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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3154/2021

ATA/466/2023 du 02.05.2023 sur JTAPI/182/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3154/2021-PE ATA/466/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Imed ABDELLI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 février 2022 (JTAPI/182/2022)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1988, est ressortissante du Maroc.

b. Le 9 août 2014, elle y a épousé B______, ressortissant suisse d’origine marocaine.

B. a. Arrivée en Suisse, dans le canton de Zurich, le 15 avril 2015, A______ a été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour pour regroupement familial auprès de son époux, valable jusqu’au 14 avril 2016.

b. Le 29 septembre 2017, A______ a informé l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) qu’elle était actuellement domiciliée à Genève auprès de l’une de ses amies et qu’elle était séparée de son époux depuis le mois d’avril 2016. Elle désirait « savoir ce qu’il en [était] de son autorisation de séjour ».

c. Le 12 octobre 2017, l’autorité zurichoise compétente a indiqué au conseil de A______ que la suite à donner au séjour en Suisse de sa mandante relevait de l’OCPM, l’autorisation de séjour qu’elle lui avait délivrée étant échue depuis avril 2016 et l’intéressée habitant à Genève.

d. Le 22 juillet 2019, A______ a formellement déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour. À l’appui de sa demande, elle a remis une écriture de son conseil par laquelle elle requérait le renouvellement de son autorisation de séjour. Elle avait été victime de violences conjugales et avait dû fuir d’abord le domicile conjugal pour se rendre dans un foyer pour femmes battues, puis le canton de Zurich. Son époux avait déposé une demande de divorce au Maroc, dans l’idée de profiter d’un droit plus favorable. Malgré les jugements en sa faveur du tribunal zurichois, elle n’avait pas pu toucher de pension et s’était résignée à travailler dans le domaine de l’économie domestique. À teneur du formulaire M déposé, elle était engagée par un particulier pour un salaire mensuel brut de CHF 3’000.-.

e. Le 8 août 2019, l’OCPM a délivré à A______ une autorisation de travail, révocable en tout temps, jusqu’à droit connu sur sa demande d’autorisation de séjour.

Il l'a également invitée à étayer par toute pièce probante les violences conjugales qu’elle aurait subies et à lui indiquer son réseau social et familial dans son pays d’origine.

f. Le 18 mai 2020, A______ a informé l’OCPM avoir changé d’adresse et vivre désormais chez C______, son cousin, au Grand-Lancy.

g. Le 6 janvier 2021, l’Hospice général (ci-après : l'hospice) a indiqué aider financièrement l’intéressée (totalement, à savoir qu’elle percevait un forfait d’entretien, de l’argent de poche et les aides complémentaires au sens du règlement d’exécution de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01 - et que ses frais de vêtements, de transport, d’hébergement et de santé étaient pris en charge) depuis le 1er août 2020.

h. Par courrier daté du 29 janvier 2020 [recte : 2021], l’OCPM a informé l’intéressée de son intention de refuser de proposer au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) le renouvellement de son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi. Il lui a imparti un délai pour exercer, par écrit, son droit d’être entendue.

i. Le 31 mai 2021, A______ a pris position et produit diverses pièces à l’appui de sa demande, dont des lettres de soutien d’amis et proches ainsi que deux certificats médicaux, l’un établi le 30 avril 2021 par la Docteure D______, l’autre le 10 mai 2021 par la Docteure E______.

La première indiquait avoir vu l’intéressée, qui lui avait été adressée par son médecin traitant, la Docteure E______, deux fois, soit les 26 mars et 30 avril 2021, pour un suivi sur le plan psychiatrique et psychothérapeutique. A______ présentait une dépression moyenne, un trouble dépressif récurrent depuis 2015 avec épisode dépressif actuel moyen, et souffrait beaucoup de cette situation d’instabilité. Sa situation clinique était en cours de péjoration : en 2015, elle avait démarré un suivi psychiatrique à Zurich, principalement sous forme de soutien, tandis qu’elle était depuis novembre 2020 sous traitement antidépresseur, somnifère et anxiolytique. Elle s’accrochait au projet de vie en Suisse qui semblait être une forme de réparation au tort causé par son époux qui l’avait « expulsée » en 2015 au Maroc pour lui retirer ses droits de pension. Elle ne se projetait pas dans un projet de retour au Maroc. Elle ne voulait même pas y penser et s’accrochait à la possibilité de rester en Suisse.

La Docteure E______ déclarait suivre A______ depuis le mois de novembre 2020 pour une péjoration de son état de santé psychique et physique. Cette dernière présentait des symptômes anxiodépressifs d’intensité sévère avec un trouble du sommeil à l’endormissement et des plaintes d’ordre somatiques longuement investiguées et non identifiées par les différents examens ; il s’était avéré que toutes ses plaintes étaient liées à son état psychologique dégradé (une forme de somatisation). Après s’être installée avec son époux pendant cinq mois, celui-ci l’avait renvoyée au Maroc pour y passer des vacances. À son arrivée, elle avait reçu un ordre de divorce par le tribunal marocain. Traumatisée par cette nouvelle, elle était revenue en Suisse pour demander ses droits à travers une association pour les femmes battues, dénonçant les violences (morales et psychologiques) subies de la part de son époux. Par peur de sa réaction, elle avait quitté Zurich et s’était installée à Genève en espérant retrouver un travail et ses « droits de citoyenneté ». Actuellement, elle était suivie par une psychiatre dans un cabinet privé et cherchait à se réinsérer socialement et professionnellement.

j. Par décision du 23 juillet 2021, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de A______, a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 25 septembre 2021 pour quitter le territoire et l’ensemble de l’espace Schengen.

Aucune reprise de vie commune n’était envisagée après la séparation intervenue le 29 septembre 2015. La communauté conjugale étant dissoute, A______ ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 42 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Sa vie commune en Suisse avec son époux avait duré moins de trois ans. Les violences conjugales alléguées ne justifiaient pas le maintien de son autorisation de séjour. Elle n’avait jamais déposé plainte pénale contre son époux et les deux rapports médicaux fournis le 31 mai 2021 avaient été établis après le courrier d’intention du 29 janvier 2021 ; aucun rapport médical en lien direct avec la temporalité des événements de violences conjugales alléguées n’avait été produit. Aucune raison majeure au dossier ne permettait de constater qu’en cas de renvoi de Suisse, sa réintégration sociale au Maroc semblerait fortement compromise. Arrivée en Suisse à l’âge de 27 ans, elle avait vécu toute son enfance, sa jeunesse et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. Partant, elle ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’art. 50 LEI.

k. Le 26 juillet 2021, l’Hospice général a indiqué qu’il aidait toujours financièrement (totalement) A______.

l. Le 13 septembre 2021, F______ a sollicité la délivrance d’une autorisation de travail en faveur de A______, qu’elle avait engagée comme coordinatrice nettoyage, à partir du jour même, moyennant un salaire brut de CHF 2’300.- par mois pour vingt-quatre heures par semaine.

C. a. Par acte du 13 septembre 2021, A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 23 juillet 2021, concluant principalement à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de son dossier à l’OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, elle a requis l’ouverture d’enquêtes, notamment son audition et celle de témoins, à savoir un représentant de l’association G______(ci-après : l’association), une personne de son entourage direct, particulièrement son cousin, et son médecin.

Dès son arrivée en Suisse, elle avait été confrontée au vrai visage de son époux, qui ignorait toute notion de dialogue et d’échange et lui imposait une ambiance de vie trop lourde (violences physiques et verbales, refus de prise en charge convenable, immixtion dans les plus petits détails de sa vie, etc.). Il s’était montré autoritaire, agressif et violent à son égard, lui avait systématiquement fait croire, tant par les menaces que par la manipulation, que son séjour en Suisse dépendait uniquement de son bon vouloir et l’avait empêchée de faire quoi que ce soit (apprentissage de langue, contact avec toute autre personne, travail, etc.). Lorsqu’elle avait refusé de vivre dans cet enfer, il avait tout fait pour la renvoyer au Maroc, où il avait déposé une demande en divorce, mais sans ensuite faire reconnaître en Suisse le jugement de divorce marocain du 21 mars 2016. Elle avait fui le domicile conjugal et déposé une requête de mesures protectrices de l’union conjugale le 29 septembre 2015, puis une demande de pension alimentaire auprès du juge des affaires familiales le 13 décembre 2015, en expliquant une partie des souffrances subies qui l’avait contrainte à se réfugier du 5 septembre au 30 octobre 2015 dans un foyer pour femmes en détresse géré par l’association, avant d’être admise dans des logements spéciaux pour femmes. Dans son jugement du 5 avril 2016, le juge civil avait donné une suite immédiatement à ces allégations de violence, en interdisant à l’époux de la contacter « par des moyens téléphoniques, écrits, électroniques ou autres ».

Les rapports des Docteures E______ et D______ décrivaient son état de santé psychique et physique et les violences subies. Ces dernières étaient par ailleurs confirmées par son cousin, dans son témoignage écrit du 20 mai 2021 qu’elle joignait, donnant des détails qu’elle lui avait rapportés au fur et à mesure de leur survenance.

Sur le plan professionnel, elle avait toujours fait de son mieux pour être une personne active, mais avait dû se contenter des opportunités trouvées, notamment dans la garde des enfants et l’économie domestique. Elle avait souvent été aidée par des compatriotes et avait aussi reçu, d’août 2020 à août 2021, une aide sociale très limitée (CHF 457.-) utilisée principalement pour payer son assurance-maladie (CHF 482,55). Sa recherche d’emploi lui avait récemment permis de conclure un contrat de travail de durée indéterminée avec F______ ; son taux d’activité de 60% devrait être augmenté pour atteindre un temps plein.

L’OCPM exigeait de sa part de prouver une violence conjugale (psychologique et sexuelle notamment) dont il n’était pas facile d’apporter la preuve matérielle. Les faits sus-décrits et tels qu’ils ressortaient des rapports médicaux étaient un faisceau d’indices laissant apparaître qu’elle avait été victime de violences conjugales multiformes et très intenses. En n’en tenant pas compte, l’OCPM avait mené une instruction à charge et constaté les faits de manière incomplète. En outre, compte tenu des circonstances susmentionnées, le refus de renouvellement de son autorisation de séjour était disproportionné. Quant à son renvoi, il s’apparentait à une nouvelle peine après le tort subi de la part de son époux, sachant que sa réintégration sociale au Maroc, en tant que femme rapidement « divorcée », était quasi impossible.

b. Le 22 novembre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas, en l’absence d’éléments nouveaux déterminants, de nature à modifier sa position.

c. Le 21 janvier 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Dans une attestation du 20 octobre 2015, l’association avait précisé que sa maison d’accueil était une possibilité d’hébergement stationnaire pour les femmes et les mères avec leurs enfants en situation de crise, nécessitant une protection d’urgence suite à des conflits généralement intenses avec leur partenaire. L'association vérifiait dès lors le double critère de l’urgence et du caractère intense du conflit pour admettre les femmes dans son foyer. Le fait qu’elle y avait été admise, pour une durée de presque deux mois, attestait tant de la réalisation des critères précédemment indiqués que du besoin accru de protection.

Son époux avait effectué un mariage blanc pour se faire naturaliser, puis avait épousé deux femmes marocaines, dont il avait divorcé, et qu’il avait réussi à faire renvoyer au Maroc, pour des faits insignifiants. Il profitait de sa nationalité suisse pour agir en toute impunité à l’encontre de jeunes marocaines sans expérience qu’il faisait venir en Suisse pour leur faire vivre un calvaire. Ce fait prouvait qu’il était une personne sans scrupule, élément à prendre en compte pour juger de son silence et de l’absence de dépôt de plainte pénale. Elle était convaincue qu’il pouvait vraiment lui faire mal et elle était hantée par l’idée de retourner au Maroc avec la charge insupportable d’un échec conjugal dont elle porterait seule le fardeau, pour le reste de sa vie.

d. Par jugement du 25 février 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L'audition d’un représentant de l’association ainsi que de son cousin ou d’un autre membre de son cercle social proche ne serait pas susceptible d'apporter de nouveaux éléments, et ses proches ne pourraient au demeurant que rapporter les paroles qu’elle leur avait tenues. La Dre E______ n'avait été consultée qu’à compter du mois de novembre 2020, soit postérieurement à la séparation, et cette praticienne avait pour le surplus établi un certificat médical détaillé.

Il ne ressortait pas du dossier que le mariage aurait été conclu en violation de la libre volonté de A______ ou de son époux. S’agissant des violences conjugales alléguées, A______ avait tenu des propos contradictoires, soutenant devant les autorités qu’elle avait dû fuir le domicile conjugal, suite aux violences qu’elle y subissait, pour se réfugier auprès de la maison pour femmes battues gérée par l’association, mais indiquant par contre à son médecin traitant que son époux l’avait renvoyée au Maroc pour y passer des vacances, qu’à son arrivée elle avait reçu un ordre de divorce du tribunal marocain et qu’elle était revenue en Suisse pour faire valoir ses droits.

Enfin, elle avait déclaré au juge civil zurichois, selon le jugement du 5 avril 2016, qu’elle avait définitivement quitté le domicile conjugal le 23 août 2015 pour se rendre au Maroc, fait confirmé par l’époux. Ce jugement, fort détaillé, ne faisait nullement mention de violences conjugales que la recourante aurait subies, mais interdisait à son époux de la contacter, étant noté que cette interdiction de contact avait été requise par l’intéressée et que l’époux ne s’y était pas opposé, indiquant au contraire ne plus vouloir avoir de contact avec elle. Dans ces circonstances, il ne pouvait être retenu que A______ avait fui le domicile conjugal en raison de violences conjugales, et les contradictions dans ses déclarations entachaient sa crédibilité quant à la réalité même desdites violences. En outre, hormis les certificats établis plus de six ans après la séparation, l'intéressée ne présentait aucune pièce probante à l’appui de ses allégations.

La durée du séjour de A______ en Suisse n’était pas exceptionnellement longue. Aucun élément du dossier ne permettait de conclure que sa réintégration au Maroc serait compromise. Son intégration professionnelle et sociale en Suisse ne revêtait aucun caractère exceptionnel et elle n’avait pas acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles que seule la poursuite de son séjour en Suisse pourrait lui permettre de les mettre en œuvre. Il n’était pas établi qu’elle n’aurait aucune possibilité de retrouver un emploi au Maroc. Elle était arrivée en Suisse, où elle n’indiquait pas avoir d’attaches familiales proches autres que son cousin, à l’âge de 27 ans et avait donc passé la majorité de son existence au Maroc, où elle avait dû conserver de fortes attaches culturelles susceptibles de faciliter sa réintégration. La vie commune avec son époux en Suisse avait duré un peu plus de quatre mois. Enfin, A______ avait été entièrement à la charge de l’aide sociale du 1er août 2020 jusqu’au minimum au 26 juillet 2021. En conclusion, il n’apparaissait pas que des raisons personnelles majeures justifiaient l’octroi d’une autorisation de séjour.

D. a. Par acte posté le 30 mars 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à la prolongation de son autorisation de séjour ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le TAPI n'avait que très peu considéré ses allégués en rapport avec son vécu conjugal et les constations de l'association qui l'avait accueillie, interprétant l'art. 50 LEI de manière excessivement formaliste et exigeant d'elle un degré de preuve trop élevé. Le TAPI avait également ignoré l'abus de droit commis par le conjoint suisse. Elle avait ainsi prouvé, sans être contredite, l'existence d'un rapport étroit voire exclusif entre la violence conjugale alléguée et la séparation du couple. Cela ressortait notamment du dossier d'admission au foyer de l'association à Zurich, qui était au dossier. Cette violence avait eu un caractère intense, multiforme et prémédité. Le fait que son ex-époux ait déjà eu plusieurs femmes à qui il avait fait subir le même sort était une preuve supplémentaire. Le TAPI avait aussi inventé des contradictions dans ses déclarations pour minimiser l'intensité de la violence conjugale subie.

Malgré son jeune âge, au vu des préjugés liés à son « échec » conjugal, elle serait dans l'impossibilité de reconstruire sa vie au Maroc, le contexte traditionnel du pays ne donnant aucune chance aux femmes divorcée de se reconstruire (emploi, remariage, acceptation sociale, etc.). Le jugement attaqué était ainsi arbitraire et choquait par sa sévérité excessive qui n'était justifiée par aucun motif d'intérêt public concret et actuel.

b. Le 11 mai 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

La vie conjugale n'avait duré que quelques mois et n'avait jamais repris après la séparation. Les violences conjugales alléguées, en l'absence d'éléments probants, ne justifiaient pas le renouvellement de l'autorisation de séjour.

Par ailleurs, A______ avait eu recours à l'aide sociale dès le 1er janvier 2020. Elle ne pouvait se prévaloir ni d'une longue durée de séjour, ni d'une intégration réussie. Elle était née au Maroc et y avait vécu jusqu'en 2015.

c. Le 14 juillet 2022, le conseil de A______ a communiqué les coordonnées de M. C______ et a indiqué que l'audition d'un collaborateur de l'association ne serait pas possible, dès lors que la collaboratrice qui s'était occupée de sa cliente ne travaillait plus pour le compte de l'association.

d. Le 14 septembre 2022, la chambre administrative a tenu une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes.

M. C______ a précisé que A______ était sa petite-cousine. Il vivait en Suisse depuis plus de 40 ans. Il connaissait l’existence de A______ avant son arrivée en Suisse mais ne l’avait vue que quelques fois lors de voyages au Maroc. Il avait appris qu’elle s’était mariée avec un Helvéto-Marocain habitant Zurich, M. B______, qu'il ne connaissait pas. Pendant qu’elle vivait à Zurich elle l'avait tenu au courant de ses problèmes notamment conjugaux, et lorsqu’elle avait quitté Zurich pour Genève, lui-même ainsi que sa sœur l'avaient rencontrée et avaient essayé de trouver une solution. Il était en contact avec un syndicat et une association d’aide aux femmes. Elle était venue à Genève car elle le connaissait ainsi que certaines autres personnes.

Depuis mai 2020 A______ était domiciliée chez lui, où elle occupait une chambre. S’agissant des démarches de A______ par rapport aux violences conjugales, ce qu’elle n’avait pas pu faire – à cause de la peur – était de déposer plainte à la police. En revanche, elle avait essayé d’obtenir un divorce mais M. B______ avait tout fait pour l’éviter. Il s'était renseigné sur cette personne, c’était son quatrième mariage, toujours avec des Marocaines de la même région. Lorsque A______ était à Zurich et qu’elle parlait à lui-même et à sa sœur, elle évoquait des maltraitances. Son mari ne la laissait pas sortir, et l’empêchait d’avoir des amis. Elle avait parlé de harcèlement, évoquant aussi des sévices sexuels, mais avec beaucoup de retenue vu sa culture d’origine et leur différence d’âge. Elle avait aussi parlé de pressions exercées sur sa famille au Maroc par M. B______. Celui-ci se trouvait être le propriétaire de l’appartement où habitait la mère de A______. À un moment donné, il avait arrêté d’encaisser les loyers. Subodorant de futures pressions à ce sujet, la famille avait payé le loyer en le consignant auprès du tribunal. M. B______ essayait de les expulser.

Dans leur région d’origine, une femme qui revenait divorcée de l’étranger était mal vue, surtout lorsqu’elle n’avait pas d’enfants. A______ avait encore sa mère, son père et son frère qui, parmi sa famille nucléaire, vivaient au Maroc.

A______ a indiqué qu'en août 2015, son mari l'avait envoyée au Maroc pour divorcer. Elle avait eu un tel choc qu'elle en avait perdu l’usage de la voix. En Suisse, ils étaient toujours formellement mariés. Les circonstances qui rendaient une procédure de divorce difficile avaient été expliquées par son avocat à l’assistance juridique. Cela étant, elle souhaitait que la situation soit plus claire et obtenir un jugement de divorce, en sachant toutefois que cela risquait d’être long et compliqué. Elle n'avait plus revu M. B______ depuis novembre 2015 et il ne l'avait pas appelée, ni cherché à la joindre. Il y avait eu néanmoins les pressions sur sa famille telles qu'évoquées par M. C______. M. B______ avait fait comprendre à sa mère en 2016 qu’il allait tout faire pour renvoyer son épouse au Maroc.

e. Le 21 octobre 2022, tant l'OCPM que A______ ont persisté dans leurs conclusions, sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Bien qu'elle n'ait formulé aucune conclusion en ce sens dans son acte de recours, la recourante y a mentionné à titre d'offre de preuve son audition ainsi que celle de témoins.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Le droit d'être entendu n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, la recourante a expressément renoncé, dans son courrier du 14 juillet 2022, à l'audition d'une collaboratrice de l'association l'ayant accueillie dans son foyer à Zurich. De plus, elle a fourni le dossier d'admission, qui détaille les violences qu'elle aurait subies. Enfin, il a été fait droit à ses offres de preuve dès lors qu'elle a été entendue par la chambre de céans en audience, de même que M. C______.

3.             Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Le nouveau droit s'applique en l'espèce, la demande de renouvellement du permis de séjour datant du 22 juillet 2019 et l'OCPM ayant annoncé son intention de refuser de prolonger l'autorisation de la recourante le 29 janvier 2021 (arrêt du Tribunal fédéral 2C_145/2022 du 6 avril 2022 consid. 5) – étant précisé cependant que la plupart des dispositions de la LEI sont demeurées identiques.

4.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Maroc.

4.1 Aux termes de l'art. 42 al. 1 LEI, le conjoint étranger d’un ressortissant suisse a droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité, à condition de vivre en ménage commun avec lui.

Toutefois et compte tenu de la séparation du couple, les dispositions relatives à la dissolution de la famille s'appliquent à la situation juridique actuelle de la recourante (art. 50 et ss LEI).

4.2 Aux termes de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu notamment de l'art. 42 LEI subsiste lorsque l'union conjugale a duré au moins trois ans et que l'intégration est réussie (art. 50 al. 1 let. a LEI).

La limite légale de trois ans se calcule en fonction de la durée pendant laquelle les époux ont fait ménage commun en Suisse (ATF 136 II 113 consid. 3.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1), soit depuis la date du mariage, à condition que la cohabitation ait lieu en Suisse, jusqu'à ce que les époux cessent d'habiter sous le même toit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2010 du 24 novembre 2010 consid. 3.1 ; 2C_195/2010 du 23 juin 2010 consid. 5.1).

Il n'est pas nécessaire d'examiner la condition de la réussite de l'intégration lorsque l'union conjugale a duré moins de trois ans, les deux conditions étant cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 2C_352/2014 du 18 mars 2015 consid. 4 ; ATA/1091/2018 du 16 octobre 2018 consid. 5a).

En l'espèce, les époux ont fait ménage commun en Suisse du 15 avril 2015, date de l'arrivée en Suisse de la recourante à la suite de son mariage au Maroc, au 5 septembre 2015, date à laquelle la recourante a été admise dans un foyer et à partir de laquelle elle n'a plus jamais fait ménage commun avec son époux. La recourante ne peut en conséquence pas se prévaloir de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, ce qu’elle ne conteste pas.

4.3 Outre les hypothèses retenues à l'art. 50 al. 1 let. a LEI, le droit au renouvellement de l'autorisation de séjour existe également si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (art. 50 al. 1 let. b LEI). Les raisons personnelles majeures visées à l'al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d'un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI).

Cette disposition a pour vocation d'éviter les cas de rigueur ou d'extrême gravité (ATF 137 II 1 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_500/2014 du 18 juillet 2014 consid. 7.1 ; 2C_165/2014 du 18 juillet 2014 consid. 3.1).

L'art. 50 al. 1 let. b LEI vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n'a pas duré trois ans ou parce que l'intégration n'est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut mais que – eu égard à l'ensemble des circonstances – l'étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 137 II 1 consid. 4.1). À cet égard, c'est la situation personnelle de l'intéressé qui est décisive et non l'intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s'agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l'appliquer au cas d'espèce, en gardant à l'esprit que l'art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse, contrairement à l'art. 30 al. 1 let. b LEI (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 137 II 1 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] F-626/2019 du 22 mars 2021 consid. 8.1 ; ATA/215/2020 du 25 février 2020 consid. 6a).

4.4 L'octroi d'un droit de séjour en faveur de victimes de violences conjugales a pour but d'empêcher qu'une personne faisant l'objet de violences conjugales poursuive la communauté conjugale pour des motifs liés uniquement au droit des migrations, quand bien même le maintien de celle-ci n'est objectivement plus tolérable de sa part, dès lors que la vie commune met sérieusement en péril sa santé physique ou psychique (ATF 138 II 229 consid. 3.1 et 3.2 et arrêts du Tribunal fédéral 2C_956/2013 du 11 avril 2014 consid. 3.1 et 2C_784/2013 du 11 février 2014 consid. 4.1). Lorsqu'une séparation se produit dans une telle constellation, le droit de séjour qui était originairement dérivé de la relation conjugale se transforme en un droit de séjour propre.

Sur la base de la ratio legis susmentionnée, il y a lieu de conditionner la présence d'un cas de rigueur suite à la dissolution de la famille pour violence conjugale à l'existence d'un rapport étroit entre la violence conjugale et la séparation du couple. Ce rapport n'est toutefois pas exclu du simple fait que l'initiative de la séparation n'a pas été prise par la personne qui prétend avoir fait l'objet de violence conjugale mais par son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2019 du 13 mars 2020 consid. 3.2) et une analyse du cas concret doit avoir lieu dans chaque affaire.

Selon la jurisprudence, il convient de prendre au sérieux toute forme de violence conjugale, qu'elle soit physique ou psychique. La violence conjugale doit toutefois revêtir une certaine intensité. Elle constitue une maltraitance systématique ayant pour but d'exercer pouvoir et contrôle sur celui qui la subit (ATF 138 II 229 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2017 du 22 mai 2018 consid. 3.1). À l'instar de violences physiques, seuls des actes de violence psychique d'une intensité particulière peuvent justifier l'application de l'art. 50 al. 1 let. b LEI
(ATF 138 II 229 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_201/2019 du 16 avril 2019 consid. 4.1 ; 2C_12/2018 du 28 novembre 2018 consid. 3.19). Lorsque des contraintes psychiques sont invoquées, il incombe à la personne d'illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d'établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent. Des affirmations d'ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_12/2018 précité consid. 3.2 ; 2C_401/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.2).

4.5 Des insultes proférées à l'occasion d'une dispute, une gifle assénée, le fait pour un époux étranger d'avoir été enfermé une fois dehors par son conjoint ne sont pas assimilés à la violence conjugale au sens de l'art. 50 al. 2 LEI (ATF 136 II 1 consid. 5). En effet, sans que cela légitime en rien la violence conjugale, n'importe quel conflit ou maltraitance ne saurait justifier la prolongation du séjour en Suisse, car telle n'était pas la volonté du législateur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_654/2019 du 20 août 2019 consid. 2.1), ce dernier ayant voulu réserver l'octroi d'une autorisation de séjour aux cas de violences conjugales atteignant une certaine gravité ou intensité.

4.6 La personne étrangère qui soutient, en relation avec l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, avoir été victime de violences conjugales est soumise à un devoir de coopération accru. Il lui appartient de rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, la violence conjugale, respectivement l'oppression domestique alléguée. En particulier, il lui incombe d'illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d'établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent (art. 77 al. 6 et al. 6 bis OASA et arrêt du Tribunal fédéral 2C_68/2017 du 29 novembre 2017 consid. 5.4.1). L'art. 50 al. 2 LEI n'exige toutefois pas la preuve stricte de la maltraitance, mais se contente d'un faisceau d'indices suffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_593/2019 du 11 juillet 2019 consid. 5.2 ; 2C_196/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.4) respectivement d'un degré de vraisemblance, sur la base d'une appréciation globale de tous les éléments en présence (ATF 142 I 152 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_671/2017 du 29 mars 2018 consid. 2.3 et 2C_831/2018 du 27 mai 2019 consid. 4.3.1). Ainsi, selon le degré de preuve de la vraisemblance, il suffit que l'autorité estime comme plus probable la réalisation des faits allégués que la thèse contraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2019 précité consid. 3.5).

Si la violence conjugale au sens de l’al. 1 let. b et de l’art. 50 al. 2 LEI, est invoquée, les autorités compétentes peuvent demander des preuves. Sont notamment considérés comme indices de violence conjugale : a) les certificats médicaux, b) les rapports de police, c) les plaintes pénales, d) les mesures au sens de l’art. 28b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et e) les jugements pénaux prononcés à ce sujet (art. 77 al. 5 et 6 OASA).

4.7 Lors de l'examen des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA peuvent entrer en ligne de compte, même si, considérés individuellement, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 du 4 juin 2019 consid. 6b et l'arrêt cité).

Dans sa teneur depuis le 1er janvier 2019, l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante sur la base des critères d'intégration définis à l'art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 - état au 1er mars 2023, ch. 5.6.10 [ci-après : directives LEI] ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

L'art. 58a al. 1 LEI précise que pour évaluer l'intégration, l'autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l'ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Cst. (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation (let. d).

S'agissant de l'intégration professionnelle, celle-ci doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

S'agissant de la réintégration sociale dans le pays d'origine, l'art. 50 al. 2 LEI exige qu'elle soit fortement compromise. La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1188/2012 du 17 avril 2013 consid. 4.1).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

4.8 En l'espèce, comme déjà exposé, la vie commune a été de très courte durée, soit moins de cinq mois. La recourante a fourni un certain nombre d'indices à la procédure, étant toutefois relevé que les certificats médicaux ne sont pas des constats de violences somatiques, et ont été rédigés après la séparation du couple, et même six ans plus tard pour deux d'entre eux.

Le dossier d'admission au foyer tenu par l'association, bien qu'il s'agisse pour l'essentiel d'une reprise des allégations de la recourante faites à ce moment-là, fait état de 3 à 5 contraintes sexuelles, d'une vingtaine de coups de pied et d'une menace de mort. Les actes de contrainte sexuelle sont décrits comme le fait pour M. B______ d'avoir dit à la recourante, lorsque celle-ci n'avait pas envie d'entretenir un rapport sexuel, que si elle ne voulait pas il irait chercher ailleurs sa satisfaction sexuelle. Si l'on peut y voir une atteinte psychologique au sens large, il ne s'agit toutefois pas de contrainte sexuelle au sens pénal. M. B______ aurait en outre donné à une vingtaine de reprises à la recourante un coup de pied à la cuisse ; des hématomes s'en seraient ensuivis, quand bien même ceux-ci n'ont jamais été documentés. Enfin, lors d'une dispute consécutive à l'un de ces coups, le mari de la recourante lui aurait dit que si elle mentionnait à quiconque qu'il lui avait donné ce coup, il la « refroidirait » (« werde ich dich kalt machen »).

La question de savoir si la recourante a rendu vraisemblable des violences conjugales souffrira de rester indécise, dès lors que même si l'art. 50 al. let. b LEI avait pu trouver application pour la prolongation de l'autorisation de séjour de la recourante en 2016, tel n'est plus le cas sept ans après les faits, compte tenu de ce qui suit. Même une analyse au moment du dépôt de la requête, en 2019, soit quatre ans après les faits et trois ans après le divorce, aboutirait à la même issue.

Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour raisons personnelles majeures ou cas d'extrême gravité ne sont quant à elles pas données, que ce soit sous l'angle de la durée du séjour en Suisse, de l'intégration de la recourante ou de ses possibilités de réintégration dans son pays. En effet, si la recourante est restée désormais plus de sept ans en Suisse, il ne s'agit pas encore d'une très longue durée – on notera au demeurant que la recourante est repartie au Maroc avant de revenir en Suisse –, et quoi qu'il en soit cet élément ne saurait à lui seul conduire à admettre une exception aux mesures de limitation. L'intégration de la recourante, que ce soit sur le plan professionnel ou social, n'apparaît nullement exceptionnelle, dès lors qu'elle a connu quelques périodes d'emploi dans des postes peu qualifiés, a recouru pendant un certain temps à l'aide sociale, et ne prétend pas avoir noué des relations particulièrement étroites en Suisse, occupant depuis 2020 une chambre chez son petit-cousin M. C______. Enfin, selon ce dernier, la recourante possède encore la plupart de sa famille au Maroc, ce qui lui permettra d'atténuer les difficultés qu'elle allègue en lien avec son statut d'expatriée et de jeune divorcée sans enfants. Elle est jeune et globalement en bonne santé à l'exception d'une dépression d'intensité moyenne qui, selon ses médecins, serait surtout due à l'instabilité de sa situation en Suisse.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour elle certaines difficultés, sa situation n'est pas remise en cause de manière accrue et elle ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour au Maroc.

Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en sa faveur, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande de prolongation d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

5.             La recourante allègue matériellement l'inexigibilité de son renvoi de Suisse.

5.1 Au sens de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/839/2022 du 23 août 2022 consid. 4a ; ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 4a). Au sens de l'art. 83 al. 1 LEI, le renvoi d'un étranger en application de l'art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite et peut être raisonnablement exigée. Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

5.2 In casu, l'OCPM, ayant, à juste titre, refusé son autorisation de séjour à la recourante, il devait prononcer son renvoi. Par ailleurs, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi de la recourante ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible. À cet égard, les difficultés sociales alléguées par la recourante en tant qu'expatriée revenant au pays divorcée et sans enfant n'apparaissent pas suffisantes pour retenir l'inexigibilité de l'exécution du renvoi. Elle ne démontre notamment pas qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait concrètement à un danger. Quant à ses allégations de discrimination systématiques à l'égard de personnes revêtant ces caractéristiques, elles ne sont nullement étayées.

La décision de l'OCPM du 23 juillet 2021 est donc conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed ABDELLI, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.