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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2605/2022

ATA/750/2023 du 11.07.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;COMMUNE;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;POUVOIR D'APPRÉCIATION;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;MOTIF
Normes : SPVG.34.al1.letc; SPVG.34.al2.letb; SPVG.82; SPVG.83.alb; SPVG.83.alc; SPVG.84.ala; SPVG.84.alb; SPVG.84.alc; SPVG.84.ale; SPVG.84.alf; SPVG.84.alg
Résumé : Confirmation de la résiliation des rapports de service d’un agent de la police municipale de la Ville de Genève pour motifs objectivement fondés, soit en raison de manquements graves et répétés aux devoirs de service. Il est établi que le recourant a développé et entretenu pendant plusieurs années des liens étroits avec le patron d’un sex center du quartier, mélangeant son activité professionnelle et sa vie privée de façon inadéquate. Il n’avait pas réagi à la présence de tiers dans les locaux fermés au public de la police municipale et d’y avoir également manipulé un fusil à air comprimé en présence de ses collègues et de s’être laissé filmer et prendre en photographie à ces occasions, toujours par cette même personne. Il avait échangé avec cette personne, sur son téléphone professionnel notamment, des messages et fichiers à caractère sexuel, voire pornographiques. Les comportements découverts par l’employeur, susceptibles notamment de porter atteinte à l’image de la police municipale et de la Ville, ont conduit à la rupture du rapport de confiance, rendant la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement du service.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2605/2022-FPUBL ATA/750/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Robert AssaËl, avocat

contre

VILLE DE GENèVE intimée



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1989, est entré le 1er septembre 2011 au service de la Ville de Genève (ci-après : la ville) en qualité d’agent de police municipale, appointé depuis le 1er mai 2015. Il a été incorporé au poste B______ en mars 2012 et, sous réserve de six mois passés au poste C______, il y est resté affecté.

b. Les évaluations faites au cours des entretiens périodiques des 26 avril 2012, 19 mars 2013, 11 mars 2015 et du 8 novembre 2017 sont globalement bonnes. Son évaluateur, le sergent-major D______, a notamment retenu dans le dernier rapport d’évaluation que A______ était un bon élément, arrivé à maturité et pleinement épanoui dans un secteur qu’il connaissait parfaitement. Il était apprécié par tous les collaborateurs du poste, ainsi que de ses supérieurs qui n’hésitaient pas à lui faire confiance en lui donnant des missions importantes ou la gérance (sic) du groupe, ce qu’il exécutait en étant professionnel et rigoureux.

c. Le 2 avril 2019, suite à un accident de la circulation en dehors du service, A______ a été condamné par ordonnance pénale et sur le plan disciplinaire. L’augmentation de son traitement a été supprimée pour une année le 23 octobre 2019 et, le 20 décembre 2019, il a été informé par la direction du service qu’un changement d’affectation au poste d’opérateur non uniformé à la centrale d’engagement était envisagé. A______ s’est opposé à ce transfert, la dernière fois le 11 septembre 2020.

B. a. En avril 2019, la presse a fait état de ce qu’une vingtaine d’agents cantonaux et municipaux de la police genevoise étaient suspectés d’une trop grande proximité avec un patron d’enseignes érotiques actif aux B______ récemment arrêté après une transaction immobilière suspecte. L’analyse du téléphone portable dudit tenancier avait révélé de nombreux échanges pendant plus de dix ans avec des agents de police et des comportements problématiques des agents, comme des infractions de corruption, de violation du secret de fonction et d’acceptation d’un avantage, en contrepartie de nombreux passe-droits obtenus par le prévenu.

b. Le 11 juin 2019, la brigade financière de la police judiciaire (ci-après : la brigade financière) a établi un rapport de renseignements à l’attention du Ministère public.

À la suite de l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de E______, gérant d’un « sex center » aux B______, et de son placement en détention provisoire, son téléphone portable avait été saisi. L’analyse des données extraites de son téléphone avait mis en évidence des liens avec différents agents de la police municipale de la ville, notamment un contact enregistré comme « Police Munic. F______» avec un numéro de portable professionnel, un numéro fixe français ainsi qu’un numéro de portable français. Diverses photos et messages avaient été extraits.

c. Le 15 juin 2020, l’inspection générale des services (ci-après : IGS) a sollicité du Ministère public l’autorisation de transmettre une copie de son rapport et de tout autre document pertinent au conseiller administratif de la ville en charge de la police municipale, afin qu’il puisse se déterminer sur l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de son agent.

d. Le même jour, l'IGS a remis un rapport au Ministère public concernant notamment A______.

De nombreux échanges via WhatsApp montraient une grande proximité entre certains agents de la police municipale (ci-après : APM) de la ville et E______, mettant en évidence des problèmes d'ordre déontologique.

S’agissant de A______, présent dans les contacts de E______ tant avec son numéro professionnel qu'avec son numéro privé, les problèmes détectés étaient les suivants :

-          18 octobre 2018 : E______ envoie à A______ des images d’un repas pris en compagnie de son amie dans un poste d’agents de la police municipale (ci-après : APM), ainsi que des images prises dans des bureaux de la police municipale ;

-          31 octobre 2018 : E______ envoie à A______ une série d’images et de films montrant des APM manipulant et tirant avec un fusil d’assaut à bille soft air au sein d’un poste d’APM ;

-          Lors des 2248 échanges avec E______, A______ lui a envoyé plusieurs messages à caractère pornographique, ceci avec son téléphone portable professionnel ;

-          3 et 4 novembre 2018 : E______ demande à A______ et à un autre APM des informations sur deux plaques d’immatriculation genevoises et fribourgeoises. Les deux APM ont fait des contrôles dans le système « MACS » de l’une des immatriculations, A______ le 6 novembre 2018.

e. Le 1er septembre 2020, le Ministère public a accordé un « n’empêche » à l’IGS, permettant ainsi de communiquer son rapport aux autorités administratives concernées.

f. Le 25 novembre 2020, le Conseil administratif de la ville a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de A______. L’enquête a été confiée à G______et H______, juristes au service juridique de la ville.

 

 

Il était reproché à A______ :

-          d’avoir développé et entretenu, pendant plusieurs années, des liens étroits avec E______ mélangeant ainsi son activité professionnelle et sa vie privée de façon inadéquate ;

-          de s’être fait offrir par le précité, à de nombreuses reprises, des cafés et des repas, notamment durant ses heures de service ;

-          d’avoir laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale réservés aux seuls ayants droits :

-          d’avoir reçu, visionné voire envoyé, durant ses heures de service et/ou au moyen de son téléphone professionnel, du contenu à caractère sexuel, voire pornographique ou, à tout le moins, inapproprié ;

-          d’avoir transmis à E______ des informations obtenues dans le cadre de son activité professionnelle, voire couvertes par le secret de fonction, parmi lesquelles des renseignements relatifs aux activités déployées par la police municipale ou cantonale, ainsi que des données personnelles de tiers ;

-          d’avoir manipulé et/ou laissé des tiers manipuler un fusil à air comprimé dans le poste B______, cela en présence de ses collègues, au risque de provoquer un accident voire des lésions corporelles chez les personnes présentes ;

-          de s’être laissé filmer et/ou prendre en photographie par des tiers, notamment à l’occasion de l’événement susvisé, en adoptant un comportement susceptible de porter atteinte à l’image de la police municipale et de la ville ;

-          d’avoir adopté un comportement incompatible avec son statut d’employé de la ville et d’APM, susceptible non seulement de porter préjudice aux intérêts de la ville mais également de porter atteinte à la considération et à la confiance dont la fonction publique doit être l’objet.

Si ces manquements étaient avérés, ils constituaient une violation grave des devoirs généraux de l’employé susceptibles d’une sanction disciplinaire, voire de fonder un motif de licenciement.

g. Les 1er février et 2 juillet 2021, les enquêteurs ont procédé à des audiences de comparution personnelle et d’audition de dix témoins : I______, commandante et cheffe du service de la police municipale (ci-après : SPM) ; D______, sergent-major chef du poste B______ ; J______, sergent-major au poste de H______ ; I______, caporal-chef de groupe au poste B______ ; J______, sergent et sous-officier de service au poste B______ ; K______, appointé au poste B______ ; L______, appointé au poste B______, M______, appointé au poste B______ ; N______, APM au poste B______ et E______. Avec l’accord de A______, trois témoignages recueillis antérieurement ont été versés à la procédure.

Un dossier d’enquête reprenant les faits reprochés ainsi que les déterminations de A______ a été rédigé le 13 mai 2022 par les enquêteurs, qui concluaient à des violations particulièrement lourdes des devoirs professionnels, en particulier s’agissant de la proximité de ses liens avec E______. Il s’était fait offrir, à réitérées reprises et durant son temps de travail, des cafés dans l’établissement de E______, ainsi que fait inviter à un repas dans un établissement public et au domicile de ce dernier. Il avait accepté de recevoir, d'envoyer et de visionner puis commenter sur son téléphone professionnel de très nombreux fichiers à caractère sexuel voire pornographique pendant près de deux ans.  Il avait participé aux repas organisés au sein du poste avec E______ et son amie. Il avait manipulé et tiré à une reprise au moins, avec le fusil airsoft dans le poste et s’était laissé photographier avec le fusil et en uniforme, faisant un doigt d’honneur. Il avait consulté le système « MACS » permettant d’interroger plusieurs bases de données en une seule requête pour satisfaire sa curiosité personnelle. Au vu des propos tenus pendant les enquêtes, il semblait que A______ n’ait pas pris conscience de l’impact de son comportement.

h. Le rapport d’enquête a été transmis à A______ par le Conseil administratif en lui précisant qu’un licenciement pour motif objectivement fondé était envisagé.

Dans le délai prolongé au 10 juin 2022, A______ a contesté toutes allégations, interprétations et conclusions des enquêteurs qui divergeaient des siennes. Il a contesté avoir violé ses devoirs de service et la sanction prévue consacrait selon lui une inégalité de traitement par rapport aux autres agents du même poste poursuivis dans le même contexte.

i. Par décision du 15 juin 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif, reprenant les éléments établis par le rapport d’enquête, a prononcé la résiliation de l’engagement de A______ avec effet au 31 décembre 2022 pour motif objectivement fondé, en raison de manquements graves et répétés aux devoirs de service, selon l’art. 34 al. 2 let. b du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (LC 21 151 - ci-après : le statut).

C. a. Par acte mis à la poste le 17 août 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision de la ville, concluant préalablement à ce qu’un délai lui soit accordé pour compléter son recours, à la production des décisions prises à l’encontre de tous les APM en relation avec E______ et à ce qu'il lui soit accordé un délai pour se déterminer sur ces décisions en relation avec sa propre situation. Principalement, il concluait à l’annulation de la décision querellée et à ce que la procédure disciplinaire soit classée après constat qu’il n’avait pas contrevenu à ses devoirs de service.

Il n’y avait pas de règlement ni de directive, pas plus que d’instructions orales, sur la nature des contacts que les APM pouvaient entretenir avec les acteurs du quartier, l’utilisation du téléphone professionnel et privé, la transmission des numéros de téléphone aux acteurs du quartier ou encore la présence de tiers au poste.

Le poste B______ appartenait à la police de proximité, ce qui impliquait d’avoir des contacts, voire des liens, avec les acteurs pour garantir au mieux la sécurité et l’ordre publics. Il y avait inévitablement un rapprochement plus important avec ceux qui donnaient plus de renseignements utiles pour atteindre les objectifs de la police municipale. Les liens qui pouvaient être d’ordre privé visaient aussi l’objectif d’obtenir des éléments utiles au travail. Il n’avait jamais mélangé son activité professionnelle et sa vie privée, restant toujours impartial et indépendant.

Sur le plan pénal, il avait bénéficié d’une ordonnance de non-entrée en matière.

Les messages s’inscrivaient dans sa relation professionnelle avec E______, étant rappelé qu’avec les années, il y avait eu un rapprochement. Les cafés offerts l’étaient sur la machine privée de E______, son établissement ne vendant pas de café.

Un seul des deux repas partagés avec E______ et des APM avait été payé par E______. Les APM l’avaient invité pour le second.

Le barbecue s’inscrivait dans un cadre strictement privé. Chacun avait amené une bouteille de vin et des saucisses à griller.

Rien n’interdisait les messages à caractère sexuel. Les messages reçus étaient regardés en dehors de ses heures de service et il n’avait jamais transféré de tels fichiers à des tiers. La charte relative à l’utilisation de son téléphone professionnel qu’il avait signée prévoyait une utilisation privée possible. S’étant domicilié en France, il avait résilié son abonnement privé suisse et utilisait son téléphone professionnel à titre privé, de manière épisodique.

L’utilisation du système « MACS » sans transmettre d’informations ne constituait pas une violation de la directive.

Il ne savait pas que E______ allait venir au poste avec un fusil airsoft afin qu’un APM le règle. Les conditions de sécurité, nécessaires pour des manipulations et des tirs étaient garanties, car organisées par cet APM qui connaissait très bien les armes.

Rien n’interdisait de se laisser photographier par E______, étant rappelé qu’il s’était engagé à ne pas diffuser les prises de vue et avait tenu son engagement.

Il avait pris conscience que certains de ses comportements ne correspondaient pas à ce que la ville attendait de lui. Il comprenait les reproches qu’il n’avait pas contestés et se remettait en question.

Il n’avait accordé aucun avantage à E______, n’en avait reçu aucun, ses états de service étaient bons et aucune plainte de citoyen n’avait été déposée à son encontre. Par ailleurs, il avait deux enfants à charge et il était indispensable qu’il travaille.

b. Le 14 octobre 2022, la ville a conclu au rejet du recours. Les enquêtes avaient établi les faits reprochés.

Les contacts entre le recourant et E______ n’étaient pas uniquement professionnels puisque le contenu de leurs échanges outrepassait, dans une très large mesure, le cadre professionnel, s’appelant d’ailleurs souvent « mon ami ».

Certains messages semblaient indiquer, sans certitude, que le recourant avait bénéficié de prestations de nature sexuelle au sein de l’établissement géré par E______.

Certains locaux du poste B______ étaient, en principe, fermés au public. Une personne ne pouvait ainsi monter à l’étage qu’avec l’accord de l’un des responsables du poste, le guichet d’accueil du public étant au rez-de-chaussée. À deux reprises, E______ accompagné de son assistante, avait été reçu au premier étage du poste et notamment dans l’open space des APM, pour un repas et pour assister à une séance de réglage de son fusil à air comprimé en présence du recourant, ce dernier l’ayant invité pour le repas pour ne pas lui être redevable pour un repas offert au restaurant. Le chef de poste et son remplaçant n’étaient pas au courant.

La communication de son numéro de téléphone privé n’était pas interdite mais déconseillée. Entre le 28 février 2017 et le 1er février 2019, le recourant avait échangé 1133 messages et fichiers, dont de nombreux étaient à caractère sexuel, voire pornographique, avec E______. Le recourant avait admis ne jamais avoir demandé à ce dernier de cesser l’envoi de tels fichiers, en avait commenté un certain nombre et en avait lui-même envoyé. Aucun autre acteur du quartier n’avait procédé à de tels envois.

L’utilisation du système « MACS » était soumis à une charte et chaque agent avait signé un document concernant les conditions d’utilisation de l’unité de pilotage informatique de la Confédération (PKI) donnant accès à la base de données. L’agent s’engageait à utiliser la base uniquement pour des affaires autorisées. E______ avait demandé à trois reprises des informations relatives à l’identité de tiers. Il n’avait pas pu être établi que le recourant avait transmis des informations mais qu’il avait consulté la base de données, par curiosité selon lui.

La manipulation et le fait de laisser des tiers manipuler un fusil à air comprimé dans le poste, en présence de collègues, au risque de provoquer un accident, avaient eu lieu en dehors des heures d’ouverture du poste, en l’absence de la hiérarchie. Le recourant avait admis avoir tiré sur une cible en carton et avoir été photographié tenant l’arme.

Le recourant s’était laissé prendre en photo par E______ au sein du poste à plusieurs reprises, alors qu’il était en uniforme et donc en service, attablé dans la salle de conférence en train de partager une fondue avec d’autres APM. Sur une photographie, il fait un doigt d’honneur en uniforme. L’image donnée est à tout le moins inadéquate et désinvolte et il ne s’était jamais opposé à la prise de ces photos.

Les manquements graves et répétés du recourant justifiaient la résiliation des rapports de service, la rupture du lien de confiance étant manifeste. Aucun argument ne pouvait être tiré des sanctions prises à l’encontre de ses collègues.

c. Le 27 décembre 2022, A______ a répliqué.

La sanction était disproportionnée et faisait fi de l’ordonnance de non-entrée en matière dont il avait bénéficié. Il était erroné d’affirmer qu’il avait démontré une absence totale de remise en question.

d. Le 4 avril 2023, la caisse de chômage Unia a informé la chambre administrative qu’elle était subrogée dans les droits de A______, son assuré, pour la période du 2 janvier 2023 au 31 mars 2023.

e. Le 5 avril 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la résiliation par le Conseil administratif des rapports de service du recourant au 31 décembre 2022 pour motif objectivement fondé, au sens de l’art. 34 al. 2 let. b du statut, en raison de manquements graves et répétés aux devoirs de service

3.             Le recourant sollicite la production des décisions prise par l’autorité intimée à l’égard de ses collègues ayant également été en relation avec E______.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, la production des décisions rendues à l’encontre de collègues du recourant ne s’avère par nécessaire, la question d’une éventuelle violation du principe de l’égalité de traitement pouvant être tranchée en l’état du dossier et compte tenu des nombreux cas similaires dont la chambre de céans a eu à connaître et de l’existence d’une abondante jurisprudence en matière de fonction publique, notamment concernant la violation des devoirs de service.

4.             Le recourant conteste que les conditions d’une résiliation, tout comme celles d’une sanction disciplinaire, soient remplies.

4.1 Les communes disposent d'une grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu'elles entretiennent avec leurs agents. Ainsi, l'autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d'appréciation pour fixer l'organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celle-ci, questions relevant très largement de l'opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA).

Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble, dès lors qu'elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir, ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/1807/2019 du 17 décembre 2019 consid. 6b et les références citées).

4.2 La décision litigieuse se fonde sur les art. 34 al. 1 let. c et al. 2 let. b, 82, 83 let. b et c, 84 let. a, b, c, e, f et g du statut ainsi que sur la directive générale relative à l’utilisation des systèmes d’information et de communication (ci-après : directive SIC).

4.2.1 Selon l’art. 34 al. 1 statut, après la période d’essai, un employé peut être licencié par décision motivée du Conseil administratif, pour motif objectivement fondé pour la fin d’un mois, moyennant un délai de préavis de six mois dès la onzième année de service.

L'ancien statut du personnel de la ville se caractérisait pas une très grande difficulté pour cette dernière de se séparer de membres du personnel ne donnant pas satisfaction : cela nécessitait soit de passer par la révocation, soit par la démonstration de motifs graves. Avec le SPVG, le licenciement d'un membre du personnel a été facilité et les principes le régissant clarifiés. La distinction très difficile, voire impossible à appliquer en pratique, entre la révocation à titre de sanction et le licenciement pour manquement grave aux devoirs du personnel a été supprimée, seule la deuxième solution subsistant (Mémorial du conseil municipal de la ville du 10 novembre 2009, Proposition du CA du 14 octobre 2009 en vue de la modification du statut de personnel de la ville, p. 2292, disponible sur https://conseil-municipal.geneve.ch/conseil-municipal/seances-plenieres /calendrier-documents/detail-seance-ordre-jour/seance-cm/1257811200/, consulté le 3 décembre 2020).

4.2.2 Est considéré comme objectivement fondé tout motif dûment constaté démontrant que les rapports de service ne peuvent pas se poursuivre en raison soit de l'insuffisance des prestations (a), un manquement grave ou répété aux devoirs de service (b), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (c), la suppression du poste sans qu'il soit possible d'affecter la personne concernée à un autre emploi correspondant à ses capacités et aptitudes professionnelles (d), l'échec définitif aux examens d'aptitude à l'exercice de sa profession (e).

4.3 Au vu de la diversité des agissements susceptibles de constituer une violation des devoirs de service, le Tribunal fédéral admet le recours par le législateur cantonal genevois à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs ; tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu’il est incompatible avec le comportement que l’on est en droit d’attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire, peut engendrer une sanction, étant précisé que, pour être sanctionnée, la violation du devoir professionnel ou de fonction en cause doit être imputable à une faute, intentionnelle ou par négligence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 précité consid. 4.2.2 et les références citées). Un fonctionnaire a, pendant et en dehors de son travail, l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance. Sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État, en particulier à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés, et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences liées au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 8C_252/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.2). Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 précité consid. 3.2.2).

4.4 Selon l’art. 82 du statut, les membres du personnel sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. L’art. 83 du statut prévoit que les membres du personnel doivent par leur attitude : a) entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieurs et leurs subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes ; c) justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la Ville de Genève doit être l’objet. Dans l’exécution du travail, les membres du personnel doivent notamment : a) remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence ; f) se conformer aux règlements et directives les concernant ; g) se conformer aux instructions de leurs supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (art. 84 du statut). Le secret de fonction s’impose aux membres du personnel « pour toutes les informations dont [ils] ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions » (art. 86 al. 1 du statut).

Parmi les directives à respecter figure la directive générale sur l’utilisation des systèmes d’information et de communication (ci-après : directive SIC), en vigueur depuis le 1er décembre 2003. Selon le ch. 2.1.1 al. 3 let. d de cette directive, l'utilisation des SIC à des fins privées est tolérée pour autant qu'elle n'entraîne pas la consultation ou la transmission de représentations obscènes ou violentes.

Ont également été versés à la procédure, l’engagement signé le 6 juin 2016 relatif au secret de fonction et à la sécurité de l’information ainsi que la présentation PowerPoint du cours de déontologie dispensé en 2021 au centre de formation de la police et des métiers de la sécurité.  

Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5). Dans cette affaire, l'établissement public cantonal avait, après l'enquête administrative, prononcé la révocation à l'encontre du membre du personnel concerné. Selon le Tribunal fédéral, on peut douter que la voie utilisée par l'autorité intimée constitue une mesure appropriée pour sanctionner les actes de ladite personne. Ceux-ci se situaient en deçà de la gravité des cas cités sous l'angle des attentes de la fonction occupée et de la nature des devoirs violés. En particulier, il n'apparaissait pas que cette personne ait gravement porté atteinte au fonctionnement ou à l'image de l'autorité intimée. Toutefois, le Tribunal fédéral a considéré que le comportement adopté par cette personne pouvait entraîner la rupture du lien de confiance avec son employeur. Les faits reprochés à cette dernière constituaient manifestement un motif fondé de résiliation des rapports de service, de sorte que l'autorité intimée aurait été fondée à prononcer le licenciement ordinaire et même immédiat. Si ce n'est dans ses motifs, le jugement cantonal pouvait en tout cas être confirmé dans son résultat (arrêt 8C_203/2010 précité consid. 3.6).

Dans une autre affaire genevoise concernant un licenciement ordinaire prononcé par une commune à la suite d'une enquête administrative, en lieu et place d'une révocation disciplinaire, le Tribunal fédéral a relevé que la révocation et le licenciement pour motifs graves visaient des buts différents même si les deux prononcés avaient pour effet de mettre un terme à l'engagement du fonctionnaire. La révocation, qui figure sous le chapitre « Responsabilité disciplinaire et sanctions » du statut communal, est une mesure de nature disciplinaire et constitue la sanction formelle d'un comportement fautif. Elle implique le constat que le fonctionnaire a violé les devoirs de sa charge, intentionnellement ou par négligence, et que la gravité de la faute justifie une sanction disciplinaire. En tant qu'elle revêt l'aspect d'une peine et a un caractère plus ou moins infamant, la révocation ne s'impose que dans les cas particulièrement graves qui portent atteinte au fonctionnement ou à l'image de l'employeur public. En revanche, le licenciement pour motifs graves ne relève pas du droit disciplinaire. Il suppose l'existence de motifs graves, ce par quoi il faut entendre, à teneur du texte de la disposition communale, « toutes circonstances qui, d'après les règles de la bonne foi, font admettre que le CA ne peut plus maintenir les rapports de service - notamment : la perte de l'exercice des droits civils ; l'incapacité professionnelle dûment constatée ; l'inaptitude, dûment constatée, à observer les devoirs généraux de la fonction » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 du 19 septembre 2012 consid. 7.1). Il s'agit de la définition des justes motifs de résiliation ordinaire des rapports de service, généralement utilisée par la jurisprudence fédérale récente (arrêts du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 ; 8C_640/2018 du 19 mars 2019 consid. 6.6.1). Le Tribunal fédéral a confirmé que le licenciement pour motifs fondés au sens de l'art. 21 al. 3 LPAC est une mesure administrative qui ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service ; il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.1 et 4.2).

4.5 L’enquête sert à l’établissement des faits et doit permettre à l’autorité communale d’examiner si les circonstances mises à jour constituent ou non un comportement fautif susceptible d’être sanctionné par voie disciplinaire. Cependant, cette autorité reste libre, moyennant le respect du droit d’être entendu, de décider de renoncer à la voie disciplinaire et de recourir au prononcé d’un simple licenciement si elle estime que les faits constatés ne sont pas d’une gravité de nature à justifier un renvoi par le biais de la révocation, mais rendent néanmoins inacceptable une continuation des rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 du 19 septembre 2012 consid. 7.2).

5.             La chambre de céans a déjà jugé plusieurs cas de résiliation pour motif fondé ainsi que plusieurs cas de sanctions prises dans le même contexte que la présente espèce, à savoir en raison d’une trop grande proximité d’agents publics avec E______.

5.1 Elle a confirmé la résiliation ordinaire des rapports de service d'un sergent de la police cantonale qui avait noué une relation d'amitié avec E______, avait été condamné pénalement pour violation du secret de fonction au bénéfice de ce dernier, avait participé à un événement festif avec des travailleuses du sexe sur invitation de E______, avait échangé avec lui de nombreuses photos et vidéos à caractère pornographique, et lui avait envoyé des messages contenant des propos injurieux et même parfois racistes ou menaçants pour des tiers (ATA/1168/2022 du 22 novembre 2022).

5.2 Elle a aussi confirmé le blâme infligé à un autre caporal-chef de groupe de la police municipale. Si l'on pouvait à la rigueur admettre qu'un policier de proximité puisse à l'occasion se faire offrir un café par un commerçant du quartier sans encourir pour autant de responsabilité disciplinaire, les liens entre l'intéressé et E______ avaient une toute autre dimension : fréquentes pauses à l'arcade du précité, communication à celui-ci de son numéro privé, invitation à un barbecue, tutoiement systématique, détails intimes livrés par messages, demande de prêt portant sur plusieurs milliers de francs, demandes de contenus à caractère sexuel et réception de E______ dans les bureaux du poste B______ démontraient qu'il existait entre les deux hommes des liens allant bien au-delà d'une fréquentation ordinaire dans un cadre professionnel. Une telle proximité était susceptible de faire perdre au recourant son objectivité vis-à-vis d'un administré à qui il pouvait facilement avoir affaire dans le cadre de ses tâches de police, et avait incontestablement contribué à ternir l'image de la police municipale auprès du public. Ce faisant, l'intéressé avait contrevenu aux différentes dispositions des art. 82 à 84 du statut. Le fait qu'il n'existait pas de règlements ou de directives écrites ou orales sur le degré de proximité possible entre un agent municipal et un administré n'y changeait rien, dès lors qu'il s'agissait avant tout d'une question de bon sens et que la faute disciplinaire ne supposait pas que les comportements fautifs soient spécifiquement et précisément décrits dans une loi ou un règlement. La réception de clichés et de vidéos à contenu sexuel contrevenait également à la directive SIC et, par contrecoup, à l'art. 84 let. f du statut. Quant au choix de la sanction, il s'agissait de la deuxième plus faible d'un catalogue volontairement restreint par le législateur communal, et certains des comportements reprochés au recourant auraient pu à eux seuls justifier un blâme, notamment la demande d'un prêt à hauteur de CHF 4'000.- à E______, qui n'était pas contestée (ATA/1082/2022 du 1er novembre 2022). On peut noter que si la ville avait annoncé vouloir également prononcer un changement d'affectation d'office, une telle décision n'avait apparemment pas encore été prise à la date du prononcé de l'arrêt.

5.3 La chambre de céans a confirmé une sanction de sept services hors tour infligée à un appointé de gendarmerie. Ce dernier avait contrevenu à ses devoirs de service en entretenant une relation de proximité, inadéquate, avec E______, actif dans le quartier auquel il était affecté, partageant des repas avec lui et cherchant à plusieurs reprises à le rencontrer, au « poste » ou à l’« arcade », dans des lieux publics et acceptant d’être photographié en sa compagnie à l’occasion de sorties privées, également avec d’autres policiers. Une telle relation de proximité, affichée, était propre à donner l’image de privilèges donnés à un administré au détriment d’autres personnes et participait à affaiblir la confiance du public envers l’intégrité de la police, ce d’autant plus au regard du traitement de l’affaire d'une personne ayant impliqué de manière indirecte E______. Par ailleurs, bien qu’il n’ait pas commenté les très nombreuses photographies et vidéos reçues de E______ sur son numéro professionnel, il n’avait pas non plus découragé de tels messages, contraires à la bienséance et à la décence, ni demandé à son interlocuteur de ne plus lui en envoyer. À cela s’ajoutait l’utilisation de WhatsApp pour la transmission de pièces d’une procédure pénale, méthode qu’il avait admis ne pas être adéquate (ATA/738/2021 du 13 juillet 2021).

5.4 Elle a annulé la sanction de changement d’affectation d’office prononcée à l’encontre d’un caporal-chef de groupe au service de la police municipale, ayant déjà fait l’objet d’un blâme, celle-ci étant disproportionnée. Ce dernier avait certes manqué à ses devoirs de service mais sa faute ne pouvait être qualifiée de grave et ne pouvait pas être comparée à celle ayant fait l’objet d’un blâme. Le dossier ne laissait pas transparaître une grande proximité avec E______ et l’échange de messages ne dénotait pas une familiarité particulière. Il avait toutefois assisté au repas organisé avec E______ à l’intérieur du poste (ATA/117/2023 du 7 février 2023).

5.5 Elle a aussi confirmé la résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire de police pour motifs fondés – par substitution de motifs, et ainsi pas, comme retenu dans la décision, pour inaptitude à remplir les exigences du poste, mais pour insuffisance de prestations. Le recourant n’avait pas vraiment pris conscience de la gravité de ses manquements ou les minimisait, notamment quant au devoir d’exemplarité et d’atteinte à l’image de la police ou encore à l’obstacle qu’ils représentaient à l’accomplissement des buts de la LProst, soit notamment la protection des travailleuses du sexe. Il minimisait également la distinction qui devait être faite entre une certaine proximité avec les administrés, tel un tenancier de salon de massage, nécessaire aux activités policières et celle qu’il avait développée, uniquement dans son propre intérêt, s’agissant d’accepter des cadeaux, des conseils ou encore d’être redevable d’autres façons, allant même jusqu’à s’associer avec le tenancier pour l’achat d’un bien immobilier ou la reprise d’une activité commerciale. Les comportements découverts par l’employeur avaient conduit à la rupture du rapport de confiance, rendant la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police, étant rappelé que les exigences liées au comportement d’un policier excédaient celles imposées aux autres fonctionnaires. Il ne pouvait dès lors être reproché à l’employeur de n’avoir pas choisi la voie disciplinaire (ATA/458/2023 du 2 mai 2023).

6.             En l'espèce, la décision de résiliation, qui s'appuie sur les conclusions du rapport d'enquête du 13 mai 2022, retient que les rapports de service ne peuvent pas se poursuivre en raison des manquements graves et répétés aux devoirs de service ayant entraîné une rupture définitive du lien de confiance.

Les faits retenus dans la décision litigieuse ne sont pas contestés en tant que tels par le recourant, qui conteste uniquement la qualification retenue par l’autorité intimée, niant qu’il s’agisse, dans son cas, de manquements à des devoirs de service. Il aurait toujours agi pour des motifs professionnels, en lien avec son activité d’APM.

6.1 La réception sur son téléphone professionnel, parfois pendant les heures de service et parfois suivie de l’envoi de commentaires ainsi que l’envoi de très nombreux messages (2248 messages au total) incluant souvent des fichiers (photographie et vidéos) à caractère sexuel, avec un seul acteur du quartier, durant une période allant du 25 mai 2017 au 23 octobre 2018, n'entre pas dans le cadre normal des liens à établir par un APM avec les acteurs du quartier, et le recourant ne le prétend d’ailleurs pas.

Les contenus concernés vont, à titre exemplatif uniquement, car leur caractère sexuel n’est pas contesté, d’un fichier reçu contenant 150 photographies de femmes, avec pour chacune d’elle, une photographie en pied, dénudée ou nue, une seconde de son visage ainsi qu’une troisième de son sexe et de son anus (pièce 5.5 intimée) à des vidéos montrant des femmes se dénudant dans une cabine d’essayage et pratiquant du sexe oral ou un homme nu insérant son sexe dans la bouche d’une femme. Le recourant a admis l’absence de lien avec son activité professionnelle lors de son audition indiquant que les commentaires envoyés suite à la réception de ce type de fichiers n’avaient aucun lien avec son activité. Il n’avait pas demandé l’arrêt de ces envois, par lassitude, vu leur nombre et ayant constaté que des collègues en recevaient également. Il a encore considéré que ces comportements n’étaient certes « pas très malins » mais qu’ils constituaient une utilisation privée de son téléphone professionnel qu’il ne pensait pas non autorisée (PV du 21 juin 2021 p. 5 et ses écritures).

Or, outre que ces comportements constituent indéniablement une violation des directives sur l’utilisation des systèmes de communication mis à disposition, notamment de l’obligation d’adopter un comportement irréprochable lors de leur utilisation, contribuant à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes et les principes et valeurs conformes aux intérêts et image de la ville (art. 2.1.2 directive SIC) et de l’interdiction d’une utilisation à des fins privées entraînant la consultation et la transmission de représentations obscènes ou violentes (art. 2.1.1), ils constituent également une grave violation des art. 83 et 86 du statut, car ils sont susceptibles de porter un préjudice aux intérêts de la ville en portant atteinte à la considération et la confiance dont son personnel doit faire l’objet. Aussi, vu la gravité de la violation à ces devoirs de service, la question pourra rester indécise de savoir si le contenu des nombreux fichiers à caractère sexuel remplit également la qualification d’infraction contre l’intégrité sexuelle par des représentations pornographiques (art. 2.1.3 directive SIC).

6.2 La teneur et le nombre des messages échangés entre le recourant et E______ permettent de constater la nature des contacts existants, soit une relation où se mêlaient vie professionnelle et vie privée. Même si le recourant conteste ce mélange et affirme avoir gardé une posture professionnelle en lien avec ses missions d’îlotage, les faits ne permettent toutefois pas de le suivre. Par exemple, le mélange apparaît clairement dans l’échange suivant, datant du 21 février 2018 où il répond à E______ qui lui demandait : « Sait qui la blonde qui est dans le groupe a O______ ? Elle a l’air pas mal », « C est une stagiaire Elle mérite oui Propose lui du boulot ». L’échange se poursuit par la réponse de E______ : « nooooo mais je me la ferai bien Vais voir si O______ l’amène », le recourant répondant « Tant qu il vient pas avec son chef ». Ensuite, il donne le prénom et l’âge de sa collègue stagiaire à E______ qui trouvait qu’elle avait l’air jeune, précisant « Mais je tape dedans quand meme », à quoi E______ répond : « trop mais sa me dérangerai pas de me la taper ».

Outre établir la proximité existant entre le recourant et le patron du sex center, confirmée par de nombreux messages à contenu privé (annonce de naissance, de séparation conjugale, invitation à des cafés, repas, etc.), cet échange permet d’établir à lui seul que le recourant a violé l’obligation d’entretenir des relations dignes et respectueuses avec ses collègues (art. 83 let. b statut), d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 83 let. b statut) et de justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l’objet (art. 83 let. c statut).

La tentative du recourant de contester l’existence de ces violations par l’absence de directives précises sur la nature du lien autorisé entre un APM et un acteur du quartier tombe à faux. D’une part parce que, même sans précisions, les limites en la matière, fixées par les dispositions du statut, sont clairement dépassées en l’espèce, comme cela tombe sous le sens. D’autre part, le recourant était bien conscient de franchir cette limite même s’il le nie, ce qui est notamment démontré par le fait que plusieurs messages font référence à sa hiérarchie, comme dans l’échange du 21 février 2018. D’autre messages confirment encore que le recourant était conscient du fait que la nature du lien et des échanges avec E______ n’était pas conforme à ses devoirs de service. Le 24 septembre 2018, dans un échange à propos d’un rendez-vous pour un café, le recourant dit : « putain, il nous lache pas le chef » et « je te redis si on arrive à l esquiver » et finalement « enfait c est bon on va le poser ». Le 15 novembre 2018 à 21h36, le recourant informe son interlocuteur qu’il est encore avec son chef et un nouveau collègue, ajoutant : « je veux d’abord voir ce qu il vaut avant de faire n’importe quoi », ce à quoi E______ répond d’appeler quand il sera tranquille.

L’abolition de la nécessaire distance professionnelle du recourant et la transmission des éléments d’ordre professionnel à un tiers ressortent également de nombreux échanges, dont celui cité ci-dessus. Le recourant a répondu plusieurs fois aux questions sur la présence de l’un ou l’autre APM au poste (5 mars, 25 et 27 avril 2018, par exemple), sur les horaires de travail des uns et des autres, voire à une occasion en tout cas sur des opérations policières en cours (24 janvier 2018).

La conclusion retenue par les enquêteurs quant à un mélange inopportun et de manière affichée des rapports professionnels et privés, avec un acteur du secteur usuel de patrouille, plaçant le recourant dans une position de ne plus être en mesure d’accomplir les tâches inhérentes à sa fonction et enfreignant, à plusieurs reprises, son devoir de réserve d’agent public ne peut donc qu’être suivie.

6.3 Doivent encore être retenus à l’encontre du recourant la participation aux repas organisés à l’intérieur du poste B______, en dehors des heures d’ouverture mais pendant ses heures de service, en compagnie de collègues en uniforme, sans autorisation de la hiérarchie, avec E______ et son amie.

À teneur des enquêtes, la présence de ces personnes dans les locaux sensibles du poste est avérée, soit au premier étage, dans la salle de conférence et l’open space. Selon les témoignages, ces personnes n’étaient toutefois pas seules dans ces endroits. Selon les témoins, il était le seul commerçant du quartier à avoir été invité. Le chef de poste et son remplaçant ont fait part de leur déception d’avoir vu leur confiance trahie, et le sous-officier de service a affirmé qu’il n’aurait jamais autorisé un tel repas, pour des raisons d’absence de motif professionnel. Les APM présents ne s’étaient pas opposés à la prise de photographies par E______ et, sur l’une des photographies, le recourant fait un doigt d’honneur.

Les agents présents ont admis ne pas avoir demandé l’autorisation de leur hiérarchie, ni l’avoir informée ultérieurement. Il n’existait pas de problème, selon eux, pendant leur temps de pause, dès lors qu'ils avaient invité un commerçant du quartier, ce qui relevait de leurs tâches. S’il avait été invité, c’était aussi pour lui rendre la pareille, afin de ne pas lui être redevable.

À cet égard, la chambre de céans a déjà jugé pour le même comportement que le fait d'avoir partagé avec des collègues et E______ un repas au poste de la police municipale est, n'en déplaise au recourant, fautif, s’agissant d’un administré actif dans le quartier et spécialement susceptible d'avoir à faire à la police municipale, une telle familiarité pouvant engendrer, si elle venait à être connue, une impression de favoritisme. En revanche, l'intimée ne démontre nullement que le recourant était chef de poste, ou que c'est à son initiative que E______ et son amie ont été invités, si bien que l'on ne saurait lui reprocher, comme le fait l'intimée, d'avoir « laissé entrer des tiers non autorisés dans les locaux de la police municipale », mais uniquement d'avoir toléré leur présence (ATA/1037/2022 du 7 février 2023 consid. 5).

6.4 Lors d’un second épisode, E______ et son amie ont également été invités dans les locaux du poste, hors la présence de la direction, afin de régler la visée de son fusil airsoft en présence de quatre agents, dont le recourant. Lors de cet épisode, les participants se sont rendu dans le couloir, l’open space des agents, devant la salle de conférence du premier étage. Le recourant a admis avoir pris le fusil en mains, avoir visé et tiré, à une reprise, sur une cible en carton. Des photographies ont été prises par E______, et aucun agent présent ne s’y est opposé. La hiérarchie n’avait pas été informée, ni avant ni après l’événement, et lors des enquêtes elle s’était déclarée très déçue par ce comportement et « tomber des nues ».

6.5 À ces faits s’ajoutent encore la consultation, pour satisfaire sa curiosité selon le recourant, à la demande de E______, d’une base de données mise à disposition des APM pour rechercher des informations concernant la détentrice d’un véhicule. La transmission d’informations à des tiers n’a pas été établie.

6.6 Comme la chambre de céans l'a relevé dans les arrêts ATA/1082/2022 et l’ATA/117/2023 précités, il n'est pas évident que se faire offrir à l'occasion un café par un commerçant du quartier puisse engager la responsabilité disciplinaire d'un policier de proximité. Ce grief ne peut donc être retenu à l’encontre du recourant. Toutefois, le recourant a également admis s’être fait offrir un repas et avoir pris, à une autre occasion au moins, un repas dans un établissement public avec le patron du sex center.

6.7 L’ensemble de ces comportements doit être considéré comme portant atteinte à la confiance et à la considération dont les membres du personnel de la ville, et plus spécifiquement les agents de la police municipale, doivent être l’objet.

En ayant agi de la sorte, même si aucun comportement ne s’est avéré pénalement répréhensible, le recourant a gravement porté atteinte à l’image de la police municipale, du moins l’a exposée à ces atteintes, notamment en laissant E______ faire de nombreuses photographies à l’intérieur du poste et alors qu'il était en uniforme.

Le recourant a tenté de justifier ces comportements en exposant que son activité exigeait de créer et d’entretenir un lien avec les acteurs du quartier. Or, contrairement à cette affirmation, à plusieurs reprises, il a admis ne pas en avoir informé sa hiérarchie. Le contenu de certains messages démontre également qu’il était conscient de ne plus avoir la distance nécessaire pour exercer son activité et qu’il cachait certains éléments à sa hiérarchie. Il a en outre continué de minimiser les faits, insistant sur l’objectif d’obtenir des informations utiles aux missions de la police municipale, sans toutefois indiquer lesquelles, ni pourquoi il n’avait eu ce type de relation avec aucun autre commerçant du quartier.

Le recourant minimise aussi grandement la portée de son comportement consistant à se laisser photographier en uniforme, à l’occasion de situations susceptibles de donner une image négative de la police municipale à un administré, voire de donner à cette personne la possibilité d’exercer une pression sur lui.

En conclusion, il appert que l’autorité intimée était justifiée à considérer que les faits retenus à la charge du recourant constituaient des manquements répétés à ses devoirs de service, lesquels, pris dans leur ensemble, peuvent être qualifiés de graves, comme le retient, sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, l’autorité intimée, entraînant une rupture du lien de confiance et constituant un motif objectivement fondé permettant de prononcer une décision de résiliation. Les bons états de service du recourant, qui ne sont pas contestés, ne modifient en rien la découverte de ces comportements graves et leur effet sur le lien de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de service.

En conséquence, la décision litigieuse est conforme au droit et le recours, entièrement infondé, sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2022 par A______ contre la décision de la Ville de Genève du 15 juin 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert ASSAËL, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :