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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2369/2023

ATA/812/2023 du 04.08.2023 sur JTAPI/803/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2369/2023-MC ATA/812/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2023

en section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Alexandre BÖHLER, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juillet 2023 (JTAPI/803/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1977, ressortissant algérien, réside en Suisse depuis 2004 environ, sans titre de séjour.

b. Il a fait l'objet de plus de quinze condamnations pénales depuis le 1er décembre 2008, représentant plus de 45 mois de privation de liberté, principalement pour des infractions contre le patrimoine, dont des vols et tentatives de vol.

c. Par décision du 26 janvier 2010, définitive et exécutoire, l'office cantonal de la population, devenu depuis lors l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), a prononcé le renvoi de A______.

d. Le 4 décembre 2014, A______, s'est vu notifier une interdiction d'entrée en Suisse valable du 7 novembre 2014 au 6 novembre 2024.

B. a. Il a fait l'objet d'une première mise en détention administrative le 4 août 2015.

b. Le 2 mars 2016, sa remise en liberté immédiate avait été prononcée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), l'exécution du renvoi devenant trop aléatoire pour justifier son maintien en détention administrative.

Pendant sa détention, les conditions de celle-ci avaient été régulièrement vérifiées par les autorités judiciaires (ATA/1377/2015 du 21 décembre 2015 ; ATA/1173/2015 du 30 octobre 2015; ATA/881/2015 du 28 août 2015).

c. Le 3 juillet 2017, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a informé l'OCPM que A______ avait été reconnu par l'ambassade de la République d'Algérie à Berne en date du 20 juin 2017 et que celle-ci était disposée à délivrer un laissez-passer.

d. Lors de son audition par la police le 8 octobre 2017 dans le cadre d'une procédure pénale, A______ a déclaré consommer quotidiennement de l'héroïne, ainsi que de la cocaïne, du haschich et de la marijuana. Il prenait également du Dormicum, de la méthadone et du Rivotril. Il avait une tante qui vivait à Genève, une autre qui vivait à Lausanne et une fille à Zurich dont il ne s'occupait pas. Il voulait quitter la Suisse pour se rendre en Espagne ou en Italie. N'ayant aucun domicile, il dormait dans les rues genevoises. Il était démuni de moyens de subsistance et n'était pas en mesure de payer les frais de son rapatriement. Il ne souhaitait pas obtenir les coordonnées d'un organisme d'aide au retour et à la réinsertion qui pourrait l'accompagner dans ses démarches visant à son retour dans son pays d'origine. Il a refusé de prendre l'engagement de contacter son ambassade afin de rendre possible son retour en Algérie.

C. a. A______ a fait l'objet d'une seconde mise en détention administrative le 21 mars 2019. Le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois, fondé sur les art. 76 al. l let. b ch. l de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b et let. h LEI.

b. Par jugement du 25 mars 2019, le TAPI a confirmé cet ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 21 juillet 2019.

c. Ledit jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) du 16 avril 2019.

d. Le 20 juin 2019, le consulat général d'Algérie à Genève a émis un laissez-passer, valable un jour, devant permettre le retour en Algérie de A______ le 24 juin 2019, date à laquelle une place sur un vol pour Alger était réservée.

e. Le 24 juin 2019, A______ a fait échouer son embarquement à bord de l'avion qui devait le reconduire, sous escorte policière (vol DEPA), dans son pays d'origine. Sur le formulaire relatif à l'événement, la police a indiqué : « Une fois dans l'avion celui-ci menace les passagers et mentionne qu'il a une bombe sur lui et qu'il veut la faire exploser en vol, selon le maître de cabine. Le représentant AH refuse le DEPA ».

f. Le 8 juillet 2019, A______ a fait échouer son embarquement à bord de l'avion qui devait le reconduire – encore une fois sous escorte policière (vol DEPA) – en Algérie. La fiche de renseignements rédigée par la police à l'intention de l'OCPM mentionnait qu'au moment de la descente du fourgon de la Police internationale, A______ s'était violemment jeté contre la barrière de l'échelle arrière de l'avion, sans se blesser, mais avait dû être porté et placé sur son siège. Une fois à bord, il s'était mis à vociférer et à faire un scandale en insultant le personnel de bord ainsi que tous les passagers. Il avait également commencé à cracher sur les agents d'escorte ainsi qu'à être très violent, sur quoi le commandant de bord avait ordonné son débarquement.

g. Le 12 juillet 2019, A______ a été libéré de sa détention administrative par l'OCPM au motif que son renvoi n'apparaissait plus suffisamment prévisible, son maintien en détention administrative étant susceptible de violer le principe de proportionnalité.

D. a. Le 25 février 2020, A______ a été placé en détention administrative en application de l'art. 76 al. al. 1 let. b ch. 1 LEI pour une durée de six semaines.

b. Par jugement du 27 février 2020, le TAPI a confirmé cet ordre de détention administrative, estimant toutefois estimé que l'intéressé devait être détenu sur la base de l'art. 78 LEI (détention pour insoumission) et non sur celle de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

c. Le vol avec escorte policière (DEPA) prévu le 16 mars 2020 a été annulé à la demande du chef de la Brigade migration et retour de la police en raison de l'épidémie de Covid-19.

d. Par jugement du 24 mars 2020, le TAPI a prononcé la mise en liberté immédiate de A______, estimant que la suspension des vols vers l'Algérie liée à la pandémie de Covid-19 rendait l'exécution du renvoi de l'intéressé imprévisible, même s'il devait manifester subitement sa volonté d'y retourner.

E. a. Le 18 mars 2022, A______ a été écroué à la prison de Champ-Dollon.

b. Le 11 mai 2022, le Tribunal de police a ordonné l'expulsion judiciaire de Suisse de A______ pour une durée de trois ans, conformément à l'art. 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

c. Le 13 mai 2022, le SEM a informé la Brigade migration et retour que l'intéressé pouvait être renvoyé de Suisse à la fin de sa détention pénale. Il appartenait au canton de Genève de faire la réservation de vol.

d. Le 16 février 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé la libération conditionnelle de A______, retenant notamment que le précité n'avait pas su tirer profit des premières condamnations prononcées avec sursis, et que les courtes peines privatives de libertés successives prononcées à son encontre ne l'avaient pas dissuadé de récidiver.

Sa situation personnelle demeurait inchangée et l'on ne percevait aucun effort de sa part pour la modifier, étant rappelé qu'il faisait l'objet d'une expulsion non obligatoire du territoire suisse d'une durée de 3 ans. Aucun projet concret et étayé n'était présenté, de sorte qu'il se retrouverait à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir en situation illégale en Suisse, sans travail ni logement. Il n'avait aucune garantie de pouvoir séjourner légalement en Hollande ou en Belgique, où il disait vouloir se rendre à sa sortie.

e. La fin de peine, initialement prévue le 25 janvier 2024, a été modifiée par ordre d'exécution du 15 juin 2023 au 26 décembre 2023, puis par ordre d'exécution du 12 juillet 2023 au 17 juillet 2023.

f. Le 14 juillet 2023, les services de police ont requis auprès de swissREPAT la réservation d'un billet d'avion, avec accompagnement policier, en faveur de A______ pour l'Algérie.

g. Le 17 juillet 2023, à sa libération de détention pénale, A______ a été remis aux services de police.

F. a. Le 17 juillet 2023 à 14h30, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de A______ pour une durée d'un mois sur la base de l'art. 78 al. 1 LEI. Il y est indiqué qu'au « 25 février 2020 », la durée de détention administrative cumulée (détention en vue du renvoi et pour insoumission) s'élevait à 355 jours et que les circonstances nouvelles (nouvelles condamnations pénales, expulsion ordonnée par le Tribunal de police le 11 mai 2022 et restrictions au trafic aérien liées à la pandémie de Covid-19 désormais levées) permettaient l'incarcération de l'intéressé pour la quatrième fois.

Au commissaire de police, A______ a déclaré qu'il n'entendait toujours pas retourner en Algérie et qu'il n'était pas en très bonne santé.

Cet acte a été soumis le même jour au TAPI en vue du contrôle de sa légalité.

b. Lors de l'audience qui s'est tenue le 20 juillet 2023 par-devant le TAPI, A______ a indiqué qu'il refuserait de prendre le vol qui serait prévu pour un retour en Algérie. Il aimait la Suisse et n'avait plus d’attaches en Algérie. Il était suivi par des médecins au centre de détention et devait subir une opération prévue le 22 juin 2023, mais qui avait été annulée. Il avait bientôt un rendez-vous aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) mais n’avait pas de convocation.

La représentante du commissaire de police a indiqué que vu qu’il s’agissait d’un cas médical, la police avait entrepris les démarches pour qu’une évaluation médicale soit effectuée par la société OSEARA. Ensuite de quoi, ils demanderaient l’obtention d’un laissez-passer par les autorités algériennes au moment où la date du vol serait connue. L’évaluation médicale devait dater d’un mois, c’était pour cela que la réservation de vol mentionnait qu’il s’agissait d’un cas médical. Le vol prévu aurait certainement lieu avec escorte médicale. L’ordre de mise en détention contenait une erreur de plume en page 10 : il convenait de lire au « 17 juillet 2023 » au lieu de « 25 février 2020 ».

Le conseil de A______ a conclu à ce que le TAPI constate que son renvoi était impossible et à sa libération immédiate, subsidiairement à ce qu’il soit examiné par un médecin immédiatement ainsi que lors du vol.

c. Par jugement du 20 juillet 2023, le TAPI a confirmé la mise en détention administrative de A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 16 août 2023.

A______ était présent illégalement en Suisse depuis près de 20 ans. Il faisait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire depuis 2010 et de deux expulsions judiciaires, entrées en force, lesquelles n'avaient toujours pas été exécutées. Il avait depuis lors fait tout ce qui était en son pouvoir pour se soustraire à son obligation de quitter la Suisse, y compris en s'opposant verbalement et physiquement aux deux tentatives de renvoi ayant eu lieu les 24 juin et 8 juillet 2019 et continuant à affirmer ne pas être d'accord de retourner en Algérie. Une détention dans ces circonstances ne pouvait donc se fonder que sur l'art. 78 LEI, étant rappelé que les vols spéciaux à destination de l'Algérie n'existaient pas et que la collaboration de l'intéressé était indispensable à son renvoi.

Son retour en Tunisie (sic) était en soi possible (et pourrait être effectué très rapidement), puisque les autorités de ce pays l'avaient reconnu comme étant l'un de leurs ressortissants. Ces circonstances constituaient typiquement celles qui autorisaient une mise en détention pour insoumission au sens de l’art. 78 LEI. Aucune des situations visées par l'art. 78 al. 6 LEI n'était réalisée. L'intérêt public à son renvoi de Suisse continuait de justifier sa privation de liberté et aucune autre mesure moins incisive n'était envisageable pour l'amener à modifier son comportement. Enfin, il pourrait lui-même décider qu'il y soit mis un terme en acceptant de retourner en Algérie. La mesure litigieuse était aussi conforme au principe de célérité, l'autorité compétente ayant entrepris les démarches utiles pour assurer l'exécution de son expulsion.

Les problèmes de santé invoqués par A______ seraient examinés par l'OSEARA, étant pour le surplus relevé que la représentante du commissaire de police avait exposé qu'un accompagnement médical serait probablement prévu pendant la durée du voyage. Il n'était pas établi que A______ ne pourrait pas recevoir les soins dont il avait besoin une fois de retour dans son pays.

La période de détention d'un mois décidée par le commissaire de police respectait en outre le cadre légal fixé par l'art. 78 al. 2 1ère phr. LEI, et la durée totale de la détention – soit 18 mois – prévue par la loi n'était pas atteinte.

G. a. Par acte posté le 28 juillet 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à une mise en liberté immédiate.

Le jugement attaqué violait l'art. 80 al. 6 LEI. Il était gravement malade. Ses diverses pathologies physiques et psychiques nécessitaient un traitement médical continu et un contrôle accru. Il n'était pas correctement soigné dans les établissements de détention au sein desquels il était détenu depuis près d'un an. Le commissaire de police reconnaissait qu'il s'agissait d'un « cas médical ». Sans examen récent de son état de santé, il était impossible de déterminer s'il était en état de voyager en avion et s'il pourrait recevoir les soins nécessaires en Algérie.

Son renvoi était impossible au vu de son état de santé mentale. La prise en charge de tels problèmes en Algérie était plus qu'insuffisante, l'organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS) indiquant que l'offre de soins en la matière y était inférieure aux standards internationaux. Le TAPI n'avait pas suffisamment pris en compte le risque auquel il s'exposait s'il ne pouvait suivre de manière continue ses différents traitements médicaux.

Son renvoi était aussi impossible en raison de son état de santé physique. Il avait souffert d'ulcère gastrique perforé en 2012, de crises d'épilepsie avec crise convulsive en mai 2019, et souffrait toujours d'hépatite C active, de gonarthrose droite et de polytoxicomanie. Il ne pourrait plus suivre ses traitements médicamenteux dans son pays d'origine. De plus, il y avait dans ses poumons une « grosseur » qui était susceptible, selon les médecins, de se propager jusqu'au cœur et « d'exploser ».

Sa mise en détention administrative avait été prononcée alors même que son état de santé n'était pas établi, qu'un laissez-passer n'avait pas encore été demandé aux autorités algériennes et que la police n'avait même pas la certitude qu'un vol de ligne fût disponible.

Il ressortait enfin du dossier qu'il était plus probable qu'il fût d'origine tunisienne qu'algérienne. Il avait à plusieurs reprises dit être né en Tunisie et y avoir suivi sa scolarité et sa formation. Le TAPI mentionnait également un retour en Tunisie, peut-être par erreur, mais n'établissait pas quelle était son origine.

b. Le 31 juillet 2023, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

L'exécution du renvoi restait juridiquement et matériellement possible. Il joignait le certificat d'OSEARA du 20 juillet 2023, qui faisait état des pathologies présentées par le recourant et des médicaments que celui-ci prenait, et qui concluait qu'il n'y avait pas de contrindication à ce qu'il soit refoulé par la voie aérienne, tout en recommandant un accompagnement médical. Il joignait également le laissez-passer délivré par le consulat d'Algérie le 27 juillet 2023, pour un jour (déjà fixé mais caviardé). Le document mentionnait que le recourant était né le 3 septembre 1977 à Annaba.

c. Le 2 août 2023, le recourant a indiqué renoncer à répliquer et persister dans ses conclusions.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 31 juillet 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Sans conclure expressément à ce que la chambre de céans ordonne une expertise, le recourant se plaint de ce que son état médical n'ait pas été établi.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, une partie des pathologies du recourant, comme son hépatite C ou sa polytoxicomanie, de même que son traitement médicamenteux actuel, sont établis. D'autres aspects de sa condition médicale ne le sont en revanche pas, à l'instar de la « grosseur » dans ses poumons. Le recourant n'allègue cependant pas avoir demandé un examen par le service médical de l'établissement où il est détenu, alors même qu'il entend déduire un droit d'être libéré immédiatement en lien avec son état de santé et que l'établissement d'une expertise est a priori incompatible avec le délai légal de dix jours fixé à la chambre de céans pour statuer.

De plus, le recourant a été examiné par un médecin d'OSEARA, qui a établi un certificat selon lequel il était apte à voyager en avion. Il n'y a dès lors pas lieu d'ordonner une expertise médicale.

4.             Le recourant ne conteste pas que les conditions d'une mise en détention administrative soient remplies.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale et respecte le principe de la proportionnalité.

4.2 Selon l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l'objectif visé.

En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937
(CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer ou si son comportement permet de conclure qu'elle refuse d'obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI), mettre en détention la personne concernée, notamment si elle a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI). Les chiffres 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du
30 mars 2009 consid. 3.1). Les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi, de l’expulsion au sens de la LEI ou du CP doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI).

4.3 Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 et la jurisprudence citée). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays. La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; ATA/1053/2016 du 14 décembre 2016).

4.4 La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEI). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/1053/2016 précité).

Aux termes de l'art. 79 al. 1 et al. 2 let. a LEI, si la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente, la durée maximale de la détention, qui comprend notamment la détention en vue du renvoi et la détention pour insoumission, ne peut excéder au total dix-huit mois.

4.5 En l’espèce, les conditions d'une mise en détention pour insoumission au sens de l'art. 78 LEI sont remplies.

Le recourant fait l'objet d'une décision de renvoi exécutoire depuis 2010 et de deux expulsions judiciaires, entrées en force, lesquelles n'ont toujours pas été exécutées. Comme relevé à juste titre par le TAPI, il a depuis lors fait tout ce qui était en son pouvoir pour se soustraire à son obligation de quitter la Suisse, y compris en s'opposant verbalement et physiquement aux deux tentatives de renvoi qui ont eu lieu les 24 juin et 8 juillet 2019. Il continue à affirmer qu'il n'est pas d'accord de retourner en Algérie, et soutient désormais être ressortissant tunisien. Dès lors, si la décision d'expulsion ne peut être exécutée, c'est en raison du seul comportement du recourant, qui persiste à ne pas vouloir se soumettre aux différentes décisions ordonnant son renvoi, étant précisé qu'un départ de Suisse serait possible s'il collaborait.

Les conditions d'une détention en vue de renvoi au sens de l'art. 76 LEI ne sont par ailleurs plus remplies, dès lors que les modalités de renvoi usuelles ont toutes été utilisées ; seul un vol spécial serait envisageable, mais l'Algérie n'accepte pas l'organisation de tels vols pour rapatrier ses ressortissants. Un renvoi n'est donc possible qu'avec le concours du recourant.

Enfin, il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes que la détention au vu de l'opposition manifestée à plusieurs reprises par le recourant à regagner son pays d'origine.

Quant à la prétendue origine incertaine du recourant, l'argument ne saurait convaincre. La référence du TAPI à un retour en Tunisie est à l'évidence une erreur de plume, qui a du reste été corrigée depuis. Le recourant a été reconnu comme Algérien par les autorités algériennes, qui ont visiblement trace de lui puisque sa date et son lieu de naissance (en Algérie) sont mentionnés dans le laissez-passer.

5.             Le recourant soutient que l'exécution de son renvoi est impossible, notamment au vu de son état de santé tant physique que psychique.

5.1 Le juge de la détention administrative doit en principe seulement s'assurer qu'une décision de renvoi existe, sans avoir à vérifier la légalité de cette dernière. Ce n'est que lorsque la décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, que le juge de la détention peut, voire doit, refuser ou mettre fin à la détention administrative (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1177/2013 du 17 janvier 2014 consid. 2.2).

5.2 L’art. 80 al. 6 let. a LEI prévoit que la détention est levée lorsque le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

5.3 Selon l’art. 80 al. 4 LEI, lorsqu’elle examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l’autorité judiciaire tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d’exécution de la détention.

5.4 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.5 L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutées, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (ATAF 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F-1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

5.6 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion d'un malade physique ou mental est exceptionnellement susceptible de soulever une question sous l'angle de l'art. 3 CEDH si la maladie atteint un certain degré de gravité et qu'il est suffisamment établi que, en cas de renvoi vers l'État d'origine, la personne malade court un risque sérieux et concret d'être soumise à un traitement interdit par cette disposition (ACEDH N. c. Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. n° 26565/05, § 29 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_3/2021 du 14 avril 2021 consid. 4.2). C'est notamment le cas si sa vie est en danger et que l'État vers lequel elle doit être expulsée n'offre pas de soins médicaux suffisants et qu'aucun membre de sa famille ne peut subvenir à ses besoins vitaux les plus élémentaires (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42; ATF 137 II 305 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_14/2018 du 13 août 2018 consid. 4.1; 2C_1130/2013 du 23 janvier 2015 consid. 3).

Le renvoi d'un étranger malade vers un pays où les moyens de traiter sa maladie sont inférieurs à ceux disponibles dans l'État contractant reste compatible avec l'art. 3 CEDH, sauf dans des cas très exceptionnels, en présence de considérations humanitaires impérieuses (ACEDH N. c. Royaume-Uni précité § 42 ; Emre c. Suisse du 22 mai 2008, req. n° 42034/04, § 89). Dans un arrêt du 13 décembre 2016 (ACEDH Paposhvili c. Belgique, req. n° 41738/10, § 173 ss, not. 183), la Grande Chambre de la CourEDH a clarifié son approche en rapport avec l'éloignement de personnes gravement malades et a précisé qu'à côté des situations de décès imminent, il fallait entendre par « autres cas très exceptionnels » pouvant soulever un problème au regard de l'art. 3 CEDH les cas d'éloignement d'une personne gravement malade dans lesquels il y a des motifs sérieux de croire que cette personne, bien que ne courant pas de risque imminent de mourir, ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans le pays de destination ou de défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie ; ces cas correspondent à un seuil élevé pour l'application de l'art. 3 CEDH dans les affaires relatives à l'éloignement des étrangers gravement malades. La CourEDH a aussi fixé diverses obligations procédurales dans ce cadre (ACEDH Savran c. Danemark du 7 décembre 2021, req. n° 57467/15, § 130).

5.7 En l'espèce, la recourante n'allègue matériellement aucun motif d'impossibilité du renvoi ; seul est ainsi en jeu le caractère exigible de l'exécution du renvoi.

Comme déjà indiqué, le recourant n'allègue cependant pas avoir demandé un examen par le service médical de l'établissement où il est détenu, et ne donne aucune précision sur la « grosseur » qui serait présente dans ses poumons, alors même qu'il suggère avoir été examiné par un voire plusieurs médecins à ce sujet.

En l'état du dossier, on ne peut considérer que ses différentes pathologies atteignent le seuil de gravité correspondant à la jurisprudence européenne précitée. De surcroît, le recourant – qui met en doute de manière toute générale le système de santé de son pays d'origine – a été examiné par un médecin d'OSEARA qui l'estime apte à prendre l'avion. Au vu de ces différentes circonstances, il n'y a pas lieu d'admettre que l'exécution de son renvoi serait inexigible.

Aucune autre composante du principe de la proportionnalité n'est mise en cause par le recourant. À cet égard, les autorités suisses ont fait preuve de la célérité voulue, ayant à ce jour réservé un vol et obtenu un laissez-passer des autorités algériennes, si bien que seule l'opposition du recourant est susceptible de faire échec à l'exécution de son renvoi. La durée de la mise en détention, d'une durée d'un mois, est conforme à l'art. 78 al. 2 LEI, et la durée totale de la détention administrative n'est pas encore atteinte.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 juillet 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 juillet 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alexandre BÖHLER, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement de Favra, pour information.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :