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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4031/2022

ATA/414/2023 du 20.04.2023 sur JTAPI/187/2023 ( PE ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4031/2022-PE ATA/414/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 20 avril 2023

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Luisa Bottarelli, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 février 2023 (JTAPI/187/2023)


Attendu, en fait, que :

1) Par jugement du 16 février 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours formé par Monsieur A______ contre la décision du 24 octobre 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé d’entrer en matière sur sa requête du 4 octobre 2022, traitée comme une demande de reconsidération.

L’intéressé avait formulé une demande invoquant un changement de circonstances. À l'appui de sa décision de non-entrée en matière, l'OCPM avait retenu que le seul élément nouveau que faisait valoir M. A______ était l'arrivée sur le territoire suisse de sa compagne et de ses enfants, en août 2021. Leur entrée en Suisse s'était faite de manière illégale, soit sans autorisation et malgré la décision de renvoi de Suisse concernant M. A______.

C'était à juste titre que l'OCPM avait retenu que l'intéressé se prévalait principalement de l'établissement de sa compagne et de ses enfants en Suisse. Ses arguments se limitaient à expliquer qu'il vivait en Suisse depuis plusieurs années, que ses enfants étaient tous trois scolarisés et que sa situation financière et celle de sa compagne étaient confortables. Or, l'écoulement du temps depuis la dernière demande de reconsidération, qui provenait uniquement du fait que l'intéressé ne s'était pas conformé aux décisions de renvoi, ne saurait constituer un critère d'entrée en matière sur une demande de reconsidération. De surcroît, bien qu'il s'agissait d'un fait nouveau, l'établissement de sa famille en Suisse ne pouvait être pris en considération en tant qu'élément ouvrant la voie à une reconsidération. En effet, leur installation en Suisse était intervenue sans autorisation et ce malgré les décisions de renvoi rendues par les autorités administratives. Ce comportement, consistant à mettre les autorités compétentes devant le fait accompli, ne saurait lui permettre de prétendre tirer un droit d'une situation qu'il avait créée illégalement (ATF 129 II 249 consid. 2.3).

2) Par acte du 22 mars 2023, M. A______ a recouru devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’il soit mis au bénéfice d’une autorisation de séjour.

L’effet suspensif devait être octroyé au recours et la cause jointe à celle de sa femme et de ses enfants.

Il a repris les arguments précédemment développés. L’OCPM avait refusé d’entrer en matière pour ce qui le concernait et avait traité la situation de sa femme et ses enfants séparément, rendant une décision qui leur était défavorable le 23 janvier 2023. Le refus d’examiner la situation familiale dans son ensemble constituait une violation de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Cette façon de faire prétéritait sa famille, qui ne pourrait pas bénéficier de la longue durée de son séjour dans le cadre de l’analyse du cas de rigueur. Les deux causes devaient être jointes.

3) L’OCPM s’est fermement opposé à l’octroi de mesures provisionnelles. La décision initiale datait du 13 août 2018 et l’intéressé persistait à ne pas se conformer aux décisions. Sa situation actuelle était uniquement due à son refus d’obtempérer à son renvoi définitif et exécutoire du territoire. Il avait déjà déposé une première demande de reconsidération en 2020. Il ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), aucun membre de sa famille n’étant autorisé à résider en Suisse. Il était loisible à l’épouse et aux enfants de suivre leur père au Kosovo pour y attendre l’issue de la présente procédure. Le recourant les avait faits venir alors qu’il savait qu’il était renvoyé.

4) Le 12 avril 2023, M. A______ a persisté dans ses conclusions sur mesures provisionnelles.

Son intérêt privé à pouvoir rester devait primer l’intérêt public à son départ. Il était en Suisse depuis plus de quinze ans. Son épouse et ses enfants, âgés de 17, 15 et 11 ans, avaient été autorisés à rester en Suisse le temps de la procédure de recours.

5) Le 24 mai 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur mesures provisionnelles.

 

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le
vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) L’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
53-420, 265).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) L'effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation ou d'une autorisation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, l’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344). Dans cette dernière hypothèse, seul l’octroi de mesures provisionnelles est envisageable (ATA/1369/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3a ; ATA/70/2014 du 5 février 2014 consid. 4b ; ATA/603/2011 du 23 septembre 2011 consid. 2).

7) En l’espèce, le recourant n’est au bénéfice d’aucune autorisation de séjour en Suisse. Dans ces conditions et au vu de la jurisprudence précitée, seule la question des mesures provisionnelles peut se poser.

Or, donner suite à la requête en mesures provisionnelles revient à accorder, même temporairement, au recourant ce à quoi il conclut, à savoir être autorisé à résider en Suisse. Dans ces conditions, lesdites mesures ne peuvent qu’être rejetées.

De surcroît, les chances de succès du recours apparaissent prima facie quasi inexistantes au vu des circonstances, le recourant ayant fait venir sa famille alors que son renvoi de Suisse était définitif et exécutoire. Le fait que ses enfants aient été provisoirement autorisés à rester dans l’attente de l’issue du recours est sans pertinence sur la situation du recourant, qui pourra ainsi décider, avec son épouse, de savoir s’il quitte seul la Suisse dans l’attente du jugement, conformément à la situation juridique qui est la sienne et aux jugements définitifs et exécutoires le concernant, ce qui permettrait à leurs enfants de poursuivre leur année scolaire, ou si la famille l’accompagne au Kosovo, étant précisé que, à première vue, le couple avait choisi de vivre dans deux pays différents jusqu’au 26 août 2021.

À juste titre, l’OCPM a relevé que l’art. 8 CEDH n’était pas pertinent. En effet, un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 § 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse
(ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3). Tel n’est le cas d’aucun des membres de la famille.

8) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

Dit que les éventuelles voies de recours contre la présente décision, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Luisa Bottarelli, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance et au secrétariat d'État aux migrations.

 

Le vice-président :

 

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :