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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3018/2022

ATA/509/2023 du 16.05.2023 sur JTAPI/39/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3018/2022-PE ATA/509/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 janvier 2023 (JTAPI/39/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1985, est ressortissant du Kosovo.

b. Il est marié à B______, née le ______1993. Tous deux sont les parents de C______, D______ et E______, nés respectivement les ______2013, ______2016 et ______2020. Son épouse et ses enfants sont également ressortissants du Kosovo.

c. Le 15 novembre 2021, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour en sa faveur et celle de sa famille.

Divers documents étaient joints à l’appui de cette demande, notamment des justificatifs de son séjour sur le territoire pour les années 2009, 2012, 2014 à 2016, 2018 à 2020.

d. Par courriel du 11 février 2022, A______ a répondu à la demande de l’OCPM que son épouse était arrivée en Suisse en février 2020 avec leurs deux filles, et non pas en 2011, comme précédemment indiqué.

L’OCPM a en conséquence informé A______ que la situation de son épouse et de ses deux filles serait traitée ultérieurement, dans le cadre du regroupement familial. Il devait donc démontrer un séjour de dix ans sur le territoire.

En réponse, A______ a transis à l’OCPM des pièces supplémentaires les 13 mars et 13 avril 2022.

e. Par courrier du 13 mai 2022, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser sa demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur, de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre ses actes ultérieurement au Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) afin que cette autorité juge de l’opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse à son encontre.

À teneur des pièces produites, il résidait en Suisse depuis 2006, était indépendant financièrement, travaillait dans le domaine du bâtiment, n’était pas connu de l'office des poursuites et n’avait jamais demandé l'aide financière de l'Hospice général. Son casier judiciaire était vierge et il avait le niveau requis en français. Il n’avait toutefois pas prouvé à satisfaction la continuité de son séjour, faute de justificatifs pour les années 2013 et 2017. Son épouse et leurs enfants, arrivés en Suisse en 2020, y séjournaient depuis moins de cinq ans.

Leur intégration socioculturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable, et enfin, ils n’avaient pas démontré qu’une réintégration dans leur pays d’origine aurait de graves conséquences sur leur situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) de la population restée sur place.

C______ et D______ étaient arrivées en Suisse en février 2020, à l'âge de 6 ans et 4 ans et E______ était né à Genève. Les deux filles, bien que scolarisées, n’étaient pas encore adolescentes, de sorte que leur intégration en Suisse n'était pas encore déterminante. Tous trois en bonne santé, leur réintégration dans leur pays d'origine ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables.

f. Faisant usage de son droit d’être entendu le 8 juillet 2022, A______ a requis que sa demande soit traitée en application des mêmes principes et critères que dans le cadre de l’« opération Papyrus ». Son intégration était par ailleurs « particulièrement remarquable », sauf à considérer que ce critère était inatteignable pour l’extrême majorité, voire la totalité des sans-papiers.

g. Par décision du 15 juillet 2022, l'OCPM a refusé d'accéder à la requête de A______ et prononcé le renvoi de la famille, leur impartissant un délai de départ au 15 octobre 2022.

Il a ajouté à sa lettre d’intention du 13 mai 2022 que, conformément à l’application des critères post-Papyrus annoncée le 11 décembre 2018 par le SEM, la durée du séjour devait être de cinq ans pour tous les membres de la famille lorsque les enfants étaient scolarisés en Suisse. Son intégration socio-culturelle correspondait au comportement ordinaire attendu de tout étranger souhaitant la régularisation de ses conditions de séjour.

B. a. Le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a, par jugement du 16 janvier 2023, après plusieurs échanges d’écritures, rejeté le recours formé par A______ contre cette décision.

b. Le dossier contenait les éléments suffisants et nécessaires pour statuer sur le litige sans qu'il soit utile de procéder à l'audition, sollicitée, de A______.

L’OCPM n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, ce qui aurait, également été le cas sous l’angle de l'opération « Papyrus ». Que l’on retienne que A______ serait arrivé en Suisse en 2006 ou 2008, selon ce qu’il indiquait dans son recours, la continuité de son séjour sur le territoire n’avait pas été démontrée, en particulier en 2013 et 2017. Dans sa réplique du 12 décembre 2022, il ne semblait plus contester que son séjour, sans aucun titre de séjour, ait été « parcellaire ». Depuis novembre 2021, date du dépôt de sa demande de régularisation, son séjour en Suisse se poursuivait au bénéfice d'une simple tolérance. Or, il ne pouvait déduire des droits résultant d'un état de fait créé en violation de la loi. Il ne pouvait pas tirer parti de cette seule durée pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission.

Il n’était partant pas nécessaire d'évoquer en détail la question de son intégration socio-professionnelle. Quand bien même elle serait qualifiée de bonne, elle ne correspondait pas au caractère exceptionnel exigé par la jurisprudence.

Encore jeune et en bonne santé, A______ avait vécu une grande partie de sa vie dans son pays d'origine et en particulier son enfance, son adolescence et l'entrée dans sa vie d'adulte. Il y était manifestement régulièrement retourné pour y fonder sa famille qui y avait demeuré jusqu’en février 2020.

La durée du séjour de son épouse et ses enfants, depuis février 2020, ne saurait être considérée comme suffisante pour remplir le critère de durée exigé pour obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur, aucune pièce du dossier ne venant par ailleurs attester de l’intégration d’B______. Malgré la scolarisation de leurs deux enfants aînées, vu leur âge, leur intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. Le cadet, âgé de 2 ans, restait rattaché dans une large mesure, par le biais de ses parents et de ses sœurs, à leur pays d'origine.

C. a. A______ a formé recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) par acte déposé le 16 février 2023. Il a conclu préalablement notamment à sa comparution personnelle et, principalement, à l’annulation du jugement et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur.

Il remplissait, pour les raisons qu’il rappelait, toutes les conditions de l’« opération Papyrus ». Il était parfaitement intégré en Suisse.

L’OCPM ne motivait pas suffisamment le prononcé de son renvoi. La non obtention d’une autorisation de séjour était précisément contestée. Il était « ancré » en Suisse et ne connaissait plus son pays d’origine. Il avait forgé son caractère et s’était fait aux us et coutumes de la Suisse. Les difficultés liées à son retour au pays étaient augmentées par son séjour de plus de 14 ans en Suisse.

Ses trois enfants étaient bien intégrés à Genève et la psychologie enfantine s’accordait sur le fait qu’un changement majeur, comme le déracinement géographique et social, serait « apte à nuire » à leur développement harmonieux et global. « Imposer le renvoi de cette famille, tout comme une séparation parents-enfants, en préservant uniquement l’enfant suisse, nuirait au bien de l’enfant, priorité essentielle à considérer dans de telles décisions. Le bien de l’enfant ne saurait alors laisser place aux intérêts de l’État au renvoi de personnes étrangères, intérêts absents dans le cas d’espèce ».

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Dans le délai imparti au recourant pour présenter une éventuelle réplique, celui-ci a transmis des documents attestant des capacités en français A2 à l’oral de son épouse, un nouveau contrat de bail à loyer pour un appartement de 4 pièces, des attestations de scolarité pour D______ et C______, un courrier de l’administration fiscale cantonale en lien avec l’impôt à la source pour la période fiscale 2021 et une attestation de salaire de janvier 2023 pour A______, pour un revenu mensuel net de CHF 4'596.51.

d. Les parties ont été informées, le 28 avril 2023, que la cause était gardée à juger.

e. La teneur des pièces versées à la procédure sera pour le surplus reprise ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant sollicite préalablement son audition.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6).

2.2. En l’espèce, d’une part, le recourant a pu s’exprimer par écrit tant devant l’OCPM, le TAPI que la chambre de céans et produire toutes pièces utiles. D’autre part, il n’expose pas quelles informations supplémentaires, utiles à la solution du litige, son audition pourrait apporter qu’il n’aurait pas pu développer par écrit. Il n’a par ailleurs pas de droit à être entendu oralement par la chambre de céans.

Il ne sera en conséquence pas donné suite à sa requête.

3.             Le recourant se plaint d’une violation des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse [SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Selon l'art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l'intégration de l'étranger, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c) et la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d)

3.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.4 La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3, ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

3.5 S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6c et l'arrêt cité).

3.6 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant 5 ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou 10 ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emportait aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/254/2023 du 14 mars 2023 consid. 2.1.4).

L’« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

3.7 D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats.

L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/434/2020 précité consid. 10a).

3.8 Au terme de l'art. 9 § 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107) « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ». Aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de droit des étrangers ne peut toutefois être déduite des dispositions de la CDE (ATF 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

3.9 Selon l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

4.             En l’espèce, le recourant ne peut se prévaloir de l’« opération Papyrus » qui avait pris fin près de trois ans avant le dépôt de sa demande de régularisation. En tout état, il ne remplirait pas la condition du séjour continu de dix ans exigée, vu son interruption en 2013 et 2017. La durée de cinq ans valable pour les adultes dont des enfants sont scolarisés n’a pas été atteinte, vu l’arrivée de son épouse et de deux de ses enfants il y avait un an et neuf mois seulement au moment du dépôt de la requête de régularisation.

Même à le suivre et à retenir, dans la situation qui lui est le plus favorable, qu’il serait arrivé en Suisse en 2006, ce qui constituerait une longue durée, il ne remet nullement en cause, ni a fortiori n’étaye, le constat du TAPI selon lequel il n’a pas démontré une présence continue en Suisse depuis lors, en particulier durant les années 2013 et 2017. Cette durée doit de plus être fortement relativisée, dès lors qu'il est venu illégalement en Suisse et que sa présence ne fait l'objet que d'une simple tolérance depuis le dépôt de sa demande en novembre 2021.

Si certes, il indique être indépendant financièrement, il a travaillé sans y être autorisé. Son intégration professionnelle ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Ses connaissances professionnelles acquises, comme aide peintre, n'apparaissent, en outre, pas spécifiques à la Suisse.

Il maîtrise le français au niveau oral A2. Il n'établit pas qu'il aurait tissé des liens amicaux et affectifs à Genève d'une intensité telle qu'il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes. Il n'allègue pas non plus qu'il se serait investi dans la vie sociale, associative, sportive ou culturelle à Genève. Les relations de travail, d'amitié et de voisinage qu’il aurait nouées durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3). Il ne peut dès lors être retenu qu'il aurait fait preuve d'une intégration sociale exceptionnelle en comparaison avec d'autres étrangers qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années (arrêts du TAF F-6480/2016 du 15 octobre 2018 consid. 8.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.2).

La condition du respect de l'ordre juridique suisse ne lui est pas favorable. Il est venu illégalement en Suisse et y a travaillé sans y être autorisé. L'indépendance économique est un aspect en principe attendu de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constitue pas un élément extraordinaire en sa faveur, à l’instar de l’absence de condamnations et de dettes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Son état de santé ne justifie pas sa présence en Suisse. Il est jeune (38 ans), en parfaite santé et apte à travailler. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que sa réintégration soit fortement compromise ni qu’un départ de Suisse constituerait un déracinement.

S'agissant des possibilités de réintégration au Kosovo, les compétences acquises en Suisse tant en français que dans le domaine professionnel pourront y être mises en valeur. Il a passé au Kosovo, son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, soit les périodes déterminantes pour le développement de la personnalité. Il y a vécu jusqu'à 21 ans au moins. Il connaît les us et coutumes de son pays d'origine et en maîtrise la langue. Il s’y est marié avec une compatriote et y a conçu deux de ses trois enfants. Les difficultés liées à une réinsertion sont inhérentes à tout départ du territoire suisse du fait que la personne concernée n’en remplit pas les conditions de séjour. Sa situation n'est en tous cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de raison personnelle majeure au sens de la loi. L'OCPM n'a donc pas violé la loi ni consacré un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement une autorisation de séjour en sa faveur auprès du SEM.

Ce constat vaut a fortiori pour son épouse qui n’est arrivée en Suisse qu’en 2020 et n’y travaille pas. Enfin, s’agissant de leurs enfants âgés de 9, 7 et 2 ans, dont seules les deux premières sont scolarisées, leur intégration, à cet âge et après un séjour de trois ans n’est pas encore déterminante. Ces trois enfants ne devraient pas rencontrer de difficultés particulières pour s’adapter à leur nouvel environnement, accompagnés par leurs parents.

5.             Le recourant conteste son renvoi de Suisse.

5.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

5.2 En l’espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible. Comme déjà relevé, sa situation n'est en tout cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant qui succombe et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 février 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

la présidente siégeant :

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.