Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/550/2023

ATA/264/2023 du 16.03.2023 sur JTAPI/200/2023 ( MC ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.04.2023, rendu le 22.06.2023, REJETE, 2C_216/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/550/2023-MC ATA/264/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mars 2023

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Imed Abdelli, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 février 2023 (JTAPI/200/2023)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né le ______ 1979, est originaire du Liban, mais démuni de document d'identité. Il a déposé en 2000 et 2014 en Suisse deux demandes d'asile, lesquelles ont fait l'objet de décisions de rejet et de non-entrée en matière, son renvoi ayant ainsi par deux fois été prononcé.

b. Il a été rapatrié au Liban le 27 mai 2004.

c. En 2014, le transfert de M. A______ en Hongrie, État Dublin responsable, n'a pas pu être effectué en raison de sa disparition dans la clandestinité. Il a par ailleurs fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse, la dernière étant valable jusqu'au 22 février 2024.

d. Le 22 mai 2019, M. A______ s'est vu notifier par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 10 juin 2019 pour quitter le territoire helvétique. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 25 octobre 2019 (JTAPI/934/2019) puis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 23 juin 2020 (ATA/613/2020). M. A______ est toutefois demeuré en Suisse.

e. Entre 2002 et 2021, M. A______ a été condamné à cinq reprises, dont une fois pour crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), le jugement du Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne du 12 juin 2002 le condamnant à cinq ans de réclusion pour infraction grave et contravention à la LStup.

f. Faisant l'objet d'une nouvelle enquête pénale, pour – notamment – incendie intentionnel, M. A______ a été entendu par la police le 17 août 2022 et incarcéré à la prison de Champ-Dollon, où il a par ailleurs purgé plusieurs écrous.

Lors de son audition, il a notamment indiqué n’avoir entrepris aucune démarche en vue de repartir au Liban, ne pas avoir de sources de revenu ni de passeport. Il ne souhaitait pas « mettre dans l’embarras [s]on amie et la nouvelle adresse » où il vivait. Il recevait toujours son courrier chez la tante de Madame B______ au chemin C______ à Genève.

B. a. La demande de soutien à l'exécution du renvoi a abouti en août 2022, les autorités libanaises ayant identifié M. A______ comme l'un de leurs ressortissants.

b. Par acte du 15 décembre 2022, l'OCPM a mandaté les services de police aux fins d'exécuter le renvoi de M. A______.

c. Une place sur un vol à destination de Beyrouth en faveur de M. A______ a été obtenue par les autorités pour le 30 janvier 2023, à 11h45 au départ de Genève. Cette réservation a toutefois dû être annulée en raison du fait que M. A______ devait rester en détention pénale pour une durée encore indéterminée.

d. Une nouvelle place sur un vol a été réservée pour le 13 mars 2023, date annoncée comme étant celle de l'échéance des peines de M. A______. Cette réservation a cependant dû être annulée en raison de l'absence d'informations médicales.

e. M. A______ a été libéré par les autorités pénales le 16 février 2023, libération communiquée aux services de police le même jour à 16h42. Il a été remis aux services de police en vue de son refoulement.

C. a. Le 16 février 2023 à 20h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois. Entendu, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Liban.

b. Entendu le 20 février par le TAPI, M. A______ a indiqué qu’il habitait chez une amie de sa fiancée à la rue de D______ ou la rue E______ : après la crise sanitaire, il n’avait pas pu demeurer chez la tante de Mme B______ au chemin C______. Il n’avait aucune source de revenu en Suisse et faisait venir de l'argent du Liban. Tous ses documents d'identité étaient auprès de l'OCPM et il n’était pas en possession d’un passeport valable. Il n’avait jamais entrepris la moindre démarche pour partir au Liban parce qu’il ne pouvait plus y aller. Il s’opposait à son renvoi au Liban et l'interdiction d'entrer en Suisse avait été levée. Il était d'accord de quitter la Suisse, mais pas pour se rendre au Liban, quand bien même il n’était pas autorisé à vivre dans un autre pays.

Son conseil a déposé un chargé de pièces et confirmé que son client avait effectué toute sa détention pénale. Les démarches en vue de régulariser la situation de son client avaient été entreprises en 2021, mais elle ignorait où elles en étaient et quel type d'autorisation de séjour avait été sollicité. Elle a indiqué ne pas avoir d'informations relative à la levée de l'interdiction d'entrer en Suisse. Elle a confirmé que le nom de famille de son client s'écrivait bien A______. Elle a conclu à la mise en liberté immédiate de M. A______.

La représentante des commissaires de police a déposé des pièces ; elle a indiqué qu'OSEARA avait besoin d'informations médicales complémentaires et qu’ils avaient interpellé le service médical de Champ-Dollon le 16 février 2023, alors que M. A______ était toujours en détention pénale, afin que les informations médicales soient transmises. Il s'agissait du même service médical que celui de l'établissement de Frambois et elle pensait que les informations allaient suivre. Une fois qu’une place sur un vol serait réservée, il faudrait au minimum trois semaines pour qu'un laissez-passer soit délivré. Ils avaient obtenu un tel laissez-passer pour le renvoi prévu le 30 janvier 2023. Elle a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois.

c. Par jugement du 20 février 2023, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 mai 2023 inclus.

M. A______ faisait l’objet de deux décisions de renvoi et d'une interdiction d’entrer en Suisse valable jusqu’en avril 2024, auxquelles il ne s’était pas conformé. Il avait été condamné à plusieurs reprises pour des infractions en lien avec les stupéfiants, notamment pour infraction grave à la LStup. Son comportement dénotait son mépris de l'ordre juridique suisse et des décisions rendues à son encontre.

Il avait par ailleurs disparu dans la clandestinité en 2014. Il n'avait pas voulu donner d'adresse, et avait reconnu être sans ressources. Il ne s'était jamais soumis aux décisions de renvoi rendues à son encontre et avait toujours déclaré refuser de repartir au Liban, si bien qu'il existait des éléments concrets faisant craindre qu’il se soustraie à son renvoi et disparaisse une nouvelle fois dans la clandestinité s’il était remis en liberté. Les conditions de mise en détention étaient donc remplies.

Vu l'ensemble de ces circonstances, seule une détention administrative permettrait de s'assurer de sa disponibilité pour prendre place à bord du vol devant le renvoyer au Liban. Les autorités suisses avaient agi avec diligence et célérité puisqu’elles avaient déjà réussi à obtenir une place sur un vol à deux reprises en vue de procéder au refoulement de l’intéressé, étant encore dans l’attente des informations médicales nécessaires pour leur permettre de réserver une nouvelle place sur un vol à destination du Liban, et ensuite obtenir un laissez-passer.

Enfin, la durée de la détention respectait le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI. En cas d’opposition de M. A______ à son renvoi par vol simple, les autorités pourraient disposer du temps nécessaire pour finaliser son renvoi par la réservation d’une place sur un vol avec escorte policière par exemple, ou, si nécessaire, solliciter une prolongation de la détention.

D. a. Par acte posté le 6 mars 2023, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation du jugement attaqué, à une mise en liberté immédiate ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Après ses études au Liban, il s'était mis à son compte dans le commerce de voitures et de stations-service. Il était aujourd'hui propriétaires de deux immeubles d'une valeur totale de plus de USD 1'000'000.-. Sa famille lui transférait régulièrement les revenus de ses biens. Après son retour au Liban en 2004, il avait exprimé des avis le mettant en conflit avec les milices armées de sa région. Il avait fait l'objet de nombreuses menaces et subi un harcèlement de la part de personnes puissantes, qui s'étaient jurées de le faire emprisonner et de le délester de ses biens s'il devait retourner au Liban. Il était alors revenu en Suisse en 2014, à l'âge de 35 ans. Avec sa fiancée Madame B______, ils avaient déposé le 15 novembre 2016 une demande d'autorisation de séjour en vue de mariage qui avait été refusée, mais ils souhaitaient toujours se marier et avaient l'intention d'entreprendre à nouveau les démarches nécessaires. La situation sociale, politique et économique du Liban était devenue alarmante.

Les faits avaient été constatés de façon inexacte. Le TAPI avait ignoré plusieurs éléments déterminants, dès lors qu'il cautionnait l'avis de l'OCPM concluant à l'urgence de son renvoi sans établir la dangerosité que présenterait sa présence en Suisse, sa condamnation de 2004 étant très ancienne. Il avait également fait fi des éléments permettant d'exclure un risque de fuite.

L'infraction à la LStup étant très ancienne et n'ayant pas été réitérée depuis – les infractions à la législation sur la circulation routière étant de faible gravité –, il y avait lieu de considérer qu'il ne représentait pas une menace pour l'ordre public suisse au sens des art. 75 et 76 LEI.

Aucun risque de fuite ne pouvait être retenu. Il était depuis longtemps en Suisse, n'était pas tombé dans la clandestinité depuis 2014, avait déféré à toutes les convocations judiciaires le concernant depuis 2021, notamment au Ministère public et au TAPI, et avait des attaches avec la Suisse puisqu'il persistait dans ses projets de mariage avec sa fiancée Mme B______. Il avait en outre de quoi vivre et n'avait jamais émargé à l'aide sociale.

Son renvoi était inexigible, tant en raison de la situation qui prévalait au Liban qu'au regard des menaces qui pesaient plus spécifiquement sur son intégrité en cas de retour. En novembre 2022, le Tribunal de police avait du reste renoncé à prononcer son expulsion pénale.

Enfin, la détention était disproportionnée, des mesures de substitution étant plus indiquées. En effet, il n'avait plus de papiers d'identité ni de permis de conduire et n'allait pas abandonner sa fiancée. Il pouvait, si besoin était, se présenter régulièrement auprès d'un poste de police. La durée de la détention prononcée était en outre excessive, d'autant qu'il était presque acquis qu'un éventuel départ pour le Liban serait impossible à organiser dans les trois mois.

Il joignait à son recours des attestations déjà produites dans une précédente procédure au sujet des dangers qu'il encourrait en cas de retour au Liban, ainsi qu'une attestation de Mme B______ confirmant les projets de mariage du couple,

b. Le 10 mars 2023, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

M. A______ était dépourvu de tout document d'identité ou de voyage, n'avait aucune source de revenu avérée, avait été condamné pour crime en matière de stupéfiants en 2002 et n'avait jamais eu de cesse d'occuper les autorités pénales depuis lors. Il faisait l'objet d'une décision de renvoi définitive à laquelle il ne s'était jamais conformé, et s'était en 2014 soustrait à son transfert en Hongrie en disparaissant dans la clandestinité. Il était sans domicile connu, refusait d'indiquer son lieu de résidence et avait confirmé à réitérées reprises son refus catégorique de retourner dans son pays d'origine.

Sa condamnation de 2002 était un crime et figurait toujours à son casier judiciaire, et il existait aussi des éléments concrets faisant craindre qu'il ne se soustraie à son renvoi.

En prétendant que l'exécution de son renvoi mettait sa vie en danger, M. A______ contestait en réalité la décision ordonnant son renvoi, ce qui était exorbitant à la cognition du juge de la détention administrative. La possibilité d'acquérir des billets à destination du Liban ainsi que d'obtenir un laissez-passer était démontrée. Au surplus, si les difficultés de la vie au Liban étaient notoires, elles n'équivalaient pas à une situation de guerre ou de violences généralisées.

Le jugement attaqué respectait le principe de la proportionnalité, aucune autre mesure qu'une détention administrative n'étant envisageable.

c. Le recourant a répliqué et persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.              

2.1 Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 7 mars 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2.2 À teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (al. 3 1ère phr.).

3.             Le recourant invoque une constatation inexacte des faits pertinents. Son grief ne sera toutefois pas examiné plus avant, dans la mesure où il se confond en l'espèce avec une allégation de mauvaise appréciation des faits, laquelle relève du droit.

4.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4.1 Selon l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, l'autorité compétente peut mettre en détention la personne condamnée pour crime (let. h), afin d'assurer l'exécution d’un renvoi ou d'expulsion. La notion de crime correspond à celle de l'art. 10 al. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

4.2 À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime.

4.3 Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

4.4 En l'espèce, le recourant fait l'objet d'une décision de renvoi définitive et exécutoire, et a été condamné pour crime en 2002, si bien qu'une mise en détention administrative est justifiée à teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 cum art. 75 al. 1 let. h LEI. Que la condamnation soit ancienne n'y change rien.

Au surplus, la mise en détention du recourant pouvait également se fonder sur l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI, dans la mesure où il s'est en 2014 soustrait à son transfert en Hongrie en disparaissant dans la clandestinité, où il est sans domicile connu et refuse d'indiquer son lieu de résidence, et enfin où il a confirmé à de nombreuses reprises – la dernière fois devant le TAPI – son refus catégorique de retourner au Liban.

Les griefs relatifs matériellement à la légalité de la mise en détention seront dès lors écartés.

5.             Le recourant fait valoir que sa détention administrative viole le principe de la proportionnalité, l'exécution de son renvoi étant inexigible et des mesures de substitution devant être préférées à une détention administrative.

5.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

5.3 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

5.4 Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

L'art. 83 al. 3 LEI vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH ou l'art. 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 (Conv. torture - RS 0.105 ; ATA/801/2018 7 août 2018 consid. 10c ; ATA/1004/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4a). L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATA/1004/2021 précité ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

5.5 En l'espèce, l'intérêt public à l’exécution du refoulement du recourant est certain, celui-ci ayant notamment commis à réitérées reprises des infractions, y compris – quand bien même cette condamnation est maintenant ancienne – une infraction grave à la LStup lui ayant valu une peine de cinq ans de réclusion, mais aussi des condamnations moins graves mais plus récentes, étant précisé que la procédure pénale P/10705/2022 actuellement en cours concerne notamment des incendies intentionnels et un vol.

Au vu des circonstances mentionnées plus haut – disparition dans la clandestinité dans le passé, refus d'indiquer son lieu de résidence et refus manifesté de manière constante de retourner au Liban –, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il plaide en faveur d'une mesure de substitution à la détention, alors que l'on doit au contraire constater qu'aucune autre mesure moins incisive ne pourrait être à même d'assurer sa présence lors de son renvoi. L'impossibilité alléguée d'organiser celui-ci ne convainc pas davantage, l'autorité intimée ayant déjà démontré être en mesure de réserver un vol à destination de Beyrouth et de se procurer un laissez-passer.

La situation au Liban, pour délétère qu'elle puisse être, n'atteint pas le degré requis par la jurisprudence pour considérer un renvoi comme illicite ou inexigible. Quant aux risques encourus par le recourant à titre personnel, les attestations produites datent de 2019 et sont des plus vagues, ne mentionnant aucun nom de personne ou de parti politique susceptibles d'en vouloir à l'intégrité du recourant. Ce dernier n'explique pas non plus comment des privés seraient en mesure de le faire emprisonner et de confisquer ses biens – dont il n'a pas davantage prouvé l'existence. Le seuil de vraisemblance de ce motif éventuel d'inexigibilité n'est ainsi pas atteint, ce d'autant plus que l'examen de ces questions ressortit avant tout au prononcé du renvoi, lequel est définitif et a fait l'objet d'un examen par la chambre de céans dans l'ATA/613/2020 du 23 juin 2020, à l'issue d'une procédure où les mêmes attestations avaient été produites. Or quoi qu'en dise le recourant, le changement de contexte procédural ne rend pas lesdites attestations plus probantes.

Enfin, la durée de la détention prononcée par l'intimé et confirmée par le TAPI, soit trois mois, respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 LEI, étant précisé qu'il n'appartient qu'à l'intéressé de mettre fin à sa détention administrative en acceptant de monter à bord du vol devant le reconduire dans son pays d'origine lorsqu’une place lui aura été réservée.

5.6 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative du recourant pour une durée de trois mois.

6.             La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 février 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Imed Abdelli, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. Croci Torti

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :