rejeté le recours.

Ni A______ ni son fils ne satisfaisaient aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur.

Vu la longue interruption de séjour continu à Genève de A______, de treize ans, voire même 23 ans si on ne prenait pas en compte les visites effectuées entre 1998 et 2008, il devait être retenu un séjour depuis une année et demie, à l’évidence insuffisant pour justifier, à lui seul, l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Si elle alléguait approfondir sa connaissance de la langue française, dont le niveau était inconnu, ne pas dépendre de l’aide sociale, ne faire l’objet d’aucune poursuite et disposer d’un casier judiciaire vierge, ces éléments ne permettaient pas encore de retenir une intégration sociale particulièrement marquée. Elle ne soutenait pas qu’elle aurait noué à Genève des relations amicales ou affectives d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part qu’elle les poursuive par le biais des moyens de télécommunication modernes. Les deux lettres de soutien produites ne démontraient pas une grande proximité avec leur rédacteur. Son intégration professionnelle faisait défaut et elle n’avait pas démontré sa volonté de prendre part à la vie économique en Suisse.

Elle n’étayait pas ses allégations selon lesquelles elle n’aurait plus d’attaches en Inde et y associerait le traumatisme subi de la part de sa belle-famille, ni qu’elle courait un risque d’y subir des représailles de son époux et/ou des membres de la famille et ne pourrait le cas échéant requérir l’aide et l’assistance des forces de police. Malgré la diversité culturelle évidente de ce pays, il pouvait néanmoins être attendu de A______ qu’elle s’établisse avec son fils dans une autre localité que celle où demeurait sa belle-famille, étant relevé que l’État du Karnataka, dont Bangalore était la capitale, était d’une superficie de presque cinq fois la Suisse et peuplé d'environ 60 millions d’habitants, de sorte qu’elle pourrait s’y établir avec son fils sans devoir forcément côtoyer son époux et sa belle-famille. Elle pourrait aussi s’établir dans l’État de Kerala, un peu plus petit que la Suisse et peuplé d’environ 40 millions d’habitants, où se situait l’Université de E______ qu’elle avait fréquentée.

Elle avait vécu en Inde une grande partie de son enfance, toute son adolescence et une partie de sa vie d’adulte, de sorte qu’elle en connaissait les us et coutumes et la mentalité et y possédait à l’évidence des liens, ne serait-ce qu’amicaux. S’il n’y avait pas lieu de nier ni de minimiser les difficultés socioculturelles auxquelles elle pourrait être confrontée en Inde en raison de son statut de mère dite célibataire, ce seul fait – qui n’était pas aussi rare qu’elle le prétendait puisque 4,5% des ménages indiens, soit environ 13 millions, seraient composés d’une mère célibataire avec enfant (cf. https ://secdl.unwomen-sdm.net/Annex3_70.html ; https://thewire.in/ women/motherhood-non-custodial-mothers-india-parenting) – n’était pas suffisant pour considérer que sa réintégration dans ce pays serait gravement compromise et que sa situation relèverait ainsi du cas de rigueur.

De retour en Inde, elle pourrait continuer à bénéficier de l’aide économique de sa famille. Sa solide formation universitaire lui permettrait d’accéder, sans nul doute, au marché du travail.

Son fils, désormais âgé de 2 ans et demi, n’avait pas encore pu développer une quelconque forme d’intégration à Genève, étant bien trop jeune et non scolarisé. Il restait encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de sa mère.

A______, arrivée sur le territoire helvétique en tant que majeure, n’alléguant pas un quelconque lien de dépendance particulier envers son père, sa mère ou son frère, si ce n’était financier, ne séjournant en Suisse que depuis deux ans et demi, sans y être autorisée, et ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration en Suisse, ne pouvait fonder une droit pour demeurer en Suisse sur la base de l’art. 8 CEDH.

Quant au renvoi, A______ n’avait pas démontré qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait concrètement à un danger, même en tant que mère dite célibataire, étant précisé que des allégués simplement d’ordre général ne sauraient suffire pour surseoir au renvoi. Elle n’avait pas plus démontré à satisfaction de droit encourir un risque de subir une agression de la part de sa belle-famille. Elle était en bonne santé. Ces considérations valaient aussi pour son fils.

D. a. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 8 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu préalablement à l’octroi d’un délai supplémentaire de 30 jours pour produire certains documents additionnels et compléter son recours et principalement à l’annulation du jugement du TAPI, de même que de la décision de l’OCPM du 6 juillet 2022 et, cela fait, à ce que lui soit accordé ainsi qu’à son fils une autorisation de séjour sans activité lucrative. Subsidiairement, il devait être renoncé à ordonner leur renvoi.

Elle faisait l’objet d’un suivi psychologique en raison des pressions subies en Inde et aux EAU. Toute rupture avec ses proches pourrait s’avérer très grave pour elle.

Elle est revenue sur son parcours depuis sa naissance. Dans le cadre de la procédure de divorce, une seconde conciliation avait été tentée, sans succès, en juin 2023. Les parties y avaient participé par visioconférence, dès lors qu’un voyage en Inde était trop risqué pour elle. La procédure de divorce n’avançait pas en raison du comportement de son époux.

Elle reprenait son argumentation pour en conclure que l’OCPM avait retenu les faits arbitrairement. Elle reprenait la motivation du TAPI qui lui aussi avait retenu les faits arbitrairement. Son fils et elle remplissaient les conditions d’une autorisation pour cas de rigueur.

En effet, elle totalisait approximativement sept années de séjour en Suisse. Elle n’avait plus de famille ni d’amis en Inde, où elle n’était pas retournée depuis le début de l’année 2019, étant précisé qu’elle était restée cloîtrée chez sa belle-famille lors de sa dernière année sur place, privée de toute vie sociale. À l’inverse, lors de ses séjours en Suisse pour rendre visite à ses proches, de plusieurs semaines à chaque fois, elle avait tissé de solides amitiés, en sus des relations entretenues avec l’intégralité de sa famille proche. Elle avait récemment commencé des cours pour approfondir ses notions de base en langue française et suivre à court terme des cours à l’université pour obtenir des équivalences. À défaut, il lui serait difficile d’obtenir un poste à hauteur de ses qualifications. En tout état, son fils était encore trop jeune pour qu’elle puisse reprendre une activité professionnelle en Suisse. Elle évoquait la situation de son frère et de son père qui leur permettait de disposer des ressources financières pour l’aider, avec son enfant. Il était notoire que la position de la femme dans la société indienne ne lui permettrait pas de maintenir une vie sociale comparable à celle que l’on connaissait « sous nos cieux ». Depuis qu’elle fréquentait son époux, elle s’était irrémédiablement isolée, soit depuis une dizaine d’années, de sorte qu’il ne lui restait que ses parents, son frère ainsi que son fils, une position dans laquelle se trouvaient également ses amies universitaires.

De simples recherches permettaient de comprendre que les autorités de police ne bénéficiaient pas des mêmes moyens qu’en Suisse et que les relations permettaient de s’attirer bien des faveurs sur place. Les mœurs locales consacraient par ailleurs la prédominance de l’homme dans la société, de sorte qu’il était improbable qu’une femme dans sa situation puisse bénéficier d’un quelconque soutien. En retenant qu’elle pourrait simplement déménager dans un État cinq fois plus grand que la Suisse, alternativement dans celui où elle avait étudié, le TAPI méconnaissait la situation en Inde et le fait que les membres de sa belle-famille, nombreux et influents, parviendraient à la retrouver. S’établir dans l’État de Kerala était improbable, puisque la culture y était totalement différente. Cela équivaudrait à changer de pays avec la précision que ses amis n’y vivaient plus. À l’inverse de sa situation, la rare minorité de mères célibataires en Inde disposait de proches sur place. Sa situation s’avérerait invivable sans le soutien de proches. Peu importait l’aide financière dont elle pourrait bénéficier de sa famille vivant en Suisse puisqu’elle ne pourrait manifestement pas s’adapter en Inde et reprendre une activité professionnelle en tant que mère célibataire sans l’aide de ses proches, étant encore relevé qu’elle n’était plus active sur le plan professionnel depuis la fin de ses études. Une réintégration sociale en Inde était d’autant plus inconcevable qu’elle y serait, ainsi que son fils, à la merci de son époux et de sa famille, avec un grand risque de subir à nouveau des atteintes physiques et psychiques.

Elle n’avait aucun antécédent judiciaire en Suisse était en parfait état de santé, de même que son fils.

Elle pouvait aussi se prévaloir de l’art. 8 CEDH, car elle se trouvait, tout comme son fils, dans une situation de totale dépendance à l’endroit de sa famille en Suisse, sans laquelle elle n’aurait ni toit ni de quoi se nourrir. Sa famille constituait un soutien essentiel d’autant plus vu la charge émotionnelle difficile liée à la procédure de divorce considérant l’attitude intolérable de sa belle-famille.

b. L’OCPM a proposé, le 9 juin 2023, le rejet du recours.

c. Le 12 juin 2023, la recourante a produit une attestation de scolarité de l’École moderne de secrétariat et de langues, selon laquelle elle était inscrite au programme de cours de français intensif A1, pour la période du 2 mai 2023 au 29 février 2024, à raison de 20 heures de cours par semaine.

d. Le 14 juillet 2023, après s’être vue proposer un délai pour éventuellement répliquer, elle a indiqué qu’elle n’avait pas d’observations supplémentaires à faire valoir.

e. Elle a produit un « récapitulatif de la procédure de divorce en cours » en anglais faisant état d’une audience le 5 avril 2023 et « for report 10-07-2023 ».

f. Les parties ont été informées, le 18 juillet 2023, que la cause était gardée à juger.

g. Leurs arguments et la teneur des pièces versées à la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier des recourants avec un préavis favorable, et prononçant leur renvoi de Suisse.

Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Les recourants semblent se plaindre d'une constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents, au sens de l'art. 61 al. 1 let. b LPA. Au vu de la teneur de leurs arguments, il apparaît toutefois que c'est bien plutôt la pondération des différents éléments de fait et leur importance pour la solution du litige qui est mise en cause. Il s'agit là d'une question de fond qui sera examinée à ce titre infra.

3.             Les recourants se plaignent d’une violation des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) et se prévalent de l’art. 8 CEDH.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse [SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l'intégration de l'étranger, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d)

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

3.5 S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

3.6 L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

3.7 Les enfants mineurs partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêts du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3 ; 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.1). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (Directive LEI, ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu'entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d'origine. Il faut prendre en considération qu'un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a).

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse.

L’intérêt de l’enfant, tel que prévu par l'art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), est un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2). Aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de droit des étrangers ne peut être déduite des dispositions de la CDE (ATF 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

3.8 Selon la jurisprudence, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 137 I 284 consid. 1.3 ; 136 II 177 consid. 1.2). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir d'une telle protection que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à un parent établi en Suisse en raison par exemple d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1153/2014 du 11 mai 2015 consid. 5.3 et 2C_251/2015 du 24 mars 2015 consid. 3).

Une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’art. 8 CEDH est possible aux conditions de l’art. 8 § 2 CEDH, pour autant qu’elle soit prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le refus de prolonger une autorisation de séjour ou d’établissement fondé sur l’art. 8 § 2 CEDH suppose une pesée des intérêts en présence et l’examen de la proportionnalité de la mesure (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 135 II 377 consid. 4.3). L’examen de la proportionnalité sous l’angle de l’art. 8 § 2 CEDH se confond avec celui imposé par l’art. 96 LEI (arrêts du Tribunal fédéral 2C_419/2014 du 13 janvier 2015 consid. 4.3 ; ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 6b).

4.             En l’espèce, la recourante est certes née en Suisse et y a vécu jusqu’à ses 5 ans, de sorte qu’elle n’y a été que brièvement scolarisée. Elle est retournée vivre en Inde, son pays d’origine, avec sa mère et son frère, alors que son père est resté en Suisse pour subvenir aux besoins de la famille. En Inde, elle a achevé des études universitaires et obtenu un Bachelor puis un Master avant de faire des postgrades dans le domaine de la sécurité alimentaire. Elle a ainsi effectué la quasi-totalité de sa scolarité dans son pays d’origine où elle a vécu une grande partie de son enfance, toute son adolescence et le début de sa vie d’adulte, étant rappelé qu’elle aura 30 ans en novembre 2023. Elle a quitté l’Inde en juillet 2019 pour rejoindre son époux aux EAU, où elle a donné naissance à leur fils en septembre 2020. Elle dit être arrivée à Genève avec son fils le 15 octobre 2021.

Il découle du rappel de ce parcours que cela fait moins de deux ans que la recourante est revenue en Suisse. Contrairement à ce qu’elle soutient, il ne peut être retenu une durée globale de séjour en Suisse de sept ans par la prise en compte des années qu’elle y a vécues enfant, des séjours de quelques semaines pour rendre visite à son père resté à Genève durant les plus de 20 ans qu’elle a passés à l’étranger n’y changeant rien. Autrement dit, il y a uniquement lieu de tenir compte de la durée de son dernier séjour en Suisse, qui doit être qualifiée de faible.

Son intégration socio-culturelle en Suisse ne peut de plus être considérée comme exceptionnelle au sens de la jurisprudence. En effet, alors qu’elle s’y trouve depuis bientôt deux ans, elle n’a pas même cherché un emploi pour subvenir à ses besoins et à ceux de son fils. Si son souhait est d’obtenir des équivalences de ses titres universitaires indiens, force est de relever que ce n’est qu’en mai 2023, soit un mois et demi après le jugement du TAPI, qu’elle a commencé des cours de français A1. C’est dire qu’elle ne possède pas des rudiments de français et qu’elle n’a entrepris aucune démarche pour participer à la vie économique. Si elle n'a pas de poursuites pour dettes et n'est pas à l'assistance publique, c’est en raison de l’aide que lui procurent son père et son frère, sous la forme notamment d’un logement chez ses parents. Quand bien même elle est la mère d’un enfant en bas âge, telle est la situation de nombreuses mères en Suisse qui ce nonobstant subviennent à leurs besoins par la prise d’un emploi, fût-ce à temps partiel. À cet égard, la recourante se prévaut de l’aide matérielle que lui apporte sa famille en Suisse mais ne donne aucune indication sur la possibilité, par exemple pour sa mère, de garder son petit-fils. Enfin, la recourante n'apparaît pas impliquée à un titre quelconque dans la société civile. Les relations d’amitié que la recourante dit avoir nouées depuis son arrivée à Genève ne vont pas au-delà de celles de travail, d'amitié ou de voisinage qui ne constituent normalement pas, selon la jurisprudence, des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception et qu’il ne pourrait être exigé de sa part qu’elle les poursuive, de retour dans son pays d’origine, par le biais des moyens de télécommunication modernes.

Ainsi, son intégration en Suisse ne peut être qualifiée de bonne ni a fortiori d’exceptionnelle.

Il n'apparaît pas non plus qu'une réintégration dans son pays d'origine, qu'elle a quitté à l’âge de 25 ans et dont elle parle à tout le moins l’une des langues, serait gravement compromise. Comme justement retenu par le TAPI, sans qu’il ne soit besoin d’aller analyser la situation de chacune des provinces de l’Inde pour déterminer si elles offriraient les conditions de vie souhaitée à la recourante, rien n’empêche cette dernière d’aller s’installer dans une partie de son vaste pays d’origine éloignée de sa belle-famille dont elle dit qu’elle a eu à souffrir de pressions psychologiques et des violences physiques. Il sera relevé qu’elle y a vécu apparemment seule, à tout le moins alors qu’elle effectuait des études universitaires, de sorte qu’après un temps de réadaptation, certes « où tout serait à refaire » pour reprendre ses termes, elle serait à même de reprendre le cours de sa vie et y nouer de nouvelles relations, pour le cas où ses amies de l’université ne seraient pas installées à proximité de son lieu de vie. Comme encore retenu à juste titre par le TAPI, la recourante n’indique pas ce qui empêcherait son père et son frère de lui amener l’aide financière promise en Suisse à hauteur de CHF 2'000.- par mois pour faciliter son intégration, le temps qu’elle trouve un emploi. Au demeurant, le fait que les conditions de vie y soient moins avantageuses qu'en Suisse ne constitue pas non plus une raison personnelle majeure au sens de la jurisprudence.

La procédure de divorce en Inde est l’un des aléas que rencontrent nombre de personnes au cours de leur vie d’adulte et le fait que son époux s’opposerait au divorce ou en tous les cas ralentirait la procédure ne suffit pas pour retenir qu’un retour en Inde serait gravement compromis. Enfin, sans vouloir minimiser les pressions, voir les violences physiques que la recourante dit avoir subies de la part de son époux, aux EAU, où elle n’est pas censée retourner, ou de la part de sa belle-famille, en Inde, elles ne sont nullement étayées, étant relevé que la recourante n’a pas produit de documents attestant d’un suivi psychologique dont elle bénéficierait depuis récemment. Le caractère récent de telles consultations, alors qu’elle se trouve à Genève depuis bientôt deux ans, interpelle d’ailleurs sur la nécessité d’un suivi en lien avec les violences conjugales alléguées.

Pour le surplus, le raisonnement fouillé du TAPI sur la problématique des violences alléguées doit être confirmé. Les courriers de l’avocat indien de la recourante ne sont en effet pas suffisants pour les démontrer, puisqu’ils ne font que rapporter les propos de la recourante. Il en est de même du rapport établi par l’Himaya Foundation, association d’aide aux enfants, dont il ressort que les époux vivaient certes un rapport conflictuel, que l’époux désirait entamer une procédure de séparation, que la recourante avait vécu des tensions avec sa belle-famille, mais également qu’elle aurait une maison familiale en Inde (aux dires de son époux). En revanche, il n’en ressort pas que la recourante avait effectivement subi de graves pressions psychologiques ou des atteintes à son intégrité corporelle. Dans ces circonstances, l’état du dossier ne suffit pas pour retenir un risque de subir des représailles de son époux et/ou des membres de sa belle-famille en cas de retour en Inde. L’allégation que les autorités indiennes ne seraient pas en mesure d’assurer la protection de la recourante et celle de son fils, en raison de la corruption et de sa position de femme ne suffit pas à démontrer qu’elle ne pourrait pas obtenir l’aide requise nécessaire.

Enfin, comme encore retenu à juste titre par le TAPI, son fils, désormais âgé de près de 3 ans, n’a pas encore pu développer une quelconque forme d’intégration à Genève, où il vit depuis une courte durée et n’a pas encore été scolarisé. Un départ avec sa mère en Inde ne constituera pas un véritable déracinement pour lui.

Les recourants ne présentent donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI.

Sous l’angle de la protection de la vie privée consacrée à l’art. 8 CEDH, la recourante est âgée de bientôt 30 ans et en bonne santé. L’aide matérielle et financière qu’elle reçoit actuellement de son père et de son frère ne saurait justifier l’application de cette disposition. En outre, son bref séjour en Suisse, sans autorisation et alors que ne peut être retenue une forte intégration en Suisse ont pour conséquence qu’elle ne peut pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour y demeurer.

Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur des recourants, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à leurs demandes d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

5.             5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

5.2 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.3 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

5.4 En l'espèce, les craintes évoquées par la recourante, qui n'établit pas comme déjà relevé l'existence d'une mise en danger concrète en cas de renvoi en Inde, ne suffisent pas à retenir qu'elle serait exposée à un traitement inhumain ou à une situation de violence généralisée au sens de l'art. 83 al. 3 et 4 LEI. Elle ne démontre pas qu’il ne lui serait pas possible d’en limiter la portée en s’installant dans une région autre que celle où vit sa belle-famille. Elle ne soutient pas par ailleurs que le pays serait en guerre ou en proie à de graves troubles intérieurs, ni qu’elle-même serait affectée dans sa santé physique ou psychique au point que l’exécution de son renvoi serait impossible.

Il n'est ensuite pas démontré que la recourante aurait requis l'aide des autorités locales pour assurer sa protection et celle de son fils, ni a fortiori qu'on la leur aurait refusée.

C'est par conséquent à bon droit que l'autorité intimée a prononcé le renvoi de la recourante et de son fils et ordonné son exécution.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ et son fils mineur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier FAIVRE, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.