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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3817/2022

ATA/775/2023 du 18.07.2023 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 14.02.2024, REJETE, 2C_506/2023, T 55/21
Descripteurs : VÉTÉRINAIRE;PROFESSION SANITAIRE;ANIMAL;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;CONSULTATION DU DOSSIER;DOCUMENT INTERNE;COMPOSITION DE L'AUTORITÉ;PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL;DEVOIR PROFESSIONNEL;DOSSIER MÉDICAL;DROIT DISCIPLINAIRE;MESURE DISCIPLINAIRE;SANCTION ADMINISTRATIVE;INTERDICTION D'EXERCER UNE PROFESSION;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al1; Cst.29.al2; LPA.15.al1; LPA.41; LPA.42.al4; LPA.44.al1; LPMéd.1.al3; LPMéd.2.al1.lete; LPMéd.40; LPMéd.43; LPMéd.46; LS.73.al1; LS.85.al3
Résumé : Recours déposé par une vétérinaire contre une décision de retrait de son autorisation de pratiquer pour une durée de trois mois et lui infligeant une amende de CHF 500.-. L’autorité a prononcé cette décision à la suite de six procédures ouvertes successivement contre la recourante pour des manquements dans l’exercice de sa profession, pratique conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. La recourante exerçant dans son propre cabinet une profession médicale universitaire sous propre responsabilité professionnelle, le cas est jugé à l’aune du droit fédéral. Les manquements reprochés étant graves et les principes constitutionnels applicables en matière de mesures disciplinaires respectés, le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3817/2022-PROF ATA/775/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Grégoire REY, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SANTÉ ET DES MOBILITÉS intimé



EN FAIT

A. a. A______, née en 1962, a été autorisée à exercer la profession de vétérinaire le 10 mars 2011. Elle est la fondatrice et directrice du centre vétérinaire B______ (ci-après : le cabinet).

B. a. La commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) a ouvert plusieurs procédures disciplinaires à l’encontre de la vétérinaire. Les instructions ont été confiées à la sous-commission 7, devenue depuis lors la sous-commission 6 (ci-après : la sous-commission).

b. La première procédure a été ouverte le 8 décembre 2017 sous le n° 3______.

Le 7 novembre 2017, C______ et D______ E______ ont dénoncé la vétérinaire auprès de la commission pour les faits suivants. Le 4 novembre 2017, ils avaient remarqué que leur cochon d’Inde du nom de F______ mangeait moins qu’à l’accoutumée. Leur vétérinaire habituel étant en congé le samedi, ils s’étaient rendus au cabinet malgré le fait que le cas de leur animal n’était pas d’une urgence absolue. Lors de leur arrivée au cabinet, le cochon d’Inde avait été réceptionné avec la plus grande froideur. La vétérinaire l’avait examiné et avait affirmé qu’il était ballonné en raison vraisemblablement de la consommation de légumes contenant des traces de pesticides. Elle avait ensuite souhaité regarder la bouche de l’animal en forçant l’ouverture plusieurs fois, en insistant. L’animal hurlait, suffoquait de sorte qu’ils avaient demandé d’arrêter de le stresser. La vétérinaire, qui serrait trop fort la gorge de F______, avait poursuivi son examen n’arrivant pas à voir dans la bouche de l’animal. D______ E______ avait saisi ce dernier pour le calmer. À la suite de cela, la vétérinaire s’était rendue dans une pièce annexe afin de continuer l’examen, avec une assistante. Un mauvais sentiment l’ayant envahi, C______ E______ avait rejoint la salle où se trouvait F______. Lorsqu’il avait ouvert la porte celui-ci recevait un massage cardiaque. D______ E______ avait alors demandé si l’animal était mort. L’assistante avait répondu par un simple et très détaché « oui ». La vétérinaire n’avait formulé aucune excuse et n’avait montré aucune compassion. Elle avait changé de salle, rouge de honte, les laissant face à leur « ami mort ». L’assistante leur avait suggéré de faire l’acquisition d’un autre cochon d’Inde en indiquant « On en a d’autres, combien en voulez-vous ? ». Après avoir payé CHF 90.-, ils étaient repartis avec l’animal mort. Ils n’avaient pu que constater un manque d’attention envers leur animal. Ils n’acceptaient pas le manque d’humanité de la Dre A______ ainsi que son comportement après cet incident. Ils savaient que leur compagnon était parti dans l’angoisse et la douleur.

b.a. La vétérinaire a produit ses observations le 7 janvier 2018. À cette occasion, elle a versé à la procédure la réponse qu’elle avait adressée le 7 novembre 2017 à la suite de la parution sur « Facebook » d’un message rédigé par la fille du couple E______ mettant en cause la qualité des soins reçus par F______. Ce message avait ensuite été supprimé, la fille des époux E______ indiquant vouloir « en rester là ».

b.b. Le 31 juillet 2018, la sous-commission a invité la vétérinaire à lui fournir des explications quant à la prise en charge de F______ et une copie de son dossier. Il ne ressort pas du dossier que, malgré deux relances, elle aurait donné suite aux demandes de la sous-commission.

b.c. Le 14 janvier 2020, la commission a informé la vétérinaire que l’instruction de la cause était close depuis le 19 septembre 2019. La sous-commission devait remettre ses conclusions, sous la forme d’un projet de décision, à la commission plénière. Elle a indiqué joindre à son courrier la composition de la sous-commission qui avait été renouvelée en décembre 2018. Elle attirait l’attention de la vétérinaire sur le fait que le greffe de la commission avait fonctionné en effectifs réduits pendant un certain temps, de sorte que la rédaction des décisions avait pris du retard. Compte tenu des autres procédures qui ont été par la suite ouvertes à l’encontre de la vétérinaire, celle-ci a été informée, le 3 mars 2021, que la sous-commission avait réouvert la présente procédure afin de traiter l’ensemble des affaires en parallèle.

b.d. L’audition de la vétérinaire a été fixée au 22 juin 2021. Dans la perspective de cette audition, elle a fait parvenir à la commission un courrier daté du 11 juin 2021 valant pour les autres procédures. Elle y mettait notamment en évidence que depuis l’ouverture du cabinet en octobre 2017, les quatre plaintes dont elle faisait l’objet alors ne représentaient que le 0,0004% des 8'359 clients reçus et 21'515 consultations réalisées.

Il ressort de son audition qu’à son arrivée au cabinet en urgence, le cochon d’Inde était dans un très mauvais état général et qu’il présentait un gonflement. L’animal était prostré, en décubitus et ses conjonctives étaient légèrement bleues. Elle l’avait pris en charge pour l’amener en salle préopératoire afin de lui donner des soins d’urgence. Elle voulait le stabiliser, le mettre sous oxygène puis regarder dans sa gueule, le gonflement pouvant s’expliquer par le fait que l’animal ne mangeait plus. Elle n’avait eu le temps de rien faire, l’animal étant décédé immédiatement alors qu’elle n’effectuait aucun acte sur lui. Elle avait essayé de le réanimer en prodiguant un massage cardiaque. L’état de choc avait été diagnostiqué devant les propriétaires, et il était décédé sur la table de consultation. Elle avait évoqué les diagnostics différentiels avec les propriétaires après le décès et les avait informés qu’elle souhaitait en examiner les dents. Les propriétaires de petits animaux réalisaient souvent trop tard la gravité de leur état qui se dégradait très vite. Elle n’avait rien pu faire, vu l’état de l’animal. Les choses avaient pris une ampleur exagérée après la parution du message « Facebook ».

À l’issue de l’audition, un délai au 6 juillet 2021 a été fixé à la vétérinaire pour qu’elle produise le dossier médical. La vétérinaire a répondu par courriel du 6 juillet 2021 qu’elle mettait tout en œuvre pour retrouver la fiche client de F______ dans ses archives. La date de réception du courriel du 6 juillet 2021 par la commission reste indécise, la vétérinaire l’ayant déposé au greffe de la commission le 30 juin 2022. Elle n’a toutefois pas versé le dossier médical de l’animal à la procédure.

b.e. Le 24 février 2022, la commission a informé la vétérinaire que la sous‑commission devait se réunir au mois de mars suivant. Le 23 mars 2022, la commission l’a informée que la sous-commission avait clos l’instruction de la cause lors de sa séance du 21 mars 2022. La Dre A______ a ensuite été informée, le 4 juillet 2022, que les conclusions prises par la sous-commission avaient été adoptées par la commission le 30 juin 2022 et qu’un préavis avait été adressé au département devenu depuis le département de la santé et des mobilités (ci-après : le département).

c. La deuxième procédure a été ouverte le 25 juin 2018 sous le n° 4______.

Le 25 novembre 2017 vers 12h15, une auxiliaire de fourrière auprès du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a consulté la Dre A______, vétérinaire de garde. Cette auxiliaire avait pris en charge une chienne jack russel probablement tombée d’un balcon ou d’une fenêtre. L’animal ne présentait pas de blessures apparentes hormis quelques éraflures au niveau des pattes et du menton et un saignement au niveau de la gueule. Il était conscient, en état de choc. La vétérinaire avait fait déposer la chienne sur la table d’auscultation puis était partie. La vétérinaire l’avait rapidement auscultée constatant que le cœur était bon mais la tension basse. Elle avait précisé qu’il était trop tôt pour dire si une hémorragie interne ou des fractures étaient à craindre. Elle avait ensuite posé une perfusion et indiqué qu’il fallait attendre 30 minutes pour la laisser agir. La vétérinaire n’avait pas administré d’antalgique expliquant que cela pourrait affecter les reins. Elle était une nouvelle fois repartie laissant l’auxiliaire seule avec la chienne, toujours sur la table et sans couverture. L’auxiliaire devant s’absenter, l’animal avait été mis dans un box. Avant de quitter les lieux, elle et la Dre A______ s’étaient rendues auprès de la chienne qui s’était emmêlée dans les tuyaux de sa perfusion. La vétérinaire avait alors tiré l’animal hors du box par le collier, ce qui avait semblé inadéquat vu son état. Vers 15h00, l’auxiliaire avait tenté d’obtenir par téléphone des nouvelles de l’animal. Une assistante du cabinet l’avait rappelée à 17h30 pour lui dire que la chienne respirait toujours, qu’elle allait mieux et qu’il fallait attendre « les résultats ». Les radiographies étaient sur le point d’être développées. L’auxiliaire, surprise que rien n’ait été entrepris depuis l’arrivée de la chienne en urgence, avait prévenu le vétérinaire cantonal qui avait à son tour pris contact avec le cabinet. La vétérinaire lui avait expliqué qu’une analyse de sang et des radiographies venaient d’être réalisées. Celles-ci ne montraient pas de fracture ni de signes de pneumothorax. Les résultats d’hématologie étaient dans la norme. La chienne semblait être toujours en état de choc. La vétérinaire avait expliqué qu'elle ne souhaitait pas entreprendre quoi que ce soit tant que l'animal était dans cet état. Comme sa température corporelle était descendue à 37°, une couverture chauffante avait été installée sous l'animal. À 19h00, la Dre A______ avait prévenu le vétérinaire cantonal que l’animal était mort.

c.a. Le 6 juin 2018, le vétérinaire cantonal a adressé à la commission une annonce de suspicion de mauvaises pratiques vétérinaires à l’encontre de la Dre A______. Il entendait dénoncer deux manquements, soit l'absence d’antalgie alors que l'anamnèse de chute était connue et l'absence de radiographies dès l'arrivée de l'animal au cabinet, lesquelles auraient permis de faire un premier choix thérapeutique, voire de procéder à une euthanasie afin d'éviter une attente et des soufS______s inutiles. Selon le rapport d'autopsie effectué par le SCAV du canton de Vaud et joint à la dénonciation, « l’animal présentait des lésions traumatiques de dentition cassée et d'éclatement/fissuration du foie associé à un hémoabdomen aigu et dont la sévérité est suffisante pour avoir entraîné sa mort. Diaphragme, rate, vessie et estomac intacts. Absence de fracture palpable ». Selon les résultats de la prise de sang effectuée sur l'animal a priori à 19h31, les valeurs étaient dans les normes hormis le dosage des réticulocytes qui était élevé, ce qui indiquait la présence d'une hémorragie. Dès lors qu’il était lui-même impliqué dans le dossier, le vétérinaire a annoncé qu’il se récusait en tant que membre de la commission pour la suite à donner à cette procédure.

c.b. Le 13 octobre 2018, la vétérinaire a adressé ses observations à la commission. L'appréciation de la situation faite par l'auxiliaire du SCAV était inappropriée, et la chienne avait été traitée de manière correcte et selon les bonnes pratiques. Elle avait déjà expliqué ne pas avoir souhaité administrer des antalgiques à l'animal pour des questions de sécurité, la viabilité de ses organes étant en danger. Enfin, avoir recours à l'euthanasie sans avoir obtenu au préalable l'accord du propriétaire de la chienne aurait constitué une faute grave.

c.c. Après un courrier du 17 septembre 2019 et deux relances de la commission, la vétérinaire lui a transmis, le 17 janvier 2020, un « historique détaillé » de la prise en charge de la chienne. Le 6 mars 2020, la commission a demandé la production des radiographies et le résultat des analyses de sang. Malgré deux relances, il ne ressort pas du dossier que la vétérinaire aurait produit ces pièces.

c.d. Le 22 janvier 2020, la commission a indiqué avoir transmis à la vétérinaire la composition de la commission. Elle l’a par ailleurs informée que le vétérinaire cantonal devant se récuser, la sous-commission serait assistée par le Dr G______. Le 11 juin 2021, la Dre A______ a fait savoir qu’elle ne souhaitait pas que ce dernier siège avec la sous-commission. En conséquence, la commission l’a informée, le 25 août 2021, que le Dr H______, vétérinaire à I______, le remplaçait.

d. La troisième procédure a été ouverte le 10 août 2020 sous le n° 1______.

Le 5 juin 2020 à 18h30, J______ avait téléphoné au cabinet pour décrire une douleur inhabituelle de son chat K______ vers l’arrière-train et un gonflement de la taille d’une noix à gauche de l’anus. Un rendez-vous avait été fixé pour le lendemain, la vétérinaire pensant à une constipation, mais, le chat continuant de souffrir, un nouveau rendez-vous avait finalement été fixé pour le soir même.

Le chat avait été pris en charge vers 21h00, après 30 minutes d’attente. La propriétaire de l’animal s’était proposée de le tenir elle-même tout au long de l’examen. La température corporelle était de 40°, une prise de sang – réussie mais très laborieuse – avait été effectuée mais le gonflement n’avait pas été contrôlé et aucun antidouleur ou anti-infectieux n’avait été injecté. À 22h30, une radiographie avait été effectuée pour vérifier le colon et l’abdomen, sans toutefois que le gonflement ne soit examiné. À 22h55, la vétérinaire lui avait annoncé avoir pris un second avis par téléphone qui confirmait l’obstruction des selles. Trois injections, dont un laxatif, avaient été administrées. La vétérinaire n’avait jamais demandé quand l’animal était allé à selles pour la dernière fois. La propriétaire n’avait reçu aucune réponse claire ni proposition de soin quant au gonflement. Le lendemain, la grosseur ayant pris de l’ampleur et le chat étant au plus mal, la propriétaire avait pris contact avec un autre vétérinaire. Ce dernier avait, dès la description faite au téléphone, évoqué un abcès de la glande anale gauche. K______ était depuis traité en conséquence. Le cabinet n’avait pas répondu aux deux courriers qu’elle avait envoyés à la Dre A______.

d.a. Trois délais successifs ont été octroyés à la vétérinaire pour faire valoir ses observations à la suite de l’annonce de l’ouverture de la procédure. Elle n’y a pas donné suite.

d.b. Entendue par la sous-commission le 22 juin 2021, la vétérinaire a déclaré que c’était la Dr L______ qui avait pris en charge l’animal avec l’aide d’une assistante médicale vétérinaire (ci-après : AMV) vu l’heure tardive. La Dre L______ avait effectué une prise de sang, une analyse hématologique et biochimique ainsi qu’une radiographie. Elle avait observé la présence d’un abcès des glandes anales, une constipation ainsi qu’un mégacôlon. Au vu de l’âge du chat, la Dre L______ avait opté pour un traitement conservateur (antibiotique et anti-inflammatoire) et prescrit un traitement à prendre au domicile. Elle approuvait ce traitement. Un contrôle avait été fixé à sept jours, sauf aggravation. En présence d’un mégacôlon chez un chat âgé, elle préconisait d’abord la prise d’un laxatif, une intervention sous anesthésie étant trop risquée. Elle pensait qu’il y avait eu un problème de communication avec la propriétaire et reconnaissait qu’elle aurait dû répondre à ses courriers. L’historique de la consultation prouvait qu’un antibiotique avait été prescrit.

À l’issue de l’audition, un délai au 6 juillet 2021 a été fixé à la vétérinaire pour qu’elle produise les radiographies, les résultats des bilans hématologique et biochimique ainsi qu’un article portant sur l’indication de l’antibiotique administré. La vétérinaire a répondu par courriel daté du 6 juillet 2021 – mais dont la date de réception par la commission reste indéterminée – et remis les résultats d’analyses, un article en allemand relatif à l’antibiotique et sa notice d’utilisation. Elle justifiait l’usage de cet antibiotique et expliquait que, ayant changé son système de radiologie, elle n’était pas en mesure de fournir les radiographies sollicitées.

e. La quatrième procédure a été ouverte le 18 novembre 2020 sous le n° 2______.

M______ a saisi la commission le 11 novembre 2020. Elle avait écrit à la vétérinaire pour se plaindre des faits suivants, mais celle-ci ne lui avait pas répondu. Le 19 septembre 2020, son fils s’était entretenu au téléphone avec une collaboratrice du cabinet. Sa chatte N______ avait fait un malaise. Il avait pensé à un AVC mais la collaboratrice avait expliqué qu’il s’agissait probablement plutôt d’une crise d’épilepsie et lui avait conseillé de venir faire une prise de sang. Ils s’étaient rendus au cabinet le 25 septembre 2020 à 10h30. Une collaboratrice avait ausculté l’animal mais avait dû s’y reprendre à plusieurs reprises car la pupille de l’œil droit ne revenait pas tout de suite à la normale. Elle avait pris N______ pour l’emmener dans une autre salle pour lui faire une prise de sang et lui couper les griffes. Mme M______ avait déploré que l’animal leur soit enlevé, pratique qu’elle n’avait jamais vu ailleurs. Au bout de 45 minutes, la collaboratrice leur avait annoncé que la chatte avait fait un AVC et qu’elle essayait de la réanimer. Elle avait précisé avoir dû téléphoner au vétérinaire pour avoir l’accord de passer de l’adrénaline. Il n’y avait donc pas de vétérinaire sur place. La chatte était décédée. L’acte de décès mentionnait un chien.

e.a. Le 15 décembre 2020, la Dre A______ a écrit à M______. Elle avait mené des entretiens avec les personnes présentes le 25 septembre 2020, et il apparaissait qu’aucune faute n’avait été commise. L’animal avait été pris en charge par la Dre L______. Le fait que cette dernière l’avait appelée pendant la consultation était en phase avec la pratique du cabinet. Le fait que la prise de sang se soit déroulée dans une autre salle répondait à des critères d’hygiène et de sécurité. En outre, la vue du sang pouvait impressionner les propriétaires et il était inconcevable de devoir les gérer pendant une intervention. La chatte était décédée alors qu’elle était entre les mains de professionnels. Pour marquer sa compassion, le cabinet avait pris à sa charge les frais de consultation et d’incinération.

e.b. Le 28 décembre 2020, la vétérinaire a produit des observations sous la forme d’un résumé de l’examen clinique auquel elle a joint une copie de son courrier précité. Le résumé indiquait que l’animal avait tremblé de la patte droite, qu’il s’était couché sur sa droite et qu’il n’arrivait plus à bouger, ceci pendant environ trois minutes. Il s’était ensuite remis à bouger sans présenter de troubles de la mobilité. L’examen clinique avait montré une température à 38.2°, des réflexes pupillaires présents et normaux ainsi qu’un pouls fémoral présent. Le résumé indiquait en outre : « Pas de sensation au niveau de la colonne vertébrale et des membres postérieurs » et la mention « Le chat est décédé subitement pendant la prise de sang ».

e.c. La sous-commission a obtenu du vétérinaire traitant le dossier médical de N______. Il n’y était pas fait mention d’un antécédent d’AVC. La Dre L______ a envoyé ses observations le 2 avril 2021. N______ était venue pour une consultation à la suite d’une crise survenue auparavant. L’animal avait l’air épuisé. Il s’était couché sur le côté et n’avait plus bougé. Ensuite, il avait adopté un comportement normal. L’examen clinique montrait un signe clinique d’AVC, de thromboembolie ou de crise épileptiforme. Avec l’accord du propriétaire, elle avait procédé à un examen sanguin complet pour orienter le diagnostic. L’animal avait été emmené dans la salle de prélèvement où il avait commencé à stresser. Elle avait coupé les griffes puis rasé la patte mais l’état de stress de la chatte s’était amplifié et présentait des signes cliniques de tremblements sur le côté droit, une hypersalivation ainsi qu’une incoordination oculaire et respiratoire buccale. L’animal avait été mis sous oxygène. Elle avait commencé à le réanimer, lui avait administré de l’adrénaline et fait un massage cardiaque. Il était néanmoins décédé, ce qu’elle avait annoncé au propriétaire et à sa mère qui étaient en état de choc. Elle leur avait ensuite expliqué qu’elle supposait que N______ avait été victime d’un accident vasculaire cérébral récurrent. La prise de sang avait été faite sans les propriétaires pour des raisons d’hygiène et de COVID ainsi qu’en raison du protocole suivi par le cabinet.

e.d. La Dre A______ a été entendue par la sous-commission le 22 juin 2021. Elle a confirmé que N______ avait été prise en charge par la Dre L______ qui travaillait seule avec une AMV, ce qui était souvent le cas. L’animal avait probablement fait un AVC une semaine auparavant. Les propriétaires n’étaient pas autorisés à pénétrer dans la salle préopératoire où avait été faite la prise de sang en raison du COVID. Indépendamment de cela, le fonctionnement du cabinet voulait que les propriétaires soient présents dans la salle de consultation mais que, sauf exception, les prises de sang ou autres actes soient effectués en leur absence. Certaines réactions de propriétaires l’avaient amenée à adopter cette pratique. 5’000 prises de sang étaient effectuées chaque année et N______ était le seul animal qui était décédé. La chatte souffrait toutefois de lourds antécédents. Le décès était dû à un second AVC ou à des crises épileptiformes. Le stress pouvait être contre-indiqué en cas de suspicion d’AVC mais il fallait bien commencer « par quelque chose ». Dans le cas d’espèce, les griffes avaient été coupées pour que l’animal s’habitue au soignant puis une prise de sang avait été effectuée, bien que cela impliquât une petite contention. En cas de suspicion d’AVC, l’animal était envoyé à Berne qui décidait quel examen effectuer. Un bilan hématologique devait être fait au préalable. La Dre L______ n’était pas neurologue et elle avait obtenu la reconnaissance de son diplôme étranger le 9 décembre 2020. Les démarches étaient en cours pour l’obtention de l’autorisation de pratiquer. Au moment de la prise en charge de N______ son diplôme n’était pas encore reconnu et elle n’avait a fortiori pas d’autorisation de pratiquer. Elle travaillait donc sous sa tutelle, ce qui signifiait qu’elle était joignable en tout temps, même durant ses absences du cabinet.

Un délai au 6 juillet 2021 a été imparti à la vétérinaire pour produire le dossier médical. La vétérinaire a répondu par courriel daté du 6 juillet 2021 – mais dont la date de réception par la commission reste indéterminée – en adressant à la commission un « historique détaillé » de la prise en charge de N______. Il y est mentionné que « Le chat est décédé subitement pendant la prise de sang ».

f. La cinquième procédure a été ouverte le 5 août 2021 sous le n° 5______.

Le 5 juillet 2021, O______ a saisi la commission au motif que le cabinet ne lui semblait pas respecter les normes correctes de déontologie. La Dre A______ soignait son chat pour des problèmes aux glandes anales depuis trois ans. Le 15 avril 2021 toutefois, une autre vétérinaire avait pris le chat en charge. Pandémie oblige, elle avait dû rester dans la salle d’attente. De retour chez elle, elle avait constaté que son chat avait toujours le problème. Elle était retournée au cabinet où la jeune vétérinaire lui avait affirmé que le nécessaire avait été fait et que tout s’était bien passé. Le problème persistant, elle avait pris un nouveau rendez‑vous en insistant pour être reçue par la Dre A______. Elle avait toutefois été reçue par une assistante qui avait préparé le chat pour l’intervention. Elle lui avait pris la température de manière brutale de sorte que le chat avait hurlé et essayé de sauter de la table. La propriétaire avait essayé de le retenir mais le chat l’avait mordue. Elle avait demandé à l’assistante de lui désinfecter la plaie. Celle‑ci s’était exécutée mais, paniquée, avait utilisé un matériel qui ne paraissait pas stérile. À l’arrivée de la Dre A______, le chat était très nerveux. Elle l’avait alors placé dans une couverture maintenue par deux assistantes. L’intervention avait commencé sans calmant ou sédation. Le chat avait hurlé durant trois à quatre minutes.

f. a. La vétérinaire a produit ses observations le 28 septembre 2021. Aucune faute n’avait été commise dans la prise en charge du chat. Sa température n’avait pas été prise de manière brutale et le matériel utilisé pour désinfecter la morsure était stérile. Elle suivait l’animal depuis plus de deux ans pour un problème d’infection chronique des glandes anales. Il se laissait bien contrôler mais devenait incontrôlable et très agressif lorsqu’il fallait intervenir sur sa région anale et périanale. Elle avait toujours essayé d’éviter la sédation pour effectuer les soins en utilisant les méthodes de contention idoines lorsqu’elle avait affaire à des animaux agressifs. Elle et son personnel pratiquaient les gestes les plus doux qui soient et les moins traumatisants possibles. La mise sous contrainte à l’aide d’un linge ou d’une couverture d’un animal était une technique connue de tous les professionnels de la santé animale et largement éprouvée. Elle permettait de réduire le temps nécessaire au geste professionnel pour effectuer l’examen médical car il était ciblé, précis et moins stressant pour tout le monde, y compris l’animal. En sa qualité d’employeur, elle se devait de protéger la santé de ses employés. La propriétaire du chat manifestait les réactions appartenant au groupe des personnes impressionnées de voir leur animal manipulé autrement que dans le cadre domestique. Cela entraînait parfois des réactions imprévisibles de l’animal et inconnues de leur propriétaire.

En annexe à ses observations, la vétérinaire a déposé l’historique détaillé de la prise en charge du chat. Il en ressort, entre autres, qu’en avril 2018 une AMV avait effectué une prise de sang. En mars 2019, le chat avait été pris en charge par P______, vétérinaire, qui avait notamment procédé à une prise de sang. La Dre A______ avait procédé à la vidange des glandes anales en janvier et juin 2020, cette fois-ci sous sédation. La Dre L______ avait pris en charge l’animal le 15 puis le 20 avril 2021. Le 24 juin 2021, la Dre A______ avait procédé à la vidange des glandes anales et préconisé un contrôle à une semaine sous sédation.

g. La sixième procédure a été ouverte le 5 août 2021 sous le n° 6______, à la suite d’un courrier du 9 juillet 2021 par lequel Q______ a saisi la commission.

Q______ était propriétaire d’un chien nommé R______, né en 2011, suivi depuis le mois d’août 2020 pour une endocardiose mitrale. Son vétérinaire habituel dispensait un traitement à base de Vetmedin et de Cardialis. L’état de santé du chien s’était amélioré à la suite d’une visite chez son vétérinaire le 18 mars 2021. Il ne manifestait aucun symptôme particulier. Le 11 avril 2021, un dimanche, le chien avait montré des difficultés à respirer. Elle l'avait alors emmené au cabinet après un appel préalable pour qu'il soit contrôlé et mis sous oxygénothérapie. Elle était arrivée au cabinet à 08h00. Le chien se tenait sur ses quatre pattes. Elle avait demandé qu'il soit mis sous oxygène mais il n'avait été pris en charge que 30 minutes plus tard après les formalités administratives. Elle n'avait vu la Dre A______ qu’aux alentours de 10h00. Celle-ci l'avait rassurée, affirmant que l'animal respirait mieux. Elle-même n'avait toutefois pas constaté une telle amélioration et l’avait signalé à la vétérinaire. Le chien n'avait été ni ausculté ni pesé mais des radiographies avaient été effectuées. Leur réalisation avait été laborieuse, dès lors qu'elle avait dû apporter son aide à la personne qui s'en était chargé et que le chien s'était notablement agité. La Dre A______ lui avait signalé qu’au vu des radiographies, le cœur était hypertrophié. La vétérinaire n’avait en revanche pas mentionné le fait que les poumons étaient remplis d'eau. La vétérinaire lui avait fixé un nouveau rendez-vous à 17h30 pour la suite du traitement. Elle avait quitté le cabinet après qu’on lui avait dit qu’elle serait contactée en cas d’aggravation de la situation. L’état de l’animal étant inquiétant, malgré le fait que le cabinet n’avait pas appelé, son frère s’y était rendu en début d’après-midi. Quelques minutes après son arrivée au cabinet, leur chien était décédé dans ses bras. Elle regrettait de ne pas avoir été avertie de la situation qui, même si cela n’aurait pas changé l’issue des évènements, leur aurait permis d’agir différemment, d’être conscients de ce qui pouvait arriver et de faire librement leurs choix. Elle ne serait par exemple pas rentrée chez elle car rassurée par les dires de la vétérinaire. Il aurait fallu les tenir au courant de la situation réelle. Ce n'était qu'en parlant avec une collaboratrice de la vétérinaire, qu’elle avait appris que le chien, après sa radiographie, avait son pronostic vital engagé. La collaboratrice avait précisé qu’il aurait fallu l’avertir de cela et s’était excusée. Le cabinet n’avait pas été en mesure de l’informer avec précision sur la suite des démarches, s’agissant notamment de la crémation du chien. Le rapport médical, qu’elle avait obtenu, en insistant, était mensonger, lacunaire et ne contenait même pas l'heure du décès. Elle était pourtant en droit d’obtenir les détails de la prise en charge de son chien. Celui-ci n’avait pas été traité avec la dignité et le respect qu’il méritait. Q______ a joint à sa dénonciation un échange de courriels avec le cabinet. Elle y contestait le contenu d’un historique établi par ce dernier et dont il ressortait que le chien aurait été en détresse respiratoire sévère à son arrivée au cabinet.

g.a. La Dre A______ a produit des observations le 8 septembre 2021. Elle contestait les reproches formulés à son encontre et remettait en cause la prise en charge de R______ par son vétérinaire habituel. La diminution du traitement de Furodix qu’il avait décidée avait en effet pu condamner le chien à mort de manière précipitée. Elle confirmait que le chien était arrivé en détresse respiratoire sévère, en décubitus. Les radiographies montraient nettement une forte cardiomégalie ainsi qu’un œdème pulmonaire. Le chien avait été placé immédiatement sous oxygène et il respirait un peu mieux. Il avait fallu rester vigilant mais le décès du chien avait été inévitable malgré les moyens mis en place.

g.b. Le 17 février 2022, la vétérinaire a adressé à la commission une « demande de prise de position et clôture de tous les cas ouverts ». Elle avait investi des moyens matériels, financiers et humains depuis presque un an et demi qui avaient permis de « radicalement » transformer le cabinet tant sur la forme que sur le fond. Elle investissait beaucoup sur le facteur humain et notait « une satisfaction client en hausse exponentielle ». Elle avait investi de grosses sommes dans un projet de cabinet à Zurich et avait engagé des frais importants pour agrandir celui de Genève. Elle souhaitait commencer sa nouvelle vie professionnelle sous les meilleurs auspices.

C. a. Le 4 juillet 2022, la commission a émis un préavis à l’attention du département. Elle a proposé le retrait de l’autorisation de pratiquer en qualité de vétérinaire pour une durée de trois mois et le prononcé d’une amende de CHF 15'000.-.

La Dre A______ avait violé à plusieurs reprises la loi et les manquements retenus à son encontre étaient d’une gravité certaine. L’instruction avait révélé une prise en charge peu diligente des cas d’urgence, mais également des cas de routine ou, parfois, l’animal était décédé abruptement, qui plus est alors qu’il avait été séparé de son maître. Il était inquiétant de constater que la vétérinaire et son personnel accomplissaient la plupart des actes sur les animaux à l’écart de leurs propriétaires, ce d’autant plus qu’une telle pratique était inusuelle et même souvent contre-indiquée pour le bien-être des animaux. La vétérinaire avait également fait preuve de désinvolture et d’imprudence en confiant de manière volontaire et répétée la conduite des consultations à des tiers ne bénéficiant ni d’un droit de pratiquer ni des compétences professionnelles requises pour pratiquer la médecine vétérinaire, mettant de ce fait la santé des animaux en danger. La vétérinaire avait fait preuve d’une grande légèreté dans le cadre des procédures disciplinaires ouvertes à son encontre, en ne respectant pas les délais impartis, en ne produisant pas les documents requis ou en prétendant les avoir transmis sans être en mesure d’apporter la preuve de la réception de ceux-ci par l’autorité. Elle s’était ainsi intentionnellement abstenue de toute collaboration efficace, compliquant l’instruction des affaires. Il fallait souligner son absence de toute remise en question tout au long de l’instruction, sa seule ligne de défense ayant consisté à soutenir qu’aucune faute ne lui était imputable. Cette absence patente de remise en question laissait supposer que la marge d’amélioration dans sa pratique quotidienne et dans la gestion de son cabinet, qui somme toute existait, demeurait toutefois relative. Une sanction sévère devait être infligée.

b. Le 12 octobre 2022, le Conseiller d’État en charge du département a retiré son autorisation de pratiquer à la vétérinaire pour une durée de trois mois. Il lui a en sus infligé une amende d’un montant de CHF 5'000.-. Le département partageait pleinement l’appréciation de la commission quant à la gravité des fautes commises et estimait que les sanctions proposées étaient proportionnées à celles-ci, excepté pour l’amende.

     b.a. Dans la procédure n° 3______, la vétérinaire n’avait pas produit le dossier médical malgré l’engagement pris à l’issue de son audition. Les versions sur l’état de l’animal lors de son arrivée au cabinet étaient divergentes. Les souvenirs des propriétaires, pour lesquels il n’y avait pas d’urgence absolue, étaient immanquablement plus vifs et plus précis que ceux de la vétérinaire selon laquelle le cochon d’Inde était en très mauvais état général. Elle recevait en effet de nombreux animaux en consultation et avait fourni des informations certes détaillées mais sans produire un dossier médical, en outre près de cinq ans après les faits. La version des propriétaires était la plus crédible et il fallait retenir que la prise en charge ne relevait pas d’une urgence. On saisissait mal l’opportunité de la façon de procéder de la vétérinaire qui avait séparé l’animal de ses propriétaires pour la consultation dès lors qu’il était indéniable que cela augmentait son stress et était donc potentiellement dangereux pour sa santé. La pratique voulait que l’animal ne soit en principe pas séparé de ses maîtres qui pouvaient le rassurer ou collaborer, sauf cas exceptionnels de sensibilité particulière du propriétaire et suspicion de violence. La vétérinaire avait essayé à plusieurs reprises d’ouvrir la gueule provoquant des cris et une panique chez l’animal qui suffoquait. Il était ensuite décédé abruptement, à l’abri des regards. Les explications données par la vétérinaire pour expliquer cette façon de faire (hygiène et sécurité) étaient peu convaincantes. La pratique adoptée par le cabinet donnait avant tout une forte impression de non‑transparence, spécialement lorsque la prise en charge tournait mal, puisque les maîtres n’étaient pas témoins de ce qui se passait. Ainsi, dès lors que rien ne justifiait de soigner l’animal à l’écart de ses maîtres, une violation des règles de l’art devait être retenue. Faute de dossier médical, il n’était pas possible d’établir avec certitude les causes de la mort. Cependant, au vu du contexte précité, l’animal, face au stress, avait fait une crise cardiaque. En l’état du dossier, il fallait admettre que c’était, selon toute vraisemblance, la prise en charge non adaptée qui avait provoqué le décès. Ladite prise en charge devait être considérée comme contraire aux règles de l’art.

b. b. Dans la procédure n° 4______, la vétérinaire s’était trouvée face à une prise en charge d’un cas urgent dans un contexte initialement confus du fait de l’absence du propriétaire du chien et d’informations quant à son identité. Il n’en demeurait pas moins qu’en tant que responsable d’un cabinet assurant des gardes, elle devait se donner les moyens de les assurer en fournissant les soins d’urgence adaptés. Elle n’avait pas administré d’antidouleurs à l’animal durant sa prise en charge qui avait duré près de sept heures, se limitant à lui donner de la cortisone. Or, au vu de l’état du chien et de l’ampleur de ses douleurs – il avait chuté du quatrième étage et la présence de lésions importantes pouvait être soupçonnée – il aurait impérativement dû recevoir une antalgie adaptée, de type morphinique, dans le but de réguler la douleur et par là-même faire diminuer son stress. Une telle médication pouvait faire diminuer la pression sanguine mais cela n’avait que peu d’importance, l’animal étant sous perfusion. Il était également possible de donner du succédané de plasma pour rétablir la pression. La vétérinaire avait manqué à son devoir de diligence en laissant l’animal en souffrance jusqu’à son décès. En outre, le document relatif à la prise de sang indiquait une heure, soit 19h31. Si elle correspondait à l’heure du prélèvement, on constatait que celui-ci était postérieur au décès. Dans l’hypothèse où il s’agissait de l’heure à laquelle les résultats avaient été obtenus, il fallait en déduire que la prise de sang avait probablement été faite en fin d’après-midi au plus tôt. Dans tous les cas, elle avait été effectuée plusieurs heures après l’arrivée au cabinet. Or, cet examen aurait dû être réalisé immédiatement car il aurait pu donner des informations sur la gravité d’une éventuelle hémorragie que la vétérinaire aurait dû soupçonner. Même si le taux de globules rouges avait été dans les normes, l’animal aurait pu être mis sous perfusion. Si le taux avait baissé de manière significative, alors l’existence d’une hémorragie aurait pu être retenue, l’idée sous-jacente étant de déterminer si une opération était envisageable. En alternative une ponction de l’abdomen aurait pu être faite afin de confirmer ou d’exclure la présence d’une hémorragie interne. Dans tous les cas, la prise de sang aurait dû être répétée pour vérifier si la formule sanguine évoluait. En ne procédant à une prise de sang que plusieurs heures après le début de la prise en charge et sans la répéter, la vétérinaire avait preuve d’un manque manifeste de diligence. Il en allait de même avec les radiographies effectuées autour de 17h00, soit près de 5 heures après l’arrivée au cabinet. Or, cet examen permettait de préciser le diagnostic. Si les radiographies effectuées n’avaient rien révélé d’anormal, il n’en demeurait pas moins qu’une prise en charge adéquate impliquait la réalisation de celles-ci ou d’une échographie rapidement.

b.c. Dans la procédure n° D 1______, la prise en charge du chat avait été effectuée par la Dre L______ le 5 juin 2020. Or, cette dernière n’avait bénéficié de la reconnaissance de son diplôme roumain que le 9 décembre 2020 et obtenu son droit de pratiquer qu’en 2021. Cette médecin n’était dès lors pas autorisée à pratiquer en tant que médecin vétérinaire ni d’assurer la garde de nuit, seule avec une AMV. En déléguant à la Dre L______ la prise en charge d’animaux arrivant au cabinet le soir du 5 juin 2020, la Dre A______ s’était rendue coupable de violation de l’art. 85 al. 3 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). L’analyse de la qualité de la prise en charge de l’animal avait une pertinence relative, la Dre L______ n’étant pas à l’époque des faits soumise à la surveillance de la commission ou du département. La commission a néanmoins retenu un certain nombre d’éléments relatifs à la prescription d’un antibiotique et à l’adéquation du diagnostic de mégacôlon.

b.d. Dans la procédure n° 2______, la prise en charge du chat N______, le 11 novembre 2020, avait également été effectuée par la Dre L______ assistée, selon ce qu’avait déclaré la Dre A______, d’une AMV. Or, elle n’avait bénéficié de la reconnaissance de son diplôme que le 9 décembre 2020 et obtenu son droit de pratiquer qu’en 2021. La Dre A______ avait une nouvelle violé l’art. 85 al. 3 LS. L’analyse de la qualité de la prise en charge de l’animal par la Dre L______ n’avait qu’une pertinence relative, dès lors qu’elle n’était alors pas soumise à la surveillance de la commission. La commission a néanmoins retenu des éléments en lien avec le stress de l’animal.

b.e. Dans la procédure n° 5______, une AMV avait pratiqué une prise de sang sur le chat. Or, un tel acte médical n’entrait pas dans la sphère de compétence d’une AMV selon l’ordonnance du SEFRI du 17 septembre 2007 sur la formation professionnelle initiale d’assistance en médecine vétérinaire/assistant en médecine vétérinaire avec certificat fédéral de capacité (CFC) du 6 septembre 2019 (RS 412.101.220.64 ; ci-après : ordonnance SEFRI). De plus, la consultation du 27 mars 2019 avait été assurée par P______ qui n’était pas au bénéfice d’un droit de pratiquer. Lors de la consultation du 15 avril 2021, le chat avait été pris en charge par la Dre L______ qui n’était pas titulaire d’un droit de pratiquer à ce moment-là. L’art. 85 al. 3 LS avait encore été violé. Quant à la consultation du 24 juin 2021, la Dre A______ avait procédé à la vidange des glandes anales, manifestement sans sédation. Or, si un tel acte était peu technique et pas nécessairement douloureux, il se pouvait, lorsque les glandes étaient très sèches et engorgées, que l’animal présente des douleurs. Dans un tel cas, il fallait avoir recours à une sédation. Dans le cas d’espèce, au vu de la difficulté liée à la manipulation du chat lorsque les soins touchaient à la zone anale (l’animal devenant incontrôlable et très agressif selon les dires de la vétérinaire) et son état de stress (il avait mordu sa propriétaire), une sédation s’imposait. En ne procédant pas ainsi, la Dre A______ avait causé une souffrance inutile à l’animal. Il n’était pas très clair pour quel motif la vétérinaire s’était obstinée à vouloir procéder à la vidange des glandes sans sédation, alors qu’un tel acte avait déjà été pratiqué sous sédation par le passé. En tout état, elle n’avait pas agi avec le soin et le diligence requis.

b. f. Dans la procédure n° D 6______, la pathologie dont souffrait le chien, soit un endocardiose mitrale, était la maladie cardiaque la plus fréquente chez cet animal. Il n’existait aucun traitement curatif, mais un traitement adapté pouvait permettre de ralentir l’évolution de la maladie tout en assurant une bonne qualité de vie. Cette maladie se développait souvent lentement et insidieusement, des dégradations plus soudaines demeurant possibles. Le chien avait consulté son vétérinaire traitant le 18 mars 2021, moins d’un mois avant sa consultation chez la Dre A______, et compte tenu de l’amélioration de son état, celui-ci avait adapté son traitement de Furodrix à la baisse. Le chien, bien que condamné à terme, était alors dans un état stable. Arrivé au cabinet vers 08h00, et au vu de la détresse respiratoire constatée, il avait été mis sous oxygène mais examiné par la vétérinaire que vers 10h00. Elle avait procédé à des radiographies vers 10h30 alors qu’il n’existait aucun intérêt à en effectuer. En effet, celles-ci trouvaient leur utilité lorsque le diagnostic est inconnu, ce qui n’était pas le cas ici. De surcroît, réaliser des radiographies impliquait une contention qui était source de stress et donc contre-indiquée en cas de problème respiratoire. D’ailleurs, la propriétaire avait expressément souligné dans sa dénonciation l’agitation induite chez le chien par cet examen. Si les radiographies avaient mis en évidence un œdème pulmonaire, celui-ci aurait pu s’entendre au stéthoscope. Ainsi, au lieu de perdre un temps précieux à effectuer des actes inutiles qui avaient augmenté un stress qu’il aurait été judicieux d’éviter, la vétérinaire aurait dû procéder à une injection en urgence de Vetmedin afin de stabiliser l’animal rapidement. Compte tenu de son diagnostic, il était manifeste que celui-ci décompensait. À cet égard, il était possible que cet événement ait été en lien avec la diminution de son traitement quelques semaines auparavant. La situation évoluant, le dosage était peut-être devenu insuffisant et il s’agissait alors de le réadapter, le but étant de trouver la dose minimale efficace. Les marges thérapeutiques étant très élevées, il était en l’occurrence possible de corriger la situation en augmentant rapidement le dosage du médicament. C’était ainsi à tort que la vétérinaire avait affirmé dans ses observations que le chien avait probablement été condamné à mort de façon précipitée par son vétérinaire traitant. De plus, la prise en charge de l’animal avait non seulement été trop lente, mais les mesures d’urgence adéquates n’avaient pas non plus été mises en place. L’animal avait agonisé plusieurs heures ne parvenant plus à respirer. Elle avait ainsi violé son obligation d’agir avec soin et conscience professionnelle.

D. a. Par acte posté le 16 novembre 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu, sous suite de frais et dépens, à titre principal à son annulation et, à titre subsidiaire, au classement des procédures ouvertes par la commission.

La procédure n°3______ était prescrite, aucun acte d’instruction n’étant intervenu entre le mois de juillet 2018 et le 3 mars 2021, date à laquelle la commission lui avait annoncé la réouverture de la procédure. Elle devait être classée.

Elle se demandait si ce que la commission avait qualifié de « clôture de l’instruction » dans son courrier du 14 janvier 2020 ne revêtait pas le caractère d’un classement de la procédure, même implicite. Il avait été perçu comme tel, même si des conclusions et un projet de décision ultérieurs étaient réservés. À lire la lettre du 3 mars 2021, il fallait constater que l’instruction n’aurait pas été reprise sans les nouvelles dénonciations parvenues à l’autorité. La procédure serait alors restée lettre morte. Cette impression était confortée par la formulation employée par la commission : « a décidé de rouvrir l’instruction ». La sécurité du droit et la bonne foi de l’administration voulaient que cette procédure soit considérée comme ayant été close. En tout état, force était de constater que l’instruction avait été abandonnée par la commission, vraisemblablement pour les raisons de désorganisation interne qu’elle évoquait dans son courrier du 14 janvier 2020. Toujours à lire le courrier du 3 mars 2021, la sous-commission n’avait ni pris ni préparé de conclusions et le projet de décision annoncé le 14 janvier 2020 n’avait eu pour seul but que de tenter d’interrompre la prescription. Ce dernier courrier était par conséquent, selon toute vraisemblance, mensonger quant aux mesures prétendument prises. Si ce caractère mensonger devait être avéré, elle concluait à ce que son ou leur auteur soient dénoncés par la chambre administrative au Ministère public pour violation de l’art. 317 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), à savoir faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques. En tout état de cause, ce courrier ne pouvait être considéré comme un acte d’instruction propre à interrompre la prescription.

Il en allait de même avec la procédure n° 4______. Entre le 6 juin 2018, date à laquelle la commission avait été informée des faits et l’audience du 22 juin 2021 (voire la convocation du 20 mai 2021), aucun acte d’instruction pertinent n’avait été ordonné. À tout le moins, cette procédure consacrait une violation du principe de célérité dès lors qu’il n’était pas admissible qu’une dénonciation de 2018 fasse l’objet d’une décision en 2022 sans qu’un acte d’instruction utile ne soit ordonné dans l’intervalle.

Dans cette même procédure n° 4______, le vétérinaire cantonal avait estimé pertinent de se récuser pour des motifs qui ne figuraient pas au dossier. Or, la loi était claire et le vétérinaire cantonal devait siéger dans la commission pour que celle-ci puisse agir valablement. Le Dr G______, vétérinaire, susceptible de remplacer le vétérinaire cantonal, s’était lui aussi récusé dans cette procédure, de sorte que la commission n’avait été composée d’aucun vétérinaire. Ce constat était aggravé par le fait que le dossier ne comprenait aucun des documents établis par la sous-commission vétérinaire à l’attention de la commission (conclusions et projet de décision), pas plus que le préavis destiné au département, ces deux dernières autorités n’étant composées d’aucun vétérinaire. Le vice était irréparable et cette procédure devait être classée.

Le vétérinaire cantonal s’était récusé dans la cause n° 4______ mais il avait participé à l’élaboration d’une sanction commune à toutes les procédures y compris celle pour laquelle il s’était récusé. Toutes les procédures devaient être annulées pour ce motif.

Contrairement à ce que la commission avait indiqué dans ses convocations, les membres de la commission n’étaient pas nommés dans une liste jointe. Elle n’avait ainsi pas pu connaître la composition de la commission ou de la sous-commission et faire valoir en temps utile d’éventuels motifs de récusation.

Elle n’avait pas eu accès aux renseignements et pièces que l’autorité avait recueillis auprès de tiers ou d’autres autorités. Ces documents avaient un effet juridique dans la mesure où ils devraient permettre de démontrer l’influence sans aucun doute déterminante qu’avait eue le vétérinaire cantonal dans l’appréciation des faits et dans la fixation de la grave sanction infligée. Son droit d’être entendue avait ainsi été violé.

Dans la procédure n° 3______, elle avait déposé le 7 janvier 2018 des observations qui n’avaient été que très laconiquement résumées par la commission. Cette dernière n’avait pas tenu compte des explications qu’elle avait formulées à la suite de la parution « Facebook » de la dénonciatrice, violant ainsi son droit d’être entendue. Ces explications étaient pourtant pertinentes pour l’appréciation d’un des griefs décisifs formulés contre elle, à savoir la nécessité de séparer l’animal de son maître. La conclusion de principe qu’en avait tiré la commission, à savoir que cette pratique serait inusuelle et créerait un stress inutile pour l’animal était contestable. Elle avait du reste produit une note à ce propos. Cette note expliquait, avec références et détails, que cette pratique était non seulement nécessaire dans certains cas, dont celui du cas d’espèce, en raison de l’état psychologique de F______, mais aussi qu’elle était devenue la règle dans la pratique vétérinaire. Aucun autre vétérinaire autre que le vétérinaire cantonal, qui aurait dû se récuser, n’avait pu s’exprimer sur ce point. Si cette procédure n’était pas annulée pour les vices de forme soulevés, une expertise devait être ordonnée sur ce point.

Elle avait rédigé une note jointe à son recours quant à la violation des règles de l’art. Il en ressortait que si les actes prodigués avaient pu être mal perçus par les maîtres, ils n’avaient pas causé de douleurs inutiles à l’animal et encore moins causé son décès. Les gestes effectués avaient été nécessaires, même s’ils avaient impliqué d’ouvrir la gueule de l’animal et que celui-ci avait émis des cris liés à l’urgence des gestes commandés par les circonstances. La commission avait pourtant retenu de manière arbitraire que la version des propriétaires était plus crédible que la sienne, une professionnelle expérimentée. Aucun des symptômes qu’elle avait exposés lors de son audition du 22 juin 2021 n’avait été considéré. La commission avait abusé de son pouvoir d’appréciation d’autant que la réalité de la situation devait amener à une présomption inverse : F______ avait été amené en consultation d’urgence, pour des ennuis de santé jugés par ses maîtres comme suffisamment graves pour l’amener chez un vétérinaire ouvert le week-end. Pour ce motif également, cette procédure devait être classée.

Dans la procédure n° 4______, la commission avait dénoncé des manquements, soit l’absence d’antalgie alors que l’anamnèse de chute était connue et l’absence de radiographies dès l’arrivée de l’animal au cabinet. Si elle admettait l’état de santé du chien à son entrée au cabinet et son décès survenu plusieurs heures plus tard, elle contestait ces deux reproches. D’une part, l’administration d’antalgiques lui était apparue à la fois inutile en l’absence de fractures et dangereuse et, d’autre part, la prise en charge de l’animal respectait la diligence qu’on pouvait attendre d’un vétérinaire. Comme elle le relevait dans la note jointe à son recours, la dénonciatrice n’avait pas été présente, l’animal était en état de choc mais ne présentait pas de signes de douleur, l’injection de morphine était contrindiquée, elle avait fait des radiographies et une prise de sang sans en avoir eu le mandat et à ses frais. Malgré ses explications, la commission avait estimé que les radiographies et la prise de sang auraient dû être effectué plus tôt, que des antalgiques auraient dû être administrés et que d’autres actes thérapeutiques auraient pu être faits. La commission soulignait en outre qu’en sa qualité de responsable d’un cabinet assurant des gardes, il était de son devoir de se donner les moyens de les assurer. La commission semblait ainsi soutenir qu’un cabinet ouvert devait assumer tous les frais liés au traitement d’un animal, même pour des soins inutiles, voire dangereux. Il était choquant de constater que cette prise en charge « de bonne volonté » avait conduit la commission à rouvrir l’instruction de la cause en 2017 et qu’elle n’hésitait pas dans des cas aussi peu concluants que celui-ci quant à la violation des règles de l’art, de mettre en péril l’avenir professionnel d’une de ses administrées. Aucune violation des règles de l’art ne devait être retenue.

Les procédures nos 1______ et 2______ avaient en commun que le seul reproche émis contre elle était d’avoir délégué, en juin et septembre 2020, la prise en charge à la Dre L______, alors celle-ci n’avait pas encore reçu l’agrément cantonal. Il découlait de la décision entreprise que les prises en charge de ces deux animaux, qui avaient fait l’objet de nombreux développements sur leur adéquation, était sans pertinence. Pour le reste, la décision litigieuse retenait que la Dre L______ avait bénéficié de la reconnaissance de son diplôme roumain en date du 9 décembre 2020 et qu’elle avait été autorisée à pratiquer dans le canton dès le 1er octobre 2021. Or, elle avait obtenu son diplôme en médecine vétérinaire à la session de juillet 2019. Le document avait été émis en janvier 2020. Elle avait passé ses examens avec une moyenne de 80 %, ce qui correspondait en S______ à un 16/20, soit une mention « très bien » ou « magna cum laude ». Dès ces dates, elle devait être considérée comme ayant « les compétences » et la « formation » pour prodiguer des soins aux animaux. Que son diplôme n’ait été reconnu que par la suite n’avait aucune portée.

Dans la procédure n° 51/21/6, les reproches formulés tenaient à des délégations illicites confiées le 30 avril 2018 à une AMV, le 27 mars 2019 à la Dre P______ et le 15 avril 2021 à la Dre L______. En ce qui concernait les AMV, il était inquiétant de lire la décision qui révélait que la commission n’avait pas compris la teneur de l’ordonnance du SEFRI, dont l’art. 4 ne faisait que circonscrire les compétences qu’elles devaient acquérir. Leurs prérogatives étaient quant à elles prévues dans leur plan de formation officiel dressé par la société vétérinaire suisse (ci-après : plan de formation) qui prévoyait qu’il entrait dans les prestations attendues d'elles qu’elles posent l’accès veineux sur des animaux en veillant à l’hygiène. Elles étaient habilitées à réaliser des gestes médicaux plus complexes ou risqués, tels que l’administration de médicaments, le traitement ou la surveillance d’anesthésies. Pour sa part, la Dre P______ était titulaire d’un diplôme obtenu en S______. Elle n’avait toutefois travaillé que durant un très court laps de temps pour le cabinet, de sorte que le sort de ce grief de délégation pouvait suivre ce qui avait été développé précédemment. Il en allait de même de la consultation effectuée par la Dre L______.

Quant aux traitements qu’elle avait dispensés au chat le 24 juin 2021, ils ne souffraient pas d’une critique des règles de l’art prétendument violées suffisamment consistante pour donner lieu à une procédure disciplinaire. La commission semblait en être consciente puisqu’elle avait constaté que la vidange des glandes anales du chat avait été faite sans sédation tout en considérant que si un tel geste était peu technique et qu’il n’était pas nécessairement douloureux, il se pouvait que lorsque les glandes étaient très sèches et engorgées, l’animal présente des douleurs. Elle avait précisé que dans un tel cas, il seyait alors d’avoir recours à une sédation. La commission substituait un avis tout personnel au sien, alors qu’elle connaissait et soignait le chat depuis trois ans pour les mêmes affections récurrentes. Cette affaire avait le mérite de confirmer ce qui avait été dit sur la séparation animal-maître lorsqu’il s’agissait d’immobiliser un animal, le cas échéant avec fermeté : le maître avait tenu à le faire lui-même et il avait été mordu.

Dans la procédure n° 6______ enfin, les critiques soulevées étaient indigentes puisqu’il lui était fait grief d’avoir procédé à un examen par radiographies qualifié d’inutile. La commission reconnaissait implicitement qu’elle n’était en rien responsable de la mort du chien. L’objectivité de la dénonciatrice était douteuse puisqu’elle soutenait, de manière à la charger, que son chien amené en urgence un dimanche matin ne présentait pas la détresse respiratoire pourtant diagnostiquée sur place. La dénonciatrice avait d’ailleurs demandé s’il était possible de mettre son chien sous caisson à oxygène vu qu’il avait un peu de difficulté à respirer.

Enfin, la commission avait violé le principe de la proportionnalité en choisissant une des sanctions les plus graves, certes limitée à trois mois, et en y ajoutant une amende au montant proche de son maximum légal. Même si l’entier des faits reprochés avait été commis, la commission aurait dû retenir qu’il s’agissait de sa première procédure disciplinaire après plusieurs années d’activité. Il était en outre faux de prétendre qu’elle n’avait pas collaboré alors qu’elle s’était pliée à des prises de position immédiate pour chacune des procédures, ne donnant pas suite qu’aux demandes auxquelles elle n’était pas en mesure de répondre.

b. Le département a conclu au rejet du recours. Il a relevé que la recourante avait pris des conclusions à l’encontre de la commission qui n’était pas partie à la procédure. Celles-ci devaient être déclarées irrecevables.

c. Le 9 mars 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle concédait que la production du préavis de la commission qu’elle sollicitait n’était généralement pas comprise dans les prérogatives qu’impliquait le droit d’être entendu. En l’espèce, se posaient toutefois des questions à la fois de composition et de motivation des décisions par la commission. Elle persistait en particulier à demander la production de l’intégralité du dossier, procès-verbaux de discussions compris.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. La teneur des pièces du dossier sera pour le surplus reprise dans la partie en droit, dans la mesure utile au traitement du recours.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 135 LS).

Les conclusions prises par la recourante, en tant qu’elles visent à l’annulation de la décision litigieuse et au classement des procédures ouvertes par la commission, sont recevables.

2.             Les faits litigieux ont eu lieu en novembre 2017, juin et novembre 2020 puis avril et juillet 2021.

2.1 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet de modifications entrées en vigueur le 1er janvier 2016, 1er janvier 2018 puis le 1er février 2020. Dans un premier temps, la LPMéd ne s’appliquait qu’à l’activité médicale indépendante (art. 1 al. 3 LPMéd dans sa teneur initiale). Ayant donné lieu à des discussions lors de son adoption par les Chambres fédérales, puis critiqué par la doctrine et les cantons, ce critère a été ultérieurement remplacé par celui de l’exercice des professions médicales universitaires à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle (en vigueur depuis le 1er janvier 2018) puis, depuis le 1er février 2020 par celle d’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (pour le détail de cette évolution législative, voir ATF 148 I 1 consid. 5.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce, la recourante exerce la profession de vétérinaire, soit une profession médicale universitaire (art. 2 al. 1 let. e LPMéd). Il ressort du dossier qu’elle exerce dans son propre cabinet. Selon le registre du commerce, elle est l’unique titulaire avec signature individuelle de l’entreprise qu’elle a créée et qu’elle dirige. Son activité répond à la notion qui en est donnée à l’art. 1 al. 3 LPMéd quelle que soit la version de cette disposition. Partant, la LPMéd lui est applicable et c’est plus particulièrement à l’aune de l’art. 40 LPMéd, qui définit les devoirs professionnels de manière exhaustive, que la présente affaire doit être examinée. Ceci a pour conséquence qu’au regard de la primauté du droit fédéral, la recourante ne peut être soumise qu’aux mesures disciplinaires prévues par cette loi à son art. 43, à l’exclusion d’éventuelles sanctions prévues par le droit cantonal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023 consid. 6.2 et l’arrêt cité).

Le présent cas relevant du droit fédéral, les dispositions de droit cantonal seront citées, si nécessaire, en tant qu’elles spécifient l’art. 40 let. a et c LPMéd dont il sera question plus bas et, dans ce cadre, elles seront prises en considération dans l’interprétation du droit fédéral (voir à ce propos l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_53/2022 du 22 novembre 2022 consid. 7.3.2).

3.             Dans un premier grief, la recourante invoque la prescription de la procédure n°3______, aucun acte d’instruction n’étant selon elle intervenu entre le mois de juillet 2018 et le 3 mars 2021, date à laquelle elle a été informée de la réouverture de la procédure.

3.1 Selon l’art. 46 LPMéd, la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (al. 1). Tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés entraîne une interruption du délai de prescription (al. 2). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (al. 3). Si la violation des devoirs professionnels constitue un acte réprimé par le droit pénal, le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s’applique (al. 4).

Les travaux préparatoires rappellent la volonté d’uniformiser les délais de prescription. Le délai de prescription relatif de deux ans a pour but d’amener les autorités compétentes à réagir dès qu’elles sont informées des faits et à clarifier, dans des délais utiles, la situation pour toutes les parties. L’art. 46 al. 2 LPMéd tient compte du fait que ce délai peut paraître court, surtout pour les cas plus complexes. Il prévoit une interruption du délai de prescription pour tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés (Message du Conseil fédéral du 3 décembre 2004, FF 2005 214).

La doctrine relève que l’art. 46 al. 2 LPMéd est extrêmement généreux s’agissant d’énumérer les motifs susceptibles d’interrompre la prescription. Il s’agit dès lors de prendre en compte tous les actes d’instruction de l’autorité de surveillance, à savoir l’ouverture formelle de la procédure disciplinaire et tous les actes qui font progresser la procédure en vue de la décision finale et qui produisent des effets externes par rapport à l’autorité. Sont notamment concernés les actes d’administration des preuves tels les interrogatoires, les auditions, expertises, les décisions de nature procédurale ou les demandes d’observations. Afin d’éviter que la jurisprudence plus restrictive rendue en application de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) engendre des discussions, le législateur a énoncé de manière très large les autorités dont les actes produisent un effet interruptif de procédure. Il n’est pas certain que l’introduction d’une procédure civile produise un effet interruptif. Pour le reste, l’étendue réelle et la notion d’acte d’instruction ou de procédure n’est pas fixée. Par exemple, en droit fiscal, toutes les mesures des autorités portées à la connaissance du contribuable et tendant à recouvrer la créance fiscale, de même que de simples lettres ou injonctions interrompent le délai de prescription (Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, vol. II : le médecin et les soignants, Berne 2021, pp. 2785‑2786 n. 5829 et 5830).

Contrairement au droit disciplinaire de la profession d’avocat, la prescription peut être interrompue non seulement par les actes d’instruction des autorités de surveillance mais également par les actes d’instruction ou de procédure des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux. Ceux-ci doivent être en rapport avec les faits incriminés. Les actes de l’autorité de surveillance comprennent toutes les actions qui contribuent à l’avancement de la procédure disciplinaire et qui sont orientées vers l’extérieur. Il s’agit en particulier de l’ouverture formelle de la procédure, de l’interpellation pour prise de position ainsi que des auditions et autres récoltes de preuve. Le dépôt de plainte ou l’introduction d’une poursuite ou d’une procédure civile ne provoquent en revanche pas l’interruption de la prescription (Tomas POLEDNA, in Loi sur les professions médicales - LPMéd ; Commentaire, 2009, n. 7-9 ad art. 46).

La chambre de céans a retenu que la prescription peut être interrompue non seulement par les actes d’instruction des autorités de surveillance, mais également par les actes d’instruction ou de procédure des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux. Ceux-ci doivent être en rapport avec les faits incriminés. Les actes de l’autorité de surveillance comprennent toutes les actions qui contribuent à l’avancement de la procédure disciplinaire et qui sont orientées vers l’extérieur. Il s’agit en particulier de l’ouverture formelle de la procédure, de l’interpellation pour prise de position ainsi que des auditions et autres récoltes de preuve. Le dépôt de plainte ou l’introduction d’une poursuite ou d’une procédure civile ne provoquent en revanche pas l’interruption de la prescription (ATA/1300/2021 du 20 novembre 2021 consid. 4a).

Elle a qualifié d’acte interruptif de la prescription le courrier de la commission informant les parties de la clôture de l’instruction et leur transmettant la nouvelle composition de la commission appelée à se prononcer (ATA/324/2016 du 19 avril 2016 consid. 2c), le courrier de la commission informant le recourant que la sous‑commission avait clos l’instruction (ATA/1801/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2c), le fait de clore l’instruction et d’annoncer une décision (ATA/460/2020 du 7 mai 2020 consid. 2c), ou le fait pour la sous-commission de rendre son préavis au département (ATA/1300/2021 précité consid. 4b).

Dans le précédent de 2019 susévoqué, la commission avait informé le recourant le 29 mars 2017 que la sous-commission avait clos l’instruction le 6 décembre 2016. La chambre de céans a jugé que « conformément à la jurisprudence de la chambre de céans précitée, le courrier du 29 mars 2017 a constitué le dernier acte de la procédure. Un nouveau délai de prescription relative de deux ans ayant commencé à courir à cette date, cette prescription n’était pas acquise le 15 octobre 2018, jour du prononcé de la décision litigieuse. Il est certes regrettable que la commission ait attendu près de quatre mois avant d’annoncer la clôture de l’instruction. Cela étant, même si elle avait annoncé cette clôture le jour même, soit le 6 décembre 2016, le délai de deux ans n’aurait pas été atteint le 15 octobre 2018 » (ATA/1801/2019 précité consid. 2c).

Le fait que de nouveaux manquements soient mis à jour au fil de l’instruction n’interfère en aucune manière sur l’unicité de la procédure. Il y a donc lieu de considérer que tout acte interruptif de prescription intervenu dans un dossier vaut pour toute la cause (arrêt du Tribunal fédéral 2C_804/2022 du 20 juin 2023 consid. 4.5).

3.2 En l’espèce, la procédure n° 3______ a été ouverte le 8 décembre 2017. Le 31 juillet 2018 la sous-commission a invité la recourante à lui donner des explications supplémentaires et à lui fournir le dossier de l’animal concerné. Le 14 janvier 2020, soit un an et demi plus tard, la commission a informé la recourante que l’instruction de la cause était close. Elle l’a informée de la réouverture de la procédure le 3 mars 2021, son audition ayant ensuite eu lieu le 22 juin 2021. Dans le courant des mois de février et mars 2022, la commission a informé la recourante du déroulement de la procédure puis, le 4 juillet 2022, que les conclusions prises par la sous-commission avaient été adoptées. La décision litigieuse a été rendue le 12 octobre 2022. Les actes successifs ayant interrompu le délai de prescription, celle-ci n’est pas atteinte.

La recourante soutient toutefois que le courrier du 14 janvier 2020, par lequel la commission lui a annoncé la clôture de l’instruction de la cause, pourrait être compris, même implicitement, comme l’annonce du classement de la cause. Selon elle, il faudrait comprendre, à la lecture du courrier du 3 mars 2021 par lequel la commission lui a annoncé la réouverture de la procédure, que l’instruction de la cause n’aurait pas été reprise sans les nouvelles dénonciations parvenues à l’autorité. La recourante en déduit que si ces nouvelles dénonciations n’avaient pas existé, la procédure n° 3______ serait restée lettre morte. La sécurité du droit et la bonne foi voudraient ainsi, selon la recourante, que cette procédure soit considérée comme « ayant été close ». La recourante poursuit et indique, qu’en tout état, il faudrait constater que l’instruction a été abandonnée, vraisemblablement en raison de la désorganisation interne dont la commission a fait état dans son courrier du 14 janvier 2020.

On peine à suivre la recourante dans ses développements et suppositions dès lors que, comme elle en a été informée, c’est bien l’instruction de la cause qui a été close et non la procédure. Un projet de décision était annoncé et rien n’indique que la sous-commission ou la commission avaient l’intention de classer la cause. À ce propos, la recourante estime qu’il faudrait toutefois comprendre du courrier du 3 mars 2021 que la sous-commission n’aurait ni préparé ni pris de conclusions, le projet de décision annoncé le 14 janvier 2020 n’ayant eu pour seul but selon elle que de tenter d’interrompre la prescription. Ce dernier courrier serait en conséquence mensonger et son auteur devait être dénoncé aux autorités pénales. Le fait est que la commission a agi dans les temps et en toute transparence, tenant la recourante informée du déroulement de la procédure, voire des difficultés qu’elle rencontrait dans son organisation. La recourante, qui fonde ses soupçons sur une série de suppositions formulées au stade de son recours, a en outre eu l’occasion de faire valoir ses droits et arguments tout au long de la procédure. Il ne sera pas donné suite à la demande de la recourante de dénoncer l’auteur de ce courrier au Ministère public. Ce grief sera écarté.

Selon la recourante, la procédure n° 4______ serait également prescrite dès lors que, entre le 6 juin 2018, date à laquelle la commission a été informée des faits et l’audience du 22 juin 2021, voire la convocation du 20 mai 2021, aucun acte d’instruction pertinent n’aurait selon elle été ordonné. À tout le moins, cette procédure consacrerait une violation du principe de célérité, dès lors qu’il ne serait pas admissible qu’une dénonciation de 2018 fasse l’objet d’une décision en 2022 sans qu’un acte d’instruction utile ne soit ordonné dans l’intervalle.

La recourante ne peut être suivie, dès lors que plusieurs actes d’instruction indispensables à la bonne marche de la procédure ont été effectués entre juin 2018 et mai ou juin 2021. La recourante a exercé son droit d’être entendue en produisant ses observations le 13 octobre 2018. En septembre 2019, la commission a sollicité la production par la recourante de pièces qu’elle n’a déposées qu’après deux relances en janvier 2020. Le 6 mars 2020, la commission a sollicité de la recourante la production d’autres pièces dont il n’apparaît pas qu’elle les aurait fournies malgré deux relances qui ont eu pour effet de retarder l’issue de la procédure. Le 11 juin 2021, la recourante a demandé la récusation d’un membre de la commission. Elle a reçu une réponse à sa demande le 25 août 2021. Ces griefs seront dès lors également écartés.

4.             La recourante soulève plusieurs griefs en lien avec son droit d’être entendue. Elle sollicite la production de l’ensemble du dossier, en particulier le préavis de la commission, les conclusions de la sous-commission, son projet de décision, les avis donnés par les membres de la commission et les procès-verbaux de discussions. Ces documents devraient permettre de démontrer l’influence, selon elle déterminante, qu’aurait eu le vétérinaire cantonal dans l’appréciation des faits et la fixation de la sanction. Elle reproche ensuite à l’intimé, dans la procédure n° 3______, de ne pas avoir suffisamment tenu compte de ses observations du 17 janvier 2018. Elle sollicite enfin la mise en œuvre d’une expertise sur la question de la nécessité ou non de séparer l’animal de son maître.

4.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). Il n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

Au plan cantonal genevois, l’art. 41 LPA dispose que les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires. L’art. 42 al. 4 LPA précise que les parties ont le droit de prendre connaissance des renseignements écrits ou des pièces que l’autorité recueille auprès de tiers ou d’autres autorités lorsque ceux-ci sont destinés à établir des faits contestés et servent de fondement à la décision administrative. Par ailleurs, les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA).

4.2 Le droit d'être entendu implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu'elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2 ). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). Elle ne doit, à plus forte raison, pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_56/2019 du 14 octobre 2019 consid. 2.4.1 et les arrêts cités).

4.3 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui‑ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 : ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

4.4 En l’espèce, le département a joint le préavis de la commission à son chargé de pièces (pièce n° 7), lequel a été transmis à la recourante, avec la réponse au recours, par la chambre de céans le 10 janvier 2023. La recourante a donc pu en prendre connaissance. Ce préavis ne devait pas lui être communiqué plus tôt, dès lors que, selon la jurisprudence constante, il s’agit de documents internes à l’administration, qui sont préparatoires à la décision. Ils ont pour objet d’aider l’autorité compétente à se forger une opinion, souvent sur des questions techniques. Dépourvus de conséquences juridiques directes sur la situation des administrés, ils n’ont pas à être communiqués avant la prise de la décision entreprise et aucun droit d’être entendu n’existe à leur sujet, à ce stade de la procédure, l’idée étant que leur contenu pourra être discuté dans le recours interjeté contre la décision préavisée, dans la mesure et pour autant que le préavis litigieux ait été suivi par l’autorité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 précité consid. 3.2.2 ; ATA/324/2016 du 19 avril 2016 consid. 6c).

Il découle de ce qui précède que, s’agissant d’actes internes à l’administration destinés à faciliter la tâche de l’organe de décision, les conclusions de la sous‑commission, son projet de décision, les avis donnés par les membres, dont celui du vétérinaire cantonal, et les procès-verbaux de discussions, à supposer que ces documents existent, n’ont pas à être soumis à la recourante qui a pu recourir en toute connaissance après avoir identifié les griefs retenus à son encontre dans la décision litigieuse.

Pour le reste, lorsqu’il traite de la procédure n° 3______, l’intimé se réfère expressément aux observations de la recourante du 7 janvier 2018 ainsi qu’à sa réponse à la propriétaire de l’animal qu’il résume brièvement dans la décision litigieuse. Comme cela découle de la jurisprudence précitée, cela suffit, l’intimé n’ayant pas à retranscrire intégralement les écritures de la recourante.

Il ne sera enfin pas donné suite à la demande d’expertise portant sur la séparation de l’animal et de son maître. Comme cela ressort du considérant 9.1 ci-dessous, le litige peut en effet être résolu en l’état du dossier.

5.             En lien avec la procédure n° 4______, la recourante se plaint d’une mauvaise composition de l’autorité. Elle relève que le vétérinaire cantonal s’étant récusé, la commission ne pouvait agir valablement dès lors que la loi imposait qu’il siège en son sein. Elle estime ensuite que le vétérinaire cantonal s’étant récusé dans cette procédure, il aurait dû le faire pour toutes les autres.

5.1 L’art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l’autorité administrative qui statue le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

La composition de l’autorité est définie selon les règles du droit de procédure ou d’organisation, qui prévoit généralement des quorums afin d’assurer le fonctionnement des autorités collégiales. L’autorité est ainsi valablement constituée lorsqu’elle siège dans une composition qui correspond à ce que le droit d’organisation ou de procédure prévoit. Par conséquent, lorsqu’un membre de l’autorité est appelé à se récuser ou ne peut, pour une autre raison, prendre part à la décision, il doit, dans la mesure du possible, être remplacé. Si l’autorité statue alors qu’elle n’est pas valablement constituée, elle commet un déni de justice formel (ATF 142 I 172 consid. 3.2 et les références citées).

5.2 Selon la jurisprudence, le droit à une composition correcte et impartiale permet notamment d’exiger la récusation des membres d’une autorité administrative dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité. Il tend à éviter que des circonstances extérieures à l’affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s’imposer même si une prévention effective du membre de l’autorité visée n’est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut pas être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles d’une des personnes impliquées n’étant pas décisives (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_629/2015 du 1er décembre 2015 consid. 3.1).

5.3 La récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable ou lorsque l’intéressé se serait rendu compte que l’instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_278/2017 du 17 août 2017 consid. 3.1).

La partie qui sollicite la récusation doit rendre vraisemblables les faits qui motivent sa demande. La partie doit se prévaloir de faits, ce qui exclut les critiques générales ou les simples soupçons ne se fondant sur aucun élément tangible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_648/2012 du 29 novembre 2012 consid. 2). Si la partie n'a pas à prouver les éléments qu'elle invoque, elle doit tout de même faire état, à l'appui de sa demande, d'un contexte qui permet de tenir pour plausible le motif de récusation allégué (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 4.2.2). Une motivation aux termes de laquelle le requérant se contente de présenter une demande de récusation sans autre explication est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 2F_19/2013 du 4 octobre 2013 consid. 2).

5.4 Selon l’art. 15 al. 1 LPA, applicable aux membres de la commission
(art. 4 al. 1 du règlement concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 22 août 2006 - RComPS - K3 03 01), les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se retirer et sont récusables par les parties s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a), sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple (let. b), représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c) et s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).

Dans la jurisprudence relative à la récusation des juges, dont les principes s’appliquent mutatis mutandis pour les membres des autorités administratives
(ATF 137 II 431 consid. 5.2 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, op. cit.,
n. 217 ad art. 15 LPA et les références citées), il a été relevé que la garantie du juge impartial ne commande pas non plus la récusation d'un juge au simple motif qu'il a, dans une procédure antérieure − voire dans la même affaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_151/2012 du 4 juin 2012 consid. 2.2) −, tranché en défaveur du requérant (ATF 143 IV 69 consid. 3.1 ; 129 III 445 consid. 4.2.2.2 ; 114 Ia 278 consid. 1).

5.5 L’art. 3 al. 6 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03) prévoit que le vétérinaire cantonal assiste aux séances de la commission, sans droit de vote. En l’espèce, dès lors que le SCAV, service auquel il est rattaché, est intervenu dans la procédure et qu’il a lui-même adressé une annonce de suspicion de mauvaises pratiques vétérinaires à la commission, le vétérinaire cantonal a été appelé à se récuser. Comme le prévoit la jurisprudence, il a toutefois été valablement remplacé par un vétérinaire d’I______ après que la recourante avait sollicité et obtenu la récusation du Dr G______ appelé dans un premier temps à suppléer le vétérinaire cantonal. La recourante a été informée de cela par le courrier de la commission du 25 août 2021.

Pour le reste, et même à supposer que la recourante n’a pas reçu la liste des membres de la commission, le concours du vétérinaire cantonal dans les procédures nos 3______, 1______ et 2______ lui était connu dès lors que, à teneur du procès-verbal de l’audition de la recourante du 22 juin 2021, c’est lui qui présidait la séance. C’est à cette époque qu’elle aurait dû demander sa récusation et s’inquiéter de savoir si le vétérinaire cantonal siégeait également dans les deux procédures restantes. Ces griefs seront dès lors écartés.

6.             Le litige porte sur la conformité au droit de l’arrêté du 12 octobre 2022 par lequel l’intimé a retiré l’autorisation de pratiquer à la recourante pour une durée de trois mois et lui a infligé une amende de CHF 5'000.-.

6.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), hypothèse non réalisée en l’espèce.

La commission, instituée par l’art. 10 LS, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 LComPS). Compte tenu du fait qu’elle est composée de spécialistes, mieux à même d’apprécier les questions d’ordre technique, la chambre de céans s’impose une certaine retenue (ATA/941/2021 précité consid. 13 et les références citées).

6.2 La LPMéd, dans le but de promouvoir la santé publique, encourage la qualité de la formation universitaire, de la formation postgrade, de la formation continue et de l’exercice des professions dans les domaines de la médecine humaine, de la médecine dentaire, de la chiropratique, de la pharmacie et de la médecine vétérinaire (art. 1 al. 1). Dans ce but, elle établit notamment les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (art. 1 al. 3 let. e).

Selon l’art. 40 LPMéd, les personnes exerçant une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle doivent observer les devoirs professionnels suivants : (a) exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue.

6.3 Dans la procédure n° 3______, la recourante soutient que l’intimé lui reproche à tort d’avoir séparé l’animal de ses maîtres. L’autorité aurait abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant une violation des règles de l’art dans la prise en charge. En retenant que la version des propriétaires quant à l’état de l’animal à l’arrivée au cabinet serait plus crédible que la sienne, l’intimé aurait versé dans l’arbitraire. Selon la recourante, il serait nécessaire, dans certains cas, de séparer l’animal de son maître. Elle a versé à la procédure une note à ce propos, note qui explique que cette pratique est nécessaire dans certains cas, comme en l’espèce.

6.3.1 Pour sa part, l’intimé conteste ce point de vue en soutenant, d’une part, que l’animal ne doit en principe pas être séparé de son maître et, d’autre part, qu’en l’espèce cette manière de faire était inadéquate. L’intimé retient que la séparation du cochon d’Inde d’avec ses maîtres, compte tenu des circonstances qu’il rappelle, à savoir les tentatives restées vaines de la recourante d’ouvrir la gueule de l’animal, donnait l’impression d’un manque de transparence, la prise en charge s’étant soldée par le décès de l’animal hors du regard de ses propriétaires. En l’espèce, compte tenu des explications crédibles et convaincantes de l’intimé, il convient de retenir que la pratique choisie par la recourante n’était pas souhaitable. Il n’est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur la pertinence de la pratique en général. Notons que de leur côté, les propriétaires ont mal vécu la séparation, l’un d’eux faisant état d’un mauvais sentiment après que l’animal a été emmené hors de leur vue. Ce mauvais sentiment s’est malheureusement concrétisé, les propriétaires ayant découvert que le cochon d’Inde recevait un massage cardiaque avant d’apprendre qu’il était mort. En choisissant de séparer l’animal de ses propriétaires, la vétérinaire ne leur a ainsi pas permis de comprendre ce qui se passait ni d’assister leur animal dans ses derniers instants.

6.3.2 Pour ce qui concerne l’état du cochon d’Inde à l’arrivée au cabinet, l’intimé met en évidence que si pour les propriétaires la situation ne relevait pas d’une urgence absolue, la recourante avait pour sa part déclaré lors de son audition que l’animal était en très mauvais état général et en état de choc. L’intimé retient qu’en présence de ces deux versions contradictoires, celle des propriétaires est plus crédible que celle du vétérinaire. Pour l’intimé, les souvenirs des propriétaires, traumatisés par l’événement, sont immanquablement plus vifs et précis que ceux de la vétérinaire qui reçoit tous les jours de nombreux animaux en consultation. L’intimé ajoute que si la vétérinaire a fourni des informations détaillées, elle l’a toutefois fait sans fournir le dossier médical pouvant corroborer celles-ci, qui plus est près de 5 ans après les faits.

Quant aux causes du décès de l’animal, l’intimé souligne que faute de dossier médical, il est impossible de les établir avec certitude. Il retient que selon toute vraisemblance, l’animal, face au stress provoqué par les actes de la vétérinaire (plusieurs tentatives pour lui ouvrir la gueule, séparation d’avec ses maîtres et probable contention) a eu une crise cardiaque. Selon l’intimé, en l’état, du dossier, il faut admettre que c’est, selon toute vraisemblance, la prise en charge non adaptée et contraire aux règles de l’art qui a provoqué le décès.

Il n’y a pas lieu de s’écarter des éléments retenus par l’intimé. En effet, en l’absence du dossier médical de l’animal qui démontrerait le contraire, document que la vétérinaire n’a pas versé à la procédure malgré les demandes de la commission, les conclusions auxquelles l’autorité parvient au terme d’un argumentaire motivé ne heurtent pas de manière choquante le sentiment de justice et d’équité. Il découle de ce qui précède que c’est conformément au droit que l’intimé a retenu une violation des règles de l’art par la recourante.

6.4 Dans la procédure n° 4______, la recourante soutient avoir pris en charge le chien avec la diligence requise et expose, notamment dans la note qu’elle a rédigée à l’appui de son recours, que l’administration d’antalgiques lui était apparue inutile, dangereuse et contre-indiquée. Elle ne répond pas complétement aux arguments de l’intimé qui retient que l’animal, dont on savait qu’il était probablement tombé d’un immeuble, aurait impérativement dû recevoir une antalgie pour faire diminuer sa douleur mais aussi son état de stress. L’intimé souligne que si ce traitement peut faire diminuer la pression, cela avait peu d’importance puisque l’animal était sous perfusion et qu’il était possible de lui donner un succédané de plasma. Pour le reste, aux reproches de l’intimé relatifs au temps excessif pris pour effectuer une prise de sang et des radiographies, la recourante se contente de répondre qu’elle a pratiqué ces actes en insistant sur le fait que cela l’avait été à ses frais.

Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter des conclusions de l’intimé qui, à la suite de la commission composée de spécialistes, a retenu que la vétérinaire avait manqué à son devoir de diligence en laissant souffrir le chien et en ne se donnant pas les moyens de poser un diagnostic pour agir en conséquence.

6.5 Dans la procédure n° 1______, l’intimé reproche à la recourante d’avoir délégué à la Dre L______ la prise en charge de l’animal le 5 juin 2020 alors que le diplôme de celle-ci n’a été reconnu que le 9 décembre 2020 et qu’elle n’a obtenu son droit de pratiquer qu’en 2021. Dès lors que l’intimé indique lui-même que l’analyse de la qualité de la prise en charge de l’animal par la Dre L______ n’a qu’une importance relative, il faut retenir que seule la question de la délégation de la prise en charge peut être reprochée à la recourante.

La recourante insiste sur le fait que la Dre L______ a obtenu son diplôme en médecine en juillet 2019 et qu’il a été émis en janvier 2020. Dès lors que l’intéressée avait passé ses examens avec une moyenne de 80 %, soit, selon la recourante, l’équivalent d’une mention très bien ou magna cum laude, elle disposait selon des compétences et de la formation pour prodiguer des soins à des animaux.

Quoi qu’en pense la recourante, la Dre L______ n’avait pas le droit de pratiquer, un tel droit impliquant d’être au bénéfice d’une autorisation en ce sens comme le prévoit l’art. 73 al. 1 LS. Démunie de cette autorisation, la Dre L______ ne peut être considérée comme une professionnelle de la santé à laquelle des soins pouvaient être délégués au sens de l’art. 85 al. 3 LS, cette disposition prévoyant que le professionnel de la santé, en l’occurrence la recourante, ne peut déléguer des soins à un autre professionnel de la santé ou à un auxiliaire de soins que si celui-ci possède la formation et les compétences pour fournir ces soins.

6.6 La procédure n° 2______ se limite également à la question de la délégation de la prise en charge du chat à la Dre L______. Il est donc renvoyé à ce qui précède.

6.7 Dans la procédure n° 5______, l’intimé reproche à la recourante d’avoir délégué des prises en charge de l’animal en cause, le 27 mars 2019 à la Dre P______ et le 15 avril 2021 à la Dre L______, celles-ci n’étant alors pas titulaires du droit de pratiquer. Il est sur ce point également renvoyé à ce qui précède.

6.7.1 Dans cette procédure, l’intimé reproche en outre à la recourante d’avoir laissé une AMV pratiquer une prise de sang sur l’animal, acte qui serait contraire à l’art. 4 de l’ordonnance SEFRI. La recourante soutient que cet acte entre dans la sphère de compétence des AMV selon le plan de formation.

Dès lors que l’art. 4 al. 1 let. c ch. 2 de l’ordonnance SEFRI prévoit que la formation des AMV comprend la pose des cathéters veineux sur les animaux selon les instructions du vétérinaire au titre des compétences opérationnelles dans le domaine de l’assistance au vétérinaire et que ce même article, à sa lettre g. ch. 1, prévoit que la formation comprend le prélèvement des échantillons sur des animaux et à ce qu’il soit procédé aux travaux pré-analytiques, on ne peut exclure qu’en pratique les AMV puissent faire des prises de sang.

6.7.2 Dans cette même procédure, il est reproché à la recourante d’avoir procédé à la vidange des glandes anales du chat sans sédation lors de la consultation du 24 juin 2021. Dans ses observations à la commission, la vétérinaire se justifie en expliquant avoir toujours essayé d’éviter la sédation pour effectuer les soins en utilisant les méthodes de contention idoines lorsqu’elle avait affaire à des animaux agressifs. Elle expose pratiquer des gestes doux et le moins traumatisants possibles. La mise sous contrainte à l’aide d’un linge ou d’une couverture serait, selon elle, une technique connue. Elle insiste, dans son recours, sur le fait qu’elle est une professionnelle reconnue et qu’elle n’a jusqu’ici jamais fait l’objet de plaintes malgré un nombre de cas « impressionnant » traité par son cabinet. Il s’agit de considérations d’ordre général qui ne répondent pas aux reproches formulés par l’intimé dans le cas d’espèce. L’intimé a en effet retenu qu’au vu de la difficulté liée à la manipulation du chat lorsque les soins touchaient à la zone anale – celui-ci devenait incontrôlable et très agressif selon les propres termes de la recourante – et au vu de son état de stress à ce point important qu’il avait mordu sa propriétaire, une sédation s’imposait indubitablement. La recourante n’apporte pas d’explications convaincantes aux interrogations de l’intimé qui se demande pour quel motif elle s’est obstinée à vouloir procéder à la vidange des glandes anales sans sédation alors qu’un tel acte avait été pratiqué sous sédation par le passé comme cela ressort de l’historique de la prise en charge de l’animal. L’intimé sera en conséquence suivi lorsqu’il retient que l’absence de sédation a causé une souffrance inutile à l’animal et que la recourante n’a en conséquence pas agi avec le soin et la diligence requis.

6.8 Enfin, dans la procédure n° 6______, la recourante se contente de mettre en cause le vétérinaire habituel du chien, de critiquer le comportement de la dénonciatrice et de relever que, si dans cette procédure, il lui est reproché d’avoir inutilement procédé à des radiographies, on lui avait reproché le contraire dans la procédure 4______. Elle ne répond pas aux arguments de l’intimé qui lui reproche d’avoir augmenté le stress de l’animal dès lors que la réalisation de radiographies implique une contention et que cela est contre-indiqué dans les cas, comme en l’espèce, de problèmes respiratoires. Elle ne conteste pas que, comme le retient l’intimé, elle aurait dû procéder à une injection en urgence de Vetmedin afin de stabiliser l’animal rapidement. Enfin, elle n’oppose pas un avis contraire à celui de l’intimé qui retient que compte tenu du diagnostic posé, il était manifeste que l’animal décompensait et que si cela pouvait être en lien avec la diminution du traitement préconisé par le vétérinaire traitant, il était possible de corriger la situation en augmentant rapidement le dosage du médicament. En l’absence d’avis médical contraire, il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter des conclusions de l’intimé qui retient que la prise en charge ayant été trop lente et les mesures d’urgence adéquates pas mises en place, l’animal a agonisé plusieurs heures sans parvenir à respirer. Cela constitue une violation de l’obligation d’agir avec soin et conscience professionnelle.

Au vu de l’ensemble des éléments précités, c’est à juste titre qu’une violation de ses devoirs professionnels a été retenue à l’encontre de la recourante.

7.             Il reste encore à examiner l’adéquation de la sanction prononcée à l’encontre de la recourante, dont elle conteste la quotité.

7.1 L’art. 43 al. 1 LPMéd prévoit, de manière exhaustive (ATF 143 I 352 consid. 3.3) qu’en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la loi ou de ses dispositions d’exécution, l’autorité de surveillance peut prononcer les mesures disciplinaires suivantes : un avertissement (let. a), un blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), une interdiction de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (let. d), une interdiction définitive de pratiquer à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité (let. e).

L’amende peut être prononcée en plus de l’interdiction de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle (art. 43 al. 3 LPMéd).

7.2 Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’État ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance que leur témoignent les citoyens ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Le prononcé d’une sanction disciplinaire tend uniquement à la sauvegarde de l’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 12.1).

7.3 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 du 13 mai 2019 consid. 6.2.2 et les références citées). Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.2 ; ATA/752/2022 du 26 juillet 2022 consid. 6b).

7.4 En l’espèce, les manquements reprochés à la recourante sont graves. Elle a en effet à plusieurs reprises manqué à son obligation d’exercer son activité avec soin et conscience professionnelle au sens de l’art. 40 let. a LPMéd. L’autorité intimée a prononcé à son encontre un retrait du droit de pratiquer d’une durée de trois mois assorti d’une amende de CHF 5’000.-. Le dispositif de la décision litigieuse mentionne à tort la LS, la sanction ne pouvant en l’espèce être fondée que sur la LPMéd. Cela est toutefois sans effet sur l’issue de la procédure, la sanction prononcée étant quoi qu’il en soit conforme à ce que prévoit l’art. 43 al. 1 let. d. et al. 3 LPMéd.

Il n’apparaît pas qu’au cours des procédures qui ont conduit au prononcé de la décision litigieuse ou devant la chambre de céans, la recourante aurait interrogé sa pratique professionnelle. Elle ne s’est pas non plus montrée très collaborante dès lors qu’elle n’a dans certains cas pas fourni les documents requis par la commission ou ne les a fournis, dans certains autres cas, qu’après plusieurs relances. Il sera retenu qu’elle n’a pas d’antécédents.

En conséquence, l’autorité intimée n’a ni violé la loi ni excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en prononçant la sanction litigieuse. Cette sanction respecte le principe de proportionnalité s’agissant tant de sa nature que de sa quotité, dès lors qu’elle ne constitue pas la sanction la plus sévère parmi celles envisageables et que sa durée est limitée à trois mois. Elle n’emporte pas non plus une restriction inadmissible à la liberté économique de la recourante. En effet, elle est adéquate et apte à atteindre le but poursuivi, à savoir assurer, par une mesure de coercition administrative, le bon fonctionnement du corps social auquel la recourante appartient, qu’une sanction moins incisive ne permettrait en l’occurrence pas d’atteindre. Celle-ci respecte en outre le principe de la proportionnalité au sens étroit, le but d’intérêt public susmentionné l’emportant sur l’intérêt de la recourante à exercer son activité économique pour une durée limitée. Le fait que l’intimé lui a possiblement reproché à tort d’avoir laissé une AMV procéder à une prise de sang n’est pas suffisant ni de nature à modifier l’issue du litige, les autres manquements retenus étant graves.

Le recours s’avère ainsi infondé et sera, partant, rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2022 par A______ contre la décision du département de la santé et des mobilités du 12 octobre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas allouée d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Grégoire REY, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la santé et des mobilités.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Valérie MONTANI, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :