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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1982/2022

ATA/123/2023 du 07.02.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1982/2022-AIDSO ATA/123/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 février 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. Madame A______, née le ______ 1965, originaire d’Angola et titulaire d’un permis C, était domiciliée à Bienne, ______, rue du B______, et bénéficiaire de l’aide sociale.

b. Le 31 mai 2021, elle a annoncé son départ au 15 mai 2021 pour Genève.

c. Elle est la mère de deux enfants, adultes, dont Madame C______, née le ______ 2000, arrivée à Genève le 15 juin 2020, et domiciliée selon les registres de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) jusqu’au 16 septembre 2020 au , ______ rue D______, puis dès cette date au ______, rue des E______.

d. Le 7 juin 2021, elle a signé une fiche d’accueil de l’Hospice général (ci-après : l’hospice), un document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général » ainsi que « Demande de prestations d’aide sociale financière », en vue de l’obtention d’une aide sociale et financière, à teneur desquels son adresse légale était au, ______ rue D______ à Genève. Sur ce dernier document est précisé qu’elle était, avec sa fille, titulaire du bail.

e. Une enquête d’ouverture de dossier a été effectuée le 11 juin 2021, à teneur de laquelle Mme A______ avait quitté le canton de Genève le 19 avril 1997, selon l’OCPM, était titulaire d’un permis B échu au 18 mai 1995, séparée de son époux et enregistrée à l’avenue des F______ à Châtelaine, sans filiation connue.

Selon le contrôle terrain effectué le 16 juin 2021 au ______ rue D______, les noms « A______ C______ », « H______-G______-I______ » et « J______ » figuraient sur la boîte aux lettres et « J______ K______ » sur la porte palière. La fille des logeurs, Mme et M. G______, qui avait ouvert au contrôleur, avait répondu que « l’usagère » n’habitait pas le logement et qu’elle ignorait où elle résidait.

f. Pour le surplus, les documents suivants ressortent de la procédure :

-       Un extrait de compte bancaire auprès de la banque Migros du 8 juin 2021, au nom de l’intéressée, à l’adresse ______, rue du B______ à Bienne, avec un solde de CHF 6'038.25 au 1er juin 2021 ;

-       Un extrait de compte bancaire auprès de l’UBS du 8 juin 2021, au nom de l’intéressée, à la même adresse à Bienne, avec un solde de CHF 1'155.39 au 25 mai 2021 ;

-       Un autre extrait de ce compte établi le 12 novembre 2011, au nom de l’intéressée, à la même adresse à Bienne ;

-       Un contrat de bail à loyer et un avis de fixation du loyer, portant sur un bail débutant le 16 mai 2021, pour le bien sis ______, rue des E______, avec pour locataires Mmes C______ et A______ ;

-       Une attestation de l’OCPM du 14 octobre 2021, selon laquelle Mme A______ avait indiqué comme adresse dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour « p.a. M. J______, rue D______ ______, 1202 Genève » ;

-       Un document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général » daté du 16 novembre 2021, indiquant pour adresse le ______, rue D______ à Genève ;

-       Une demande de prestation d’aide sociale financière du même jour, indiquant cette même adresse, avec la mention que Mme A______ logeait à la pension ______, l’adresse au ______ rue D______ servant uniquement pour le courrier ;

-       Une attestation d’aide financière de l’hospice datée du 4 août 2022, selon laquelle Mme A______ avait été bénéficiaire de l’aide sociale du 1er octobre 2021 au 31 août 2022 ;

-       Un contrat de bail à loyer et un avis de fixation du loyer portant sur un appartement sis ______, bd M______ à Genève, débutant le 15 décembre 2021, au nom de Mmes C______ et L______ ;

-       Un contrat de sous-location dudit appartement par Mme A______ dès le 15 décembre 2021, signé le 19 janvier 2022.

g. À teneur des registres de l’OCPM, son retour à Genève n’est pas enregistré à ce jour.

B. a. Par décision du 4 février 2022, le centre d’action sociale N______ (ci-après : CAS) a refusé d’octroyer à Mme A______ des prestations d’aide sociale pour la période du 1er juin au 30 septembre 2021, l’intéressée n’étant pas enregistrée officiellement à Genève pour cette période.

b. Par courrier du 3 mars 2022, Mme A______ a formé opposition à cette décision, indiquant avoir annoncé son départ à la police des étrangers et au service social de Bienne le 30 mai 2021 et estimant avoir fourni tous les éléments demandés.

c. Par décision sur opposition du 16 mai 2022, l’hospice a confirmé la décision du CAS de N______ du 4 février 2022.

La résidence effective à Genève de Mme A______ pour les mois de juin à septembre 2021 n’avait pas pu être établie lors du dépôt de sa demande de prestations au mois de juin 2021. Elle ne résidait pas à l’adresse indiquée dans sa demande lors du contrôle, le bail produit ne constituant pas une preuve de sa résidence, pas plus que l’attestation de l’OCPM communiquant les données qu’elle avait transmises dans le cadre de sa demande d’autorisation de séjour. Elle ne remplissait donc pas les conditions nécessaires pour l’octroi d’une aide financière et cette dernière ne pouvait pas lui être versée de manière rétroactive à défaut de document probant. La résidence effective à Genève n’avait pu être établie que dans sa demande de prestation formée en novembre 2021.

C. a. Par courrier mis à la poste le 15 juin 2022, Mme A______ a formé « opposition » auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

Son adresse à Genève lors de son arrivée était à la rue des E______ ______, selon le bail que sa fille avait contracté pour elle, et non à la rue D______ ______.

Elle a produit plusieurs courriers à son attention, à l’adresse ______, rue des E______, datés de la période litigieuse, de son assurance maladie, de l’enseigne Pfister et de divers services de la ville de Bienne, ainsi qu’une attestation de départ de Bienne pour Genève au 15 mai 2021.

Elle demandait à être entendue, n’étant pas à l’aise à l’écrit.

b. Par courrier subséquent du 24 juin 2022, elle a maintenu qu’elle séjournait à son arrivée en juin 2021 à la rue des E______, comme annoncé dans sa demande, et non à la rue D______, adresse à laquelle le contrôleur ne pouvait pas la trouver. Elle n’avait jamais bénéficié de l’aide financière de la Société suisse d’utilité publique, son assistante sociale ayant refusé, selon courrier adressé le 15 juillet 2021 à la rue des E______. Elle avait cédé cet appartement à sa fille en raison de son incapacité financière, pour aller vivre chez une amie, son adresse postale étant alors modifiée pour la rue D______, chez un tiers. Elle avait ensuite été placée dans un foyer pour sans-abris puis à la pension ______, avant de pouvoir intégrer un appartement en colocation au Boulevard M______ ______, le 16 décembre 2021, avec l’aide de sa fille.

Elle avait déployé beaucoup d’efforts pour réunir les documents demandés et était allée systématiquement les déposer à la réception de l’hospice, malgré les complications dans l’administration liées à la crise sanitaire.

Elle demandait la production de sa demande d’aide financière, car elle l’avait remplie à la main, un tiers ayant rempli d’autres rubriques et l’adresse ayant apparemment été modifiée à l’ordinateur.

c. Le 16 août 2022, l’hospice a conclu au rejet du recours.

Reprenant son argumentation du 16 mai 2022, il a en outre relevé et documenté que la recourante n’avait jamais été domiciliée officiellement à la rue des E______, et avait signé la fiche d’accueil du 2 juin 2021 ainsi que le document « Mon engagement » sur lesquels figuraient l’adresse de la rue D______, sans les contester à ce moment-là, soutenant en vain qu’une modification avait été apportée ultérieurement. À la suite du contrôle terrain infructueux, l’assistante sociale lui avait demandé de donner son adresse effective et de régulariser sa situation à l’OCPM, mais cette dernière ne s’était pas manifestée avant le 16 août 2021 pour demander une attestation selon laquelle elle ne percevait pas de prestations, afin de pouvoir s’adresser à un autre service social, puis le 18 octobre 2021, pour remettre une attestation de l’OCPM datée du 14 octobre 2021 et mentionnant pour adresse la rue D______. Elle ne donnait aucune précision quant à sa date de départ de la rue des E______, le motif pour lequel sa fille aurait refusé de partager le logement avec elle, les coordonnées de l’amie qui l’avait hébergée et ne documentait pas son séjour au foyer pour sans-abris. Elle disposait par ailleurs de plusieurs adresses postales, actives, à Genève (______, rue des E______ et ______, bd M______) et à Bienne (______, rue du B______). Par courrier reçu au CAS le 31 janvier 2022, elle avait demandé l’octroi rétroactif de l’aide financière à compter du mois de juin 2021.

Tant le domicile légal que la résidence effective de la recourante n’avaient donc pas été établis pour la période de juin à septembre 2021.

Pour le surplus, outre que la recourante avait travaillé et perçu un salaire au début du mois de septembre 2021, elle disposait à fin mai 2021 d’une somme de plus de CHF 7'000.- sur l’ensemble de ses comptes bancaires, ce qui la plaçait au-delà des barèmes d’intervention de l’hospice.

d. Mme A______ n’a pas répliqué dans le délai qui lui a été imparti au 19 septembre 2022.

La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.              

2.1 Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 2b ; ATA/1718/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2).

2.2 En l'espèce, bien que les conclusions de la recourante ne ressortent pas expressément de l'acte de recours, on comprend qu’elle réclame l'annulation de la décision sur opposition du 16 mai 2022 lui refusant l’octroi rétroactif de l’aide sociale pour les mois de juin à septembre 2021. Son recours répond ainsi aux exigences de l'art. 65 LPA et est donc recevable.

3.             La recourante demande à être entendue oralement.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, la recourante a eu l’occasion de s’exprimer devant l’hospice à plusieurs reprises ainsi que devant la chambre de céans, et de produire toute pièce utile. À ce propos, elle allègue, sans toutefois le démontrer, que l’adresse inscrite sur sa demande d’aide sociale du 7 juin 2021 a été modifiée ultérieurement et ne correspond pas à celle qu’elle avait indiqué à la main. Or, un examen circonstancié du dossier en mains de la chambre de céans permet de constater que celui-ci contient toutes les pièces nécessaires à la résolution du présent litige, notamment le formulaire rempli à la main, qu’elle a également signé. 

Il ne sera pas donné droit à sa demande d’audition, qui n’est au demeurant pas obligatoire.

4.              

4.1 Aux termes de l’art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1 ; 136 I 254 consid. 4.2 ; 135 I 119 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/878/2016 du 18 octobre 2016 ; ATA/761/2016 du 6 septembre 2016).

4.2 En droit genevois, la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

À teneur de son art. 1 al. 1, la LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel. Conformément à l'art. 9 al. 1 in initio LIASI, les prestations d'aide financière sont subsidiaires à toute autre source de revenu.

4.3 Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI).

4.4 L’aide sociale est subsidiaire à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire doit faire valoir sans délai ses droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doit mettre tout en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/878/2016 précité). L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (MGC 2005-2006/I A p. 259 ; ATA/4/2015 du 6 janvier 2015).

4.5 Selon l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c), soit celles des art. 21 à 28 LIASI, ces conditions étant cumulatives.

Le demandeur doit fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il doit informer l’hospice immédiatement et spontanément de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière et de se soumettre en tout temps à une enquête de l’hospice sur sa situation personnelle et économique et en autorisant en tout temps un contrôle à domicile.

La notion de domicile est, en droit suisse, celle des art. 23 et 24 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), soit le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 ab initio CC). La notion de domicile contient deux éléments : d'une part, la résidence, soit un séjour d'une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d'autre part, l'intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de la personne intéressée (ATF 141 V 530 consid. 5.2 ; 136 II 405 consid. 4.3). Ce n'est pas la durée du séjour à cet endroit qui est décisive, mais bien la perspective d'une telle durée (arrêts du Tribunal fédéral 5A.398/2007 du 28 avril 2008 consid. 3.2 ; 5A.34/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.2). Du point de vue subjectif, ce n'est pas la volonté interne de la personne concernée qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire qu'elle a cette volonté (ATF 137 II 122 consid. 3.6 = JdT 2011 IV 372 ; 133 V 309 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A.398/2007 précité consid. 3.2).

5.             L'art. 35 LIASI prévoit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque la personne bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'elle ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI (art. 35 al. 1 let. c LIASI) ou qu'elle refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles (art. 35 al. 1 let. d LIASI).

6.             En l’espèce, l’intimé a retenu que la recourante n’était pas domiciliée dans le canton de Genève pour la période de juin à septembre 2021, en se fondant sur le constat opéré par l’enquêteur le 16 juin 2021 à l’adresse indiquée par la recourante dans sa demande comme son domicile (______, rue D______), dont les occupants ont indiqué qu’elle n’y vivait pas et ignoraient son lieu de vie.

Cette dernière a objecté qu’elle n’avait jamais indiqué comme adresse le 2,___ rue D______ mais le ______, rue des E______, ce qui ressortirait de la fiche d’accueil qu’elle avait remplie de sa main, et que l’enquêteur s’était donc rendus à la mauvaise adresse où il ne pouvait pas la trouver. Elle a également allégué que l’adresse indiquée sur les documents aurait été modifiée par la suite à son insu et a requis la production de l’original de sa demande.

Or, il ressort des documents produits par l’intimé, dont aucun indice ne permet de douter de l’authenticité, que tant la fiche d’accueil (remplie à la main), que les documents partiellement manuscrits « Demande de prestations d’aide sociale financière » et « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général », indiquent comme adresse pour la recourante le ______, rue D______. Ces documents, remplis soit par la recourante, soit selon ses instructions, mentionnent tous cette adresse, sans aucune restriction particulière, telle que celle apportée sur la demande de prestations que la recourante a formée le 16 novembre 2021. À cela s’ajoute que la recourante a signé ces documents, dont elle ne prétend pas ne pas avoir pu prendre connaissance et relire pour vérifier l’exactitude des données y mentionnées.

La recourante ne conteste pas que son assistante sociale l’a contactée à la suite de cette enquête pour l’inviter à lui communiquer son adresse de résidence ni qu’elle ne lui a pas répondu avant la mi-août 2021, sans toutefois lui indiquer d’adresse effective.

Elle ne démontre pas non plus avoir effectué de démarches auprès de l’OCPM pour établir son domicile à Genève, étant au demeurant relevé que son arrivée dans le canton n’apparait toujours pas dans les registres de cet office.

Quant à l’avis de départ de la ville de Bienne du 30 mai 2021, à compter du 15 mai 2021, en direction de Genève, il ne constitue qu’un indice, insuffisant à lui seul, de son arrivée à Genève. Il n’est pas à même d’établir son domicile ni sa résidence effective.

Enfin, les extraits de ses comptes bancaires, qui font apparaître des prélèvements durant la période litigieuse mais également antérieurement, tant à Genève qu’à Bienne, ne permettent pas de démontrer une résidence effective à Genève. Les divers courriers de tiers à son intention durant cette période, l’ont été à trois adresses différentes, à Bienne et à Genève, et illustrent tout au plus qu’elle était joignable – à tout le moins par voie postale – à ces adresses.

Seul le bail portant sur le ______, rue des E______, dès le 16 mai 2021, l’indiquant comme colocataire avec sa fille, étaye ses allégations. Néanmoins, il n’est pas non plus suffisant à lui seul pour démontrer qu’elle y avait sa résidence effective, à défaut d’avoir été transmis à temps pour permettre une visite domiciliaire et d’être corroboré par d’autres éléments du dossier. Au demeurant, la recourante a indiqué avoir dû l’abandonner durant la période litigieuse faute de moyens financiers, sans communiquer d’informations permettant de démontrer son/ses lieux de résidence effective depuis lors.

Dans ces circonstances, c’est avec raison que l’intimé était fondé à retenir que le recourante ne vivait pas effectivement à l’adresse indiquée dans sa demande et n’avait pas démontré, pas même a posteriori, pour la période de juin à septembre 2021, qu’elle disposait d’une résidence effective à Genève, et en conséquence a refusé de lui octroyer les prestations de l’aide sociale.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2022 par Madame A______ contre la décision de l’Hospice général du 16 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Mme Lauber, présidente, M. Mascotto et Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. Lauber

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :