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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2970/2022

ATA/726/2023 du 04.07.2023 sur JTAPI/185/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 24.11.2023, IRRECEVABLE, 2D_20/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2970/2022-PE ATA/726/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 juillet 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant en leur nom et pour le compte de leur fils mineur C______ recourants
représentés par Me Julien WAEBER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2023 (JTAPI/185/2023)


EN FAIT

A. A______ et B______, nés respectivement les ______ 1969 et ______ 1968 au D______, ainsi que leur fils C______, né le ______ 2007 au D______, sont ressortissants du D______.

A. a.  

B. a. Le 4 janvier 2019, B______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de régularisation de ses conditions de séjour.

Il séjournait en Suisse depuis l'année 2012. Il produisait des certificats de salaire, un contrat de travail, une attestation d’achat d’abonnements aux Transports publics genevois (ci-après : TPG), une attestation de non-assistance de l'Hospice général (ci-après : l’hospice) et des extraits de son casier judiciaire vierge et du registre des poursuites.

b. Le 17 janvier 2022, l’OCPM l’a invité à indiquer les dates d’arrivée de chacun des membres de la famille en Suisse et à fournir, entre autres, des justificatifs de séjour pour les années 2012 à 2014, un extrait de son compte personnel AVS, une attestation de niveau de langue française Al pour lui et son épouse, des justificatifs de séjour pour cette dernière et son fils ainsi que les attestations scolaires de ce dernier.

c. Dans le délai prolongé au 7 avril 2022, B______ a transmis à l’OCPM les informations et pièces demandées, dont trois attestations de proches visant à démontrer son séjour en 2012 et 2013, une attestation Yallo du 23 décembre 2014, des attestations TPG concernant les années 2015 à 2017 et 2020 à 2022, des attestations de suivi de cours de français pour lui-même et son épouse, des attestations scolaires pour leur fils dès la rentrée 2018 ainsi qu’un extrait OCAS indiquant des cotisations pour les années 2017 (8 mois) et 2018 à 2020 (11 mois). Son épouse et son fils étaient arrivés en 2018.

d. Le 22 avril 2022, l'OCPM a fait part à B______ de son intention de refuser d'accéder à sa demande d'autorisations de séjour et de prononcer le renvoi de Suisse de la famille.

Il n’avait pas démontré un séjour antérieur au mois de mars 2015, n’avait fourni aucun justificatif de présence pour son épouse et son fils C______ était arrivé en Suisse au plus tôt courant septembre 2018. Ils ne remplissaient pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Bien qu’il ne fût pas l'objet de poursuites ni d’actes de défaut de bien et n'eût pas eu recours à l'aide sociale, il venait tout juste de commencer les cours de français et n’avait pas encore atteint le niveau requis. Ses revenus étaient bien inférieurs au montant déterminant pour la prise en charge financière au regard des normes de calcul de l'aide sociale individuelle dans le canton de Genève. Il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle. C______ était âgé de 14 ans et en bonne santé, comptabilisait un peu plus de trois années de séjour. Scolarisé dès son arrivée, il avait fréquenté des classes d'accueil jusqu'en 2021. Sa réintégration dans son pays d'origine ne devrait pas lui poser des problèmes insurmontables.

e. Dans le délai prolongé au 15 juin 2022, B______ a fait part de ses observations à l'OCPM.

Il séjournait en Suisse depuis mars 2012, soit plus de dix ans, et justifiait de nombreuses attaches ainsi que d'un réseau social important. Ses qualités personnelles et professionnelles étaient unanimement reconnues. Il suivait des cours de français depuis plusieurs mois et effectuait des progrès constants. Il n’avait jamais fait l’objet de condamnations. Il était financièrement indépendant et travaillait en qualité de plâtrier à plein temps. Son épouse et leur fils vivaient avec lui depuis plus de quatre ans et avaient également noué d'importants liens sociaux avec la Suisse. Son épouse avait suivi des cours de français qu’elle avait toutefois dû suspendre pour des raisons médicales. C______, désormais âgé de 15 ans, vivait et étudiait à Genève depuis l'âge de 11 ans. Il était scolarisé en 10ème année au cycle de E______ où il était parfaitement intégré et avait rapidement pu nouer des liens forts avec ses camarades et professeurs. Il pratiquait également le football au sein du club du FC F______. L'intégration de la famille devait ainsi être qualifiée de très bonne. Un retour au D______ les exposerait à d'importantes difficultés financières et personnelles dès lors qu'ils seraient contraints de quitter un logement, un emploi stable ainsi que l'ensemble du réseau professionnel et social qu'ils s’étaient créé en Suisse, alors qu’ils n’avaient plus d’attaches au D______. Il produisait diverses attestations de proches, de l'Université Populaire G______, d’enseignants d’C______ ainsi que la fiche de joueur de football de ce dernier.

f. Par décision du 26 juillet 2022, l'OCPM a refusé d'accéder à la requête de B______ et de soumettre le dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (SEM) et a prononcé leur renvoi de Suisse, pour les motifs invoqués dans son courrier d’intention. Un délai au 15 octobre 2022 leur était imparti pour quitter la Suisse et rejoindre le pays dont ils possédaient la nationalité ou tout autre pays où ils étaient légalement admissibles.

C. a. Par acte du 14 septembre 2022, B______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'OCPM de lui délivrer, ainsi qu’à son épouse et à son fils, une autorisation de séjour. Subsidiairement, le dossier devait être renvoyé à l'OCPM pour nouvelle décision.

Il a rappelé son parcours et la bonne intégration de la famille. Contrairement à ce que soutenait l’OCPM, il avait démontré par pièces qu’il résidait en Suisse depuis mars 2012, soit une très longue durée de séjour. L’OCPM n’avait arbitrairement pas tenu compte de ces pièces et les avait écartées sans aucune justification. Pour ce motif déjà sa décision devait être annulée.

Depuis son arrivée en Suisse, il avait tout fait pour s'intégrer et y était parvenu tant socialement que professionnellement. Il était financièrement indépendant, au bénéfice d’un emploi, parlait le français, n'était pas connu des services de police, n'avait pas de dettes et ne bénéficiait pas de l'aide sociale. Son épouse et son fils étaient également intégrés. Désormais âgé de 15 ans, ce dernier s’impliquait tant dans ses apprentissages scolaires que dans des activités extra-scolaires, notamment sportives. Un retour abrupt au D______ représenterait un déracinement injustifié alors qu’il avait passé la période charnière de l’adolescence à Genève. La famille ne possédait plus d’attaches au D______.

Il produisait une facture de dentiste pour des soins le 18 juin 2012, des attestations supplémentaires de connaissances, concernant notamment son fils, ainsi que des extraits actualisés de son casier judiciaire et du registre des poursuites.

b. Le 14 novembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans le délai prolongé au 13 janvier 2023, B______ n’a pas déposé de réplique

d. Par jugement du 16 février 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Les pièces produites ne permettaient pas d’établir un séjour effectif et continu de B______ jusqu’au dépôt de sa demande de régularisation. En retenant qu’il serait arrivé en Suisse en mars 2012, il y résiderait depuis sept ans au moment de son dépôt. Quant à son épouse et son fils, ils étaient au mieux arrivés à Genève en juillet 2018. Ils ne pouvaient se prévaloir d'un très long séjour en Suisse. La durée de celui-ci devait être fortement relativisée dès lors qu’il s’était déroulé dans l’illégalité.

Son intégration socio-professionnelle n’était pas exceptionnelle. La réintégration de la famille au D______ était exigible. Les quelques années passées par C______ en Suisse ne pouvaient être considérées comme déterminantes au point qu'un départ pour le D______ constituerait pour lui un véritable déracinement. Arrivé en Suisse quatre ans plus tôt, en tout début d’adolescence, s’il s’était certes créé un nouvel environnement de vie à Genève, cela ne permettait toutefois pas encore de tenir pour établi qu’il aurait tissé avec la Suisse des attaches profondes et durables. Scolarisé à Genève depuis son arrivée, il avait débuté sa scolarisation au D______ où il avait par ailleurs vécu la majeure partie de sa vie, de sorte que son intégration en Suisse ne paraissait pas si profonde et qu'une réintégration dans son pays d'origine n’apparaissait pas compromise.

D. a. Par acte remis à la poste le 20 mars 2023, B______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’annulation de la décision de l’OCPM et à ce que lui-même, son épouse et leur fils soient mis au bénéfice d’une autorisation de séjour. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision.

Les preuves avaient été appréciées de manière arbitraire. Il avait produit de nombreuses attestations de résidents genevois attestant qu’il vivait à Genève depuis mars 2012. Son bailleur, H______, avait attesté l’avoir hébergé du 16 mars 2012 au 15 décembre 2013. Il avait produit une note d’honoraire de dentiste du 18 juin 2012 et un extrait de compte Yallo du 23 décembre 2014. Le TAPI aurait dû inférer de tous ces éléments qu’il séjournait en Suisse depuis mars 2012 à tout le moins.

Le TAPI avait violé la loi et fait preuve d’arbitraire en niant qu’il remplissait les conditions du cas de rigueur. Il résidait dans le canton depuis plus de onze ans. Il avait tout mis en œuvre pour s’y intégrer parfaitement. Son intégration sociale était particulièrement réussie. Il avait noué d’importants liens avec des voisins et collègues, dont il était fortement apprécié. Il avait acquis une bonne maîtrise de la langue française et suivait, comme son épouse, des cours intensifs de français. L’intégration de leur fils était exemplaire. Il avait entamé une 11e année au cycle d’orientation en section langues vivantes et communication et était engagé dans la vie culturelle et sportive, notamment par la pratique du football.

Un retour abrupt au D______ serait manifestement contraire à l’intérêt supérieur d’C______, dont l’identité s’était constituée sur le sol helvétique.

b. Le 6 avril 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti au 15 mai 2023.

d. Le 23 mai 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM l’autorisation de séjour du recourant, de sa femme et de son fils et le prononcé de leur renvoi.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

2.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.3 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre douze et seize ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

2.4 Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n'a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d'accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu'il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l'exemption des mesures de limitation d'une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s'était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s'était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n'aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d'origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d'extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d'intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15 ans).

La chambre de céans a jugé tout récemment que si une jeune fille arrivée en Suisse à l’âge de 9 ½ ans et âgée de 14 ans, qui avait passé près de cinq ans et demi ans en Suisse, dont deux dans la période de l’adolescence, avait certes obtenu de bons résultats scolaires en 2012-2022, sa scolarité n’avait pas encore revêtu une certaine durée ni atteint un certain niveau et elle ne s’était pas encore soldée par un résultat positif, suivant les exigences rappelées dans l’arrêt 123 II 125 précité consid. 4b (ATA/629/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.6, non encore entré en force).

Dans deux arrêts du même jour, concernant deux jeunes arrivés en Suisse, à l’âge de 13 ans et âgé de 23 ans, respectivement à l’âge de 11 ans et âgée de 21 ans, la chambre de céans a relevé qu'ils avaient passé leur adolescence en Suisse, période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé, mais également qu'un tel élément ne justifiait toutefois pas, en soi et à lui seul, l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, à moins de reconnaître, de facto, un droit à chaque jeune passant son adolescence en Suisse d’y demeurer. Il convenait de déterminer si leur relation avec la Suisse était si étroite qu'on ne puisse exiger d’eux qu'ils aillent vivre dans un autre pays, notamment dans leur pays d'origine. Or, leur intégration ne présentait pas de particularité et les relations établies en Suisse n’étaient pas d'une intensité telle que cela compromettait leur retour au Sénégal, pays dans lequel ils avaient des attaches familiales. Plusieurs membres importants de leur famille y vivaient encore, notamment leur mère et leurs grands-parents paternels, si bien qu'ils pourraient les aider à leur retour, en cas de besoin (ATA/430/2023 du 25 avril 2023 consid. 6 ; ATA/431/2023 du 25 avril 2023 consid. 6).

Enfin, dans le cas d’enfants âgés de 16 et 15 ans et arrivés en Suisse à presque 12 et 11 ans, dont l’aînée entamait une formation gymnasiale et le cadet achevait le cycle d’orientation, la chambre de céans a notamment retenu que s’ils avaient certes réussi à s’intégrer au niveau scolaire, que la famille n’avait pas de dettes, n’émargeait pas à l’aide sociale et disposait d’un bail, mais aussi que leur mère, qui ne travaillait pas, attestait de sa participation à des cours de français mais n’avait pas apporté la preuve d’une certification A2, ne manifestait pas l’intention de s’intégrer professionnellement, n’indiquait pas participer à la vie locale et avait une courte durée de présence en Suisse, n’avait pas fait preuve d’une intégration socio-professionnelle remarquable, pour retenir que la réintégration de la famille au D______ ne poserait pas de problème (ATA/65/2023 du 24 janvier 2023 consid. 6.4).

2.5 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

2.6 En l’espèce, le recourant est âgé de 55 ans, son épouse de 54 ans et leur fils de 16 ans. Le recourant soutient être arrivé en Suisse en 2012 et son épouse et leur fils sont arrivés à Genève au plus tôt en juillet 2018.

Ainsi, au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour, le 4 janvier 2019, le recourant séjournait en Suisse au plus depuis sept ans, et son épouse et leur fils depuis à peine un an et demi. Ces séjours ne peuvent être qualifiés de longue durée. Leur durée doit au surplus être relativisée dès lors qu’ils se sont déroulés dans l’illégalité.

Le recourant travaille en qualité de plâtrier et est autonome financièrement. Il n’a ni dettes ni poursuites, n’émarge pas à l’aide sociale et son casier judiciaire est vierge. Il affirme maîtriser la langue française au niveau requis, sans toutefois l’établir par pièces. Si tous ces éléments sont louables, ils peuvent cependant être attendus de tout étranger souhaitant s’établir en Suisse et ne traduisent pas une intégration professionnelle remarquable, ainsi que l’a relevé à bon droit le TAPI.

L’épouse du recourant n’indique pas travailler ni s’être investie dans la vie culturelle ou associative. Elle n’a pas produit de preuve de ses connaissances linguistiques du français.

L’intégration socio-professionnelle du recourant et de son épouse ne saurait dans ces circonstances être qualifiée de remarquable. Les qualités personnelles et professionnelles du recourant et le fait qu’il soit fortement apprécié de ses voisins et collègues et donne entière satisfaction à son employeur ne sont pas discutés, mais ne suffisent toutefois pas à établir une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence.

Ces derniers ont vécu au D______ jusqu’à l’âge de respectivement 43 et 50 ans, ce qui correspond à leur enfance, leur adolescence et la plus grande partie de leur âge adulte. Il n’est pas douteux qu’ils en maîtrisent la langue et les codes culturels. Ils sont tous deux en bonne santé. Le recourant ne soutient pas qu’il aurait acquis en Suisse une expérience professionnelle qu’il ne pourrait faire valoir ailleurs. Il pourra au contraire faire valoir dans son pays d’origine l’expérience acquise en Suisse. Le recourant et son épouse ne soutiennent pas qu’ils n’auraient plus de famille ni d’amis au D______, et le TAPI a relevé à bon droit qu’ils avaient demandé en 2019 des visas pour y accomplir une visite familiale. Il peut ainsi être retenu qu’ils trouveront en cas de retour un appui pour leur réintégration. Rien dans le dossier ne permet ainsi de conclure que leur réintégration au D______ les confronterait à des difficultés plus élevées que celles qu’affrontent leurs compatriotes placés dans une situation semblable.

Leur fils C______ est désormais âgé de 16 ans à peine et a passé une partie de son adolescence en Suisse où il a suivi apparemment avec succès sa scolarité – il devrait avoir achevé le cycle d’orientation en juin 2023. Il est toutefois arrivé en Suisse à l’âge de 11 ans et a passé auparavant toute son enfance avec sa mère au D______, pays dont il maîtrise encore la langue et la culture. S’il a passé quelques années de la période décisive pour son acculturation en Suisse, il n’a pas encore achevé, ni d’ailleurs entamé, de formation, et la situation globale de sa famille et en particulier le défaut évident d’intégration de sa mère ne permettent pas en l’espèce de considérer qu’il serait à ce point intégré et assimilé en Suisse que son renvoi constituerait un déracinement (ATA/65/2023 précitée). Au contraire, C______ est encore jeune, il sera accompagné de ses deux parents et il pourra faire valoir au D______ les acquis scolaires de ses années passées en Suisse, de sorte que sa réintégration même si elle exigera de sa part une réadaptation, n’apparaît pas présenter des difficultés insurmontables.

Il suit de là que ni l’OCPM ni le TAPI n’ont violé la LEI ou abusé de leur pouvoir d’appréciation en rejetant la demande d’autorisation de séjour du recourant, de son épouse et de leur fils.

Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour, il devait prononcer leur renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants, qui ne peuvent se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 mars 2023 par A______ et B______, agissant en leur nom et pour le compte de leur fils mineur C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Julien WAEBER, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.