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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1895/2022

ATA/757/2023 du 11.07.2023 sur JTAPI/1016/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 17.10.2023, IRRECEVABLE, 2C_492/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1895/2022-PE ATA/757/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Imed ABDELLI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 (JTAPI/1016/2022)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant tunisien, est né le ______ 1976.

b. Ayant épousé le 18 janvier 2008 à Genève B______, citoyenne suisse née le ______ 1939, il a obtenu une autorisation de séjour pour regroupement familial, valable jusqu'au 17 janvier 2010.

c. Par jugement du 12 septembre 2012, le Tribunal civil de première instance
(ci-après : TPI) a prononcé le divorce de A______ et B______.

d. Par ordonnance pénale du 21 mai 2013, le Ministère public du canton de Genève a condamné A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis pour comportement frauduleux à l'égard des autorités, dès lors qu'il avait contracté un mariage de complaisance avec B______.

B. a. Le 21 septembre 2009, B______ a fait part à l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que son époux ne vivait plus chez elle depuis le 8 mai 2009 et qu'ils n'entretenaient plus de contacts depuis lors.

b. Le 26 octobre 2009, A______ a expliqué à l'OCPM, qui l’avait informé de son intention de ne pas renouveler l’autorisation de séjour, qu'il vivait séparé de son épouse à cause de difficultés conjugales. Ils n'étaient toutefois pas en instance de divorce et une réconciliation était probable. Il souhaitait dès lors le renouvellement de son permis de séjour.

c. Par décision du 17 mars 2010, l'OCPM a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de A______ et lui a imparti un délai au 17 juin 2010 pour quitter la Suisse.

d. Par jugement du 1er novembre 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours formé contre cette décision, au motif que les indices usuels permettant de retenir l'existence d'un mariage de complaisance étaient réunis. Même si tel n'était pas le cas, le refus de l'OCPM devait être confirmé, puisque l'union conjugale avait duré moins de trois ans.

e. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), puis le Tribunal fédéral ont rejeté les recours formés successivement par A______ dans la procédure précitée.

f. Le 27 février 2014, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral rejetant le recours de A______ relatif au refus de renouveler son autorisation de séjour, l'OCPM lui a fixé un délai de départ au 27 mai 2014.

g. Le 1er novembre 2016, A______ a déposé une demande en vue de préparer son mariage avec C______, ressortissante italienne née le ______ 1991, séjournant à Genève au bénéfice d'une autorisation d'établissement.

h. A______ et C______ se sont mariés à Genève le 4 juin 2018. Le précité a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour, valable jusqu'au 3 juin 2023. Aucun enfant n'est issu de cette union. C______ est la mère de D______, né d'une précédente union.

i. Le 24 juin 2019, A______ a informé l'OCPM de son changement d'adresse, qui remontait au 1er mai précédent. Cette modification ne concernait pas son épouse, dont il vivait séparé.

j. Le 18 février 2020, l'OCPM a fait part à A______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d'être entendu.

k. Par décision du 17 août 2020, l'OCPM a révoqué l'autorisation de séjour de A______ et prononcé son renvoi de Suisse.

Il avait vécu moins de dix mois en ménage commun avec son épouse avant de se séparer, puis de divorcer. L'union conjugale était définitivement rompue. Puisque l'union conjugale avait duré moins de trois ans et que l'intégration de l'intéressé n'avait pas été prouvée, il ne remplissait pas les conditions de l'art. 50 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). La poursuite de son séjour ne s'imposait pas non plus pour des raisons personnelles majeures.

l. Par acte du 18 septembre 2020, A______ a recouru au TAPI contre cette décision, en concluant, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, à sa comparution personnelle et à l'audition d'E______. Principalement, il a conclu à l'annulation de la décision précitée et à la prolongation de son autorisation de séjour. Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/2949/2020.

m. Par jugement du 7 mai 2021 (JTAPI/441/2021), le TAPI a rejeté le recours.

Le fait que l’OCPM ait rendu sa décision alors que A______ avait requis une prolongation de délai pour se déterminer ne suffisait pas pour admettre une violation du droit d’être entendu, l’intéressé ayant pu faire valoir ses arguments devant le TAPI. Le renvoi à l’OCPM aboutirait ainsi à un prolongement inutile de la procédure.

Les raisons de l’échec du second mariage n’étaient pas pertinentes. A______ n’avait pas démontré ni rendu vraisemblable qu’il avait subi des violences conjugales. Le seul fait que son épouse ait eu un amant n’était pas constitutif de violence conjugale au sens de la jurisprudence. Pour le surplus, les conditions d’un cas d’extrême gravité n’étaient pas remplies.

n. Par arrêt du 9 novembre 2021 (ATA/1199/2021), en force, la chambre administrative a rejeté le recours formé par A______ contre ce jugement.

La violation du droit d’être entendu du recourant avait été réparée durant la procédure devant le TAPI. Il ne ressortait pour le surplus pas du dossier que le recourant aurait subi des violences conjugales d’une intensité telle qu’il ne pouvait être exigé de sa part de poursuivre l’union conjugale. Les allégations y relatives du recourant n’étaient ni établies ni même rendues vraisemblables. Aucune pièce ne venait les étayer. La seule existence d’une relation extra-conjugale ne constituerait, faute d’autres éléments ou circonstances particulières, pas une situation de détresse telle qu’elle remplirait les conditions restrictives de l’art. 50 al. 1 let. b LEI. En l’absence d’éléments rendant vraisemblable l’existence d’une situation de violence domestique ni, a fortiori, de l’intensité particulière de celle-ci, l’OCPM était fondé à retenir que les conditions de la disposition précitée n’étaient pas remplies.

Le recourant ne pouvait pour le surplus se prévaloir d’un séjour ininterrompu en Suisse depuis 2008 ni d’une intégration socio-professionnelle marquée. Il maîtrisait certes la langue française, n'émargeait pas à l'aide sociale, ne faisait plus l'objet de poursuites et, depuis juillet 2021, travaillait dans le domaine du nettoyage, après avoir connu plusieurs périodes de chômage. Son intégration professionnelle ne permettait pas de considérer qu’il aurait acquis en Suisse des compétences professionnelles tellement spécifiques qu'il ne pourrait les mettre à profit en Tunisie et il n’alléguait pas non plus s’être investi dans la vie associative ou culturelle à Genève, ni ne faisait état de liens d’amitié ou affectifs d’une intensité telle qu’elle justifierait d’admettre l’existence d’un cas de rigueur au sens de la jurisprudence. Enfin, il ne s’était pas montré respectueux de l’ordre public suisse, ayant été condamné pour comportement frauduleux à l'égard des autorités. Arrivé en Suisse à l'âge de 32 ans, il avait passé toute son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte en Tunisie. Il en connaissait donc les us et coutume, la mentalité et en maîtrisait la langue. Il y avait conservé des attaches familiales importantes, exposant que sa famille dépendait quasi totalement de ses envois réguliers d’argent, et pourrait ainsi compter sur le soutien, à tout le moins social, de ses proches pour se réintégrer. Il pourrait valoriser l’expérience professionnelle acquise en Suisse et en France ainsi que ses connaissances de la langue française. Il se trouverait en Tunisie dans la situation qui était celle de ses compatriotes restés au pays. La nécessité de se réadapter à son pays d’origine était inhérente à toute personne devant quitter le territoire suisse du fait qu’elle n’en remplissait pas les conditions de séjour. Sa situation n’était cependant pas aussi rigoureuse qu’on ne saurait exiger son retour.

S’agissant de ses problèmes de santé, à savoir « une forme d’hépatite B », de l’hypertension, de la lithiase rénale et un trouble anxio-dépressif, il ressortait des indications fournies par l’Ambassade de Suisse à Tunis, que l’ensemble des soins dont le recourant avait besoin était disponible et accessible en Tunisie. Plus particulièrement, la caisse nationale de sécurité sociale prendrait en charge intégralement le traitement de l’hépatite et les autres affections, qui constituaient des maladies courantes, seraient prises en charge par le secteur de santé tant privé que public. Les troubles de la santé physique et psychique du recourant ne s’opposaient ainsi pas à son retour dans son pays. Si, certes, les craintes suscitées par le retour en Tunisie étaient susceptibles d’exacerber ses problèmes psychiques, ce type de réaction ne constituait pas, de jurisprudence constante, un empêchement rendant inexigible l’exécution du renvoi.

C. a. Par courrier du 29 avril 2022 adressé à l’OCPM, A______ a sollicité l’octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Après avoir rappelé le déroulement de son séjour en Suisse depuis 2008, ses problèmes de santé et l’impossibilité de sa réintégration en Tunisie, il a relevé que la durée de son séjour dépassait aujourd'hui quatorze ans. A ce long séjour s’ajoutait une intégration sociale, linguistique et professionnelle indiscutable et avancée. Il avait un travail stable, maitrisait le français, son casier judiciaire était vierge et sa situation financière saine et sans poursuites. Accommodé au mode de vie suisse, il lui était aujourd'hui impossible d'aller faire sa vie ailleurs. Vu son état de santé, l’absence de soutien familial et la crise économique et sociale encore aggravée par le COVID que traversait la Tunisie, il n’aurait aucune chance de s’y reconstruire.

Outre des pièces déjà produites dans le cadre de la procédure précédente, il joignait notamment une sélection d'articles sur la Tunisie, dont seuls deux étaient postérieurs au 9 novembre 2021.

b. Par décision du 9 mai 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur cette requête, qu’il a considérée comme une demande de reconsidération, et confirmé sa décision du 17 août 2020.

Les éléments invoqués par l’intéressé pour justifier un cas de rigueur, soit une durée de séjour en Suisse de plus de quatorze ans, une intégration indiscutable et avancée, son état de santé et sa réintégration compromise en cas de retour en Tunisie étaient autant d'éléments en connexité directe tant temporelle que matérielle avec la situation dans laquelle il s'était trouvé suite à la dissolution de son union conjugale. Ces éléments n’étaient pas des faits nouveaux et importants au sens de l'art. 80 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), n’ouvraient pas un droit de séjour et ne changeaient pas l'état de fait et les conclusions de sa décision de refus et de renvoi de Suisse du 17 août 2020, étant précisé que ces faits avaient déjà été pris en considération dans le cadre des recours auprès du TAPI et de la chambre administrative. Les circonstances ne s’étaient pas non plus modifiées de manière notable depuis l’entrée en force de sa décision. Les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA n’étaient ainsi pas remplies.

D. a. Par acte du 9 juin 2022, A______ a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour. Il a sollicité préalablement la restitution de l’effet suspensif.

Le retrait de l'effet suspensif, qui n’était pas motivé, semblait être justifié par le fait que sa demande du 29 avril 2022 avait été traitée comme une demande de reconsidération. Il contestait cette approche, étant précisé qu’il avait renoncé à toute prétention découlant de l'art. 50 LEI et présenté une nouvelle requête d'autorisation de séjour fondée sur le cas de rigueur et comportant plusieurs allégations et pièces qui n'avaient pas été traitées auparavant. En agissant de la sorte, l'OCPM abusait manifestement « dans son retrait de l'effet suspensif ». Dans son cas, le refus de l'effet suspensif équivaudrait à un renvoi sans même prendre la peine d'examiner le caractère licite et/ou exigible de ce dernier et ce malgré les divers éléments importants apportés à ce sujet (état de santé, durée très longue de séjour, détérioration cauchemardesque de la situation dans son pays d'origine, etc.). Ce refus lui causerait un préjudice irréparable qui dépassait de loin tout impératif d'intérêt public, par ailleurs ni avancé ni motivé par l’OCPM dans sa décision. Aucun motif impérieux ne justifiait son départ immédiat étant rappelé qu’il ne présentait aucun danger pour la communauté et était indépendant financièrement.

Au fond, il a repris, en les étayant, les arguments avancés à l’appui de sa requête du 29 avril 2022.

Outre des pièces déjà versées dans le cadre de la procédure A/2949/2020 ou en annexe de la requête précitée, il a notamment joint un certificat médical du Dr F______, du 25 mars 2022, indiquant suivre depuis le 13 décembre 2021 l'intéressé, lequel présentait depuis des années un état anxio-dépressif d’évolution chronique et était actuellement sous traitement médicamenteux, prenant un antidépresseur, la Trazodone, et un anxiolytique calmant, la Quetiapin. Le suivi et le traitement devraient être poursuivis pour une période d’au moins une année. Un constat médical et un courrier des 14 et 22 mars 2022 du Dr G______, rappelant les pathologies de l’intéressé et son suivi depuis 2012, étaient également joints.

b. Dans sa réponse du 15 juin 2022, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif. Sur le fond, il a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 27 juin 2022, le recourant a maintenu ses conclusions en restitution de l’effet suspensif et mesures provisionnelles. L’OCPM ne démontrait pas que l’on serait en présence d’une décision à contenu négatif en l’espèce. Son cas devait enfin également être examiné sous l’angle de l’art. 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

d. Par décision du 29 juin 2022, le TAPI a rejeté la demande de restitution de l’effet suspensif au recours.

e. Par jugement du 29 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

En droit des étrangers, le résultat était identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation. Pour le surplus, les éléments avancés par le recourant dans sa demande du 29 avril 2022 avaient tous déjà été invoqués et pris en compte dans le cadre de la procédure précédente, laquelle s’était terminée le 9 novembre 2021 par le prononcé de l’ATA/1199/2021. Il ne s’agissait ainsi pas de faits nouveaux et importants au sens de l'art. 80 let. a et b LPA.

Quant aux nouvelles pièces versées, elles ne faisaient nullement état d’une modification notable des circonstances depuis le dernier examen de la situation du recourant par la chambre administrative. Les premières pièces rappelaient les pathologies de l’intéressé et le suivi nécessaire. La chambre administrative avait tenu compte de la pathologie dépressive dans son arrêt du 9 novembre 2021.

Les éléments mis en avant par A______ pour soutenir que son retour et sa réintégration dans son pays d'origine ne seraient pas envisageables, ils ne différaient en rien de ceux sur lesquels il s'était déjà appuyé dans le cadre de la procédure qui avait abouti à l’arrêt de la chambre administrative ATA/1199/2021 précité. Enfin, A______ ne pouvait se prévaloir de l'art. 34 CEDH, disposition qui ne s'appliquait pas directement en droit interne.

E. a. Par acte posté le 2 novembre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation, à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de prolonger son autorisation de séjour et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

La procédure actuelle et la précédente ne portaient pas sur le même objet, la première ayant mis l'accent sur l'application des art. 42 et 50 LEI, et la seconde sur une demande d'autorisation pour cas de rigueur. D'autre part, le TAPI reproduisait les considérants déjà émis lors de la première procédure, alors que la situation dans son pays d'origine avait changé, puisque la Tunisie connaissait un tournant cauchemardesque depuis l'accaparement de tous les pouvoirs par le président en place en juillet 2021. Elle était devenue l'un des pays les plus risqués sur le plan économique.

Le jugement attaqué ignorait également qu'après quinze ans passés en Suisse, ayant un âge plutôt avancé et un état de santé délicat, et sa famille étant incapable de lui venir en aide, il ne pouvait envisager une quelconque réintégration dans son pays d'origine.

Le jugement du TAPI était ainsi arbitraire tant dans sa motivation que dans son résultat, dès lors qu'il se trouvait en contradiction claire avec la situation de fait – en procédant à une sélection abusive d'anciens faits qui lui étaient défavorables –, qu'il violait gravement le principe de la proportionnalité et qu'il heurtait de manière choquante le sentiment de justice et d'équité.

b. Le 13 décembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés, en substance semblables à ceux développés en première instance, n'étant pas de nature à modifier sa position.

Le recourant avait déposé une demande fondée sur l'art. 31 OASA en invoquant des arguments qu'il avait déjà fait valoir dans la première procédure sous l'angle de l'art. 50 LEI. Conformément à la jurisprudence, cette demande avait été traitée comme une demande de reconsidération. Enfin, s'il reconnaissait qu'un retour en Tunisie demanderait un certain temps de réadaptation à l'intéressé, ce dernier pouvait également compter sur le retrait de ses avoirs de vieillesse pour pouvoir subvenir à ses besoins.

c. Le 16 décembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 20 janvier 2023, prolongé par la suite au 17 février 2023, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 13 janvier 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à faire valoir.

e. Le 17 février 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le jugement du TAPI avait marginalisé son intégration par anticipation infondée de preuves, pour justifier son renvoi et faire croire à tort que la balance de ses attaches de vie penchait en faveur de son pays d'origine. Le cours des événements en Tunisie ne faisait que confirmer ses craintes quant à l'impossibilité de toute réintégration dans ce pays. Il joignait des coupures de presse récentes au sujet de la situation politique en Tunisie, notamment d'une vague d'arrestations survenue en février 2023.

f. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous réserve de ce qui suit (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant conclut à l’annulation du jugement et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de prolonger son autorisation de séjour.

2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. En d'autres termes, l'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; ATA/123/2019 du 5 février 2019 consid. 5).

2.2 En l'espèce, la décision querellée, du 24 octobre 2022, est un refus d'entrer en matière sur la demande de reconsidération du 2 octobre 2022. Conformément à la jurisprudence précitée, le seul objet du présent recours consiste à vérifier la bonne application de l'art. 48 LPA et une admission du recours ne pourrait conduire qu'à un renvoi à l'autorité intimée pour examen du cas.

La conclusion tendant à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de prolonger son autorisation de séjour sera ainsi déclarée irrecevable.

2.3 Il sera également relevé que le grief d'arbitraire développé dans le recours n'a pas de portée propre, dès lors que la chambre de céans possède un plein pouvoir d'examen en fait comme en droit.

3.             Le recourant fait valoir que les circonstances ont changé, ce qui justifierait une reconsidération de la décision de l’OCPM de lui refuser une autorisation de séjour et de prononcer son renvoi.

3.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/651/2023 du 20 juin 2023 consid. 4.1 ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1
let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/651/2023 précité consid. 4.1 in fine ; ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5).

3.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b). La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211).

3.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

3.4 L’écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle ne peuvent être qualifiés d'éléments notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/318/2023 du 28 mars 2023 consid. 4.6 ; ATA/1171/2022 du 22 novembre 2022 consid. 3.1.1 et les références citées).

3.5 En l'espèce, le recourant invoque que la procédure actuelle et la précédente ne porteraient pas sur le même objet, la première ayant porté sur l'application des art. 42 et 50 LEI et la présente procédure sur l'art. 30 LEI. Il perd ainsi de vue le lien très étroit entre raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI et cas d'extrême gravité au sens de l'art. 30 let. b LEI (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_858/2021 du 17 décembre 2021 consid. 8.2), dès lors que dans le cadre de l'examen de l'art. 50 al. 1 LEI, les art. 31 al. 1 et 77 OASA concrétisent ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_96/2022 du 16 août 2022 consid. 3.3). Il s'ensuit que l'autorité intimée était fondée à traiter la demande du 29 avril 2022 comme une demande de reconsidération au sens de l'art. 48 LPA.

Le recourant, lorsqu'il reproche au TAPI d'avoir « marginalisé son intégration par anticipation infondée de preuves » et procédé à une sélection abusive d'anciens faits qui lui étaient défavorables, se méprend ainsi sur l'objet de la procédure. Il lui appartenait en effet de mettre en avant des faits nouveaux « nouveaux » suffisamment importants pour entraîner l'obligation de reconsidérer sa situation, ce qu'il ne fait pas, étant rappelé que les éléments liés au seul écoulement du temps et au non-respect des décisions et jugements précédemment prononcés ne permettent pas, conformément à la jurisprudence, d'entrer en matière sur une demande de reconsidération. Comme relevé à juste titre par le TAPI, l'état de santé du recourant a été pris en compte dans l'arrêt de la chambre de céans de 2021, et le recourant ne met pas en avant de nouveauté significative à cet égard – le fait par exemple que les rapports médicaux produits montrent une origine complexe de l'état dépressif, en partie dû à de mauvais traitements subis lors du mariage, ne constitue pas un fait nouveau significatif puisque cette origine aurait pu être présentée et analysée lors de la première procédure.

S'agissant de la situation économique et politique en Tunisie, elle ne saurait en toute hypothèse pas conduire à la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité. En effet, celui-ci doit tenir à la personne de l'étranger, qui doit se trouver dans une situation de détresse personnelle (arrêt du TAF F-6199/2020 du 30 mai 2023 consid. 4.4), et une situation socio-économique dans le pays d'origine plus difficile qu'en Suisse ne constitue pas en soi un motif permettant de retenir un cas d'extrême gravité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_119/2022 du 13 avril 2022 consid. 3.5). Cette situation ne pourrait donc avoir d'effets que sur l'exigibilité du renvoi. Or, la jurisprudence récente du TAF ne permet pas de retenir qu'un renvoi en Tunisie serait inexigible du simple fait de la situation économique et politique y régnant actuellement (arrêt du TAF F-5351/2021 du 6 avril 2023 consid. 10.4.1).

Au vu de ce qui précède, la décision de l’OCPM refusant d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du 29 avril 2022 est conforme au droit et ne consacre aucun abus ou excès de son pouvoir d’appréciation, ce que le TAPI a confirmé à bon droit.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87
al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 2 novembre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 septembre 2022 ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed ABDELLI, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le présidente siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.