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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3302/2022

ATA/755/2023 du 11.07.2023 sur JTAPI/279/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3302/2022-PE ATA/755/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, enfants mineurs agissant par leurs parents C______ et D______

représentés par Me Alain MISEREZ, avocat

et

C______ et D______

représentés par Me Alain MISEREZ, avocat recourants

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mars 2023 (JTAPI/279/2023)


EN FAIT

A. a. D______, né le ______ 1986, et C______, née le ______ 1990, (ci-après : les époux) se sont mariés le 20 mars 2010. Ils sont arrivés en Suisse le 24 mai 2017, par avion, depuis le Brésil, dont ils sont ressortissants.

Ils sont les parents de A______, née le ______ 2019 et de B______, né le ______ 2021.

b. Le père, six sœurs et deux frères de D______, ainsi que les parents et un frère de son épouse vivent au Brésil.

c. D______ travaille à plein temps en qualité d’emballeur auprès de E______ pour un salaire horaire de CHF 24.50. Son épouse s’occupe de leurs enfants, A______ fréquentant une crèche du lundi au vendredi, en matinée.

d. Le couple est indépendant financièrement, n’a pas de dettes ni de casier judiciaire.

e. Les époux attestent, depuis mai 2022, d’un niveau de français oral A2 pour D______ et A1 pour sa femme.

f. Chacun des époux a fait l’objet d’une ordonnance pénale prononcée le 8 décembre 2021 par le Ministère public genevois (ci-après : MP) pour séjour illégal en Suisse. D______ a, de surcroît, été condamné pour exercice d’une activité lucrative non autorisée sur le territoire. Leurs peines s’élèvent, respectivement, à 60 jours amende avec sursis pour celle-là et 90 jours amende sans sursis pour son mari.

B. a. Le 2 juin 2022, les époux ont déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur en faveur d’eux-mêmes et de leurs enfants. Le couple avait grandi au Brésil et chacun avait obtenu un diplôme. D______ y avait travaillé en qualité de chauffeur de camionnette de livraison, puis comme aide-électricien et aide-plombier. Il avait ensuite œuvré comme coiffeur et instructeur d’auto-école. Son épouse avait été caissière pendant cinq ans. En 2017, ils étaient venus « visiter la Suisse, et plus particulièrement l’église évangélique Copacabana ». Lors de son séjour, le couple avait appris que C______ était enceinte. Malheureusement, elle avait perdu l’enfant à la suite d’une fausse couche. Hospitalisée, mais non couverte par une assurance maladie, elle s’était retrouvée avec une dette envers les Hôpitaux universitaires de Genève, avec lesquels le couple avait conclu un arrangement de paiement. Ils avaient décidé de rester pour pouvoir travailler et s’acquitter du montant dû. Le 21 juillet 2021, D______ avait été interpellé par les services de police genevois qui avaient inspecté le logement et constaté la présence de son épouse. Les époux étaient désireux de régulariser leur situation.

b. Par décision du 2 septembre 2022, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de la famille, et par conséquent, de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) et a prononcé leur renvoi de Suisse.

Résidant en Suisse depuis mai 2017, la durée de leur séjour sur le territoire helvétique n'était pas suffisante pour constituer un cas de rigueur. Les époux n’avaient pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Ils avaient été condamnés pénalement. Leur réintégration dans leur pays d’origine ne devait pas avoir de graves conséquences sur leur situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place. Les enfants étaient âgés respectivement de deux ans et demi et un an et n’étaient pas scolarisés. Leur intégration en Suisse n’était dès lors pas encore déterminante.

C. a. Par acte du 6 octobre 2022, les époux, agissant en leur nom et au nom de leurs enfants, ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation, à ce qu’il soit dit qu’ils remplissaient les critères pour l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur et à ce qu’il soit ordonné à l'autorité intimée de soumettre leur dossier avec un préavis favorable au SEM. Préalablement, ils ont sollicité leur audition.

La famille était présente sur le territoire genevois depuis plus de cinq ans. Elle était indépendante financièrement et n’avait jamais eu recours à l’aide sociale. Les condamnations pénales figurant aux casiers judiciaires des époux concernaient des infractions de peu de gravité. L’aînée des deux enfants serait prochainement scolarisée. La famille avait établi son centre d’intérêt principal en Suisse, disposait d’un réseau de connaissances et d’amis et était donc bien intégrée. Elle ne disposait que de quelques proches au Brésil et n’avait aucune perspective professionnelle dans ce pays.

Les époux produisaient quatre attestations de connaissances qui confirmaient, principalement, qu’ils étaient travailleurs, respectueux des lois, s’étaient vite intégrés et étaient très assidus à l’église.

b. Par jugement du 13 mars 2023, le TAPI a rejeté le recours. Les époux et leurs enfants ne remplissaient pas les conditions, strictes, d’un cas d’extrême gravité. La durée de leur séjour devait être relativisée, s’étant partiellement déroulée de façon illicite, puis au seul bénéfice de la tolérance des autorités. Pour le surplus, il a repris les arguments de l’OCPM.

D. a. Par acte du 25 avril 2023, les époux ont recouru, pour eux-mêmes et leurs enfants, devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils ont repris leurs conclusions de première instance.

A_____ était inscrit au jardin d’enfant de la Fondation du secteur petite enfance université pour cinq matinées depuis le 1er février 2023, ce qui constituait sa première expérience du système éducatif genevois.

Les faits avaient été mal établis. La famille remplissait les conditions de l’opération « Papyrus ». La Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) avait été violée, l’intérêt supérieur de A______ n’ayant pas été pris en compte alors que l’enfant était à un âge charnière et qu’un déracinement géographique et social nuirait à son développement. Le renvoi de la famille était inexigible. Le principe de la proportionnalité avait été violé.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans leur réplique, les époux ont insisté sur leur intégration et le déplacement de leur centre d’intérêts en Suisse. Une audience de comparution personnelle permettrait de le confirmer. A______ évoluait dans le système institutionnel genevois, s’y faisait des amis et acquérait de nouvelles connaissances. Elle ne pouvait pas être renvoyée. La famille avait vécu cinq ans en Suisse, ce qui était suffisant. Un retard conséquent de l’administration genevoise leur avait fait penser de bonne foi qu’ils pouvaient espérer se stabiliser en Suisse. Les renvoyer serait disproportionné.

d. Le contenu des pièces sera pour le surplus repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Les recourants ont sollicité préalablement leur audition.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, les recourants ont eu l’occasion de s’exprimer devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans, et de produire toute pièce utile. Ils n’exposent pas quels éléments supplémentaires leur audition apporterait à l’instruction de la cause qu’ils n’auraient pas pu développer par écrit, étant précisé qu’ils ont déjà eu l’occasion d’expliquer pour quels motifs ils estimaient leur intégration réussie. Ils n’ont par ailleurs pas de droit à être entendus oralement par la chambre de céans. Celle-ci dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Il ne sera donc pas donné suite à la demande d'audition.

3.             Le recours porte sur la conformité au droit du jugement confirmant la décision de l'OCPM de refuser de transmettre au SEM le dossier des recourants avec un préavis favorable, et prononçant leur renvoi de Suisse.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

3.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.3 Dans l'examen d'un cas de rigueur concernant le renvoi d'une famille, il importe de prendre en considération la situation globale de celle-ci. Dans certaines circonstances, le renvoi d'enfants peut engendrer un déracinement susceptible de constituer un cas personnel d'extrême gravité.

L’intérêt de l’enfant, tel que prévu par l'art. 3 CDE, est un élément d'appréciation dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2).

La CourEDH indique quant à elle que lorsque des enfants sont impliqués, leur intérêt supérieur doit être pris en compte, et que même s'il ne peut être décisif à lui seul, cet intérêt doit se voir accorder un poids significatif. En conséquence, les organes décisionnels nationaux devraient, en principe, examiner et évaluer les éléments de preuve relatifs à l'aspect pratique, à la faisabilité et à la proportionnalité de tout déplacement d'un parent non national afin d'accorder une protection efficace et un poids suffisant à l'intérêt supérieur des enfants directement concernés par ce déplacement (ACEDH T.C.E. c. Allemagne du 1er mars 2018, req. n° 58681/12, § 57).

D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêt du TAF C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 9a). Sous l'angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 de la convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C 3592/2010 du 8 octobre 2012 consid. 6.2 ; ATA/434/2020 du 31 avril 2020 consid. 10).

3.4 L'opération « Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch /regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'opération « Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Ces conditions devaient être remplies au moment du dépôt de la demande d’autorisation de séjour (ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 8b).

L'opération « Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

3.5 En l’occurrence, l’opération « Papyrus » s’est achevée plus de de trois ans avant le dépôt, le 2 juin 2022, de la demande de régularisation, de sorte que les recourants ne sauraient en bénéficier. Au 31 décembre 2018, le couple n’était d’ailleurs en Suisse que depuis dix-huit mois.

Il convient donc d’examiner leur situation sous l’angle du cas de rigueur.

La durée de leur séjour ne peut être qualifiée de longue. Arrivés en 2017, ils ont déposé leur requête le 2 juin 2022 après avoir été arrêtés le 20 juillet 2021 et condamnés, le 8 décembre 2021, pour avoir séjourné et travaillé en Suisse illégalement. Au moment du dépôt de sa demande, le couple séjournait en Suisse depuis quatre ans, soit une période relativement courte. Les enfants, s’ils sont nés en Suisse, n’y vivent respectivement que depuis bientôt quatre et deux ans. Les activités de déménageur, de livreur ou d’emballeur du père de famille ne sauraient être qualifiées d’exceptionnelles au sens de la jurisprudence précitée. Si les recourants sont indépendants financièrement, n’ont pas recouru à l’aide sociale et n’ont pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie, ces éléments étant attendus de tout étranger qui souhaite s’intégrer en Suisse. On ne saurait par ailleurs considérer que les recourants se soient créées avec la Suisse des attaches professionnelles à ce point profondes et durables qu’ils ne puissent plus raisonnablement envisager un retour dans leur pays d’origine. Par ses emplois, l’intéressé n’a en effet pas acquis de connaissances ou de qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait pas les mettre en pratique dans sa patrie ou qu’il faille considérer qu’il a fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable en Suisse justifiant l’admission d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI.

Quant à leur intégration sociale, elle ne saurait être qualifiée de remarquable. Les lettres de soutien versées au dossier attestent de liens sociaux établis à Genève. Or, il est dans l’ordre des choses qu'une personne ayant effectué un séjour de quelques années dans un pays tiers s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Les recourants ne prétendent du reste pas qu'ils se seraient particulièrement investis dans la vie associative et culturelle du canton ou de leur commune de résidence, en participant activement à des sociétés locales, par exemple. Ils ne soutiennent pas non plus qu’ils disposeraient d’attaches familiales en Suisse. Lors de leur audition, séparée, à la police le 20 juillet 2021, chacun d’entre eux avait déclaré vouloir rester en Suisse « pour offrir un meilleur avenir à [mes]enfants », ce qui ne répond pas aux exigences, strictes, du cas de rigueur.

S’agissant des possibilités de réintégration des époux dans leur pays d’origine, ils y ont passé toute leur enfance, leur adolescence, ainsi que le début de leur vie d'adulte. Ils s’y sont mariés en 2010, soit sept ans avant de venir en Suisse. Le couple y a travaillé pendant plusieurs années. Ils en connaissent la langue et les us et coutumes. Ils y ont encore de la famille, soit, pour le recourant, son père, six sœurs et deux frères et pour son épouse, ses parents et son frère. Il n'est ainsi pas concevable que leur pays d'origine leur soit devenu à ce point étranger qu'ils ne seraient plus en mesure, après une période de réadaptation, d'y retrouver leurs repères. On ajoutera que les expériences professionnelles et linguistiques qu'ils ont acquises en Suisse sont susceptibles de faciliter leur réintégration au Brésil, qu’ils sont jeunes, soit âgés de bientôt 37 et 33 ans, et en bonne santé.

Certes, leur aînée fréquente une institution genevoise de petite enfance. Toutefois, elle n’a pas encore 4 ans et son sort reste intimement lié à celui de ses parents. Ainsi, conformément à la jurisprudence précitée, elle reste encore attachée dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ceux-ci. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Ce raisonnement vaut a fortiori pour le cadet.

Ainsi, au vu de tous les critères pertinents, pour chacun des membres de la famille, d’une appréciation globale de la situation de celle-ci, c’est sans violer le droit, ni abuser de son large pouvoir d’appréciation, que l’autorité intimée a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants et à leurs enfants.

Le grief de violation de l’art. 30 al. 1 let. b LEI sera rejeté.

3.6 Les recourants invoquent leur bonne foi, ayant pensé que l’administration leur accorderait un permis au vu de la longueur du traitement du dossier.

Ils ne peuvent être suivis. Ils ont séjourné illégalement en Suisse jusqu’au 2 juin 2022, date du dépôt de leur requête. L’autorité intimé les a informés de son intention de rejeter leur requête le 24 juin 2022, soit moins d’un mois après. La décision a été prononcée le 2 septembre 2022. Reprocher à l’administration un manque de célérité confine à la témérité.

4.             Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), ainsi que tout étranger dont l'autorisation est refusée, révoquée ou n'a pas été prolongée (let. c) en assortissant ce renvoi d'un délai de départ raisonnable (al. 2). Le renvoi d'un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

En l'espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi du recourant et de sa famille ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible, l’argumentation, brève, développée sur ce point par les recourants se confondant avec celle relative aux critères de l’art. 30 al. 1 let. b LEI.

Dans ces circonstances, la décision querellée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

5.             Vu l’issue, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2023 par C______ et D______ agissant pour eux-mêmes et pour A______et B______, enfants mineurs, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de C______ et D______, solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain MISEREZ, avocat des recourants, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.