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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3088/2020

ATA/436/2023 du 25.04.2023 sur JTAPI/315/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.06.2023, 1C_276/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3088/2020-LCI ATA/436/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 avril 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Alain Maunoir, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés

et

G______

représentée par Me François Bellanger, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2022 (JTAPI/315/2022)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______) est une association d’importance cantonale se consacrant, par pur idéal, à l’étude des questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement et à la protection des monuments, de la nature et des sites.

b. Les bâtiments nos 1______, 2______, 3______ et 4______ (ci-après : les bâtiments), sis respectivement sur les parcelles de la commune de Lancy (ci-après : la commune) nos 380, le long de la route de Saint-Georges, 379, à l’angle de la route susmentionnée et du chemin de Claire-Vue, 378 et 377 le long du chemin précité. Les quatre parcelles (ci-après ; les parcelles) sont situées en zone de développement 3 (ci-après : ZD3), avec une zone de fond 5, et propriété de B______ (ci-après : la propriétaire).

Les parcelles forment un triangle d’une surface totale de 10'900 m2. Elles sont entourées par la route de Saint-Georges, le chemin Claire-Vue et un chemin privé d’accès au siège de ______. Trois immeubles de huit logements chacun (six à l’origine) et une villa occupent l’entier du périmètre. Ils forment un ensemble résidentiel construit entre 1931 et 1933 par les architectes Alexandre et son fils André BORDIGONI.

c. Les parcelles sont sises dans le périmètre du plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) n° 27'457 (ci-après : le PLQ), adopté par le Conseil d’État le 13 janvier 1982, s’étendant de la route de Chancy, au sud, à l’avenue du Plateau, à l’ouest, au chemin Claire-Vue au nord et à la route de Saint-Georges à l’est. Il précise pour le secteur D, périmètre des quatre parcelles litigieuses, seul pertinent en l’espèce, que « l’aménagement de ce secteur sera défini ultérieurement (20'487 m2 de plancher maximum) ».

d. Selon le recensement architectural et des sites du canton de Genève, établi entre 1991 et 1993 (plan 8______), la valeur « monument et bâtiment exceptionnel et leurs abords » a été attribuée aux bâtiments.

e. La propriétaire a déposé une demande de renseignement (DR) n° 5______ le 9 septembre 2010 portant sur la construction de neuf immeubles de logements.

Le 6 juin 2011, le service des monuments et de sites (ci-après : SMS) a préavisé défavorablement le projet.

f. Le 13 janvier 2011 [recte : 2012], suite à une réunion et une visite des lieux, A______ a invité les architectes mandatés par la propriétaire à privilégier un projet de construction permettant la conservation de trois des bâtiments. Le maintien de droits à bâtir ne pourrait être assuré qu’à la condition de concentrer les droits à bâtir encore disponibles du périmètre sur la parcelle n° 380, en remplacement de la villa, et éventuellement en partie sur la parcelle n° 378, en un seul volume sur les deux parcelles. Il proposait une étude aux fins d’avoir une comparaison objective entre différentes variantes.

g. Un concours d’architecture a été organisé entre 2012 et 2015. L’office du patrimoine et de sites (ci-après : OPS) a confirmé, le 3 septembre 2013, son accord avec ce processus et le choix du jury. Les fiches et le plan établi en 1991 devaient être remis aux concurrents : « Charge à eux d’apporter une proposition sensible en fonction des contraintes architecturales et paysagères de ce site ». « Tenir compte des bâtiments existants datant des années "30" » était l’un des objectifs du concours. Lors du choix final, le jury du concours « Claire-Vue » comprenait notamment le directeur du SMS ainsi que l’architecte cantonal. Le projet lauréat ne prévoyait pas le maintien des bâtiments.

En réponse à une interpellation de A______, le conseiller d’État en charge du département du territoire (ci-après : le département ou le DT) relevait dans un courrier du 22 septembre 2017, que le concours avait démontré, par la variété des propositions qualitatives, le bien-fondé du parti architectural lauréat, en particulier par comparaison à la variante de la conservation des trois objets de la densification dans le parc uniquement, solution qui s’était révélée impraticable.

h. Dans le cadre du recensement architectural du canton 2015 – 2023, le plan n° 9______, concernant la commune a été établi en 2018 (ci-après : RAC-2018). Les bâtiments sont qualifiés d’ « intéressants ».

i. Selon le plan directeur cantonal 2030 (ci-après : PDCn 2030), les parcelles sont sises dans un secteur de densification différenciée de la couronne urbaine (fiche A02).

B. a. Le 16 avril 2019, Action Patrimoine Vivant (ci-après : C______), association d’importance cantonale se consacrant, par pur idéal, à l’étude des questions relatives à l’aménagement du territoire, à la protection de l’environnement et à la protection des monuments, de la nature et des sites, a demandé à ce que les bâtiments soient considérés comme un ensemble protégé au sens des art. 89 ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Des mesures conservatoires étaient aussi sollicitées. L'OPS a refusé par courrier du 14 octobre 2019. La décision s’inscrivait dans la continuité des décisions et de choix pris dans ce secteur à la suite du concours d’architecture.

b. Une pétition intitulée « Non à la démolition d’un ensemble d’immeubles exceptionnel » de mille cinquante signatures a été déposée à la commission ad hoc du Grand Conseil le 7 juin 2019 (P 2'073). Dans son rapport P 2073-A du 4 février 2020, la commission a rejeté en majorité le renvoi au Conseil d’État, mais a accepté son dépôt, pour information, sur le bureau du Grand Conseil.

c. Le 5 octobre 2020, A______ a formulé une demande d’inscription à l’inventaire des bâtiments, que la sous-commission 2 de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a préavisé négativement le 1er décembre 2020.

Le 22 mars 2021, B______ a sollicité le classement du bâtiment 1______, que la CMNS a préavisé, en plénière, positivement le 26 mai 2021.

Par arrêtés du 5 octobre 2022, le DT et le Conseil d’État ont rejeté les demandes.

Par deux arrêts de ce jour, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté les recours interjetés contre lesdits arrêtés.

C. a. Le 20 décembre 2017, une requête en autorisation de démolir les bâtiments (n° M 6______) et de construire des immeubles de cent quatre-vingt-quatre logements (DD 7______ : ci-après : la DD) a été déposée.

b. Dans le cadre de l'instruction de la 10______, l'ensemble des préavis recueillis s'est révélé favorable au projet de démolition, soit notamment :

-                 le 8 janvier 2018, l'office des autorisations de construire (ci-après: OAC) a rendu un préavis favorable au projet et à l'octroi de la dérogation prévue par l'art. 9 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) ;

-                 le 29 janvier 2018, le SMS a émis un préavis favorable à la démolition des bâtiments situés sur les parcelles nos 377 à 380, au vu du concours Claire-Vue, dont le jury comprenait l'architecte cantonal et le directeur du SMS de l'époque, et de la pesée des intérêts entre conservation et remplacement des immeubles. Il émettait néanmoins comme conditions la fourniture d'un reportage photographique et l'acceptation par les autorités compétentes d'un projet de remplacement ;

-                 le 31 janvier 2018, la direction de la planification directrice cantonale et régionale (ci-après: SPI) a rendu un préavis favorable sans observations ;

-                 le 2 mars 2018, la commune de Lancy a préavisé favorablement le projet à la seule condition que la démolition respecte le statut actuel du chemin de Claire-Vue.

Concernant la DD 7______, au cours de l'instruction du dossier, l'ensemble des préavis émis ont été favorables au projet, avec ou sans réserves, notamment :

-                 le 19 février 2018, le SPI a préavisé favorablement le projet sous conditions ;

-                 le 25 septembre 2018, l'OAC, après avoir demandé des pièces complémentaires, a préavisé favorablement le dossier et la dérogation prévue par l'art. 11 al. 6 LCI, sous réserve d'approbation par la commission d'architecture ;

-                 le 5 novembre 2018, la commune, après avoir demandé certains engagements, a préavisé favorablement le projet sous conditions ;

-                 le 19 mai 2020, la commission d'architecture (ci-après: CA), après avoir requis une modification du projet, l'a préavisé favorablement ainsi que l'octroi de la dérogation prévue par l'art. 11 al. 6 LCI ;

-                 le 4 juin 2020, l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après: OCLPF), après avoir demandé des pièces complémentaires, a rendu un préavis favorable sous conditions au projet et à l'octroi de la dérogation prévue par l'art. 1 al. 5 du règlement d'exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RGL - I 4 05.01) ;

-                 le 17 juin 2020, le service LDTR, après avoir demandé des pièces complémentaires, a émis un préavis favorable sous diverses conditions.

c. Le 20 août 2020, vu le PLQ n° 27'457 et conformément à l'art. 3 al. 5 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), vu le préavis favorable sous condition du Conseil administratif de la ville de Lancy du
5 novembre 2018, celui favorable sous conditions de l’OCLPF du 4 juin 2020, le préavis favorable de la direction de la planification directrice cantonale et régionale du 19 février 2018, le DT a rendu un arrêté autorisant l'application des normes de la 3ème zone aux bâtiments à construire selon la DD 7______.

d. Le 31 août 2020, le département a délivré l'autorisation de démolir 10______ et l'autorisation de construire DD 7______, lesquels ont été publiées dans la Feuille d'avis officiel du même jour.

D. a. Le 30 septembre 2020, A______ a recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Il a conclu à leur annulation.

Le DT violait l’art. 4 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05).

Il sollicitait en parallèle la mise à l'inventaire des quatre bâtiments.

Enfin, en indiquant que l'aménagement du secteur serait défini ultérieurement, le PLQ n° 27'457 de 1982 prévoyait une modification le moment venu. Cela supposait qu'avant qu'une autorisation de construire ne soit délivrée, une procédure d'adoption d'un PLQ modifié, voire d'un nouveau PLQ, devait être conduite. En s'abstenant de le faire, le département avait violé le droit d'être entendu de l'ensemble des parties intéressées et les empêchait d'intervenir dans la procédure.

b. La propriétaire s’est opposée à la suspension de la procédure proposée par le DT et soutenue par la recourante et a conclu au rejet du recours.

c. Le DT a conclu au rejet du recours.

S'agissant de la violation de l'art. 2 al. 1 LGZD, le secteur en question se situait dans le périmètre du PLQ n° 27'457, celui-ci indiquant au sujet des parcelles n°s 377 à 380 que l'aménagement de ce secteur serait défini ultérieurement. Il existait donc bel et bien un PLQ, selon lequel il n'était prévu aucun maintien des bâtiments situés sur les parcelles susmentionnées ; au contraire, un aménagement y était projeté, mais il devait encore être déterminé. C'était d'ailleurs ce que le SPI avait retenu dans son préavis favorable du 19 février 2018. Il précisait que, dans la mesure où le projet faisait suite au 1er prix du concours d'architecture et que le PLQ ne faisait mention ni des implantations, ni des gabarits, le projet devait répondre aux règles de la LCI, raison pour laquelle le département avait pris, en date du 20 août 2020, un arrêté départemental autorisant l'application des normes de la ZD3 en vertu de l'art. 3 al. 5 LGZD. Il avait considéré que le fait que l'aménagement du secteur n'avait pas été planifié ne représentait qu'une dérogation mineure au PLQ en vigueur, au vu du secteur limité concerné, du concours architectural pour son aménagement, du préavis favorable du SPI, du fait que le PLQ ne prévoyait pas de maintien de bâtiments et du respect des dispositions relatives à la zone 3.

En tout état de cause, tout ce qui précédait pouvait rester ouvert vu l'art. 2 al. 2 let. e LGZD. Il ne faisait aucun doute que le projet querellé avait été lauréat du concours d'architecture organisé pour le périmètre concerné et que la commune était favorable au projet. Par conséquent, il pouvait être dérogé au PLQ par la prise d'un arrêté départemental vu la dérogation prévue par l'art. 5 al. 2 RGZD, en vigueur depuis le 3 mars 2021. Dit arrêté avait d'ailleurs été requis et serait communiqué au TAPI sitôt que réceptionné.

d. Par arrêté non daté du conseiller d’État en charge du DT, conformément à l’art. 2 al. 2 let. e LGZD, vu les préavis favorables sous condition du Conseil administratif de la ville de Lancy du 5 novembre 2018, de l’OCLPF du 4 juin 2020, le préavis favorable du SPI du 19 février 2018, il était renoncé à l’établissement d’un PLQ.

e. Par courrier du 30 septembre 2021, le TAPI a jugé que le dossier n'était pas complet, l'arrêté départemental précité, produit le 14 avril 2021, devant faire l'objet d'un préavis de la commune au sujet d'une dérogation selon l'art. 2 al. 2 LGZD.

f. Le 1er décembre 2021, la commune de Lancy a préavisé défavorablement l'octroi d'une dérogation selon l'art. 2 al. 2 LGZD en raison d'un projet de résolution intitulé « pour un retrait du projet d'autorisation de construire DD 7______ au profit de l'élaboration d'un plan localisé de quartier et un processus de concertation au chemin de Claire-Vue » déposé pour la séance du Conseil municipal du 25 novembre 2021 et accepté par vingt oui, trois non et dix absentions (ci-après : résolution 11______/2021). Cette résolution demandait en substance de ne pas aller de l'avant avec le projet pour permettre de réaliser un PLQ conforme aux enjeux environnementaux et patrimoniaux actuels.

g. Par courrier du 10 décembre 2021, le département a transmis le dernier préavis de la commune au TAPI. Ce document n'avait toutefois pas d'impact sur la décision contestée, dès lors que le PLQ n° 27'457 englobait le secteur en question, si bien qu'aucune violation de l'art. 2 al. 1 LGZD ne pouvait être retenue, raison pour laquelle la DD 7______ avait été délivrée sur la base d'un arrêté autorisant l'application des normes de la 3ème zone aux bâtiments à construire. C'était donc à titre superfétatoire qu'il était allé rechercher en cours de procédure un arrêté au sens de l'art. 2 al. 1 let. e LGZD.

h. Par jugement du 31 mars 2022, le TAPI a rejeté le recours.

La suspension de la procédure était refusée. Les mesures d'instruction avaient trait soit à la situation de fait antérieure au recensement architectural de 2018, soit à l'élaboration du préavis de la CMNS du 1er décembre 2020. Concernant le premier point, il n'y avait pas lieu d'examiner la légalité d'une autorisation de démolition ou de construction sur la base d'un état de fait qui n'avait plus cours. Il s'imposait au contraire de se fonder sur les circonstances qui prévalaient au moment où cette décision avait été prise. Concernant le second point, A______ n'apportait aucun élément permettant de suspecter concrètement que le préavis de la CMNS aurait été adopté sur la base de considérations étrangères à celles auxquelles cette instance devait de se tenir selon la LPMNS. Il n'était donc pas question de donner suite à une requête d'instruction ayant pour objectif sous-jacent de réévaluer, au niveau du TAPI, l'ensemble des éléments permettant d'apprécier la valeur patrimoniale des bâtiments.

L'autorisation de démolition-reconstruction ne violait pas l'art. 4 LPMNS, les immeubles n’étant au bénéfice d’aucune mesure de protection patrimoniale et le préavis de la CMNS n’étant en conséquence pas obligatoire.

Les circonstances ne s’étaient pas sensiblement modifiées au point de mettre à mal le principe de stabilité des plans et d'exiger une adaptation de la planification.

Restait toutefois à examiner la question de savoir si, dans le cas d'espèce, l'adoption d'un nouveau PLQ était nécessaire pour la réalisation du projet en cause.

Le PLQ de 1982 prévoyant une affectation ultérieure du sous-périmètre en question et fixant la surface brute de plancher maximum autorisée, ce sous-secteur devait en principe être soumis à l'exigence d'un PLQ de détail au sens de l'art. 3 al. 2 LGZD. Toutefois, sur la base de l'art. 2 al. 2 let. e LGZD, le département avait prononcé en cours de procédure un arrêté autorisant l'application des normes de la 3ème zone aux bâtiments à construire selon le dossier relatif à la DD 7______, reprenant les termes de l'arrêté départemental du 20 août 2020, et prévoyant également qu'il était renoncé à l'établissement d'un PLQ. S'il l'on pouvait regretter que l'arrêté adopté en cours de procédure ne soit pas daté, il avait été signé, d'après les déclarations du département, le 31 mars 2021, ce qui correspondait ainsi à la date d'adoption dudit acte. Dès lors, l'arrêté prévoyant la renonciation à l'exigence d'un PLQ pour ce sous-périmètre avait été prononcé par l'autorité compétente en vertu de l'art. 5 al. 2 RGZD.

Selon l'art. 2 al. 2 LGZD, seule la consultation de la commune était exigée, non forcément son accord, le département restant dès lors libre de s'écarter d'un préavis négatif (art. 3 al. 3 LCI). Cette lecture du texte clair de la loi était corroborée par les débats parlementaires (MGC 2003-2004/VII D/32 1824). Ainsi, bien qu'il eût été préférable que le préavis de la commune soit demandé avant le prononcé de l'arrêté de renonciation au PLQ et que ledit arrêté, produit le 14 avril 2021, soit prononcé avant la délivrance de l'autorisation de construire, de sorte que, conformément à l'art. 3A al. 3 LCI, il aurait fait partie intégrante de l'autorisation de construire, il apparaissait néanmoins que la renonciation au PLQ ne se basait pas sur des éléments postérieurs, mais ultérieurs à la délivrance des autorisations litigieuses.

Par ailleurs, le projet en question répondait aux exigences du PLQ n° 27'457, à celles de la zone de développement 3 et avait également été lauréat d'un concours d'urbanisme et d'architecture en 2015. Il respectait les conditions du PLQ n° 27'457 ainsi que celles de l'art. 2 al. 2 let. e LGZD.

Au vu des circonstances, il n’était pas conforme au principe d'économie de la procédure d'annuler les autorisations litigieuses en raison de la temporalité de l'arrêté pris en cours de procédure, alors qu'en toute hypothèse, le projet était entièrement conforme au droit. Obliger le département à instruire à nouveau le dossier en adoptant un tel arrêté avant la délivrance de l'autorisation de construire s'avérerait, dans les circonstances du cas d'espèce, constitutif de formalisme excessif, dès lors que le projet était conforme au PLQ, aux normes de la 3ème zone de développement et que la commune l’avait préavisé favorablement. Cette solution pouvait être rapportée à celle qu'admettait la jurisprudence lorsqu'il était question d'obtenir durant la procédure judiciaire un préavis d'une instance qui ne s'était pas prononcée sur un projet (arrêt du Tribunal fédéral 1C_449/2020 du 26 août 2021).

E. a. Par acte du 19 mai 2022, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative. Il a conclu à l’annulation du jugement et des autorisations de démolir et de construire. Préalablement, l’instruction de la cause devait être suspendue dans l’attente de la décision suite à la demande de mise à l’inventaire.

Les parcelles concernées, contrairement à ce qu’avait retenu le département et le TAPI, ne faisaient pas partie du périmètre du grand projet « Praille-Acacias-Vernets ».

Par résolution du 25 novembre 2021, le Conseil municipal de la commune avait invité la propriétaire à retirer son projet et à élaborer, en collaboration avec le département et elle-même, un PLQ.

Les art. 89 ss LCI étaient violés. Les bâtiments litigieux constituaient un ensemble du début du XXe siècle. Le préavis de la CMNS était dès lors indispensable en application de l’art. 93 al. 1 LCI. Il listait plusieurs immeubles construits après 1930, à l’instar des bâtiments litigieux. Ces ensembles constituaient des zones à protéger, au sens de l’art. 17 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

Le principe de coordination serait violé si la chambre de céans ne pouvait pas procéder à une instruction coordonnée avec la procédure de mise à l’inventaire.

Les art. 21 LAT et 13A al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) avaient été violés. Une nouvelle planification de détail, portant sur le secteur D, s’imposait. Le TAPI avait admis l’application de l’art. 2 al. 2 let. e LGZD. Or, cette disposition imposait que l’autorité communale soit consultée. En l’espèce, l’ensemble des autorités de la commune s’était prononcé défavorablement, après avoir procédé à des auditions circonstanciées. Le TAPI s’était appuyé sur des préavis antérieurs, qui ne portaient pas sur l’hypothèse d’une dispense de PLQ. Aucune raison ne justifiait de donner préférence à des préavis plus anciens, peu motivés, sans discuter de l’application de l’art. 2 al.2 LGZD.

b. La propriétaire a conclu au rejet du recours.

c. Le DT a conclu au rejet du recours. Les immeubles ne constituaient pas un ensemble au sens de l’art. 89ss LCI. Les bâtiments n’étaient pas mentionnés sur la liste recensant les ensembles au sens de l’art. 89 ss LCI. Le préavis de la CMNS n’était dès lors pas nécessaire. Les art. 21 LAT et 13A LaLAT ainsi que 2 al. 2 let. e LGZD avaient été respectés. D’une part, la recourante ne s’appuyait que sur sa propre évaluation. D’autre part, elle était contredite par les instances spécialisées puisque tant le SMS, dans le cas de l’instruction de la demande de démolition, que la CMNS, lors de l’instruction de la procédure de mise à l’inventaire, avaient estimé que les constructions à démolir n’entraient pas dans le champ d’application de ces articles.

La résolution municipale était dépourvue d’effet législatif et contraignante pour les autorités cantonales. Elle était postérieure aux autorisations querellées.

d. Un second échange d’écritures s’est tenu au cours duquel la recourante a sollicité des mesures d’instruction pour démontrer le caractère d’ensemble des bâtiments. Dans une ultime écriture, elle a relevé que la CMNS n’avait pas été consultée dans le cadre de la DD, mais avait formulé un préavis favorable au classement du bâtiment sis 5 ch. Claire-Vue, le 30 juin 2021.

En cours de procédure, sa suspension a été sollicitée plusieurs reprises par la recourante, en fonction de l’évolution du dossier relatif aux demandes de protection des bâtiments. Les intimés s’y sont opposés.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Le contenu des pièces et le détail des arguments sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante sollicite préalablement des mesures d’instruction pour faire établir que les bâtiments répondent à la notion d’ensemble au sens de l’art. 89 ss LCI.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285
consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve de la recourante ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433
consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

2.2 En l’espèce, les ensembles sont recensés sur une liste indicative (art. 90 al. 4 LCI). Les bâtiments litigieux n’y sont pas mentionnés. La qualification d’ensemble au sens de l’art. 89 ss LCI dépend du DT, lequel a nié cette caractéristique aux bâtiments en cause le 14 octobre 2019. De surcroît, même à retenir qu’il s’agisse d’un ensemble, l’issue du litige ne serait pas modifiée conformément aux considérants qui suivent. Il ne sera dès lors pas donné suite aux requêtes d’actes d’instruction.

3.             La recourante se plaint d’une violation du principe de coordination.

3.1.1 Le principe de coordination formelle et matérielle est ancré à l'art. 25a LAT. Selon cet article, une autorité chargée de la coordination est désignée lorsque l'implantation ou la transformation d'une construction ou d'une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités (al. 1). L'autorité chargée de la coordination peut prendre les dispositions nécessaires pour conduire les procédures (let. a), veille à ce que toutes les pièces du dossier de requête soient mises en même temps à l'enquête publique (let. b), recueille les avis circonstanciés relatifs au projet auprès de toutes les autorités cantonales et fédérales concernées par la procédure (let. c) et veille à la concordance matérielle ainsi que, en règle générale, à une notification commune ou simultanée des décisions (let. d ; al. 2). Les décisions ne doivent pas être contradictoires (al. 3). Ces principes sont applicables par analogie à la procédure des plans d'affectation (al. 4). Le principe de la coordination est également applicable lorsque plusieurs décisions émanent d'une même autorité (arrêt du Tribunal 1C_536/2019 et 1C_537/2019 du 16 septembre 2020 consid. 7 et la référence citée). La loi ne tend pas à une coordination maximale, mais doit assurer une coordination suffisante, ce que précisent les textes allemand et italien de l'art. 25a al. 1 LAT. Le contenu ou l'ampleur d'une coordination « suffisante » ressort des principes généraux (notamment de la nécessité d'effectuer une pesée globale des intérêts, dans la mesure où elle est exigée dans le droit de la construction et de l'aménagement) ou de prescriptions spéciales (arrêt du Tribunal fédéral 1C_242/2019 du 7 avril 2020 consid. 2.1 et les références citées).

Le principe de coordination est également prévu en droit cantonal à l'art. 12A LPA, lequel rappelle le principe général selon lequel les procédures doivent être coordonnées lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet. L’art. 3A LCI le prévoit aussi.

3.2 En l’espèce, les recours contre les arrêtés refusant la mise à l’inventaire, le classement et contre le jugement confirmant les autorisations de démolir et de construire ont pu être instruits en parallèle et les arrêts prononcés le même jour par la chambre de céans. Le principe de coordination a été respecté.

4.             La recourante se plaint d’une violation de l’art. 89 ss LCI.

4.1 À teneur de l’art. 89 LCI, l’unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXe siècle et du début du XXe siècle situés en dehors des périmètres de protection : a) de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications ; b) du vieux Carouge, doit être préservée (al. 1). Sont considérés comme ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d’architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l’emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d’une composition d’ensemble dans le quartier ou dans la rue (al. 2).

Les ensembles dont l’unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés. L’art. 12 est en outre applicable (al. 1). En cas de transformation ou de rénovation, des mesures de rationalisation énergétique doivent être entreprises. Des dérogations sont accordées lorsque le maintien d’éléments patrimoniaux de valeur l’exige. Des panneaux solaires thermiques ou photovoltaïques peuvent être autorisés en toiture (al. 2). Le département peut aussi ouvrir la procédure d’adoption d’un plan de site des ensembles considérés comme dignes de protection en application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (al. 3). Le département établit et publie sans tarder une liste indicative des ensembles visés à l’al. 1 (al. 4 art. 90 LCI).

4.2 Il appartient en conséquence au DT de déterminer quels immeubles répondent à la définition d’un ensemble au sens des art. 89 ss LCI (ATA/1247/2019 du 13 août 2019 consid. 6). Or, celui-ci s’était déjà déterminé, par courrier du 14 octobre 2019, sur une telle requête, formulée par une autre association le 16 avril 2019. Les bâtiments ne sont par ailleurs pas répertoriés sur la liste des ensemble. Enfin, toutes les mesures de protection ont été refusées auxdits bâtiments par arrêtés du DT et du Conseil d’État du 5 novembre 2022.

Le grief sera en conséquence écarté.

5.             La recourante se plaint d’une violation des art. 21 LAT et 13A LaLAT.

5.1 Les plans d’affectation ont force obligatoire pour chacun (al. 1). Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d’affectation feront l’objet des adaptations nécessaires (al. 2 art. 21 LAT).

Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation sont réexaminés et, si nécessaire, adaptés (al. 1). Tout propriétaire peut demander au Conseil d’État le réexamen d’un plan d’affectation du sol au sens de l'art. 13
al. 1 let. a et b, dix ans au moins après son entrée en vigueur, une nouvelle demande ne pouvant être présentée, cas échéant, que dix ans après le rejet de la précédente. La demande doit être accompagnée de la réponse du département à une DR au sens de l’art. 5 al. 4 LCI et être contresignée par la majorité, en surface et en nombre, des propriétaires et ayants droit des terrains directement concernés (al. 2). Le Conseil d’État dispose d’un délai de trois mois pour rendre sa décision. Dans l’hypothèse où il décide d’entrer en matière, il dispose d’un nouveau délai de six mois pour mettre à l’enquête publique un avant-projet de plan d’affectation du sol modifiant ou abrogeant celui faisant l’objet d’une demande d’adaptation (al. 3). La décision de refus d’entrer en matière peut être déférée à la chambre administrative de la Cour de justice (al. 4). Tout propriétaire d’une parcelle en zone de développement ne faisant pas encore l’objet d’un plan localisé de quartier peut également, suivant la même procédure, demander au Conseil d’État l’adoption d’un tel plan (al. 5 art. 13A LaLAT).

5.2 Selon la jurisprudence, l'écoulement du temps n'est pas prévu par le droit fédéral ou cantonal comme fondant à lui seul une obligation de soumettre à une nouvelle enquête publique un plan d'affectation. Seule une modification sensible des circonstances, qui imposerait un réexamen et une éventuelle adaptation des plans, créerait cette obligation. Les circonstances à prendre en considération, qui peuvent être de fait ou de droit, sont celles en lien avec les buts de la réglementation et celles ayant fondé les choix faits dans le plan qui la concrétise (ATA/251/2009 du 19 mai 2009 consid. 4 et 5). Le Tribunal fédéral a confirmé cette jurisprudence, précisant qu'une norme limitant la durée d'une enquête publique n'entrerait pas dans la logique du législateur fédéral, lequel avait par ailleurs renoncé à assigner aux plans d'affectation du sol une durée de validité. Une nouvelle enquête publique n'est ainsi nécessaire que si un projet est modifié après sa première mise à l'enquête et que la modification apportée s'avère essentielle au point que la nouvelle version doive être assimilée à un nouveau projet (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_317/2009 du 15janvier 2010 consid. 4.2 et la jurisprudence citée). Enfin, le droit fédéral ou cantonal de l'aménagement du territoire n'impose pas à l'autorité chargée de l'élaboration des plans d'affectation d'informer personnellement les propriétaires d'une éventuelle suspension ou de la reprise d'une procédure de déclassement.

5.3 En l'espèce, le projet de densification litigieux n'a subi aucune modification entre son adoption par le Conseil d’État le 13 janvier 1982 et la délivrance des autorisations de construire le 31 août 2020.

Le PLQ contient cinq secteurs distincts, soit un parc public, une zone légèrement moindre devant comprendre trois bâtiments à construire, et érigés depuis, pour une surface brute de plancher de 32'760 m2, un plus grand périmètre intitulé « S.B.S » qui autorisait ledit établissement à construire 39'420 m2 de superficie supplémentaire, et une dernière zone, nommée « D », légèrement moindre que celles comprenant les immeubles A, B et C, pour laquelle il est mentionné « l’aménagement de ce secteur sera défini ultérieurement : 20'487 m2 de plancher maximum »).

Le PLQ de 1982 ne prévoyait aucune protection pour les immeubles concernés et indiquait au contraire que l’aménagement de ce secteur serait défini ultérieurement, avec la mention « 20'487 m2 de plancher maximum » attestant de la volonté de densifier.

 

Les bâtiments concernés s’inscrivent dans un secteur en ZD3, déjà urbanisé, pour lequel la mise à jour du schéma directeur du plan directeur cantonal de 2030 (ci-après : PDCn 2030), adoptée par le Grand Conseil le 10 avril 2019 et approuvée par la Confédération le 18 janvier 2021, projette la poursuite de la densification différenciée en réalisant les potentiels restants. Il sera rappelé que, selon la première mise à jour du concept de l’aménagement cantonal du PDCn 2030, les objectifs stratégiques sont organisés en trois grands domaines dont le premier est l’urbanisation. À ce titre, le besoin en logements était évalué à cinquante mille à réaliser entre 2011 et 2030 et qu’à fin 2017, douze mille logements avaient été construits. Quatre-vingt-quatre mille habitants supplémentaires étaient prévus entre 2016 et 2030, et cinquante et un mille de plus à l’horizon 2040.

Les circonstances à l'origine de l’adoption du PLQ ont ainsi conservé toute leur pertinence et n'ont pas subi de modifications essentielles. La pénurie de logements s'est accrue, rendant plus nécessaire encore la poursuite de l'objectif de densification des zones à bâtir prévu par le PDCn 2030.

Sous réserve de l’écoulement du temps et des demandes de protection des bâtiments sis sur les quatre parcelles du secteur D, il n’existe aucun élément nouveau important, outre la concrétisation de cette volonté de densifier par le concours d’architecture, dont le jury comprenait des représentants du patrimoine et dont la composition avait été agréée par l’OPS. La valeur des quatre bâtiments a par ailleurs été revue à la baisse dans le recensement de 2018 et les demandes de protection des bâtiments ont été rejetées, y compris par deux arrêts de ce jour de la chambre de céans.

En conséquence, même si le plan est relativement ancien, les circonstances ne se sont pas sensiblement modifiées, étant rappelé que la commune s’est déclarée favorable à la démolition des bâtiments actuellement sis sur les parcelles par préavis du 2 mars 2018 et s’est dite favorable au projet de construction le 5 novembre 2018, soit moins de deux ans avant la délivrance des autorisations de démolir et construire. Si certes, elle a depuis émis un préavis neutre, entre maintien des bâtiments et la construction de logements en date du 12 février 2021, dans le cadre de la procédure de la mise à l’inventaire, la résolution du 25 novembre 2021 ne peut être considérée comme une modification sensible des circonstances au sens des art. 21 LAT et 13A LaLAT. « D’une part, un simple changement d’avis de la population ou une modification du rapport de forces politique ne constituent pas, selon une jurisprudence rendue dans des cas où le plan était récent, une modification sensible des circonstances au sens de l’art. 21 al. 2 LAT. Il en va de même de la réalisation par l’autorité, peu de temps après l’adoption d’un plan et en l’absence de modification concrète des circonstances, que ledit plan serait inadapté ; à si bref délai, un changement de conception et une nouvelle appréciation d’une situation qui n’a pas changé ne justifient pas l’application de l’art. 21 al. 2 LAT. Une modification des orientations politiques peut en revanche entrer en ligne de compte lorsque la question se pose après l’échéance de l’horizon de planification de quinze ans applicable aux zones à bâtir » (Thierry TANQUEREL in Commentaire pratique LAT : Planifier l'affectation n° 49 ad. Art. 21). En l’espèce, l’éventuel changement de positionnement de la commune est intervenu trois ans seulement après qu’elle ait, par deux fois, donné son accord à la démolition et à la construction, soit en mars et novembre 2018 à la suite du concours d’architecture.

La teneur des déclarations des représentants du patrimoine devant la commission des pétitions du Grand Conseil en février 2020, relève la même problématique d’évolution des opinions. Ainsi, Monsieur Benoît DUBESSET, architecte, président de la CMNS, a « rappell[é] que cette pétition arriv[ait] très tard dans un processus longuement développé. L’ensemble d’immeubles de cette parcelle était recensé en 1991 comme objet à préserver. De nombreuses villas [avaie]nt disparu dans le périmètre du Petit-Lancy pour laisser la place à des barrettes "façon service de l’urbanisme". La CMNS regrettait que le recensement de 1991 qui reconnaissait des qualités intrinsèques à ce périmètre ait été oublié avec le temps. C’était ce qui avait permis au propriétaire de lancer un projet au mépris d’un recensement qui avait valeur de décision paraphée par le canton. La CMNS comprenait le principe de la densification en ville, mais aimerait que des îlots historiques soient préservés afin de conserver des strates historiques, ainsi que des îlots de végétation. Madame Valérie HOFFMEYER CUTTAT architecte paysagiste, membre de la CMNS rappelait que, quatre ans auparavant, il n’y avait pas encore cette sensibilité qui se dégageait à présent. La manière d’aborder ces problématiques était plus frontale que de nos jours. La pétition intervenait en toute fin de procédure. Il était dès lors difficile de faire quelque chose » (séance du vendredi 28 février 2020 À 14H ; 2e législature - 2e année - 10e session - 54e séance ; Rapport P 2073-A p5/36).

En conséquence, l’autorisation de construire délivrée respecte le PLQ en application de l’art. 2 al. 1 let. a LGZD, les circonstances ne s’étant pas modifiées au sens des art. 21 LAT et 13A LaLAT. C’est d’ailleurs ce qu’avait retenu le SPI dans son préavis, favorable, du 19 février 2018.

Par ailleurs, lors du contrôle de conformité des requêtes en autorisation de construire avec le PLQ, le département peut admettre que le projet s’écarte du plan pour autant que l’indice d’utilisation du sol et l’indice de densité soient respectés et dans la mesure où la construction de logements supplémentaires le justifie (art. 3 al. 5 LGZD). Il n’est pas allégué de violation d’indices et la construction de logements est justifiée, étant l’un des objectifs d’urbanisation du PDCn 2030.

Même à suivre le TAPI et à considérer que l’adoption d’un nouveau PLQ était nécessaire, le DT était autorisé à y renoncer. En effet, à teneur de l’art. 2 al. 2 LGZD, le Conseil d’État, soit pour lui le DT (art. 5 al. 2 RGZD entré en vigueur le 3 mars 2021), peut renoncer à un PLQ, après consultation du Conseil administratif, dans les quartiers de développement déjà fortement urbanisés (let. c) ou pour des projets de constructions ou installations conformes au 1er prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département (let. e). Les deux hypothèses, alternatives, sont réalisées en l’espèce. De surcroît, le Conseil administratif a dûment été consulté, la loi n’imposant pas son accord. Le jugement querellé a d’ailleurs, à juste titre, rappelé cette volonté du Législateur et cité les travaux préparatoires de l’art. 2 LGZD y relatifs. À raison, le TAPI a jugé qu’une annulation de l’autorisation de construire, au seul motif que l’arrêté du département a été prononcé en cours de procédure, serait du formalisme excessif. Il a été soumis aux parties, lesquelles ont pu s’exprimer sur son contenu, étant encore rappelé que le DT avait, par arrêté du 20 août 2020, antérieurement à la délivrance des autorisations querellées, autorisé l’application des normes de la ZD3 aux bâtiments prévus par la DD 7______.

Le grief de la recourante sera, partant, écarté et le recours rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la propriétaire, à la charge de la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à B______ à la charge de A_______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Maunoir, avocat de la recourante, à Me François Bellanger, avocat de B______, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :