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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/285/2022

ATA/756/2023 du 11.07.2023 sur JTAPI/731/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/285/2022-PE ATA/756/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juillet 2022 (JTAPI/731/2022)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1995, est ressortissant du Kosovo.

b. Selon ses dires, il est arrivé en Suisse en décembre 2014.

c. En février et octobre 2019, A______ a fait la demande de deux visas de retour au Kosovo pour motif familial d’une durée de deux semaines.

d. Le 31 octobre 2020, il a fait l’objet d’un contrôle par des gardes-frontière à Lausanne à 23h15. Il a été condamné le 6 novembre 2020 par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte à Morges, pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation.

B. a. Le 5 janvier 2019, A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour et/ou de travail M pour ressortissant étranger auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM), déclarant être arrivé en Suisse le 17 décembre 2014. Il était célibataire et sans enfant.

Il a joint à sa demande un contrat de travail de durée indéterminée signé le 1er février 2019 avec la société B______ Sàrl, en qualité de peintre en bâtiment et pour un salaire brut de CHF 4'100.- par mois.

b. Par courrier du 7 février 2021, sur demande de l'OCPM, A______ a transmis divers documents ainsi qu’une lettre de motivation.

Il était arrivé en Suisse avec un visa pour raison familiale. Après sa venue, il s’était rapidement rendu compte que la qualité de vie en Suisse (travail, formation, accès aux soins) ainsi que les perspectives d’avenir étaient bien meilleures qu’au Kosovo. Il avait bien su s’intégrer en travaillant, en rencontrant de nouvelles personnes et en se faisant des amis. Il avait rapidement appris le français pour être autonome dans ses démarches administratives, mais aussi pour les besoins de la vie courante.

Il n’avait jamais commis de faute grave et avait toujours travaillé pour subvenir à ses besoins sans avoir eu recours à l’aide sociale. Il payait ses impôts, cotisait à l’AVS, avait un abonnement des transports publics genevois (ci-après : TPG) qu’il renouvelait chaque année, ainsi qu’un abonnement de fitness et de téléphone. Enfin, il ne pouvait pas retourner au Kosovo, car étant arrivé jeune en Suisse, il avait rapidement pris la décision de s’investir pleinement au niveau professionnel, relationnel et culturel. Il avait notamment pour projet d’ouvrir sa propre entreprise. Ainsi, ses amis, son travail et ses projets d’avenir se trouvaient en Suisse. S’il devait retourner au Kosovo, cela représentait pour lui un énorme déchirement et un échec au regard de tous les efforts qu’il avait fournis ces dernières années. Même s’il avait gardé contact avec sa famille restée au pays, il avait perdu les liens forts qu’il entretenait avec eux auparavant. Plus rien ne lui donnait envie de retourner au Kosovo.

Il a joint à sa lettre de motivation les documents suivants :

-          un curriculum vitae duquel il ressortait qu’il disposait d’une formation équivalente au CFC en informatique/mathématique au Kosovo, qu’il avait travaillé en Suisse depuis 2015 principalement dans le domaine de la construction (notamment en qualité d’aide monteur d’échafaudages), pour diverses sociétés, notamment C______SA de 2015 à 2017, D______ à Genève de 2017 à 2018, E______ à Genève de 2019 à 2020 et F______ à Genève de 2020 à 2021 ;

-          une attestation de l’Hospice général en sa faveur indiquant qu’il n’avait pas bénéficié de prestations sociales ;

-          un extrait à jour du registre des poursuites du 2 février 2021, indiquant qu’il ne faisait pas l’objet de poursuite ni d’acte de défaut de bien ;

-          un extrait de ses abonnements TPG du 11 février 2021, indiquant qu’il avait acheté trois abonnements mensuels en 2016, un abonnement mensuel en 2017, un abonnement mensuel en 2020 et un abonnement annuel allant d’octobre 2020 à octobre 2021 ;

-          une liste des factures des abonnements mensuels auprès de G______SA, indiquant qu’il avait acheté des abonnements de décembre 2017 à septembre 2020 ;

-          une ordonnance médicale du 4 septembre 2015 du Docteur H______ ;

-          un extrait de la caisse cantonale genevoise de compensation du 12 février 2021, indiquant 2019 et 2020 comme années de cotisation;

-          des factures de consultation médicale d’août à novembre 2019  pour des traitements ambulatoires suite à un accident ;

-          une liste des membres de sa famille en Suisse (deux oncles), en France (son père et sa mère, un oncle) et au Kosovo (deux frères et le reste de sa famille) ;

-          un formulaire OCIRT du 15 février 2021 et un contrat de travail de durée déterminée du 31 janvier 2019 auprès de la société F______ en qualité d’aide-isoleur à temps partiel ;

-          trois fiches de salaires de juillet à octobre 2020 auprès de F______.

 

c. Par décision du 13 juillet 2021, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser d’accéder à sa requête du 5 janvier 2019, de refuser de soumettre son dossier avec un préavis positif au Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM). Il a également indiqué son intention de prononcer son renvoi de Suisse, et lui a imparti un délai de trente jours pour faire part de ses observations.

d. Par courrier du 24 septembre 2021, A______ s'est déterminé.

Il était arrivé en Suisse en 2014, soit sept ans auparavant. Il démontrait son séjour en Suisse depuis 2014 à travers les différentes pièces fournies, notamment son ordonnance médicale du Dr H______, ses abonnements TPG et de fitness. Ainsi, la durée de son séjour devait être qualifiée de longue. Depuis son arrivée en Suisse, il avait toujours travaillé et participé à la vie économique du canton, ce qui démontrait son effort d'intégration. Par ailleurs, il possédait un excellent niveau en langue française. Il n’avait été condamné qu’une seule fois pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Il n’avait jamais fait appel à l’aide sociale et n’avait jamais fait l’objet de poursuites. Il jouissait d’une indépendance financière complète et travaillait pour la société F______ pour un salaire de CHF 5'000.-. Enfin, s’il devait rentrer au Kosovo, il se retrouverait sans emploi et ses conditions de subsistance seraient menacées.

Pour ces motifs, il demandait à l’OCPM de revenir sur sa décision (recte : de renoncer à la décision envisagée), car il remplissait les conditions du cas individuel d’extrême gravité lui permettant d’obtenir une autorisation de séjour.

e. Par décision du 3 décembre 2021, l’OCPM a refusé d’octroyer à A______ une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité et a prononcé son renvoi, en lui impartissant un délai au 3 février 2022 pour quitter la Suisse.

À teneur des pièces produites, il ne pouvait justifier son séjour pour les années 2014 et 2018, les abonnements de fitness joints au dossier ne pouvant être considérés comme probants. Il ne pouvait se prévaloir d’un séjour sur le territoire helvétique qu’à partir du mois de septembre 2015 et ne comptabilisait que six années de séjour non consécutives. Quand bien même il fournirait les pièces manquantes pour les années 2014 et 2018, il ne comptabiliserait que sept années de séjour. Par conséquent, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité, car il n’apportait pas la preuve d’un séjour continu de dix ans minimum à Genève pour une personne célibataire et sans enfants.

Par ailleurs, il ne démontrait pas une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Même s’il ne bénéficiait pas de l’aide sociale, qu’il ne faisait pas l’objet de poursuites et qu’il n’avait été condamné qu’à une seule reprise pour infraction à la LEI, son intégration correspondait au comportement ordinaire pouvant être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour.

Finalement, il n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place. La durée de son séjour sur le territoire helvétique était courte, et il avait vécu toute son enfance et son adolescence au Kosovo, périodes qui apparaissaient comme essentielles pour la formation de la personnalité, et partant, pour l’intégration sociale et culturelle.

C. a. Par acte du 25 janvier 2022, A______ a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant préalablement à son audition, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision avec l’instruction de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM.

Il était arrivé en Suisse pour la première fois en 2014 et avait parfaitement su s’intégrer et nouer de solides liens d’amitié et de travail. Par ailleurs, il maîtrisait bien la langue française. Il n’avait jamais fait l’objet de poursuites et n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale. Il jouissait d’une indépendance financière complète et il travaillait pour la société F______ pour un salaire d’environ CHF 5'000.-. Ainsi, il avait activement participé au développement économique du canton, étant employé depuis huit ans par diverses entreprises genevoises. Il avait toujours adopté un comportement exemplaire et n’avait jamais été condamné par une quelconque autorité.

S’agissant de son retour au Kosovo, il était arrivé en Suisse à l’âge de 19 ans en 2014. Après une aussi longue absence de son pays d’origine, sa réintégration paraissait impossible car il avait créé de véritables liens d’amitié et de travail en Suisse. S’il devait retourner au pays, il se retrouverait dans une situation précaire, sans logement, sans emploi et ses conditions de subsistances seraient menacées. Enfin, un grand nombre des membres de sa famille vivaient en Suisse et en France.

b. Dans ses observations du 30 mars 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Bien qu’il ait passé environ sept ans en Suisse en y travaillant et en y vivant paisiblement, l’ensemble des éléments de son dossier ne témoignait pas d’une situation individuelle d’extrême gravité. En particulier, son intégration socioéconomique n’était pas exceptionnelle et il n’avait pas acquis des connaissances, notamment professionnelles, qu’il ne pourrait pas mettre à profit dans sa patrie.

Sa réintégration au Kosovo ne paraissait pas fortement compromise, dès lors qu'il y avait vécu toute son enfance et son adolescence et qu’il y disposait encore d’un réseau familial.

c. Dans sa réplique du 27 mai 2022, A______ a persisté dans les conclusions prises dans son recours. Ses parents ne résidaient plus au Kosovo, mais en France.

d. Par jugement du 22 juillet 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Au regard du dossier, le séjour en Suisse d'A______ avait à tout le moins débuté en 2015/2016, et la continuité de son séjour pouvait être retenue avec une certain vraisemblance pour les années 2017 à 2021. La durée de son séjour en Suisse était ainsi de six à sept ans.

Son intégration socioprofessionnelle pouvait être qualifiée de bonne, mais ne s'avérait pas exceptionnelle. Il mentionnait ne pas avoir disposé des compétences nécessaires pour les différents postes occupés en Suisse (principalement dans le domaine de la construction) et s’être formé au fur et à mesure, n'attestait pas d’un niveau A2 en langue française, et ne faisait état d'aucun engagement particulier sur le plan associatif, culturel ou sportif.

Enfin, sa réintégration au Kosovo n'était pas fortement compromise. Il y avait notamment conservé des attaches.

D. a. Par acte posté le 13 septembre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision avec l’instruction de préaviser favorablement sa demande auprès du SEM.

Le TAPI avait violé l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Il était arrivé en Suisse en 2014, en raison de sa situation financière et personnelle difficile. Le TAPI ne s'était pas penché suffisamment sur sa situation, car il avait pris racine en Suisse après plus de huit ans dans le pays, où il avait maintenant toutes ses attaches. Cette durée de séjour devait être considérée comme longue.

Il avait toujours été indépendant financièrement et à l'exception de son statut administratif, il avait toujours respecté l'ordre juridique suisse. S'il était vrai qu'il était retourné au Kosovo pour rendre visite à des membres de sa famille, cela ne n'impliquait pas qu'il soit plus attaché à son pays d'origine qu'à la Suisse.

Sa réintégration au Kosovo était compromise. Il risquait de se retrouver dans une situation financière et personnelle inextricable dans un pays avec lequel il n'avait plus d'attaches. Il serait alors déraciné alors que sa mentalité avait évolué au contact des habitants de Genève et de la Suisse depuis plus de huit ans. Le TAPI avait dès lors commis un abus de son pouvoir d'appréciation en ne reconnaissant pas qu'il se trouvait dans un cas de rigueur.

b. Le 26 octobre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant n'avait pas été en mesure d'établir la continuité de son séjour en Suisse. Il n'aurait même dans ce cas totalisé que cinq ans de séjour au moment de sa demande. La durée devait de toute façon être relativisée au vu du caractère illégal du séjour.

Les autres conditions d'octroi d'un permis humanitaire n'étaient pas réalisées. Le recourant ne pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle, n'avait pas démontré d'engagement sur le plan associatif, culturel ou sportif ni avoir un niveau A2 en français.

Il avait vécu au Kosovo à tout le moins jusqu'à l'âge de 19 ans, conservait de fortes attaches dans son pays d'origine et y avait obtenu un diplôme en informatique et mathématiques.

c. Le 31 octobre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 16 décembre 2022, prolongé par la suite au 13 janvier 2023, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 28 novembre 2022, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à faire valoir.

e. Le 13 janvier 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il transmettait sa dernière fiche de salaire et indiquait qu'il n'avait pas estimé nécessaire de passer un examen pour obtenir une attestation de niveau A2, car il parlait parfaitement français et que son niveau était supérieur.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier du recourant avec un préavis favorable, et prononçant son renvoi de Suisse.

2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après cette date sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.3 La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

2.4 Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

2.5 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de 7 à 8 huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance – par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours – ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2.2).

2.6 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

L’intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

La question est de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (ATA/353/2019 du 2 avril 2019 consid. 5d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.7 En l'espèce, le recourant allègue être arrivé en Suisse en décembre 2014. Comme relevé par le TAPI sur la base des moyens de preuve au dossier, la continuité du séjour du recourant en Suisse depuis cette date n'est pas prouvée, On ne saurait dès lors admettre qu'il a vécu plus de huit ans en Suisse, mais bien plutôt que son séjour y est continu seulement depuis 2017, soit moins de sept ans, ce qui ne représente pas une très longue durée. De plus, l'entier de son séjour s’est déroulé dans l’illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance des autorités de migration, si bien qu'il doit être relativisé.

Sur le plan professionnel et financier, le recourant travaille, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes. Cela étant, l'indépendance économique est un aspect qui est en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue donc pas un élément extraordinaire en faveur du recourant. Ainsi, si cet élément est à mettre au crédit de l’intéressé, il relève du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 et 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). Par ailleurs, l’activité du recourant dans le secteur du bâtiment n’est pas constitutive d'une ascension professionnelle remarquable et ne l’a pas conduit à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse qu'il ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. L'activité professionnelle exercée par le recourant en Suisse ne lui permet donc pas de se prévaloir d'une intégration professionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée.

Le recourant n'a pas été condamné pénalement pour d'autres infractions que son séjour illégal et dit parler français mieux qu'à un niveau A2 du CECRL (cadre européen de référence pour les langues), sans toutefois le prouver. L’intéressé ne fait par ailleurs pas état de liens affectifs ou amicaux particulièrement forts, et il n’allègue ni n’établit qu’il se serait investi dans la vie culturelle, associative ou sportive à Genève. Il ne peut dès lors être retenu qu'il fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années.

Contrairement à ce qu'il allègue, la réintégration du recourant au Kosovo n’apparaît pas gravement compromise. En effet, il y a passé toute son enfance, son adolescence et les premières années de sa vie d’adulte, puisqu'il est venu en Suisse – dans l'hypothèse la plus favorable pour lui – à l'âge de 19 ans. Il maîtrise la langue de son pays d'origine et en connaît les us et coutumes. Il y est revenu, à au moins deux reprises, au bénéfice d'un visa de retour temporaire. Malgré son séjour en Suisse de quelques années, son pays ne peut donc lui être devenu étranger. Âgé de 27 ans et en bonne santé, il ne devrait pas rencontrer d’importants problèmes de réintégration professionnelle, pouvant se prévaloir de son expérience professionnelle acquise en Suisse.

Le recourant ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même un retour dans son pays d'origine est susceptible d’engendrer pour lui certaines difficultés de réadaptation. Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas violé la loi, ni commis un abus de son pouvoir d’appréciation, en refusant de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

3.             Il convient encore d’examiner le bien-fondé du renvoi du recourant.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation.

Le renvoi d'un étranger en application de l’art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI).

3.2 En l’occurrence, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l’intimé devait prononcer son renvoi.

Pour le surplus, le recourant n'allègue pas que le retour dans son pays d’origine serait impossible, illicite ou inexigible au regard de l’art. 83 LEI, et le dossier ne laisse pas apparaître d’éléments qui tendraient à démontrer le contraire.

Dans ces circonstances, la décision de l'autorité intimée est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 14 juillet 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend ELMAZI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.