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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4366/2022

ATA/181/2023 du 28.02.2023 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4366/2022-MARPU ATA/181/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 février 2023

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

OFFICE CANTONAL DES BÂTIMENTS - SERVICE ACHAT ET CONTRACTUALISATION intimé



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______ ou la société) est inscrite au registre du commerce vaudois depuis le 10 décembre 2020, son siège étant à ______. Elle a pour but « tous travaux de construction métallique et de serrurerie ». Monsieur A______ en est l’administrateur président, avec signature individuelle.

b. Le 25 janvier 2022, l’office cantonal des bâtiments (ci-après : OBA) du département des infrastructures a publié sur le site www.simap.ch un appel d’offres, en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux, intitulé « Campus – Battelle – infothèque CFC 221 Fenêtres et portes extérieur en métal ». Sous « objet et étendue du marché », il était indiqué : « remplacement de fenêtres acier et aluminium sur un bâtiment d’intérêt patrimonial, pour lequel il est important d’apporter attention aux détails et aux finitions ». Des variantes étaient admises. Les travaux étaient prévus dès le 10 mai 2022 et devaient prendre fin le 27 janvier 2023. Les critères de pondération consistaient en 35% pour le prix, 30 % pour la qualité technique, 30 % pour les références et expériences et 5 % pour le critère de la formation professionnelle. Une visite, obligatoire, du site d’exécution était prévue le 7 février 2022 à 13h00 pour « une vision précise des travaux demandés ». Les éventuelles questions pouvaient être posées jusqu’au 10 février 2022. Le délai pour soumissionner était fixé au 21 février 2022. Les voies de recours contre l’appel d’offres étaient indiquées.

Les conditions générales du cahier d’appel d’offres indiquaient : « Domaine individuel (fenêtre de réserve) : seul endroit où l’introduction d’un article modifié ou ajouté par l’utilisateur est autorisée. Les articles personnalisés sont reconnaissables à la lettre « R » précédant leur numéro » (000 page 25 de la soumission). Le n° 090.100, sur la même page du document, mentionnait sous « proposition de Marques, produits et systèmes » avec la mention « R », « les produits et systèmes mentionnés dans le descriptif sont des propositions. L’entrepreneur a le droit de proposer un produit différent, à condition qu’il soit similaire et qu’il ait des caractéristiques équivalentes ».

L’annexe K2+ indiquait, au point 3.16 « variante d’offre de la part du soumissionnaire », qu’ « une variante d’offre est admise, en plus de l’offre de base, mais pas obligatoire. Le soumissionnaire peut donc proposer », notamment, « une variante sur les produits, matériaux et/ou fournitures décrits dans le cahier des charges (proposition d’un autre produit, matériau et/ou fourniture) ».

c. A______ a soumissionné dans le délai imparti pour un montant, hors taxes, de CHF 341'181.-.

Dans l’annexe R14 intitulée « degré de compréhension du cahier des charges », à la question de savoir quel était le « point faible du cahier des charges qui nécessite d’être clarifié », la société a relevé « le choix des matériaux (les conditions générales stipulent que nous pouvons choisir les matériaux (aluminium/acier) et la soumission décrit quelque chose qui peut être interprété comme nous le voulons) ».

d. Le procès-verbal d’ouverture des offres du 24 février 2022, mentionne la réception de sept offres, dont la précitée.

e. Les 4 octobre et 28 novembre 2022, l’OBA a adressé à A______ un « formulaire de demandes de clarification ».

En réponse au premier, concernant les modifications à la planification générale des travaux, la société a confirmé qu’elle maintenait son offre.

Le second portait sur le type de matériau. L’OBA demandait de spécifier les produits choisis pour les chiffrages des CFC 221.3 Fenêtres en acier et CFC 221.4 Fenêtres en aluminium. La société a précisé, pour les deux, sous « marque et type » : « CS 77 de Reynaers (variante en acier type Forster unico) » et sous « matériel » : « aluminium > selon remarques annexe A1 et chapitre soumission : 080.100 à 090.100 [ ] vous trouvez toujours le prix de variante sous chaque position en rouge ». Sous conclusion, elle précisait qu’elle proposait pour l’ensemble du projet des matériaux en aluminium, plus écologiques que l’acier, car ayant besoin de moins d’énergie pour les produire et qui permettaient de garder les mêmes esthétique, exigences, statique et fonctionnalité. En cas de réparations futures, il était plus simple de changer les pièces et accessoires sur des éléments en aluminium. Enfin, la quantité permettait d’avoir de meilleurs prix de la part du fournisseur et de faire une offre plus avantageuse.

f. Par décision du 14 décembre 2022, l’OBA a écarté l’offre de A______, au motif qu’elle n’était pas conforme au cahier des charges, au vu du non-respect du choix des matériaux demandés.

B. a. Par acte du 22 décembre 2022, A______ a interjeté recours contre cette décision devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à son annulation.

Elle sollicitait la production de « tout document attestant que [le pouvoir adjudicateur] avait interpellé la recourante à la suite des clarifications du 28 novembre 2022, ainsi qu’après ses déclarations dans le formulaire relatif au degré de compréhension du cahier des charges. Elle sollicitait la « fixation de débats ». L’effet suspensif devait être octroyé au recours.

L’appel d’offres n’imposait aucun matériau déterminé. Elle avait soumis une variante à l’acier, ce qui était autorisé. Le document de soumission précisait que « les produits et systèmes mentionnés dans le descriptif sont des propositions. L’entrepreneur a le droit de proposer un produit différent, à condition qu’il soit similaire et qu’il ait des prestations équivalentes ». Une partie du marché était déjà en aluminium. Elle avait soumis une variante en se référant et annexant la brochure « CS77 » ainsi que des plans et une annexe A1 (annexe R20). Elle avait par ailleurs indiqué dans l’annexe 13 que le fait que le bâtiment impacté par le marché litigieux revêtait un intérêt patrimonial, l’utilisation de gammes en aluminium ne posait aucun problème, proposait plus de choix au niveau des largeurs et ne s’oxydait pas. Dans le formulaire relatif au degré de compréhension du cahier des charges, elle avait indiqué que, selon les documents d’appel d’offres, les conditions prévoyaient la possibilité pour les soumissionnaires de choisir les matériaux.

Le pouvoir adjudicateur avait exclu son offre, pourtant la mieux-disante, sans lui offrir la possibilité de s’expliquer. La décision était insuffisamment motivée.

Les conditions de l’art. 42 al. 1 let. a du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01) n’étaient pas remplies. Les principes de proportionnalité et d’interdiction du formalisme excessif avaient été violés car le défaut, contesté, de l’offre serait en tous les cas bénin.

Le principe de la bonne foi avait été violé à deux égards. D’une part, l’appel d’offres ne contenait aucune restriction quant aux matériaux pour les travaux litigieux, les variantes étant autorisées. D’autre part, la décision violait les principes d’économicité (art. 43 al. 3 1ère phrase RMP) et du respect de l’environnement (art. 43 al. 3 2ème phrase RMP).

b. Par courrier du 23 décembre 2022, la chambre administrative a fait interdiction à l’OBA de conclure le contrat d’exécution de l’offre.

c. L’OBA a conclu au rejet de la requête en octroi d’effet suspensif et du recours.

Le descriptif de la soumission n° 230 prévoyait, en première page, une division du marché entre fenêtres en acier (CFC 221.3) et en aluminium (CFC 221.4). Il était divisé en deux parties, l’une pour les fenêtres en acier (p. 25 ss) et l’autre pour celles en aluminium (p. 41 ss). Le descriptif de chacune d’elles mentionnait clairement respectivement l’acier (p. 31) et l’aluminium (p. 41). Les matériaux étaient imposés, ce qui ressortait clairement de l’appel d’offres. De surcroît, l’importance patrimoniale des bâtiments avait été relevée dans l’appel d’offres et le service des monuments et sites (ci-après : SMS) avait validé les plans.

Dans sa réponse à la demande de clarification du 28 novembre 2022, la société avait répondu proposer des fenêtres en aluminium pour le CFC 221.3. Le choix des matériaux n’était en conséquence pas respecté. Si le soumissionnaire avait le droit de proposer un produit différent selon le § 090.100, sous l’intitulé « marques, produits et systèmes », A______ avait proposé un matériau différent, ce qui n’était pas comparable. Un produit était un article fabriqué ou modifié à partir de matières premières et non un matériau, ce que la société ne pouvait ignorer. Il n’avait pas retenu de « variante » dans l’offre de A______, en l’absence de toute mention d’un montant « variante » dans l’annexe R1 ou dans tout autre document. Seuls quelques prix unitaires avaient été mentionnés dans l’offre sans qu’il ne puisse comprendre à quoi ils correspondaient ni ne puisse en déduire un montant total pour une variante. Les informations relatives aux prix étaient lacunaires. Il citait deux exemples.

Le délai entre l’ouverture des offres et la décision s’expliquait par des motifs financiers et organisationnels propres à l’État, contraint de décaler le projet. Le marché n’avait pas encore été adjugé.

d. Dans sa réplique sur effet suspensif et au fond, la recourante a relevé que l’autorité intimée « tentait un raisonnement par l’absurde » lorsqu’elle mentionnait que les produits n’étaient pas des matériaux. Elle contredisait les documents d’appels d’offres puisqu’il était admis de proposer un produit ou système différent. Ils pouvaient être composés d’autres matériaux, « les seconds étant les composants des premiers ». Elle avait valablement soumis des variantes en indiquant « vous trouverez toujours le prix de variante sous chaque position en rouge ». Il n’était d’ailleurs pas nécessaire de le préciser puisqu’elles ne pouvaient concerner que les rubriques avec un « R ». Elle avait systématiquement rajouté les termes « variantes » dans l’annexe A1 (R 20). Elle l’avait fait sciemment « en vue de laisser le choix des matériaux à l’autorité intimée ». Si le dossier d’appel d’offres avait été vicié, l’OBA aurait dû demander des précisions avant l’ouverture des offres et ne pas attendre dix mois avant de l’exclure. L’intérêt patrimonial du bâtiment était discutable et les fenêtres en aluminium pas de nature à le dénaturer. L’autorité n’avait pas indiqué clairement qu’elle interdisait tout autre matériel. Elle devait assumer le flou de sa communication.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1bis let. d de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 RMP).

2.             La recourante sollicite des mesures d’instruction, à savoir la production de documents et la « fixation de débats ».

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 146 IV 218 consid. 2.3). Cela n’implique pas une audition personnelle de l’intéressé, celui-ci devant simplement disposer d’une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l’issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 3.1.1).

2.2 La recourante demande la production de « tout document attestant que [le pouvoir adjudicateur] avait interpellé la recourante à la suite des clarifications du 28 novembre 2022 », ainsi qu’après ses déclarations dans le formulaire relatif au degré de compréhension du cahier des charges. Or, il n’est pas contesté par le pouvoir adjudicateur qu’il ne l’a interpellé ni après l’envoi, par la société, de la deuxième demande de clarification dûment complétée, ni à propos du « formulaire relatif au degré de compréhension du cahier des charges ».

La recourante n’a par ailleurs pas droit à des débats, conformément à l’art. 41 LPA. Elle n’indique par ailleurs pas ce que ceux-ci pourraient apporter de plus à l’instruction de la présente cause qu’elle n’aurait pas eu l’occasion d’exprimer dans son recours, sa réplique sur effet suspensif, sa réplique au fond ainsi que par les pièces qu’elle a produites. La chambre de céans étant en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé, il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             La recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue sous deux aspects : la motivation insuffisante de la décision et l’absence d’interpellation avant la décision d’exclusion.

3.1 La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2..). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 3.1) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références citées).

En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu'a l'autorité d'indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/Nicolas MICHEL, Le droit des marchés publics, 2002, p. 256).

L’autorité n’a pas à attirer spécialement l’attention des parties sur les faits décisifs qui leur sont connus et qui fonderont la décision, ni sur l’argumentation juridique future de cette décision ou sur son appréciation juridique des faits allégués (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 269). Le Tribunal fédéral a jugé que la garantie constitutionnelle de l’interdiction du formalisme excessif n'oblige pas le pouvoir adjudicateur à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.5).

3.2 En l’espèce, la décision précise que l’offre n’est pas conforme au cahier des charges, en raison du non–respect du choix des matériaux demandés. Cette motivation est certes succincte, mais est suffisante au vu de la jurisprudence en matière de marchés publics. Elle n’a par ailleurs pas empêché la recourante d’interjeter recours de façon motivée. Enfin, même à considérer que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas suffisamment motivé sa décision, cette informalité a pu être réparée dans le cadre de la procédure de recours.

De même, le pouvoir adjudicateur a interpellé la recourante et a sollicité des clarifications quant aux matériaux proposés. Il a ainsi donné l’occasion à la société de préciser ce point. Il n’avait aucune obligation de l’interpeller une seconde fois avant de rendre la décision d’exclusion.

Le droit d’être entendue de la recourante n’a pas été violé.

4.             La recourante conteste que les conditions de l’at. 42 al. 1 let. a RMP soient remplies.

4.1 L’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges ou ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner (art. 42 al. 1 let. a et
b RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend alors une décision d’exclusion motivée (art. 42 al. 3 RMP).

4.2 Le droit des marchés publics est formaliste, ce que la chambre administrative a rappelé à plusieurs reprises (ATA/243/2020 du 3 mars 2020 consid. 4d ; ATA/970/2019 du 4 juin 2019 et les références citées), notamment lorsqu'elle a confirmé des décisions d'exclusion d'offres fondées sur la non-production des attestations requises dans l'appel d'offres au titre de condition de participation à la procédure de soumission (ATA/188/2021 du 23 février 2021 consid. 5 ; ATA/1208/2020 du 1er décembre 2020 consid. 5). L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/1300/2018 précité consid. 3b ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017 et les références citées). Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation. La conformité au droit de cette approche formaliste a été confirmée par le Tribunal fédéral (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4).

Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif, tirée de l’art. 29 Cst. interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1). Ainsi, des erreurs évidentes de calcul et d'écriture peuvent être rectifiées (art. 39
al. 2 RMP) et des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires
(art. 40 et 41 RMP). Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive. À cet égard, l’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/384/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 et les références citées). L'interdiction du formalisme excessif ne l'oblige cependant pas à interpeller un soumissionnaire en présence d'une offre défaillante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.5).

4.3 Ces principes valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation et il est exclu d'autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents (ATA/1446/2017 précité ; ATA/490/2017 précité et les références citées).

4.4  L'appel d'offres est une décision sujette à recours (art. 15 al. 1bis let. a AIMP ; 55 let. a RMP). Le soumissionnaire qui entend contester les conditions de l’appel d’offres doit le faire, pour des raisons de bonne foi, dans le cadre de l'appel d'offres et non plus au moment de la décision d'adjudication, sans quoi il est forclos (ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; 125 I 203 consid. 3a ; ATA/588/2018 du 12 juin 2018 consid. 3d et les références cités).

4.5 En l’espèce, la recourante a proposé, pour les CFC 221.3 et 221.4, des fenêtres en aluminium. Elle a confirmé ce choix à la suite de l’interpellation de l’autorité intimée, dans le formulaire de clarification du 28 novembre 2022. La recourante a détaillé, dans son offre puis dans le formulaire précité, ce qu’elle considérait être les avantages de l’aluminium sur l’acier, notamment son caractère plus écologique, une esthétique identique, des statiques et fonctionnalités comparables, des réparations futures plus faciles, et des prix plus bas. Elle a confirmé proposer de l’aluminium pour l’entier du projet. Ce faisant elle n’a pas respecté l’exigence de soumettre une offre pour des fenêtres en acier pour le CFC 221.3.

La recourante invoque le caractère bénin de la différence. Elle ne peut être suivie. Cette caractéristique était mentionnée clairement dans le dossier d’appel d’offres du marché. Elle était détaillée sur plusieurs pages dans le cahier d’appel d’offres, dans deux chapitres distincts, soit les pages 25 à 40 avec l’intitulé CFC 221.3 et pages 41 à 49 avec la mention en haut de page 221.4. Les titres des deux CFC comportent la précision du matériau. Ainsi, la mention de l’acier est faite en page 25, en gras, en guise de titre, puis sous les références 041.100, en page 31, qui décrit, en trois lignes, le « système de fenêtre », soit « fenêtre en acier ; profilé type Forster ou similaire ; Bâtiment E2 ». Aucun « R » n’est mentionné à côté de ces précisions. Il n’y a pas non plus de ligne avec pointillés, ce qui implique qu’aucune variable n’est ouverte. Le matériau des fenêtres était en conséquence un critère important du marché concerné.

La recourante allègue que l’appel d’offres n’était pas clair, notamment en indiquant « les produits et systèmes mentionnés dans le descriptif sont des propositions. L’entrepreneur a le droit de proposer un produit différent, à condition qu’il soit similaire et qu’il ait des prestations équivalentes ». Cette phrase ne porte toutefois pas à confusion, ne faisant pas mention de variation dans les matériaux.

Autre est la question de l’annexe K2+ qui indique, au point 3.16 « variante d’offre de la part du soumissionnaire », qu’ « une variante d’offre est admise, en plus de l’offre de base, mais pas obligatoire. Le soumissionnaire peut donc proposer, [notamment], une variante sur les produits, matériaux et/ou fournitures décrits dans le cahier des charges (proposition d’un autre produit, matériau et/ou fourniture) ». Toutefois, ce point traite des variantes. Celles-ci étaient admises, ce que la publication sur le site simap.ch mentionnait. Conformément au point 3.16, elles étaient toutefois conditionnées au dépôt d’une « offre de base ». Le second point du même article précise qu’une variante n’était prise en considération que si une offre de base avait été déposée conformément aux exigences du cahier des charges et que l’offre de base était recevable. Or, la recourante n’a proposé, pour le CFC 221.3, que des fenêtres en aluminium, sans faire de proposition de base. De surcroît, contrairement à ce qu’elle soutient, l’autorité intimée n’indique pas que l’annexe R1 ait été manquante. Celle-ci en critique la lisibilité et la clarté. Il est à ce titre exact que les prix relatifs à une variante ne ressortent pas clairement de cette pièce. Ce terme n’est pas mentionné dans le document et seuls des intitulés du type « Fenêtres 1 », « Fenêtres 2 » ou « Porte 1 » sont indiqués avec la mention d’un prix global. De même, l’annexe R20 relative à la « liste du matériel proposé » renvoie aux annexes fournies avec la mention « étant donné que l’aluminium utilisé en Suisse est recyclé à 99,8 % et qu’il nécessite moins d’énergie pour la refonte que l’acier, il serait idéal pour ce genre de projet car les exigences statiques fonctionnent et que l’empreinte carbone est diminuée ». Il ne ressort en conséquence pas de ces pièces une offre claire, complète, conforme et recevable pour une variante. Son offre ne répond en conséquence pas aux exigences du cahier des charges.

La recourante a d’ailleurs relevé, dans l’annexe R14 « degré de compréhension du cahier des charges » que « le choix des matériaux (les conditions générales stipulent que nous pouvons choisir les matériaux (aluminium/acier) et la soumission décrit quelque chose qui peut être interprété comme nous le voulons) ». Elle était en conséquence consciente du problème en déposant son offre. Or, elle n’est pas autorisée à ne se prévaloir d’une mauvaise compréhension du cahier des charges, voire à reprocher à l’autorité intimée des contradictions intrinsèques à celui-ci ou la possibilité de l’interpréter différemment, qu’après l’adjudication. Conformément à la jurisprudence et au principe de la bonne foi, il lui appartenait de faire recours contre l’appel d’offres, ce qu’elle n’a pas fait. Elle aurait par ailleurs dû, à tout le moins, poser une question dans le délai au 10 février 2022, ce qu’elle n’allègue pas avoir fait.

Le grief de violation de l’art. 42 al. 1 let. a RMP sera rejeté.

5.             La recourante invoque une violation du principe de la bonne foi à deux égards. L’appel d’offre ne contiendrait aucune restriction quant aux matériaux pour les travaux litigieux et les principes d’économicité (art. 43 al. 3 1ère phrase RMP) et du respect de l’environnement (art. 43 al. 3 2ème phrase RMP) n’auraient pas été respectés.

5.1 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4).

5.2 Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (art. 43 al. 3 RMP).

5.3 Conformément aux considérants qui précèdent, l’appel d’offres est clair quant aux matériaux exigés, respectivement, pour les CFC 221.3 et 221.4. Il ne peut être reproché au pouvoir adjudicateur un comportement contraire au principe de la bonne foi.

Par ailleurs, l’art. 43 RMP traite des critères d’adjudication, non applicables en l’espèce, l’offre de la recourante n’ayant pas être évaluée en application de l’art. 42
al. 3 RMP.

Le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend sans objet la requête en octroi de l’effet suspensif au recours.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2022 par A______ SA contre la décision de l’office cantonal des batiments - service achat et contractualisation du 14 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n'est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s'il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à l’office cantonal des bâtiments - service achat et contractualisation ainsi qu'à la Commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, M. Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :