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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/982/2022

ATA/462/2023 du 02.05.2023 sur JTAPI/848/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/982/2022-PE ATA/462/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et B______ Sàrl recourants
représentés par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 août 2022 (JTAPI/848/2022)


EN FAIT

A. a. B______ Sàrl (ci-après : la société) est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce genevois le 28 août 2015, qui a pour but, notamment, l'exploitation d'une entreprise sociale et participative, le développement et la gestion de projets dans le champ de l'éducation spécialisée, de l'économie sociale et solidaire, le développement, la coordination et la gestion d'outils et de solutions pour et avec les institutions étatiques, les associations, les entreprises et les personnes privées.

Monsieur C______ et Monsieur D______ sont associés gérants de B______ Sàrl.

b. Monsieur A______, né le ______ 1982, est ressortissant du Mali.

ba. Il est arrivé en Suisse le 30 août 2010 et a bénéficié d’une autorisation de séjour pour études. Cette autorisation a été renouvelée jusqu’au 30 septembre 2014.

Le 5 février 2012, au Mali, il a épousé Madame E______, ressortissante du Sénégal, née le ______ 1993. Après avoir obtenu un visa, Mme E______ a rejoint son époux en Suisse le 9 juin 2014. Elle a ensuite été mise au bénéfice d’une autorisation de séjour à titre de regroupement familial, valable jusqu’au 30 septembre 2014.

Le couple a trois enfants : F______, le ______ 2015, G______, le ______ 2018 et H______, le ______ 2020, tous trois nés à Genève.

bb. M. A______ est titulaire d'une maîtrise en langue arabe et d'une Maîtrise en droit international obtenues à l'université de Bamako (Mali) en 2007 et 2008, d'une maîtrise universitaire en droit auprès de l’Université de Genève (ci-après : UNIGE) obtenue en 2014, d'un « CAS Management de projet appliqué » obtenu auprès de la Haute école de gestion de Genève en 2014 et d'un « Master of Arts » en travail social de la HES-Lausanne obtenu en 2018.

Dans le cadre de sa formation, il a effectué des stages auprès du Centre I______, de J______ et du Service K______.

bc. M. A______ a travaillé en qualité d’interprète communautaire à la L______ du 1er mai 2013 au 31 décembre 2020. Dans ce cadre, il a travaillé aux M______ (ci-après : M______) en tant qu’interprète pour les langues Peul, Bambara, Mandingue et Arabe. Il a également travaillé auprès du Service N______ en qualité d’aide-éducateur « admission » du 11 octobre 2018 au 1er avril 2019 à un taux d’activité de 56%, puis du 17 octobre 2019 au 15 février 2020 à un taux d’activité de 60%. Du 21 septembre au 24 novembre 2021, il a été engagé en qualité de travailleur social à 80% au O______ (O______). Il a également œuvré en qualité de référent culturel auprès de la P______.

B. a. Le 16 septembre 2014, M. A______ a sollicité le renouvellement de son autorisation de séjour afin d’entreprendre des études auprès de la Haute école spécialisée de suisse occidentale (ci-après : HES-SO) et obtenir une Maîtrise en travail social.

b. Par décision du 23 février 2015, confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) le 12 août 2015 (JTAPI/962/2015), puis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 18 octobre 2016 (ATA/877/2016), l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de faire droit à la demande de M. A______, ainsi qu’à la demande d’autorisation de séjour pour regroupement familial déposée en faveur de son épouse, et leur a imparti un délai au 23 mars 2015 pour quitter la Suisse.

c. Par courrier du 18 janvier 2017, l’OCPM a imparti à M.  A______ et à sa famille un nouveau délai au 18 mars 2017 pour quitter la Suisse, la décision du 23 février 2015 étant devenue exécutoire.

d. Le 31 janvier 2017, M. A______ a sollicité une autorisation de séjour pour cas individuel d'une extrême gravité en sa faveur, celle de son épouse et celle de leur fils.

Par décision du 23 janvier 2018, confirmée par le TAPI le 30 août 2019 (JTAPI/817/2018), puis par la chambre administrative le 19 novembre 2019 (ATA/1695/2019), l’OCPM a refusé de préaviser favorablement le dossier de M.  A______ et de sa famille auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), en vue de l’octroi d’autorisations de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité et leur a imparti un délai au 23 mars 2018 pour quitter la Suisse.

e. Le 22 décembre 2020, M. A______ a demandé à ce qu’une autorisation de séjour lui soit délivrée, ainsi qu’à sa famille.

Par décision du 22 avril 2021, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur cette demande de reconsidération.

Le recours formé par M. A______ contre cette décision a été rejeté par le TAPI par jugement du 1er décembre 2021. Un recours contre ce jugement est pendant devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

C. a. Le 10 février 2021, la L______ a sollicité une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. A______, pour un poste de traducteur à temps partiel (travail sur appel).

b. Par décision du 19 mars 2021, l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de donner une suite favorable à cette demande.

c. Par acte du 10 mai 2021, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du TAPI (procédure A/1609/2021). Cette procédure est actuellement suspendue (DITAI /251/2021).

d. Par courrier du 20 mai 2021, B______ Sàrl a indiqué son intention de « soutenir la demande de reconsidération » de M. A______ qui souhaitait travailler auprès de la L______. Elle lui proposait dès lors un contrat de travail à mi-temps (50%) en qualité de Coordinateur social et juridique pour un salaire mensuel de CHF  3'230.- , ce qui lui permettrait de cumuler deux activités quasiment équivalentes à un plein temps. Dans ce courrier, B______ Sàrl a précisé que les recherches effectuées s'étaient « focalisées sur le marché genevois de l'emploi ».

e. Le 3 juin 2021, B______ Sàrl a annoncé à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE) la vacance d'un poste de coordinateur social et juridique, à 50%, dès le 1er juillet 2021.

Suite à cette annonce, l'OCE a présenté plusieurs candidats à B______ Sàrl, qu'elle a refusés.

f. Le 15 juillet 2021, B______ Sàrl et M. A______ ont signé un contrat de travail avec entrée en fonction fixée au 19 juillet 2021, à temps partiel (50 %), en qualité de coordinateur social et juridique.

g. Par courrier du 19 juillet 2021 adressé à l'OCIRT, B______ Sàrl a confirmé sa volonté d'engager M. A______ à 50 %.

h. Par décision du 4 août 2021, après examen du dossier par la commission tripartite, l'OCIRT a refusé de donner une suite favorable à la demande déposée par B______ Sàrl en faveur de M. A______ au motif que l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l'art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). De plus, l'ordre de priorité de l'art. 21 LEI n'avait pas non plus été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE ou de l'AELE n’avait pu être trouvé.

Le 14 septembre 2021, B______ Sàrl et M. A______ ont recouru conjointement auprès du TAPI contre la décision de l'OCIRT du 4 août 2021 (procédure A/3150/2021).

Sur demande des parties, le retrait du recours a été confirmé par décision du TAPI du 24 mars 2022.

D. a. Le 2 septembre 2021, B______ Sàrl a annoncé à l'OCE la vacance d'un poste de coordinateur social et juridique, à temps complet (100 %), à partir du 15 octobre 2021. Les qualifications requises étaient, notamment : diplôme d'État en intervention sociale (HETS, HES-SO) ou équivalent ; Bachelor ou Master en droit suisse ; exercice minimum de cinq ans dans le secteur social souhaitable ; connaissance du réseau genevois ; intérêt marqué pour la compréhension des besoins et des situations familiales complexes ; maîtrise de l'outil informatique ; maîtrise de la langue arabe ainsi que de l'anglais serait un atout.

b. Le 8 septembre 2021, B______ Sàrl et M. A______ ont signé un nouveau contrat de travail, à plein temps, en qualité de coordinateur social et juridique pour un salaire brut de CHF 6'500.-, avec entrée en fonction fixée au 18 octobre 2021.

c. Par formulaire M daté du 25 novembre 2021, B______ Sàrl a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. A______ pour ce poste.

En date du 18 janvier 2022, l'OCPM a transmis cette demande à l'OCIRT, pour raison de compétence.

d. Par décision du 23 février 2022, après examen du dossier par la commission tripartite, l'OCIRT a refusé de donner une suite favorable à cette nouvelle demande, au motif que l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l'art. 18 LEI. De plus, l'ordre de priorité de l'art. 21 LEI n'avait pas été respecté, l'employeur n'ayant pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE ou de l'AELE n'avait pu être trouvé.

E. a. Par acte du 28 mars 2022, B______ Sàrl et M. A______ ont conjointement interjeté recours auprès du TAPI contre la décision de l'OCIRT du 23 février 2022, concluant principalement à son annulation et à la délivrance d'une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur du recourant ; subsidiairement, ils ont conclu au renvoi du dossier à l'autorité intimée avec injonction de délivrer une autorisation de séjour avec activité en faveur du recourant ; plus subsidiairement, au renvoi du dossier à l'OCIRT pour nouvelle décision. À titre préalable, ils ont sollicité l'audition de M. A______, de M. C______ et de M. D______.

La société avait annoncé la vacance du poste à l'OCE et publié des annonces sur les plateformes optioncarrière.ch et job-room.ch. Elle avait donc fait tout ce qui pouvait être attendu d'elle pour trouver un travailleur indigène.

Concernant les exigences requises pour le poste, la société recherchait un candidat formé tant dans le domaine juridique (genevois) que dans le domaine social. Les candidatures reçues n'avaient cependant pas présenté toutes les qualifications souhaitées. Seul le recourant, de par sa double formation universitaire, avait le profil requis, ce qui ressortait d'un constat objectif et ne relevait pas de la convenance personnelle. Le recourant avait encore l'avantage de bénéficier d'un vaste réseau dans le domaine associatif et social genevois et de connaitre le fonctionnement des institutions genevoises. Il pouvait donc être immédiatement opérationnel et autonome. Il remplissait également le critère impératif de la langue, puisqu'il maîtrisait parfaitement l'arabe littéraire et avait travaillé en tant qu'interprète au sein de la L______ de Genève. Partant, il était le seul candidat qui remplissait tous les critères cumulatifs requis et l'ordre de priorité avait donc été respecté.

De plus, l'engagement du recourant allait contribuer au développement de la société, ce qui servirait les intérêts économiques de la Suisse au sens de l'art. 18 LEI. Si les activités de la société recourante n'étaient certes pas génératrices d'importantes rentrées financières pour la Suisse ou pour le canton de Genève, elles n'en étaient pas moins primordiales, en ce sens qu'elles contribuaient à diminuer la détresse et la pauvreté à Genève. B______ Sàrl réalisait en outre des bénéfices, taxés, et employait des personnes qui payaient des impôts. Ainsi, même si elle n'était pas mue par la volonté de générer des profits, elle avait des activités économiques, de sorte que son développement, par l’entremise de l'engagement du recourant, servait les intérêts de la Suisse et de Genève. Enfin, le fait que le recours aux prestations de la société était, depuis sa création en 2015, en constante augmentation au sein de la population, démontrait qu'elle jouait un rôle prépondérant à Genève et que les institutions classiques chargées de pourvoir aux besoins grandissant résultant de la paupérisation de la population, n’étaient plus à même d'y faire face, notamment depuis la crise sanitaire. Ce constat rendait les prestations de la société primordiales, voire essentielles et confirmait que l'engagement du recourant servait les intérêts économiques de la Suisse et de Genève.

Enfin, le recourant serait parfaitement intégré sur le marché du travail notamment grâce à sa longue expérience dans le milieu tant associatif que social et son engagement éviterait qu'il ne devienne tributaire de l'aide sociale.

b. Par jugement du 25 août 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L’ordre de priorité n’avait pas été respecté. Les démarches très limitées, initiées par la société en vue de trouver un collaborateur, n’avaient de loin pas atteint le niveau de recherches requis par la loi et la jurisprudence. La société s’était en effet contentée d’annoncer la vacance du poste à l’OCE, le 2 septembre 2021, et de publier des annonces sur des sites internet dont la portée était essentiellement nationale. Or, de telles démarches ne suffisaient pas, en l’état des règles en vigueur, pour considérer qu’elle s’était acquittée de ses obligations légales en matière de priorité du marché suisse ou européen, quand bien même l’annonce de l’OCE avait également été diffusée dans le système EURES.

Compte tenu des compétences requises par le poste et du domaine d’activité relativement « spécialisé » dont la société faisait état, il lui aurait appartenu d’entreprendre des recherches bien plus poussées et de plus grande envergure sur les marchés du travail tant suisse et que de l’UE/AELE, par exemple en faisant appel à des agences de recrutement et en publiant des annonces sur des sites Internet spécialisés, en Suisse et en Europe, et dans la presse spécialisée. On pouvait aussi exiger de l’employeur qu’il se montre proactif dans son recrutement, à tout le moins en ayant recours aux outils actuels dont il était communément fait usage dans de nombreux domaines professionnels (par exemple Linkedin ou d’autres « réseaux sociaux »).

La société avait annoncé à l'OCE la vacance d'un nouveau poste de coordinateur à temps complet (le 2 septembre 2021), calquée sur le profil de l'intéressé, alors qu'elle avait déjà signé avec ce dernier (le 15 juillet 2021) un contrat de travail pour le même poste à mi-temps et essuyé un premier refus de l'OCIRT (le 4 août 2021). Par ailleurs, les parties avaient signé un nouveau contrat de travail le 8 septembre 2021 (soit six jours seulement après l'annonce du poste à plein temps à l'OCE), ce qui soulignait la brièveté - et l'insuffisance - du temps que la société avait consacré à la recherche effective d'un candidat. Les démarches précédentes entreprises par la société en vue d'engager M. A______ démontraient à l'inverse que son choix s'était en fait déjà porté sur la candidature de ce dernier et qu'elle n'avait aucune intention d'engager un autre candidat.

Enfin, aucun élément du dossier ne permettait de considérer que l’activité que M. A______, aussi compétent soit-il (ce qui ne saurait en soi être remis en cause), était amené à déployer au sein de la société pouvait réellement avoir des retombées économiques positives pour l’économie suisse et, ainsi, représenter un intérêt pour la Suisse au sens de l’art. 18 let. a LEI, que ce soit en termes d’investissements ou de diversification de l’économie régionale, étant rappelé qu’il convenait de ne pas confondre l’intérêt économique de la Suisse avec celui de la société à engager une personne particulière.

F. a. Par acte du 28 septembre 2022, M. A______ et la société ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI précité, concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur de M. A______.

La société avait publié des annonces et reçu des postulations. Les annonces étaient accessibles pour une personne qui souhaitait un emploi en Suisse de coordinateur social et juridique en effectuant une recherche sur un moteur internet. La société avait également fait appel à son réseau. Le fait de solliciter des agences de recrutement ou autres chasseurs de têtes n’était d’aucun secours compte tenu du profil recherché. L’absence d’offres d’emploi de ressortissants résidant dans l’Union européenne n’était pas dû à un manque de recherches mais à la grande difficulté de trouver une personne disposant d’une bonne connaissance du réseau genevois.

M. A______ s’exprimait en Peul, Bambara, Mandingue et Arabe. Il disposait d’une maîtrise en droit et d’un CAS en management de projet et une maîtrise en travail social. Il avait une excellente connaissance du réseau social genevois, ayant travaillé pour la L______, le Service N______, J______, O______ et le K______.

La condition de l’intérêt économique du pays était également réalisée, puisque l’activité du recourant engendrerait des retombées économiques importantes en amenant des jeunes adultes en difficulté sur le marché du travail et en évitant que ces personnes dépendent de l’aide sociale. L’intégration professionnelle des jeunes adultes d’origines étrangères, en particulier ceux ressortissant de l’Union européenne, remplissait un objectif économique pour la Suisse.

b. Par réponse du 4 novembre 2022, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

La société n’avait pas apporté la preuve qu’elle avait fait tous les efforts possibles en temps opportun pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l’UE/AELE. L’économie genevoise souffrait depuis de nombreuses années d’un déficit d’unités du contingent d’autorisations de séjour avec activité lucrative pour les ressortissants d’États tiers. L’intérêt économique de la demande était insuffisant compte tenu notamment de l’exiguïté du contingent cantonal (91 permis B en 2022). L’intérêt économique pouvait notamment se déduire par le nombre d’emplois que l’engagement en question permettait de créer, par les retombées fiscales qu’il engendrait ou encore le type d’activités capables d’insuffler un élan positif à l’économie genevoise.

c. La chambre administrative a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 9 décembre 2022.

Les représentants de la société ont indiqué avoir rencontré M. A______ en entretien en mars 2021 après avoir été mis en contact par une curatrice du K______. Son profil leur avait paru intéressant, au niveau du réseau et des contacts, notamment avec la L______, si bien qu’ils avaient formé une demande de permis de travail en mars 2021. Ils avaient alors été informés qu’ils devaient d’abord publier une offre afin de privilégier les candidatures suisses. L’annonce publiée le 3 juin 2021 n’avait été annoncée qu’à l’OCE et n’avait pas été publiée sur d’autres sites. La société, qui était ancrée dans le tissu social genevois, faisait habituellement appel à son réseau. Suite à l’annonce, elle avait reçu trois candidatures, dont l’une avait fait l’objet d’un entretien. Quand bien même la personne parlait l’arabe, son profil n’était pas satisfaisant car elle avait surtout de l’expérience au Maroc et ne connaissait pas le réseau genevois. La deuxième annonce du 2 septembre 2021 avait été publiée sur trois sites : « Q______», « R______ » et le site S______. Ils avaient reçu cinq à sept candidatures, mais aucune n’avait un profil juridique. Questionnés sur le fait que le contrat de travail avec M. A______ datait du 8 septembre 2021, ils ont répondu qu’il s’agissait pour la société de prouver à l’OCIRT qu’elle avait la capacité financière d’engager une personne à 100 %. Si la société avait reçu une candidature intéressante, elle aurait résilié le contrat conclu avec M. A______ et accompagné ce dernier dans la suite de ses démarches. Une candidature provenant d’une personne originaire d’Afrique noire serait une grande plus-value pour la société, tant au niveau de la langue que de la culture. Cela permettrait de tisser rapidement un rapport de confiance et de faire le lien entre différentes cultures. Le profil était très recherché, étant précisé qu’ils n’avaient reçu qu’une seule candidature de ce type.

Le représentant de l’OCIRT a relevé que compte tenu de la structure de la société, il n’était pas possible de retenir qu’elle servait les intérêts économiques du pays. Aucune entreprise active dans le domaine social dans le canton de Genève n’obtenait de permis B contingenté pour ce motif. La condition de l’intérêt économique était réalisée lorsque l’entreprise était susceptible de générer de la richesse, de nouveaux mandats ou de permettre des entrées fiscales, ou était capable d’engager des profils qualifiés ou spécialisés dans la recherche en termes d’innovation.

d. Le 13 janvier 2022, la société et le recourant ont persisté dans leurs conclusions. Lors de l’audience, le représentant de l’OCIRT avait admis que le canton de Genève faisait appel à la réserve fédérale et qu’en 2022, elle avait obtenu 300 unités supplémentaires. Il n’existait ainsi pas de difficulté réelle au sujet du nombre de permis dont disposait le canton. En réalité, c’était la nature de l’activité qui faisait obstacle. Or, l’exclusion de toutes les entreprises actives dans le domaine social n’était pas conforme à la loi. Dans sa jurisprudence, la chambre administrative n’avait pas remis en cause l’intérêt économique du pays dans l’engagement par les M______ d’un médecin spécialisé, alors que son activité n’était pas de nature à créer de la richesse (ATA/517/2021).

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             L'objet du litige porte sur le refus de l'OCIRT de délivrer à la société recourante une autorisation de séjour avec activité lucrative en faveur du recourant.

2.1 La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Mali.

2.2 Selon l'art. 11 al. 1 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé. L'art. 18 LEI prévoit qu'un étranger peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a) ; son employeur a déposé une demande (let. b) ; les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c). Lesdites conditions sont cumulatives (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les arrêts cités).

Les autorités compétentes bénéficient d'un large pouvoir d'appréciation. En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit à l'autorisation sollicitée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.1 ; ATA/361/2020 du 16 avril 2020 ; ATA/1660/2019 du 12 novembre 2019). De même, un employeur ne dispose d'aucun droit à engager un étranger en vue de l'exercice d'une activité lucrative en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_57/2015 du 21 septembre 2015 consid. 3 ; 2D_4/2015 du 23 janvier 2015 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 3).

Selon le ch. 4.3.1 des Directives du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM), domaine des étrangers, 2013, état au 1er février 2023 (ci-après : Directives du SEM) qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré et pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/1660/2019 précité consid. 4c), l'autorité doit apprécier le cas en tenant compte en particulier de la situation sur le marché du travail, de l'évolution économique durable et de la capacité de l'étranger concerné de s'intégrer.

S'agissant de l'implantation d'une entreprise, il est admis que le marché suisse du travail tire durablement profit de l'implantation lorsque la nouvelle entreprise contribue à la diversification de l'économie régionale dans la branche concernée, obtient ou crée des places de travail pour la main-d'œuvre locale, procède à des investissements substantiels et génère de nouveaux mandats pour l'économie helvétique (Directives du SEM ch. 4.7.2.1 ; arrêts du TAF C-2485/2011 du 11 avril 2013 et C-7286/2008 du 9 mai 2011).

2.3 La notion d'« intérêts économiques du pays » est formulée de façon ouverte. Elle concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s'agit, d'une part, des intérêts de l'économie et de ceux des entreprises. D'autre part, la politique d'admission doit favoriser une immigration qui n'entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l'équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d'activité, il existe une demande durable à laquelle la main-d'œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 5.1 ; ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 7c ; ATA/1018/2017 du 27 juin 2017 consid. 4c ; Marc SPESCHA/Antonia KERLAND/Peter BOLZLI, Handbuch zum Migrationsrecht, 2e éd., 2015, p. 173 et ss). L'art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme en ce sens que les chances d'une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l'environnement social sont déterminantes (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 145 et les références citées). L'activité économique est dans l'intérêt économique du pays si l'étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n'est pas déjà fournie en surabondance (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 146 et les références citées).

2.4 L’autorisation doit également s’inscrire dans les limites du contingent fixé par le Conseil fédéral (art. 20 LEI), selon un nombre maximum fixé dans l’annexe 2 OASA. L’art. 20 al. 1 1ère phr. LEI prévoit plus particulièrement que le Conseil fédéral peut limiter le nombre d’autorisations de séjour initiales (art. 32 et 33 LEI) octroyées en vue de l’exercice d’une activité lucrative. Cette compétence se trouve mise en œuvre aux art. 19, 20 et 21 OASA. Plus particulièrement, l’art. 20 al. 1 OASA dispose que les cantons peuvent délivrer des autorisations pour des séjours en vue d’exercer une activité lucrative d’une durée supérieure à un an, dans les limites des nombres maximums fixés à l’annexe 2 ch. 1 let. a OASA (arrêt du TAF C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 7.1). Compte tenu du contingent restreint accordé aux cantons, les autorités du marché de l’emploi sont contraintes de se montrer restrictives dans l’appréciation des demandes dont elles sont saisies et ne peuvent retenir que celles qui traduisent un intérêt pour la collectivité.

2.5 En vertu de l’art. 21 al. 1 LEI, un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé.

L'admission de ressortissants d'États tiers n'est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un État de l'UE ou de l'AELE ne peut être recruté (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, spéc. p. 3537 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2907/2010 du 18 janvier 2011 consid. 7.1 et la jurisprudence citée). Il s'ensuit que le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l'économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2D_50/2012 du 1er avril 2013 ; ATA/401/2016 précité).

Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux office régionaux de placement (ORP) les emplois vacants, qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L'employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires – annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement – pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (Directives du SEM, ch. 4.3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4 ; ATA/494/2017 précité ; ATA/24/2015 du 6 janvier 2015).

Il revient à l'employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE conformément à l'art. 21 al. 1 LEI et qu'il s'est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d'exercer cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6074/2010 du 19 avril 2011 consid. 5.3 ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 et les références citées).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l’UE/AELE. Des ressortissants d’États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n’ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s’acquitter d’une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l’échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l’étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l’activité en question, etc. (Directives du SEM, ch. 4.3.2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1123/2013 précité consid. 6.4).

Même si la recherche d'un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s'avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l'art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; ATA/1368/2018 précité).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante (ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11). Par ailleurs, des démarches intervenues après un refus d'octroi d'autorisation de séjour avec activité lucrative doivent être considérées comme entreprises dans le seul but de s'acquitter des exigences légales (ATA/2/2015 du 6 janvier 2015 consid. 2c).

2.6 À teneur de l'art. 96 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (al. 1). Lorsqu'une mesure serait justifiée, mais qu'elle n'est pas adéquate, l'autorité compétente peut donner un simple avertissement à la personne concernée en lui adressant un avis comminatoire (al. 2).

2.7 En l’occurrence, la société est active dans le développement et la gestion de projets dans le champ de l'éducation spécialisée, de l'économie sociale et solidaire, le développement, la coordination et la gestion d'outils. Elle a pour objectif d’accompagner les personnes les plus vulnérables en complément de l’intervention des institutions étatiques, en leur proposant plusieurs mesures, dont l’assistance personnelle, l’intervention en milieu ouvert, l’accompagnement psychosocial et la réinsertion.

Ainsi que l’a relevé le représentant de l’OCIRT en audience, une telle activité n’est pas susceptible de générer de la richesse, permettre des entrées fiscales ou engager des profils spécialisés dans le domaine de l’innovation. On ne peut toutefois exclure que dite activité ait pour effet de favoriser une évolution économique durable qui tienne compte des aspects politiques et sociaux du pays (FF 2002 3469, p. 3486). La question de savoir si l’activité du recourant sert les intérêts du pays peut néanmoins rester ouverte, compte tenu de ce qui suit.

Comme exposé précédemment, l'art. 21 al. 1 LEI prévoit qu'un étranger ne peut être admis en vue de l'exercice d'une activité lucrative que s'il est démontré qu'aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d'un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n'a pu être trouvé. Pour déterminer si l'ordre de priorité prévu par cette dernière disposition a été respecté par la société recourante, il convient donc d'examiner si cette société a démontré à satisfaction de droit qu'elle a entrepris des recherches suffisantes afin de repourvoir le poste en question par un coordinateur social et juridique indigène ou ressortissant d'un Etat membre de l'UE ou de l'AELE, conformément à l'art. 21 al. 1 LEI, et s'est trouvée dans l'impossibilité de recruter, dans cette catégorie de personnes, un candidat apte à exercer l'emploi à repourvoir.

En l’occurrence, entendus en audience, les représentants de la société ont expliqué avoir reçu le recourant en entretien en mars 2021. Suite à cet entretien, la société a formé une première demande de permis de travail en mars 2021. Après avoir été informée de son obligation de privilégier les candidatures suisses, la société a enregistré une offre d’emploi le 3 juin 2021 dans la base de données de l'OCE. Cette offre n’a cependant pas été publiée sur d’autres sites. Faute d’avoir trouvé un candidat pour le poste, la société a conclu, le 15 juillet 2021, un contrat de travail avec le recourant. Suite au refus de l’OCIRT de donner une suite favorable à la demande de la société d’engager le recourant, la société a publié une deuxième offre d’emploi le 2 septembre 2021, dont la durée de validité a été fixée au 2 octobre 2021. Entre-temps, le 8 septembre 2021, la société a à nouveau conclu un contrat de travail avec le recourant.

Compte tenu de la chronologie des événements, en particulier de la brièveté des démarches entreprises par la société après avoir annoncé – à deux reprises – à l’OCIRT sa volonté d’engager le recourant, tout porte à croire que son choix s’était en réalité déjà porté sur la candidature du recourant et qu’elle n’avait aucunement l’intention d’engager une autre personne. En effet, lorsque les premières recherches ont été entreprises, la recourante souhaitait déjà engager l'intéressé. Il est ainsi difficile de suivre la société recourante lorsqu'elle affirme avoir fait tout son possible pour trouver des candidats sur les marchés indigène ou européen. Conformément à la jurisprudence citée ci-avant, les obligations en la matière exigeaient d’effectuer des annonces dépassant le seul marché suisse, étant précisé que la publication par l'OCE de l’annonce dans le système EURES ne suffit pas. Comme le relève le TAPI, il est en effet douteux, si ce n'est illusoire, de penser que les personnes à la recherche d'un emploi se contentent de naviguer sur des sites Internet suisses ou sur le portail EURES dans le cadre de leurs prospections.

On peut certes suivre les recourants lorsqu’ils évoquent la difficulté à trouver, sur le marché du travail européen, une personne disposant d’une bonne connaissance tant du droit suisse que du réseau genevois pour résoudre les problèmes administratifs et juridiques des personnes en situation de détresse. Il n’en reste pas moins que la société aurait pu étendre ses recherches à plus grande échelle en publiant des annonces sur des sites Internet spécialisés, dans la presse spécialisée, ou les réseaux sociaux. Or, il ressort des enquêtes que l’annonce du 3 juin 2021 n’a été enregistrée que dans la base de données de l’OCE. La société a certes indiqué avoir étendu ses recherches en septembre 2021 en publiant son offre d’emploi sur trois sites, soit « Q______», « R______ » et sur le site S______. L’annonce auprès de l’OCE du 2 septembre 2021 a toutefois été suivie, six jours après, par la conclusion d’un contrat de travail avec le recourant, et cela alors même que les candidats disposaient d'un délai échéant au 2 octobre 2021 pour déposer leur candidature. On peut ainsi douter du sérieux des démarches entreprises à ce moment-là en vue de trouver un coordinateur social et juridique autre que le recourant. C’est le lieu de rappeler que les démarches intervenues après un refus d'octroi d'autorisation de séjour avec activité lucrative doivent être considérées comme entreprises dans le seul but de s'acquitter des exigences légales. Les représentants de la société ont expliqué en audience que leur but était de prouver à l’OCIRT que la société avait la capacité financière pour engager une personne à temps plein. La chambre de céans ne voit cependant pas en quoi la conclusion d’un contrat de travail serait susceptible de le démontrer, étant précisé que la description de l’offre d’emploi mentionnait déjà que la société cherchait un coordinateur à 100%. Les pièces comptables de la société recourante auraient sans doute été mieux à même de prouver ce point.

On notera, au passage, que s’agissant de la possibilité pour un étranger titulaire d'un diplôme d'une haute école suisse d’être admis si son activité lucrative revêt un intérêt scientifique ou économique prépondérant, il est observé que le recourant a obtenu son « CAS Management de projet appliqué » de la Haute école de gestion de Genève en 2014, de sorte que son engagement souhaité auprès de la recourante ne s’inscrit pas dans le délai de six mois applicable à l’exception prévue par l’art. 21 al. 1 al. 3 LEI.

La particularité du profil recherché, à savoir un coordinateur social et juridique maîtrisant l’arabe et l’anglais, diplômé en intervention sociale, avec un Bachelor ou un Master en droit suisse, une expérience d’au moins cinq ans dans le secteur social et une connaissance du réseau genevoise, rendait la recherche de candidats difficile. Il n’est au demeurant pas contesté que le profil du recourant, dont les qualifications professionnelles ne sont pas contestées, correspond parfaitement aux critères recherchés par la société. Outre le fait qu’il maîtrise de nombreuses langues et est titulaire de diplômes reconnus dans les domaines juridique et social, il bénéficie d’une solide expérience du terrain ainsi que d’une très bonne connaissance du réseau social genevois. Ainsi que l’ont relevé les différents employeurs ayant collaboré avec le recourant, en particulier les M______, il offre ainsi une sensibilité culturelle précieuse permettant de dénouer des situations délicates et de nouer des liens de confiance privilégiés avec des personnes en situation de détresse. Il a, par ailleurs, obtenu des certificats de travail élogieux, notamment de la part des M______, de la L______, de la Ville de Genève, de l’association genevoise pour l’ethnopsychiatrie et du O______. Ces éléments ne justifiaient pas pour autant une exception au principe de la priorité dans le recrutement, tel que la loi en vigueur la prévoit, étant rappelé que l’autorisation de séjour en vue d’exercer une activité lucrative est soumise à des conditions strictes.

Dans ces circonstances, l'OCIRT pouvait retenir sans violer la loi ni commettre d’abus de son pouvoir d’appréciation, que les recourants n’avaient pas démontré que la société se trouvait dans l'impossibilité de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché local ou européen, après avoir entrepris toutes les recherches utiles pouvant être exigées d'elle.

En l’absence du respect de l’ordre de priorité de l'art. 21 al. 1 LEI, qui constitue une condition légale cumulative à d’autres (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative, la décision de l’OCIRT est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui ne se verront pas allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 septembre 2022 par Monsieur A______ et B______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de Monsieur A______ et B______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail , ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.