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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3241/2022

ATA/485/2023 du 09.05.2023 ( TAXIS ) , REJETE

Descripteurs : CHAUFFEUR;VOITURE DE TRANSPORT AVEC CHAUFFEUR;APPLICATION RATIONE TEMPORIS;LOI FÉDÉRALE SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR;LIEU DE PROVENANCE;SIÈGE OU ÉTABLISSEMENT(MARCHÉ INTÉRIEUR);ENTREPRISE DE COMMUNICATION ET DE TRANSPORT
Normes : LMI.1; LMI.2; LMI.3; aLTVTC.1; aLTVTC.2; aLTVTC.4.letc; aLTVTC.4.leta; LTVTC.5.letc.ch3; aLTVTC.8; aLTVTC.9; aLTVTC.15.al2; aRTVTC.18.al5
Résumé : recours d'une société vaudoise contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir lui faisant interdiction de déployer une activité de diffuseur de courses et d'entreprise de transport à Genève, pour défaut d'annonce de l'activité. Dans la mesure où la presque totalité des courses effectuées ont comme point de départ ou d'arrivée l'aéroport de Genève, la recourante est considérée comme exerçant principalement son activité à Genève, quand bien même elle dispose de toutes les autorisations dans le canton de Vaud et malgré son siège social qui se trouve dans ce canton. Elle ne démontre pas y exercer effectivement son activité. La LMI ne lui est donc pas applicable. En sous-traitant des courses, notamment des courses Genève-Genève, elle exerce une activité de diffuseur de courses. Elle est également exploitante d'une entreprise de transport au sens de la législation genevoise, quand bien même le seul chauffeur exerçant pour le compte de la société est également le seul gérant de celle-ci. Elle avait donc une obligation d'annonce auprès des autorités genevoises, qu'elle n'a pas respectée. Décision ainsi confirmée et recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3241/2022-TAXIS ATA/485/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A_______ SÀRL

B_______
représentés par Me Guy ZWAHLEN, avocat recourants

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A.           a. A_______ Sàrl (ci-après : A_______), dont le siège social se trouve à C_______, est inscrite au Registre du commerce du canton de Vaud depuis le 23 décembre 2011.

Elle a, selon ses statuts, notamment pour buts la gérance et l'administration d'une entreprise de taxis et de véhicules de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) ainsi que l'exploitation d'une compagnie de taxis avec centrale de diffusion de courses.

Elle est titulaire, depuis le 17 novembre 2020, de l'autorisation d'exploiter, sur le canton de Vaud, une entreprise de transport de personnes à titre professionnel.

Du 1er décembre 2016 au 28 février 2019, elle a loué un bureau de 26 m2 situé au _______, route D______ à Genève.

b. B_______ est l'unique associé gérant de A_______ et dispose du pouvoir de signature individuelle.

Il est notamment titulaire, depuis le 17 novembre 2020, d'une autorisation lui permettant d'exercer, dans le canton de Vaud, l'activité de chauffeur pratiquant le transport de personnes à titre professionnel et est au bénéfice d'une carte professionnelle VTC genevoise délivrée le 28 janvier 2019.

c. B_______ est également l’associé gérant de E______ Sàrl (ci-après : E______) et de F______ Sàrl (ci-après : F______), dont les sièges sociaux se trouvent à Genève.

E______ a notamment pour buts l’exploitation de moyens de transports automobiles, notamment la location de voitures avec ou sans chauffeur.

F______ a notamment pour buts l'exploitation d'un garage et d'une carrosserie, le commerce et la location de véhicules.

B.            a. Le 13 novembre 2017, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a délivré à A_______ une attestation d'annonce pour l'activité de diffuseur de courses dans le canton de Genève.

b. Par courrier du 29 novembre 2019 adressé au PCTN, A_______, soit pour elle B_______, a indiqué renoncer à l'exploitation de diffuseur de courses et a requis sa radiation de la base de données du PCTN.

c. Le 8 juillet 2020, ce dernier lui a confirmé sa radiation de la base de données et lui a indiqué qu'en conséquence, l'attestation d'annonce du 13 novembre 2017 ne déployait plus ses effets.

d. Par courrier du 22 août 2022, le PCTN a fait part à A_______ de son intention de prononcer à son encontre une interdiction de poursuivre son activité de diffuseur de courses.

Il avait été constaté que A_______ déployait une activité de diffuseur de courses sans s'être annoncée. En effet, elle offrait la possibilité de réserver des courses dont le départ et l'arrivée se situaient à Genève, via plusieurs plateformes, et disposait de bureaux dans le canton, l'un à l'Aéroport international de Genève (ci-après : l’aéroport) et l'autre au ______, chemin G______, à H______.

Par ailleurs, le contenu de ses plateformes internet portait à confusion, dès lors qu'elle proposait des services de taxi alors que les véhicules représentés correspondaient à des VTC.

e. A_______ a contesté l'intégralité du courrier du PCTN.

Elle ne déployait pas une activité de diffuseur de courses, mais uniquement celle d'entreprise de transport, pour laquelle elle et son gérant disposaient de toutes les autorisations. Ce dernier effectuait seul les prestations avec son véhicule pour le compte de l'entreprise et en sa qualité de chauffeur lié à celle-ci.

Elle était au bénéfice d'une attestation genevoise d'annonce de l'activité de transport de personnes, et le bureau dont elle disposait à l'aéroport n'était pas une succursale mais un bureau de « représentation ».

Ses sites internet avaient déjà été aménagés, de sorte que toute confusion entre les services de taxi proposés et ceux de VTC était impossible.

f. Par décision du 6 septembre 2022 déclarée exécutoire nonobstant recours, le PCTN a fait interdiction immédiate à A_______, soit pour elle B_______, (1) de déployer une activité de diffuseur de courses ou d’entreprise de transport sur tout le territoire genevois jusqu’à rétablissement d’une situation conforme au droit, (2) de déployer une activité de diffuseur de courses ou d’entreprise de transport dans les locaux situés route D______ ______ à Genève et au chemin G______ ______ à H______ jusqu’à rétablissement d’une situation conforme au droit, (3 et 4) ordonnant à A_______, soit pour elle B_______ de modifier immédiatement l’ensemble des sites internet sur lesquels ils étaient actifs afin qu’aucune course VTC ou taxi avec départ et destination genevois ne puisse être proposée et afin qu’aucune confusion ne ressorte entre l’activité de taxi et celle de VTC.

Dans la mesure où A_______ avait entrepris en 2017 des démarches administratives en vue d'exercer à Genève une activité de diffuseur de courses, une telle activité pouvait être retenue. La question de savoir si elle pratiquait également une activité d'entreprise de transport pouvait rester indécise, dès lors que pour ces deux activités, la loi prévoyait une obligation d'annonce.

L'attestation d'annonce du 13 novembre 2017 n'avait été délivrée que pour l'activité de diffuseur de courses, et non pour celle d'entreprise de transport. Par la suite, et à sa demande, A_______ avait été radiée de la base de données, de sorte que l'attestation ne déployait plus aucun effet. L'entreprise ne disposait dès lors plus d'aucune attestation d'annonce, que ce soit pour l'activité de diffuseur de courses ou celle d'entreprise de transport.

C.           a. Par acte mis à la poste le 4 octobre 2022, A_______ et B_______ ont interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 6 septembre 2022, concluant à titre préalable à la restitution de l'effet suspensif et, à titre principal, à l'annulation de ladite décision.

Ils étaient titulaires de toutes les autorisations pour exercer leur activité liée au service de VTC dans le canton de Vaud, au siège de la société. Ils n'étaient ainsi pas soumis à une obligation d'annonce et ne pouvaient se voir interdire d'exercer leur activité sur le territoire genevois, ce qui était contraire au droit fédéral.

La société n'offrait pas de courses intracantonales à Genève. Elle n'y exerçait ainsi pas une activité régulière. Les véhicules utilisés pour les courses étaient tous immatriculés dans le canton de Vaud.

b. Le PCTN a conclu au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif ainsi qu'au rejet du recours.

B_______, qui n'était pas visé par la décision, disposait d'une carte de chauffeur professionnelle VTC genevoise, de sorte que le droit fédéral, à défaut de dimension intercantonale, ne lui était pas applicable.

A_______ n'avait pas établi son droit à se prévaloir du droit fédéral, dans la mesure où elle n'avait pas démontré exercer de manière effective son activité dans le canton de provenance, soit le canton de Vaud. En raison du domicile – genevois – de son unique représentant, du contenu de ses sites internet sur lesquels il était mentionné que les courses étaient effectuées depuis ou vers l'aéroport ainsi que de ses bureaux situés à Genève, elle ne pouvait être considérée comme un offreur externe.

A_______ ne contestait pas l'existence d'une confusion, sur ses sites internet, entre les services de taxi proposés et ceux de VTC.

c. Le 29 octobre 2022, A_______ et B_______ ont indiqué que le bureau de représentation que la société avait possédé à l'aéroport n'existait plus depuis 2019.

La société proposait un service intercantonal depuis l’aéroport vers le canton de Vaud et les stations de ski, et non un service intracantonal à Genève. Si toutefois elle recevait une demande portant sur une course avec Genève comme point de départ et d'arrivée, elle avait la possibilité de la sous-traiter à un partenaire exclusif ou une entreprise genevoise.

Plus aucune confusion n'était possible dès lors que son site internet J______.ch mentionnait de façon claire qu’elle était basée à C_______, agissait uniquement en tant qu’entreprise de transport avec ses propres véhicules, depuis ou vers l'aéroport et n’effectuait pas de trajets dont les points de départ et d’arrivée se trouvaient dans le canton de Genève, ni n’y offrait de services de taxi.

d. Le 31 octobre 2022, A_______ et B_______ ont ajouté que, pour l'activité déployée par la société, aucune autorisation n’était requise, dans la mesure où elle ne pratiquait pas le cabotage et provenait d'un autre canton que Genève.

e. Par décision du 4 novembre 2022 (ATA/1116/2022), la chambre administrative a restitué l'effet suspensif au recours et ordonné à A_______ de produire la liste exhaustive des courses qu'elle ou B_______ avaient accomplies durant l'année 2022, avec l'indication, pour chaque course, de la date et des lieux de départ et d'arrivée.

f. Le 21 novembre 2022, A_______ et B_______ ont ajouté que si le but social de la société mentionnait certes une activité de diffuseur de courses, celle-ci n'exerçait, dans les faits, plus une telle activité dans le canton de Genève.

Les courses étaient effectuées depuis ou à destination de Genève. La société exerçait principalement son activité dans le canton de Vaud. Le fait que son gérant fût domicilié à Genève n'était pas pertinent pour l'application du droit fédéral ; seul le siège de la société importait.

g. Le 29 novembre 2022, A_______ et B_______ ont produit la liste des courses que la société avait effectuées entre le 1er janvier 2022 et le 25 novembre 2022, précisant que cette liste était exhaustive.

h. Le 6 décembre 2022, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

B_______ a indiqué que A_______ disposait de deux véhicules, immatriculés dans le canton de Vaud, que lui seul conduisait. Les locaux de sa société, qui se trouvaient à C_______ et consistaient en une salle mise à disposition, en cas de besoin, par sa fiduciaire, étaient utilisés pour y rencontrer des clients. Aucune activité liée à l'administration n'y était toutefois conduite.

A_______ effectuait aussi des courses intracantonales vaudoises, de même que des courses du canton de Vaud jusqu'à d'autres cantons que Genève. Son activité était la même depuis sa création.

Lorsqu’B_______ recevait une demande à laquelle il ne pouvait répondre, soit il refusait la course, soit l'acceptait et, en tant qu'intermédiaire, la sous-traitait à un tiers en la facturant directement au client. Il pouvait également proposer à ce dernier un autre prestataire, lequel était payé directement par le client.

Le site internet J______.ch indiquait à dessein un prix dissuasif de CHF 95.- pour les réservations concernant les courses Genève-Genève. Néanmoins, lorsque la société recevait de telles réservations et qu’B_______ avait à sa disposition une voiture avec une plaque genevoise, il pouvait effectuer la course avec ce véhicule. Il avait également, à de rares reprises, agi comme intermédiaire et avait sous-traité la course à une entreprise genevoise. A_______ avait bénéficié d'une différence d'environ CHF 10.- « entre le prix facturé » par l'entreprise genevoise.

Le site internet I______.ch appartenait également à A_______ ; il était possible, avant l'intervention du PCTN, d'y réserver des courses de Genève à Genève mais cette possibilité résultait uniquement d'un « bug » du système Android.

Les appels et courriels envoyés à A_______ arrivaient directement sur le téléphone portable d’B_______. Il y répondait le plus souvent depuis son téléphone portable et les vérifiait dès qu'il disposait d'un moment au cours de sa journée de travail.

i. Le 31 janvier 2023, A_______ et B_______ ont transmis leurs observations à la suite de l'audience.

Le site internet I______.ch avait été supprimé, de même que tous les autres sites exploités par la société, à l'exception de J______.ch. Sur celui-ci, il n'était plus possible de réserver des courses Genève-Genève.

La société devait être considérée comme un offreur externe confédéré. La liste des courses produite démontrait que seul le lieu de prise en charge ou de destination se trouvait à Genève, là où elle ne possédait plus de bureaux.

j. Le même jour, le PCTN a également transmis ses observations.

Lors de l'audience, B_______ avait admis qu'il était possible, par le biais du site internet de A_______, de réserver des courses Genève-Genève et que plusieurs courses de ce type avaient été réservées. Il avait également confirmé diffuser ces courses à des tiers, en facturant un montant de CHF 10.- pour la diffusion.

B_______ avait indiqué que s'il avait une voiture à plaque genevoise disponible, il pouvait effectuer la course avec cette même voiture. Dès lors, il avait admis avoir accompli lui-même des courses intracantonales genevoises réservées directement sur le site internet de A_______ et ainsi confirmé que lui et sa société avaient déployé une activité d'entreprise de transport à Genève.

k. Dans sa réplique, A_______ et B_______ ont précisé que la société n'avait jamais effectué de courses avec prise et dépose de passagers dans le canton de Genève.

Les réservations sur J______.ch pour des courses Genève-Genève n'étaient arrivées que très rarement. Ces courses n'avaient pas été effectuées au moyen des véhicules appartenant à A_______.

l. Sur ce, les parties ont été informées que le cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Ont qualité de partie les personnes dont les droits ou les obligations pourraient être touchés par la décision à prendre, ainsi que les autres personnes, organisations ou autorités qui disposent d'un moyen de droit contre cette décision (art. 7 LPA).

À teneur de l'art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée sont titulaires de la qualité pour recourir. Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/276/2023 du 21 mars 2023 consid. 2a).

2.1 En l'espèce, le recours a été interjeté par A_______ mais également par B_______.

La décision querellée a cependant été prononcée uniquement à l'encontre de A_______, soit pour elle B_______, en tant qu'associé-gérant de la société et unique personne habilitée à la représenter.

Il semble ainsi douteux qu’B_______, qui n'est pas directement visé par la décision, dispose, à titre individuel, de la qualité de partie dans la présente procédure et ait ainsi la qualité pour recourir.

Cette question peut toutefois demeurer indécise. En effet, A_______ (ci-après : la recourante) est partie à la procédure et, en tant que destinataire de la décision querellée, dispose d'un intérêt à son annulation, ce qui lui confère la qualité pour recourir.

Le recours sera donc déclaré recevable.

3) Le 1er novembre 2022 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC – H 1 31), abrogeant la Loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (aLTVTC – H 1 31 ; art. 44 LTVTC).

Il convient ainsi préalablement de définir la législation applicable au fond au présent litige, la décision querellée ayant été rendue sous l'égide de l'ancien droit.

3.1 Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/277/2023 du 21 mars 2023 consid. 6.2 ; ATA/813/2022 du 17 août 2022 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 403 ss).

3.2 En l’espèce, la décision querellée a été rendue le 6 septembre 2022, soit avant l'entrée en vigueur de la LTVTC, et seuls sont pertinents les faits à l’origine de la mesure. Par conséquent, et conformément à la jurisprudence précitée, l'aLTVTC est applicable au présent litige, étant précisé que les dispositions transitoires de l'art. 46 LTVTC ne sont pas pertinentes dans le cas d'espèce.

Par ailleurs, dans la mesure où la recourante l'invoque, est susceptible de s’appliquer à la présente cause la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02).

4) Le litige a trait à la légalité des interdictions prononcées à l’encontre de la recourante le 6 septembre 2022.

4.1 Il convient à ce stade de déterminer si la recourante peut être considérée comme un offreur externe et si la LMI trouve en conséquence application, ce que l'autorité intimée conteste.

4.2 À teneur de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a et les références citées).

La constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement leur force de persuasion (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/444/2023 du 26 avril 2023 consid. 5.2).

4.3 La LMI vise notamment à faciliter les échanges économiques en Suisse (art. 1 al. 2 LMI) et garantit à toute personne ayant son siège en Suisse l’accès libre et non discriminatoire au marché afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse (art. 1 al. 1 LMI).

Toute personne a le droit d’offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le territoire suisse pour autant que l’exercice de l’activité lucrative en question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son établissement (art. 2 al. 1 LMI).

4.3.1 Selon l’art. 3 al. 1 LMI, la liberté d’accès au marché ne peut être refusée à des offreurs externes. Les restrictions doivent prendre la forme de charges ou de conditions et ne sont autorisées que si elles s’appliquent de la même façon aux offreurs locaux (let. a), sont indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants (let. b), répondent au principe de la proportionnalité (let. c). L’art. 3 al. 2 LMI dispose que les restrictions ne répondent pas au principe de la proportionnalité lorsqu’une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être obtenue au moyen des dispositions applicables au lieu de provenance (let. a), les attestations de sécurité ou certificats déjà produits par l’offreur au lieu de provenance sont suffisants (let. b), le siège ou l’établissement au lieu de destination est exigé comme préalable à l’autorisation d’exercer une activité lucrative (let. c), une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être garantie par l’activité que l’offreur a exercée au lieu de provenance (let. d). Les restrictions visées à l’art. 3 al. 1 LMI ne doivent en aucun cas constituer une barrière déguisée à l’accès au marché destinée à favoriser les intérêts économiques locaux (art. 3 al. 3 LMI).

La LMI vise à éliminer les restrictions à l'accès au marché mises en place par les cantons et les communes. Elle pose le principe du libre accès au marché selon les prescriptions du lieu de provenance, c'est-à-dire du canton d'origine, qui est qualifié par la doctrine de « pierre angulaire » de la LMI. Le droit du lieu de provenance est le droit applicable au territoire d'où la marchandise, le service ou la prestation de travail proviennent. Il se confond avec le droit où l'offreur externe a son siège ou son établissement. D'une manière générale, l'établissement est le lieu où la personne exerce ses activités lucratives et, si l'activité se déroule en plusieurs endroits, le lieu où la personne dirige l'activité lucrative. Le lieu d'établissement doit être compris comme le lieu où l'acteur économique a le centre de ses activités. Dans le cas où la personne n'est pas astreinte à inscription au registre du commerce, l'établissement est le lieu où elle exerce. Pour les entreprises commerciales, des considérations pratiques imposent de retenir comme établissement le lieu où elles sont inscrites. Il découle des règles du marché intérieur que la personne concernée doit avoir déjà effectivement exercé l'activité en cause dans le canton qui lui a délivré l'autorisation dont elle se prévaut. Le seul fait de disposer d'une autorisation dans un canton ne suffit pas encore pour en déduire des droits dans un autre canton. C'est seulement si l'activité est ou a été exercée dans le canton qui l'a initialement autorisée que l'on se trouve en présence d'un état de fait significatif sur le plan intercantonal, propre à entraîner l'application des règles du marché intérieur. L'établissement dans un canton dans le seul but de pouvoir exercer une certaine activité dans un autre canton en vertu desdites règles est constitutif d'un abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2019 du 20 septembre 2019 consid. 5.1 et les références citées).

L'immatriculation d'un véhicule dans un canton ne permet pas de tirer des conclusions sur le lieu d'établissement, puisque le lieu d'immatriculation est en règle générale déterminé par le lieu de stationnement, à savoir le lieu où le véhicule est garé la nuit (cf. art. 74 et 77 de l'ordonnance fédérale du 27 octobre 1976 réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière [OAC ; RS 741.51]), et que cet élément ne renseigne pas sur le lieu d'exercice de l'activité commerciale (Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3).

4.3.2 Le titulaire de la liberté d’accès au marché doit établir son droit. Pour ce faire, il lui suffit de rapporter la preuve que l’activité qu’il entend mener au lieu de destination est licite selon le droit applicable au lieu où il est établi ou a son siège et, le cas échéant, qu’il est autorisé à la pratiquer selon ce droit (art. 2 al. 1 LMI). Si l’offreur externe a établi son droit à satisfaction, l’autorisation d’accès au marché du lieu de destination doit lui être accordée dans tous les cas – sans charges, ni conditions aucunes, sauf si l’autorité parvient à démontrer que la restriction envisagée est justifiée à la lumière de l’art. 3 LMI. L’autorité doit d’abord établir qu’il existe un motif suffisant pour restreindre la liberté d’accès au marché. Elle n’y parvient que s’il existe un intérêt public prépondérant à la restriction (art. 3 al. 1 let. b et al. 2 LMI). L’autorité doit encore démontrer que l’intérêt public prépondérant n’a pas été suffisamment pris en compte par le droit du lieu d’établissement de l’offreur externe au sens de l’art. 3 LMI (ATF 135 II 12 consid. 2.4 = JdT 2009 I 364). Ce n’est qu’à ce titre qu’il peut être dérogé au principe de primauté du droit d’établissement et que l’autorité du lieu de destination est autorisée à soumettre l’autorisation d’accès au marché à des charges et à des conditions, lesquelles devront encore respecter l’exigence de proportionnalité. Cette démonstration implique de renverser la présomption légale d’équivalence des réglementations cantonales et communales, consacrée à l’art. 2 al. 5 LMI. Il appartient à l’autorité du lieu de destination qui s’oppose à l’accès au marché d’un offreur externe de renverser la présomption légale d’équivalence entre la réglementation du lieu de provenance et la réglementation locale applicable, et non à l’offreur externe de démontrer l’équivalence entre les deux réglementations (ATA/526/2020 du 26 mai 2020 consid. 8b et 8c et les références citées).

4.3.3 La chambre de céans a déjà eu l’occasion de retenir que des chauffeurs de taxis ou de limousine exerçant le transport professionnel de personnes ne pouvaient être considérés comme des offreurs externes au canton, lorsqu'ils exerçaient l'essentiel de leur activité sur le territoire genevois, y percevaient leurs revenus et ne parvenaient pas à démontrer travailler davantage sur le territoire d’un autre canton. Le fait de conduire un véhicule immatriculé dans un autre canton ou d'être titulaire d'une entreprise en raison individuelle dans un autre canton, tel que le canton de Vaud, ne pouvait être admis afin de se soustraire à la législation genevoise. Le défaut de dimension intercantonale excluait l'application de la LMI (ATA/526/2020 précité consid. 8d et les arrêts cités).

4.3.4 En l’espèce, il ressort du dossier que l’activité principale de la recourante se concentre, depuis sa création, sur l’aéroport. D’une part, le site internet qu’elle exploite et qui constitue le lien principal avec ses futurs clients, tout en étant pour elle une source de visibilité, indique de façon claire que l’entreprise agit « uniquement en tant qu’entreprise de transport avec [ses] propres véhicules pour des trajets depuis ou vers Genève-Aéroport, toutes destinations en Suisse ». D’autre part, selon la liste qu’elle a produite dans le cadre de l'instruction, sur les 335 courses que son gérant a effectuées au nom et pour son compte entre le 1er janvier 2022 et le 25 novembre 2022, 329 d’entre elles, soit un pourcentage substantiel de 98,2 %, avaient comme point de départ ou d’arrivée l’aéroport.

Si la recourante prétend toutefois exercer l’essentiel de son activité dans le canton de Vaud, le nombre de courses touchant ce canton ainsi que les autres éléments du dossier viennent contredire cette affirmation.

En effet, sur les 335 courses répertoriées sur la liste, seules 153 d’entre elles, soit un pourcentage – qui n'atteint pas la majorité – de 45 %, avaient comme point de départ ou d’arrivée le canton de Vaud et seule l’une d’entre elles a été entièrement effectuée à l’intérieur de ce canton. Cette unique course ne saurait à elle seule être suffisante pour admettre un centre d'activités dans le canton de Vaud, dans la mesure où la recourante a admis qu’elle effectuait également, en sus des courses depuis ou vers l’aéroport, des courses intracantonales genevoises. À cet égard, il importe peu que ces courses n'aient pas été effectuées avec les véhicules immatriculés au nom de la recourante, dans la mesure où elles ont été au préalable réservées depuis son propre site internet et que son unique gérant les a accomplies lui-même, inévitablement pour le compte de l'entreprise, contrairement à ce que soutient la recourante.

Celle-ci a aussi indiqué qu’aucune activité liée à l’administration de la société ne se déroulait dans ses locaux, sis à C______. Ces derniers consistent en une simple salle que la fiduciaire de la recourante lui met à disposition, « en cas de besoin », en vue seulement de la rencontre des clients, et la recourante ne prétend pas que cette activité serait régulièrement exercée, ce dont l'on peut raisonnablement douter au vu des courses presque quotidiennes effectuées par son unique gérant. En tout état de cause, si le fait de rencontrer des clients peut certes faire partie des activités déployées par une entreprise de transport, cette seule activité déployée au siège social ne saurait en l'occurrence être considérée comme étant prépondérante, l’activité principale de la recourante restant le transport de personnes qui, comme on l’a vu, a comme point de rattachement l’aéroport.

Par ailleurs, son unique gérant et chauffeur se charge lui-même de répondre, pendant sa journée de travail, pour le compte de la société, aux appels et aux courriels qui arrivent directement sur son téléphone portable, qu’il est présumé avoir en permanence sur lui. Cette activité est donc exercée dans les différents lieux où il se trouve pendant ses courses, à savoir principalement à l’aéroport, et subsidiairement dans les cantons où il se rend et en France, mais non au siège de la société. Au demeurant, son gérant étant domicilié à Genève où il rentre tous les soirs, il a la possibilité d’effectuer à tout le moins une partie de l’activité liée au traitement des courriels directement depuis son domicile.

Dans ces circonstances, il est établi que le centre des activités de la recourante se trouve à Genève. Elle ne démontre ainsi pas exercer l'essentiel de son activité à l'extérieur du canton ni même exercer davantage son activité dans le canton de Vaud que sur le territoire genevois.

Quoi qu'elle en dise, le fait que son siège social se trouve dans le canton de Vaud, qu'elle et son gérant y disposent de toutes les autorisations et que ses véhicules y soient immatriculés n'apparaît pas suffisant pour admettre le contraire et faire de ce canton le canton de provenance par rapport au canton de Genève où l'activité est essentiellement exercée, sauf à violer le principe de l’interdiction de l’abus de droit, et ne lui permet pas de contourner la législation de ce canton. En effet, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée, le seul fait de disposer d'une autorisation dans un canton ne suffit pas encore pour en déduire des droits dans un autre canton. Encore faut-il que l'activité soit ou ait été exercée dans le canton qui l'a initialement autorisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2019 précité consid. 5.1), ce que la recourante ne parvient pas à établir. De plus, l’immatriculation des véhicules dans un canton ne renseigne pas sur le lieu d'exercice de l'activité commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_284/2019 précité consid. 4.2), et l'unique gérant de la recourante dispose, en sus de ses autorisations vaudoises, également d'une carte professionnelle VTC genevoise, ce qu'elle ne conteste pas.

Dans ces circonstances, la recourante ne saurait être considérée comme un offreur externe, de sorte que la LMI ne trouve pas application. Elle est ainsi pleinement soumise à la législation genevoise.

5) L'autorité intimée reproche d'abord à la recourante d'avoir exercé une activité de diffuseur de courses sans s'être annoncée auprès de l'autorité compétente.

Se pose ainsi la question de savoir si la recourante peut être considérée comme un diffuseur de courses soumis à l'obligation d'annonce, ce qu'elle conteste.

5.1 L'aLTVTC a pour objet de réglementer les professions de chauffeur de taxi et de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur, en tant que services complémentaires à ceux offerts par les transports publics (art. 1 al. 1). Elle a pour but de promouvoir un service public efficace et de qualité capable de répondre à la demande tous les jours de l'année, à toute heure et en tout lieu du territoire genevois et également pour but de garantir que l’activité des transporteurs est conforme aux exigences de la sécurité publique, de l’ordre public, du respect de l'environnement, de la loyauté dans les transactions commerciales et de la transparence des prix, ainsi qu'aux règles relatives à l'utilisation du domaine public, tout en préservant la liberté économique (art. 1 al. 2 et 3).

5.2 À teneur de l’art. 2 aLTVTC, cette loi et ses dispositions d’application régissent exclusivement l'activité de transport professionnel de personnes déployée par les taxis et les voitures de transport avec chauffeur dans le canton de Genève, que ce soit à titre individuel ou sous la forme d'une entreprise, quelle que soit sa forme juridique (let. a) ; l'activité des intermédiaires entre les clients et les chauffeurs, exercée dans le canton de Genève ou y déployant ses effets (let. b).

5.3 L'art 4 let. d aLTVTC définit le « diffuseur de courses » comme toute personne physique ou toute entreprise, quelle que soit sa forme juridique, qui sert d’intermédiaire entre le client et le transporteur par le biais de moyens de transmission téléphoniques, informatiques ou autres pour offrir au client l’accès au transporteur et pour transmettre au transporteur un ordre de course.

Selon le Tribunal fédéral, un diffuseur de courses met en relation des clients avec un transporteur. Il n'est pas précisé dans la définition du diffuseur de courses telle que prévue par l'art 4 let. d aLTVTC si le transporteur est indépendant ou employé d'une entreprise de transport (arrêt du Tribunal fédéral 2C_34/2021 du 30 mai 2022 consid. 8.2).

5.4 Les diffuseurs de courses ont l'obligation de s'annoncer auprès de l'autorité cantonale compétente (art. 9 al. 1 aLTVTC). Les diffuseurs de courses doivent avoir leur domicile, respectivement leur siège, en Suisse (art. 9 al. 2 aLTVTC).

L'exploitation d'une entreprise de transport, respectivement la diffusion de courses, avant annonce auprès du service est strictement interdite (art. 18 al. 5 du Règlement d'exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017– aRTVTC – H 1 31.01).

5.5 En l'espèce, lors de l'audience du 6 décembre 2022, le gérant de la recourante a indiqué qu'il avait été amené, au nom et pour le compte de celle-ci, à accepter des courses, y compris pour des trajets dans le canton de Genève, pour ensuite les sous-traiter à d'autres prestataires, tout en encaissant directement le prix de la prestation.

La recourante a ainsi mis, à plusieurs reprises, en relation les clients avec d’autres transporteurs, par le biais notamment de son site internet taxi-réservation.ch, sur lequel il était par ailleurs possible de réserver des courses Genève-Genève. Quand bien même cette possibilité aurait, selon la recourante, résulté d’un problème informatique, elle n’a pas refusé de traiter les demandes lorsqu’elles lui parvenaient.

En recourant à la sous-traitance, au lieu de se limiter à diriger les clients vers d’autres prestataires, la recourante a démontré son intention de servir d’intermédiaire afin de pouvoir transmettre au transporteur un ordre de course qu’elle facturait au client.

La recourante prétend cependant qu'au vu de l'esprit de la loi et de sa systématique, une activité de diffuseur de courses ne peut être retenue que si cette activité constitue le but même et l'activité usuelle de l'entreprise. Une entreprise de transport qui déléguerait une course à une autre entreprise, dans des cas exceptionnels, ne saurait être considérée comme un diffuseur de course.

Cette argumentation ne repose toutefois sur aucune base jurisprudentielle ou doctrinale. Le texte légal ne précise pas non plus si une entreprise qui n'exerce pas l'activité de diffuseur de courses à titre principal, ou seulement dans des cas exceptionnels, peut être considérée comme un diffuseur de courses. La systématique de la loi n'est d'aucun secours pour répondre à cette question, étant précisé que la recourante ne développe aucune argumentation qui permettrait d'étayer son propos.

La question de savoir si une entreprise qui servirait d'intermédiaire dans des cas exceptionnels uniquement pourrait être considérée comme une entreprise de diffusion peut toutefois rester indécise. En effet, si la recourante a précisé que les réservations Genève-Genève ne s’étaient produites que très rarement, elle s'est gardée d’indiquer à quelle fréquence elle avait servi d’intermédiaire dans les autres cas qu’elle a elle-même évoqués.

L’absence de volonté d'être plus précis à ce sujet est révélatrice d’une activité d’intermédiaire qui ne saurait être qualifiée uniquement d'exceptionnelle, ce qui apparaît suffisant pour retenir que la recourante exerce une activité de diffuseur de courses.

Au vu de qui précède, l’autorité a considéré à bon droit que la recourante était soumis à une obligation d’annonce (art. 9 al. 1 aLTVTC). Dans la mesure où elle ne l’a pas remplie, ce qui n’est pas contesté, l’interdiction prononcée à son encontre de déployer une activité de diffuseur de courses sur le territoire genevois sera confirmée.

6) Même si l'autorité intimée a laissé indécise la question de savoir si la recourante exerçait une activité d'entreprise de transport, une telle question doit être résolue, dans la mesure où la recourante s'est vu interdire de déployer une activité d'entreprise de transport sur le territoire genevois pour avoir violé son obligation d'annonce de diffuseur de courses.

6.1 L’art. 4 let. c aLTVTC définit l’exploitant d’entreprise de transport comme toute personne qui, en sa qualité de titulaire ou d'organe d'une entreprise, quelle que soit sa forme juridique, est liée avec un ou plusieurs chauffeurs par un contrat de travail au sens de l'art. 319 CO ou de l'art. 10 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) ou met une ou plusieurs voitures à la disposition d'un ou plusieurs chauffeurs employés ou indépendants.

6.2 Les entreprises de transport proposant des services de taxis ou de voitures de transport avec chauffeur, quelle que soit leur forme juridique, ont l'obligation de s'annoncer auprès de l'autorité cantonale compétente (art. 8 al. 1 aLTVTC). Les entreprises de transport doivent avoir leur domicile, respectivement leur siège, en Suisse (art. 8 al. 2 aLTVTC).

6.3 La particularité du cas d'espèce réside dans le fait que l'unique gérant de la recourante est également le seul chauffeur à conduire les deux véhicules immatriculés au nom de la société. Ce dernier n'est pas lié à d'autres chauffeurs par un contrat de travail et ne met pas ses voitures à leur disposition, mais à sa propre disposition.

Se pose ainsi la question de savoir si l'on se trouve en présence d'une entreprise de transport lorsque l'identité du gérant de l'entreprise se confond avec celle du « chauffeur indépendant » qui conduit les véhicules immatriculés au nom de l'entreprise, ce à quoi la loi ne répond pas de manière explicite.

Au vu de sa position d'unique gérant de la recourante, le revenu que perçoit B_______ à travers les courses effectuées au nom et pour le compte de celle-ci ne provient pas de l'exercice d'une activité en tant que salarié, de sorte que ce dernier doit être considéré comme un travailleur indépendant tel que défini par l'art. 12 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), selon lequel est considéré comme exerçant une activité lucrative indépendante celui dont le revenu ne provient pas de l’exercice d’une activité en tant que salarié.

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à l'aLTVTC que le législateur a voulu éviter que les chauffeurs, qui exercent une profession réglementée, puissent se dissimuler derrière une société virtuelle, raison notamment pour laquelle il a prévu l'obligation d'annonce de l'art. 8 aLTVTC (PL 11709 pp. 29-30).

Par ailleurs, dans la mesure où il suffit à l'organe d'une société de mettre à disposition d'un seul chauffeur une seule voiture pour être considéré comme exploitant d'une entreprise de transport, celui qui crée une société en vue de fournir des courses et apporte dans ce but son propre véhicule doit également être considéré comme l'exploitant d'une entreprise de transport. Ce qui est déterminant est l'activité qui sera déployée, soit le transport de personnes d'un lieu à un autre. Il serait contraire à la volonté du législateur ainsi qu'au principe de l'égalité de traitement que l'entreprise faisant appel à un chauffeur indépendant soit soumise à une obligation d'annonce et que celle dont le gérant conduit le véhicule ne le soit pas, ce alors même que l'activité déployée sur la route reste strictement la même.

Par conséquent, l'identité du gérant de l'entreprise peut se confondre avec celle de « chauffeur indépendant », de sorte que celui qui, en tant qu'organe d'une entreprise, met à sa propre disposition un véhicule doit être considéré comme exploitant d'une entreprise de transport au sens de l'art. 4 let. c aLTVTC.

Cette solution rejoint par ailleurs les nouvelles dispositions qui ont été adoptées dans la LTVTC, laquelle prévoit désormais que toute personne physique ou morale qui met un ou plusieurs VTC à la disposition d’une entreprise est une « entreprise de transport » (art. 5 let. c ch. 3 LTVTC). Elle rejoint également la définition que donne l'art. 62b al. 1 de la loi vaudoise du 31 mai 2005 sur l'exercice des activités économiques (LEAE - BLV 930.01) de l'entreprise de transport à titre professionnel, soit toute personne physique ou morale ayant son siège en Suisse qui offre des courses professionnelles.

Au vu de ce qui précède, la recourante est une entreprise de transport, soumise à l'obligation d'annonce de l'art. 8 aLTVTC. Dans la mesure où elle ne l’a pas remplie, ce qui n’est pas contesté, l’interdiction prononcée à son encontre de déployer une activité d'entreprise de transport sur le territoire genevois sera confirmée.

7) Finalement, l'autorité intimée a ordonné à la recourante de modifier l’ensemble des sites internet sur lesquels elle et son gérant étaient actifs afin qu’aucune course VTC ou taxi avec départ et destination genevois ne puisse être proposée et afin qu’aucune confusion ne ressorte entre l’activité de taxi et celle de VTC.

Il convient de déterminer si l'autorité intimée était fondée à reprocher à la recourante une telle confusion et si, le cas échéant, une situation conforme au droit a été rétablie.

7.1 Le chauffeur ou l’entreprise de transport ou de diffusion de courses qui offre ses services dans la catégorie des taxis et dans celle des VTC doit respecter les obligations de chacune de ces catégories. L’exercice de ces activités distinctes doit être aménagé de telle sorte qu’il ne crée aucune confusion pour les clients entre les différents services proposés (art. 15 al. 2 aLTVTC).

7.2 En l'espèce, il ressort du dossier qu'avant l'ouverture de la procédure, les sites exploités par la recourante, notamment taxigeneva.ch et taxi-réservation.ch, ne mentionnaient pas de façon évidente si les services proposés correspondaient à des services de taxis ou de VTC. Pour un nouveau client, les noms de ces sites laissaient penser qu'un service de taxi était offert alors qu'effectivement, les voitures qui y étaient représentées correspondaient à des VTC.

De plus, il était possible d'y réserver des courses avec Genève comme point de départ et d'arrivée, alors même que la recourante a indiqué qu'elle n'effectuait pas de courses de taxis au sein du canton.

Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée était fondée à reprocher à la recourante d'avoir créé une confusion entre les services de taxi et de VTC proposés sur ses sites internet.

En cours de procédure, la recourante a supprimé l'ensemble de ses sites, sauf taxi-réservation.ch. Il n'est désormais plus possible d'y réserver des courses avec Genève comme point de départ et d'arrivée et on peut désormais y lire que la recourante « n'effectu[e] pas de trajet dont le point de départ et la destination se trouveraient sur le territoire genevois » et « ne fourni[t] pas un service de taxi sur le territoire genevois ».

Dès lors, la situation est désormais claire et le contenu du site internet de la recourante ne porte plus à confusion.

L'ordre donné à la recourante de modifier l’ensemble de ses sites internet (ch. 3 et 4 de la décision querellée) n'a donc plus lieu d'être, de sorte que le recours sera déclaré sans objet sur ce point.

Pour le surplus, le recours, mal fondé, sera rejeté.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 4 octobre 2022 par A_______ SÀRL et B_______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 6 septembre 2022 ;

déclare sans objet le recours en tant qu'il porte sur la modification des sites internet de la recourante (ch. 3 et 4 du dispositif de la décision du 6 septembre 2022) ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A_______ SÀRL ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat des recourants, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, Président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :