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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3233/2022

ATA/480/2023 du 09.05.2023 ( PROF ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.06.2023, rendu le 08.01.2024, REJETE, 2C_347/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3233/2022-PROF ATA/480/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

B______ intimées



EN FAIT

A. a. A______ est médecin spécialisé en gynécologie obstétrique FMH. En 2016, il exerçait auprès de l’Institut médico-chirurgical C______ (ci‑après : l’institut).

b. Le 7 décembre 2016 B______ s’est rendue en urgence à l’institut, où elle a consulté D______, médecin spécialisée en gynécologie obstétrique FMH, en raison de fortes douleurs apparues dans le bas‑ventre, qui avaient commencé le matin et s’étaient aggravées durant la journée. Elle avait effectué le matin même un test de grossesse, qui s’était révélé positif. D______ a effectué une échographie et transcrit dans ses notes de suite qu’elle avait constaté : « utérus vide, un endom[ètre] épais, ovaire RAS, Douglas sans épanchement ». Elle avait décidé de faire doser l’hormone chorionique gonadotrope bêta-hCG le jour même ainsi que le 9 décembre 2016 « pour surveiller la croissance ». Elle a prescrit à D______ du paracétamol 1 g et du Tramadol Mepha 50 mg. Elle a mentionné dans ses notes de suite : « revoir dans les 48 h ».

c. L’examen sanguin du 7 décembre 2016 a révélé un taux de bêta-hCG de 423 mUI/ml et celui du 9 décembre 2016 un taux de 963.95 mUI/ml.

d. Le 10 décembre 2016, D______ s’est rendue à l’institut pour une consultation de suivi et a été reçue par A______. Celui-ci n’avait pas encore reçu les résultats de l’analyse sanguine demandée la veille. Ses notes de suite indiquaient au début : « douleurs pelviennes résiduelles en début de grossesse. [P]as de résultat BHCG ». Il avait effectué une échographie endovaginale et noté : « image arrondie hyperechogene de 4 mm : sac gesta[tionnel] ? ; pas d’anomalie annexielle visible ; pas d’épanchement dans le Douglas. » Il a encore noté : « A revoir dans 4 jours ou gyneco habituel ». Les taux de bêta-hCG des 7 et 9 décembre 2016 étaient notés avec la mention « doublement ».

e. Le 10 décembre 2016 vers minuit, D______ s’est rendue aux urgences de l’hôpital E______ en raison de la persistance des douleurs toute la journée. Le protocole opératoire établi le 11 décembre 2016 mentionne : « Visualisation d’un endomètre épaissi avec un probable pseudo-sac. Masse annexielle droite avec du liquide intra-adbominal. L’hCG s’élève à 300. Décision d’effectuer une laparoscopie exploratrice. » Dans le cadre de la laparoscopie, D______ a subi l’ablation d’une trompe (salpingectomie).

f. Le rapport du laboratoire du 13 décembre 2016 mentionne : « Le prélèvement comporte une trompe utérine dont la paroi est dissociée par de l’hémorragie en particulier à sa périphérie et vers l’ampoule. Présence d’un petit kyste paratubaire. Sur le matériel à disposition il n’a pas été retrouvé de cellules syncytiotrophoblastiques ni de villosités ni de caduque. La grossesse ne peut donc être ni confirmée ni infirmée en raison de l’importance de l’hémorragie ».

B. a. Le 21 janvier 2017, D______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission) pour se plaindre de sa prise en charge à l’institut, qu’elle considérait comme étant « à la limite du professionnalisme ».

A______ n’avait aucune connaissance de son dossier. Elle avait dû lui rappeler la raison de la consultation et il lui avait posé des questions de base avant de s’apercevoir qu’il n’avait pas les résultats de la prise de sang effectuée la veille. Il lui avait dit qu’il ne pouvait rien faire et qu’il ne comprenait pas la raison des douleurs. Il avait effectué une échographie et certifié que la grossesse était présente dans l’utérus. Il lui avait conseillé de continuer le traitement de paracétamol et/ou de Tramadol si les douleurs persistaient, et de reprendre contact un mois plus tard.

b. Le 22 février 2017, le bureau de la commission a décidé d’ouvrir une procédure administrative à l’encontre de D______ et de A______, dont il a confié l’instruction à la sous-commission 1.

c. Le 20 mars 2017, A______ a expliqué qu’il avait reçu D______ le 10 décembre 2016 pour des douleurs en début de grossesse. En attendant le dossier de la secrétaire, il avait fait son interrogatoire et l’anamnèse, bien qu’on lui eût déjà parlé de ce dossier. Il avait besoin de poser ses questions et de se faire son opinion sur le cas. Il n’avait alors pas encore reçu le résultat de la deuxième analyse sanguine demandée la veille. Il avait informé la patiente et son conjoint de la difficulté de pouvoir, sur la base de la première analyse, localiser une grossesse avec un taux aussi faible de bêta-hCG. Le conjoint de la patiente était mécontent de la situation, malgré ses explications. Le couple revenait d’une promenade, les douleurs étaient moins fortes et le saignement toujours minime. La situation et l’examen effectué ne permettaient pas de poser un diagnostic clair de grossesse. La mobilisation de la sonde vaginale ne provoquait pas de douleurs. Il avait reçu en fin d’examen les résultats de la deuxième analyse sanguine, révélant un dosage de bêta‑hCG à 963 mUI/ml, lequel avait donc doublé en 48 heures, ce qui correspondait à une « cinétique théoriquement correcte » mais ne permettait pas encore de voir la grossesse. Les explications n’avaient pas plu au couple, qui lui avait fait des remarques désobligeantes. Il avait demandé à revoir la patiente à quatre jours si la symptomatique restait stable et de refaire le dosage des bêta-hCG avant la prochaine consultation pour avoir plus de précisions sur l’évolution de la grossesse. Le conjoint de la patiente voulait revoir le gynécologue habituel de sa femme et il les avait laissés libres de prendre rendez-vous avec celui-ci. Il n’avait jamais affirmé que la grossesse était intra-utérine et avait insisté sur la nécessité de continuer une surveillance rapprochée par des examens échographiques et des dosages de bêta-hCG pour pouvoir déterminer si la grossesse était intra- ou extra‑utérine. Il avait conseillé en cas de douleurs plus fortes de se rendre aux hôpitaux universitaires de Genève.

d. Le 12 avril 2017, D______ a contesté que A______ aurait pris connaissance du dossier avant de la recevoir, qu’il aurait finalement eu connaissance de la deuxième analyse et aurait proposé de la revoir à quatre jours. Il lui avait dit qu’il pouvait la revoir à trente jours et que si les douleurs persistaient, elle pouvait se rendre aux urgences. Son conjoint et elle n’avaient pas tenu de propos désobligeants mais étaient mécontents de s’être rendus à une deuxième consultation alors que le médecin n’avait manifestement aucune nouvelle information à leur communiquer. Ils étaient inquiets de ne pas avoir reçu de diagnostic clair quant à ses douleurs.

e. Le 5 juillet 2017, la sous-commission 1 a demandé à A______ pour quelle raison il n’avait pas fait ou fait faire un Doppler alors qu’il avait constaté le doublement du taux de bêta-hCG et que la patiente se plaignait de douleurs importantes.

f. Le 11 août 2017, A______ a répondu avoir effectué un Doppler couleur par échographie vaginale dont il n’avait pas gardé l’image car celle-ci ne montrait rien de particulier à hCG 900 UI/l. Il a produit un article mettant en cause l’utilité relative du Doppler dans le diagnostic de grossesse extra-utérine.

g. Le 17 juillet 2018, la commission a demandé à A______ si B______ avait signé un formulaire l’autorisant à transmettre ses factures directement à son assurance, et dans l’affirmative à lui transmettre une copie de ce formulaire. Elle souhaitait également savoir s’il était au bénéfice d’une formation en échographie gynécologique, et dans l’affirmative qu’il lui remette une copie du certificat d’aptitude technique et des attestations de formation continue.

h. Le 17 juillet 2018, la commission a demandé à D______ de délier l’hôpital E______ de son secret médical, de manière qu’il puisse lui transmettre une copie de son dossier.

i. Le 23 juillet 2018, D______ a délié l’hôpital E______ du secret médical à l’égard de la commission.

j. Le 25 juillet 2018, la sous-commission 1 a demandé à l’hôpital E______ le dossier de D______.

k. Le 10 août 2018, l’hôpital E______ a remis le dossier.

l. Le 14 août 2018, la commission a accusé réception des documents reçus de l’hôpital E______.

m. Le 28 août 2018, la commission a adressé copie de ces documents aux parties.

n. Le 13 septembre 2018, elle a imparti à A______ un dernier délai pour lui transmettre les informations demandées.

o. Le 26 septembre 2018, A______ a remis des informations et des documents.

p. Le 3 octobre 2018, la commission en a accusé réception et en a transmis copie à D______.

q. Le 23 décembre 2019, la commission a réclamé des précisions à D______, avec copie à A______.

r. Le 17 janvier 2020, D______ a fourni ces informations.

s. Le 22 janvier 2020, la commission en a accusé réception et en a transmis copie à A______.

À cette occasion, elle a indiqué aux parties sa composition.

t. Lors de sa séance du 23 septembre 2020, la sous-commission 1 a clos l’instruction.

u. Par courrier simple du 28 octobre 2020, la commission a informé les parties que la sous-commission 1 avait clos l’instruction lors de sa séance du 23 septembre 2020 et devait remettre ses conclusions sous forme d’un projet de décision à la commission plénière. L’effectif était réduit et la rédaction des décisions avait pris du retard.

v. Le 6 avril 2022, A______ a demandé à la commission de lui indiquer sa composition.

w. Le 11 avril 2022, la commission lui a communiqué la liste des membres qui avaient siégé en sous-commission 1 pour l’instruction, respectivement du 22 février 2017 au 30 novembre 2018 et du 1er décembre 2018 au 23 septembre 2020.

x. Par décision du 5 septembre 2022, la commission a prononcé un avertissement à l’encontre d’A______.

Compte tenu des données dont il disposait, il ne pouvait savoir si la grossesse était intra- ou extra-utérine. Il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir établi de diagnostic clair et il était douteux qu’il ait pu affirmer à D______ et son conjoint que la grossesse était intra-utérine.

Il n’était pas possible d’affirmer avec suffisamment de certitude que les résultats de la deuxième analyse sanguine auraient été reçus alors que la consultation était toujours en cours. Même si A______ n’avait pas eu les résultats durant la consultation, cela n’aurait rien changé au fait que le type de grossesse ne pouvait être déterminé. Cela expliquerait toutefois le sentiment de manque de rigueur éprouvé par la patiente, mais ne permettrait pas de retenir un manquement professionnel à la charge du médecin.

A______ n’avait d’autre choix que de reconvoquer la patiente à quatre jours, et ses notes de suite confirmaient qu’il avait bien proposé un tel rendez-vous à cette échéance.

A______ avait affirmé avoir accompli un examen Doppler sans toutefois avoir conservé l’image. Il avait dans le même temps produit un article mettant en cause l’utilité d’un tel examen. L’argumentation était contradictoire et laissait entendre que le médecin avait pratiqué un examen qu’il jugeait peu utile. Le dossier de la patiente ne contenait pas d’indication de l’exécution d’un tel examen et des conclusions spécifiques y relatives. Or, ces informations auraient dû être mentionnées dans les notes de suite « (avec une note du genre "Doppler non significatif" ou "Doppler non relevant") ». Il apparaissait ainsi que A______ n’avait rempli qu’imparfaitement son obligation de bonne tenue du dossier médical de la patiente, en violation des art. 52 et 53 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03). Il ne pouvait en revanche pas lui être reproché de ne pas avoir conservé l’image du Doppler, laquelle n’était que peu pertinente pour le suivi « en l’absence de flux ». La gravité relative du manquement entraînait le prononcé de la sanction la plus faible.

C. a. Par acte remis au greffe le 4 octobre 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, subsidiairement au renvoi de la cause à la commission.

L’examen Doppler n’était qu’un complément pour exclure une grossesse extra‑utérine et non un examen strictement nécessaire.

L’action disciplinaire était prescrite. À la suite de la plainte du 21 janvier 2017, la commission avait ouvert une instruction le 22 février 2017. Plusieurs actes avaient ensuite fait avancer l’enquête : l’interpellation de A______ le 5 juillet 2017 au sujet du Doppler ; la demande du dossier à l’hôpital E______ le 25 juillet 2018 ; l’interpellation de D______ le 23 décembre 2019 à propos de informations données par A______ au terme de la consultation du 10 décembre 2016 ; la transmission à A______ du courrier de B______ le 22 janvier 2020. Il n’y avait à sa connaissance plus eu d’acte d’instruction par la suite, de sorte que la prescription était arrivée à échéance le 22 janvier 2022. La décision, prise en temps prescrit, devait être annulée.

La commission avait abusé de son pouvoir d’appréciation ou fait preuve de formalisme excessif. La mention du résultat négatif de l’examen Doppler visant à établir une éventuelle vascularisation n’avait pas d’intérêt, contrairement aux trouvailles positives de l’échographie, dûment mentionnées dans les notes de suite. Le résultat correspondait à ce qui était attendu vu les taux sériques d’hCG, de sorte qu’il n’y avait pas de discrépance qu’il aurait fallu cas échéant mentionner. Le fait de ne pas mentionner le résultat négatif de l’examen Doppler ne constituait pas un comportement professionnel incorrect. Un classement se justifiait et la décision devait être annulée.

b. Le 7 novembre 2022, la commission a conclu au rejet du recours.

La prescription n’était pas acquise. La commission avait informé les parties, le 28 octobre 2020, que la sous-commission 1 avait clos son instruction lors de sa séance du 23 septembre 2020. La décision de la commission avait été notifiée le 5 septembre 2022 aux parties.

Dès qu’il estimait qu’un examen était indiqué, le médecin mentionnait que celui-ci avait été effectué et quel en avait été le résultat. Même un résultat non significatif était une information et faisait partie du cheminement menant au diagnostic. Le dossier médical devait notamment servir d’aide-mémoire, que ce soit pour le praticien ou le médecin prenant sa suite, avec l’objectif de garantir la prise en charge optimale du patient. L’examen Doppler et son résultat devaient être consignés au dossier.

c. Le 10 janvier 2023, D______ a indiqué que le dossier revêtait une importance essentielle à ses yeux.

d. Le 24 janvier 2023, A______ a persisté dans ses conclusions et indiqué qu’il n’avait jamais reçu le courrier du 28 octobre 2020, que la commission n’avait pas jugé utile d’envoyer par recommandé, ce qui ne permettait pas d’établir la réalité de son envoi.

La littérature scientifique confirmait que l’examen Doppler n’avait pas d’intérêt pour le diagnostic de grossesse extra-utérine. Seul un examen important devait figurer au dossier. L’absence de mention d’un examen jugé sans intérêt ne pouvait donner lieu à sanction. Affirmer le contraire exposerait à la sanction la plus infime absence de mention au dossier médical tous les médecins, dont le rôle était de soigner, et non de consacrer le plus clair de leur temps à de la bureaucratie.

e. Le 25 janvier 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Dans un premier grief, le recourant invoque la prescription de l’action disciplinaire.

2.1 Il y a prescription d’un droit lorsque le titulaire de celui-ci perd la faculté d’en exiger l’exécution forcée. Le délai de prescription peut être suspendu ou interrompu. Dans ce dernier cas, un nouveau délai commence à courir. Les délais de prescription absolus commencent à courir dès la naissance d’un droit. Les délais relatifs, en général plus courts, ne commencent à courir qu’au moment où l’intéressé a connaissance de son droit. La prescription et les délais y relatifs peuvent être prévus par la loi, mais le principe de la prescription des créances en droit public vaut même en l’absence de base légale expresse, en tant qu’institution générale du droit, tant pour les créances de l’État que celles des particuliers. La prescription s’applique non seulement aux créances pécuniaires, mais aussi du droit d’exiger certaines prestations en nature et au droit de prononcer une sanction administrative. Les conditions d’interruption de la prescription sont plus souples que celles prévues par l’art. 135 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) en droit privé. Ainsi, l’administré interrompt le délai de prescription par toute intervention adéquate auprès de l’autorité compétente tendant à faire reconnaître ses droits. D’une manière générale, la prescription est interrompue par tout acte par lequel le créancier fait valoir sa créance de manière adéquate vis-à-vis du débiteur (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, pp. 261-263 nn. 738-745).

2.2 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet d’une modification entrée en vigueur le 1er janvier 2018, puis le 1er février 2020. Toutefois, ces modifications n’ont pas d’effet sur l’objet du présent litige, si bien que c’est la LPMéd dans sa teneur actuelle qui sera exposée ci-dessous.

La LPMéd a notamment pour but d’établir les règles régissant l’exercice de la profession de médecin à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle (art. 1 al. 3 let. e et art. 2 al. 1 let. a LPMéd). Au titre des devoirs professionnels, l’art. 40 LPMéd prévoit que les personnes qui exercent une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle doivent exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation (let. a), garantir les droits du patient (let. c) et observer le secret professionnel conformément aux dispositions applicables (let. f).

Au niveau cantonal, les droits et devoirs des professionnels de la santé sont traités dans la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), qui s’applique à tous les professionnels de la santé (art. 71A et 80 LS), notamment les personnes exerçant la profession médicale universitaire de médecin (art. 1 al. 1 let. a du règlement sur les professions de la santé du 22 août 2006 - RPS - K 3 02.01).

2.3 Selon l’art. 46 LPMéd, applicable par renvoi de l’art. 133A LS, la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (al. 1). Tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés entraîne une interruption du délai de prescription (al. 2). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (al. 3). Si la violation des devoirs professionnels constitue un acte réprimé par le droit pénal, le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s’applique (al. 4).

Les travaux préparatoires rappellent la volonté d’uniformiser les délais de prescription. Le délai de prescription relatif de deux ans a pour but d’amener les autorités compétentes à réagir dès qu’elles sont informées des faits et à clarifier, dans des délais utiles, la situation pour toutes les parties. L’art. 46 al. 2 LPMéd tient compte du fait que ce délai peut paraître court, surtout pour les cas plus complexes. Il prévoit une interruption du délai de prescription pour tout acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés (Message du Conseil fédéral du 3 décembre 2004, FF 2005 214).

La doctrine relève que l’art. 46 al. 2 LPMéd est extrêmement généreux s’agissant d’énumérer les motifs susceptibles d’interrompre la prescription. Il tient en effet compte du fait que le délai relatif peut paraître court, surtout pour les cas les plus complexes. Il s’agit dès lors de prendre en compte tous les actes d’instruction de l’autorité de surveillance, à savoir l’ouverture formelle de la procédure disciplinaire et tous les actes qui font progresser la procédure en vue de la décision finale et qui produisent des effets externes par rapport à l’autorité. Sont notamment concernés les actes d’administration des preuves tels les interrogatoires, les auditions, expertises, les décisions de nature procédurale ou les demandes d’observations. Afin d’éviter que la jurisprudence plus restrictive rendue en application de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) engendre des discussions, le législateur a énoncé de manière très large les autorités dont les actes produisent un effet interruptif de procédure. Il n’est pas certain que l’introduction d’une procédure civile produise un effet interruptif. Pour le reste, l’étendue réelle et la notion d’acte d’instruction ou de procédure n’est pas fixée. Par exemple, en droit fiscal, toutes les mesures des autorités portées à la connaissance du contribuable et tendant à recouvrer la créance fiscale, de même que de simples lettre ou injonctions interrompent le délai de prescription (Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, vol. II : le médecin et les soignants, Berne 2021, pp. 2785‑2786 n. 5829 et 5830).

Contrairement au droit disciplinaire de la profession d’avocat, la prescription peut être interrompue non seulement par les actes d’instruction des autorités de surveillance mais également par les actes d’instruction ou de procédure des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux. Ceux-ci doivent être en rapport avec les faits incriminés. Les actes de l’autorité de surveillance comprennent toutes les actions qui contribuent à l’avancement de la procédure disciplinaire et qui sont orientées vers l’extérieur. Il s’agit en particulier de l’ouverture formelle de la procédure, de l’interpellation pour prise de position ainsi que des auditions et autres récoltes de preuve. Le dépôt de plainte ou l’introduction d’une poursuite ou d’une procédure civile ne provoquent en revanche pas l’interruption de la prescription (Tomas POLEDNA in Loi sur les professions médicales – LPMéd ; Commentaire, 2009, n. 7-9 ad art. 46).

La chambre de céans a retenu que la prescription peut être interrompue non seulement par les actes d’instruction des autorités de surveillance, mais également par les actes d’instruction ou de procédure des autorités de poursuite pénale ou des tribunaux. Ceux-ci doivent être en rapport avec les faits incriminés. Les actes de l’autorité de surveillance comprennent toutes les actions qui contribuent à l’avancement de la procédure disciplinaire et qui sont orientées vers l’extérieur. Il s’agit en particulier de l’ouverture formelle de la procédure, de l’interpellation pour prise de position ainsi que des auditions et autres récoltes de preuve. Le dépôt de plainte ou l’introduction d’une poursuite ou d’une procédure civile ne provoquent en revanche pas l’interruption de la prescription (ATA/1300/2021 du 20 novembre 2021 consid. 4a).

Elle a qualifié d’acte interruptif de la prescription le courrier de la commission informant les parties de la clôture de l’instruction et leur transmettant la nouvelle composition de la commission appelée à se prononcer (ATA/324/2016 du 19 avril 2016 consid. 2c), le courrier de la commission informant le recourant que la sous‑commission avait clos l’instruction (ATA/1801/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2c), le fait de clore l’instruction et d’annoncer une décision (ATA/460/2020 du 7 mai 2020 consid. 2c), ou le fait pour la sous-commission de rendre son préavis au département (ATA/1300/2021 précité consid. 4b).

Dans le précédent de 2019 susévoqué, la commission avait informé le recourant le 29 mars 2017 que la sous-commission avait clos l’instruction le 6 décembre 2016. La chambre de céans a jugé que « conformément à la jurisprudence de la chambre de céans précitée, le courrier du 29 mars 2017 a constitué le dernier acte de la procédure. Un nouveau délai de prescription relative de deux ans ayant commencé à courir à cette date, cette prescription n’était pas acquise le 15 octobre 2018, jour du prononcé de la décision litigieuse. Il est certes regrettable que la commission ait attendu près de quatre mois avant d’annoncer la clôture de l’instruction. Cela étant, même si elle avait annoncé cette clôture le jour même, soit le 6 décembre 2016, le délai de deux ans n’aurait pas été atteint le 15 octobre 2018 » (ATA/1801/2019 précité consid. 2c).

2.4 En l’espèce, le recourant soutient que l’action disciplinaire aurait été prescrite lorsque la sanction querellée a été prononcée, aucun acte d’instruction n’ayant, à sa connaissance, eu lieu depuis le courrier du 22 janvier 2020 par lequel la commission lui avait transmis le courrier adressé par D______.

Il ne saurait être suivi. La décision de la sous-commission 1 du 23 septembre 2020 de clore l’instruction et de remettre ses conclusions sous forme d’un projet de décision à la commission plénière constitue en soi un acte faisant avancer la procédure et interrompant la prescription au sens de l’art. 46 al. 2 LPMéd, soit un acte d’instruction ou de procédure que l’autorité de surveillance, une autorité de poursuite pénale ou un tribunal opère en rapport avec les faits incriminés.

Le recourant fait cependant valoir qu’il n’aurait pas reçu le courrier simple du 28 octobre 2020 lui annonçant cette décision de la sous-commission.

Une copie de celui-ci ainsi qu’une copie de l’exemplaire adressé le même jour à D______ figurent pourtant au dossier de la commission, ce qui suggère que le courrier a été adressé au recourant.

La réception effective de ce courrier par le recourant est toutefois sans effet sur l’interruption de la prescription par la décision de la commission du 23 septembre 2020. L’effet externe invoqué par le recourant est en effet sans pertinence : il désigne l’effet que l’acte produit sur la situation juridique des parties – en l’espèce l’interruption de la prescription – sans toutefois impliquer, comme semble le suggérer le recourant, que pour lui être opposable l’acte devrait lui avoir été notifié.

La chambre de céans a, certes, désigné plus d’une fois le courrier annonçant la clôture comme l’acte interruptif de la prescription. Il y a toutefois lieu de préciser que le courrier est le plus souvent concomitant de la décision. Il constitue par ailleurs dans le cas d’espèce la seule pièce au dossier de la commission documentant, sinon formalisant, la décision de clôture.

La solution consistant à considérer que la décision elle-même interrompt la prescription est par ailleurs favorable à l’administré objet de la procédure disciplinaire. La prescription court en effet même si le courrier l’annonçant est tardif, n’est jamais reçu ou jamais envoyé, étant rappelé qu’elle doit être examinée d’office par l’autorité de recours. Dans le précédent de 2019, la chambre de céans, si elle a jugé regrettable que la commission ait attendu près de quatre mois avant d’annoncer la décision de clôture de l’instruction, a noté que même si la clôture avait été communiquée le jour de la décision, le délai de deux ans n’aurait pas été atteint (ATA/1801/2019 précité consid. 2c).

Le recourant n’invoque par ailleurs pas sa bonne foi ni la mauvaise foi de l’intimée, à juste titre, puisqu’il se savait l’objet d’une procédure disciplinaire, avait reçu le 22 janvier 2020 les dernières informations et précisions de D______, pouvait en tout temps consulter le dossier de la procédure auprès de la commission – et qu’il a lui-même demandé le 6 avril 2022 la composition de la sous-commission, et que l’intimée lui a communiqué le 11 avril 2022 la liste des membres qui avaient siégé en sous-commission 1 pour l’instruction, respectivement du 22 février 2017 au 30 novembre 2018 et du 1er décembre 2018 au 23 septembre 2020, soit autant d’éléments dont il pouvait inférer que l’instruction avait pris fin à cette dernière date.

La prescription a ainsi été interrompue le 23 septembre 2020.

L’action précédente consistait dans l’envoi au recourant, le 22 janvier 2020, du courrier de D______ du 17 janvier 2020 ainsi que de la composition de la commission. L’action suivante contribuant à l’avancement de la procédure disciplinaire consistait éventuellement dans la communication de la composition de la commission le 11 avril 2022 en réponse à une demande du recourant et certainement dans la notification de la décision attaquée.

L’action disciplinaire n’était donc pas prescrite lorsque la sanction a été prononcée le 5 septembre 2022.

Le grief sera écarté.

3.             Dans un second grief, le recourant se plaint de la violation de son pouvoir d’appréciation par la commission et du formalisme excessif dont cette dernière aurait fait preuve.

3.1 Constitue un abus du pouvoir d’appréciation le cas où l’autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 ; ATA/1276/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4d ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 515). Il y a excès du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité dépasse le cadre de ses pouvoirs. En outre, celle-ci doit exercer son libre pouvoir d’appréciation conformément au droit, ce qui signifie qu’elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité. Si elle ne respecte pas ces principes, elle abuse de son pouvoir (ATA/827/2018 du 28 août 2018 consid. 2b ; ATA/845/2015 du 20 août 2015 consid. 2b ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 743 ss et les références citées).

Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

3.2 Tout professionnel de la santé pratiquant à titre dépendant ou indépendant doit tenir un dossier pour chaque patient (art. 52 al. 1 LS). Ledit dossier comprend toutes les pièces concernant le patient, notamment l’anamnèse, le résultat de l’examen clinique et des analyses effectuées, l’évaluation de la situation du patient, les soins proposés et ceux effectivement prodigués, avec l’indication de l’auteur et de la date de chaque inscription (art. 53 LS). L’art. 57 LS précise que les éléments du dossier doivent être conservés aussi longtemps qu’ils présentent un intérêt pour la santé du patient, mais au moins pendant dix ans dès la dernière consultation (al. 1). Si aucun intérêt prépondérant pour la santé du patient ou pour la santé publique ne s’y oppose, le dossier est détruit après vingt ans au plus tard (al. 2).

Le dossier médical doit être constitué dès la première consultation (ATA/1147/2022 du 15 novembre 2022 consid. 8), il doit être complet (ATA/752/2022 du 26 juillet 2022 consid. 5d), comporter la totalité des documents relatifs au suivi du patient (ATA/1084/2022 du 1er novembre 2022 consid. 8), la mention des examens accomplis et les images ou leur description (ATA/1300/2021 du 30 novembre 2021 consid. 11f), les notes de suite ne devant pas être trop succinctes, de manière à assurer un suivi adéquat (ATA/830/2022 du 23 août 2022 consid. 13e).

3.3 En l’espèce, la commission reproche au recourant de n’avoir pas mentionné au dossier qu’il avait effectué un examen doppler, même non relevant.

Le recourant soutient qu’une mention « négative » n’avait pas d’intérêt, que le résultat de l’examen doppler correspondait à ce qui était attendu et enfin que l’examen n’était pas strictement nécessaire.

Il perd de vue que tant l’effectuation de l’examen que son résultat doivent par principe être consignés au dossier.

Si un second examen confirme le résultat d’un premier, l’information est pertinente, et impose la mention au dossier, fût-elle succincte s’agissant d’un examen non pertinent.

Le praticien ne doit en outre ordonner en principe que des examens nécessaires, de sorte que l’argument tenant à la nécessité relative de l’examen doppler tombe à faux.

C’est ainsi à bon droit que la commission, composée de spécialistes, a conclu que le recourant n’avait qu’imparfaitement respecté son obligation de tenir un dossier.

Le recourant n’expose par ailleurs pas en quoi le raisonnement de la commission serait constitutif d’un abus de son pouvoir d’appréciation ou de formalisme excessif.

Le grief sera écarté.

Enfin, le recourant ne critique pas la quotité de la sanction infligée. À juste titre, s’agissant de l’avertissement, soit la sanction la plus clémente prévue le catalogue de l’art. 43 LPMéd.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, B______ n’y ayant pas conclu et n’apparaissant pas avoir exposé de frais (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2022 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 5 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme

communique le présent arrêt à Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat du recourant, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ainsi qu'à B______.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, Président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER et Philippe KNUPFER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le présidente siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :