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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4390/2022

ATA/83/2023 du 26.01.2023 sur JTAPI/1456/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4390/2022-MC ATA/83/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 janvier 2023

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Benjamin Moret, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 décembre 2022 (JTAPI/1456/2022)


EN FAIT

A. a. Le 8 octobre 2014, Monsieur A______, né le ______ 1992, ressortissant de Gambie, a déposé une demande d’asile en Suisse, demande que le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : le SEM) a rejetée par décision du 21 novembre 2014, entrée en force le 17 décembre 2014.

Simultanément, le SEM a ordonné son renvoi de Suisse à destination de l’Italie et a chargé le canton de Lucerne d’exécuter cette mesure. Son transfert dans cet État européen a été effectué le 9 janvier 2015, après que l’intéressé eut été placé en détention administrative à cette fin par les autorités lucernoises et que, la veille, soit le 8 janvier 2015, lui eut été notifiée l’interdiction d’entrée en Suisse jusqu’au 8 janvier 2018 prononcée par le SEM.

b. Le 6 juin 2018, l’intéressé s’est vu délivrer un titre de séjour pour motifs humanitaires par l’Italie. Ce permis a expiré le 17 août 2019.

c. Par décision du 29 février 2020, le commissaire de police (ci-après : le commissaire) lui a fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pendant 12 mois.

Par jugement du 20 mars 2020, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) a partiellement admis l’opposition de l’intéressé et annulé la décision en tant qu’elle arrêtait le périmètre interdit à l’ensemble du territoire du canton de Genève. Vu la situation liée au Covid, et partant du principe qu’il semblait disposer d’un lieu de séjour à Genève où il serait possible de respecter la mesure de quasi-confinement décidée par les autorités, il convenait à titre exceptionnel de réduire le périmètre interdit au centre-ville de Genève.

Ce jugement a été confirmé par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 7 avril 2020.

d. Par décision du 14 septembre 2020, le SEM a rendu une nouvelle décision de renvoi de Suisse de l’intéressé à destination de l’Italie, sur la base de l’art. 64a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et a chargé les autorités valaisannes d’exécuter cette mesure, ce qu’elles n’ont pas réussi à faire dans les temps.

e. Du 13 septembre au 29 octobre 2020, puis du 5 février 2021 au 16 mars 2021, M. A______ a été mis en détention administrative en vue de renvoi durant 87 jours (procédure Dublin). Un transfert vers l’Italie n’a pas pu avoir lieu en 2021 comme souhaité par les autorités suisses au motif que le délai de reprise était échu.

f. Le 3 juin 2021, le commissaire lui a à nouveau fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de 18 mois.

g. Le 11 juin 2021, l’intéressé a été acheminé à Domodossola (Italie) par les autorités valaisannes.

h. De 2015 à 2021, M. A______ a fait l'objet de huit condamnations pénales, dont trois pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et trois pour non-respect d’une assignation d’un lieu de résidence ou d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée.

i. Par arrêt du 2 décembre 2021, la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice (ci-après : CPAR) a notamment ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de trois ans (art. 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

B. a. Par jugement du 25 janvier 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ avec effet au jour où son renvoi aurait pu être exécuté, au plus tôt le 1er février 2022.

b. Le 8 février 2022, le Ministère public a avisé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) du caractère définitif et exécutoire de l'arrêt de la CPAR du 2 décembre 2021.

c. Par jugement du 9 juin 2022, le TAPEM a ordonné la libération conditionnelle de M. A______, avec effet au jour où son renvoi pouvait être exécuté, au plus tôt le 10 juin 2022.

d. Le 18 juin 2022, M. A______ a refusé de monter à bord de l'avion devant le renvoyer en Gambie, où une place lui avait été réservée.

e. Le 20 juin 2022, l’intéressé a été inscrit sur le prochain vol spécial à destination de la Gambie.

f. M. A______ est sorti de prison le 28 décembre 2022.

C. a. Le 28 décembre 2022, à 14h50, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de 4 mois, en application des art. 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 LEI.

Devant le commissaire, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Gambie, dans la mesure où il n’était pas originaire de ce pays mais d’Italie. Il refusait par ailleurs de se soumettre à un test Covid et souffrait d’un problème musculaire pour lequel il prenait des médicaments.

Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au TAPI le même jour.

b. Entendu le 29 décembre 2022 par le TAPI, M. A______ a déclaré avoir été en détention pénale du 17 septembre 2021 au 28 décembre 2022. Il n'était toujours pas d'accord d'être renvoyé en Gambie. Il avait logé chez une amie à la rue de Lyon jusqu'à son renvoi en Italie le 11 juin 2021. Depuis son retour de ce pays, il avait résidé à Annemasse. Après l'audience du 5 juillet 2021, il était parti à Annemasse mais avait oublié l'adresse à laquelle il habitait ; il avait des amis africains là-bas qui l'avaient nourri. Il avait été convoqué par les autorités italiennes pour le renouvellement de son autorisation de séjour le 22 décembre 2021, mais n’avait pu s'y rendre, puisqu'il était alors en détention pénale. Il avait cette convocation dans son sac, à son lieu de détention, ainsi que de son permis de séjour.

La représentante du commissaire de police a indiqué ne pas avoir d'informations complémentaires concernant le vol spécial. À sa connaissance, il devrait avoir lieu pendant le premier trimestre 2023 et être le seul de l'année. M. A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi prononcée par les autorités italiennes. Le délai de reprise par les autorités italiennes étant échu, il appartenait désormais aux autorités suisses de procéder à son renvoi à destination de son pays d'origine.

Le conseil de M. A______ a précisé que son client était revenu en Suisse pour l'audience du 5 juillet 2021. Il a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention et à la libération immédiate de son client, subsidiairement, à ce que la durée de la détention soit réduite à 2 mois.

c. Par jugement du 30 décembre 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de 4 mois, soit jusqu’au 27 avril 2023 inclus.

Le transfert à destination de l’Italie n’était pas possible en l’état, les autorités n’ayant pas donné leur accord à son transfert en mars 2021 du fait que le délai de reprise était échu. Il appartenait dès lors aux autorités suisses de procéder au renvoi de l’intéressé, lequel ne pouvait être effectué qu’à destination de la Gambie. En l’état, la réalité d’une autorisation de séjour valable en Italie n’était pas prouvée.

Il existait un intérêt public évident au renvoi de Suisse de l’intéressé, en particulier compte tenu de ses nombreuses condamnations pénales et du fait qu’il ne respectait aucune des décisions rendues à son encontre. Aucune mesure moins incisive n’était en mesure d’assurer l’exécution de son renvoi. Il avait toujours refusé de quitter la Suisse où il résidait depuis de nombreuses années. Il avait déjà subi 87 jours de détention administrative dans le cadre d’un renvoi à destination de l’Italie, lequel n’avait pas pu avoir lieu. Une nouvelle détention de 4 mois était justifiée au vu de la situation. Les autorités suisses avaient agi avec diligence et célérité puisque, suite à son refus de monter à bord de l’avion le 18 juin 2022 devant le ramener en Gambie, elles avaient immédiatement sollicité une place sur un vol spécial.

D. a. Par acte du 13 janvier 2023, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation et à sa libération. À titre préalable, il a requis l’entraide du SEM afin d’obtenir la décision italienne sur ses motifs d’asile.

La décision italienne était déterminante pour se prononcer sur la légalité d’un renvoi en Gambie. Dans le cas contraire, et dans la mesure où il s’était vu délivrer un permis pour motifs humanitaires en Italie, un renvoi en Gambie violerait le principe de non-refoulement.

Il n’était pas possible de pronostiquer un vol spécial vers la Gambie dans un délai prévisible raisonnable. Les autorités attendaient l’organisation d’un vol spécial depuis le 20 juin 2022 et aucun développement n’avait eu lieu depuis. Elles avaient violé le principe de célérité en restant inactives depuis près de 7 mois. La décision violait le principe de proportionnalité puisque sa détention n’était pas propre à atteindre le but visé de son renvoi dès lors qu’aucun vol spécial n’avait eu lieu depuis le 20 juin 2022 et qu’aucun vol spécial n’était annoncé jusqu’à présent.

L’exécution de son renvoi était impossible. Le refus d’examiner l’obstacle juridique à son renvoi violait le principe de non-refoulement.

Les conditions de détention, notamment l’absence d’accès à Internet, n’étaient pas conformes à la jurisprudence.

b. Le commissaire a conclu au rejet du recours.

M. A______ était un trafiquant de stupéfiants multirécidiviste qui, ayant violé à réitérées reprises tant les interdictions d’entrée en Suisse que les interdictions de pénétrer dans le canton prononcées à son endroit, n’avait cessé de mépriser l’ordre juridique suisse. Il était seul et unique responsable de sa mise en détention administrative et de la durée de cette mesure. Il serait déjà libre depuis plus de 7 mois s’il n’avait conduit l’exécution de son expulsion à l’échec en refusant d’embarquer le 18 juin 2022 dans l’avion devant le ramener en Gambie, comportement qui avait contraint les autorités suisses à organiser son éloignement du territoire suisse par le moyen d’un vol spécial. Il était par ailleurs notoire que l’organisation d’un vol spécial était une opération très longue et complexe qui dépendait de nombreux facteurs sur lesquels les autorités suisses n’avaient pas prise. L’exécution de son expulsion aurait lieu dans un délai prévisible, ce d’autant plus qu’il ne tenait qu’à lui de coopérer avec les autorités suisses pour rentrer dans son pays. Quant au principe de non-refoulement, le titre de séjour délivré par les autorités italiennes était désormais échu depuis près de deux ans et demi sans avoir été renouvelé, alors qu’il avait été renvoyé en Italie le 11 juin 2021. Il lui était ainsi parfaitement loisible de faire renouveler son titre de séjour et de rester dans ce pays plutôt que de revenir illégalement en Suisse. Les pièces versées au dossier démontraient du reste qu’il n’avait eu de cesse de retourner en Gambie postérieurement à la délivrance du titre de séjour en sa faveur par les autorités italiennes, ce qui ôtait toute crédibilité à ses affirmations selon lesquelles il serait menacé dans son pays et ne saurait y être expulsé. Le juge de la détention administrative n’était en tout état pas compétent pour se prononcer sur la décision de renvoi. Enfin, le centre de détention administrative de Frambois avait confirmé que ses pensionnaires avaient « accès à Internet depuis septembre ou octobre de l’année dernière ».

Il a produit un courriel du SEM daté du 19 janvier 2023, à teneur duquel un vol spécial était planifié à destination de la Gambie dans le courant du deuxième semestre 2023, ainsi qu’un courriel d’un représentant de l’établissement Frambois daté du 19 janvier 2023, confirmant que tous les détenus administratifs avaient accès à Internet, une fois par semaine, depuis septembre ou octobre 2022.

c. Dans sa réplique, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Le fait que le titre de séjour délivré par les autorités italiennes pour des raisons humanitaires soit échu ne signifiait pas que les autorités italiennes aient refusé de le renouveler, mais simplement qu’il n’avait pas été en mesure de le faire. Contrairement à ce qu’avait retenu le commissaire, il n’était pas retourné en Gambie. L’accès à Internet était limité à une fois par semaine et était largement théorique, l’ensemble des détenus se partageant un seul ordinateur.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 [LaLEtr - F 2 10]).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 1re phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les 10 jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 18 janvier 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant conclut en premier lieu à ce que la chambre de céans sollicite l’entraide du SEM afin d’obtenir la décision italienne sur sa demande d’asile.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

3.2 En l’occurrence, le recourant indique avoir déposé une demande d’asile en Italie le 6 août 2013. Selon lui, la décision italienne prise à la suite de cette demande serait déterminante pour se prononcer sur la légalité de son renvoi. Il sollicite ainsi son apport à la procédure par le biais de l’entraide du SEM. Or, ainsi qu’il sera exposé ci-après, il n’appartient pas à la chambre de céans de vérifier la légalité des décisions de renvoi prononcée par le SEM, le recourant n’apportant aucun élément permettant de retenir que celles-ci seraient manifestement inadmissibles ou reviendraient à violer ses droits fondamentaux comme il sera vu dans les considérants qui suivent. La mesure d’instruction sollicitée par le recourant n’apparait ainsi pas pertinente pour l’issue de la présente procédure. Il n’y sera donc pas donné suite.

4.              

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée, notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 (art. 75 al. 1 let. b ; ch. 1), si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entend se soustraire au renvoi à l’expulsion en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation (ch. 3) et si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

4.2 En l'espèce, le 5 juillet 2021, le Tribunal de police a prononcé l’expulsion pénale du recourant pour une durée de trois ans (art. 66abis CP). Cette mesure a été confirmée par la CPAR par arrêt du 2 décembre 2021. L’intéressé a également été condamné à huit reprises, dont trois pour des infractions à la LStup. Il a aussi été reconnu coupable de non-respect d’une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois les 5 février, 5 juillet et 17 septembre 2021 et a catégoriquement refusé d’être renvoyé en Gambie le 18 juin 2022. Les conditions d’une mise en détention administrative en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l’art. 75 al. 1 let. b LEI et 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont donc remplies, ce que le recourant ne remet, au demeurant, pas en cause.

5.             Il convient donc d’examiner si la détention ordonnée respecte le principe de proportionnalité, ce que conteste le recourant.

5.1 Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder 6 mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de 12 mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

5.3 En l'espèce, le recourant n’a aucune attache en Suisse, ni domicile avéré, ni revenu régulier. Il a par ailleurs manifesté son refus de quitter la Suisse en refusant de monter à bord de l’avion à destination de la Gambie le 18 juin 2022. Dès lors, aucune mesure moins incisive que la détention administrative ne permet d’assurer sa présence au moment de son renvoi. Elle est apte à atteindre ce but et est proportionnée au sens étroit, l’intérêt de ce dernier à être libéré devant céder le pas à l’intérêt public à son renvoi au vu de ses nombreuses condamnations pour infractions à la LStup et à la LEI, du mépris affiché pour les décisions de renvoi et d’interdiction de pénétrer un territoire et de la volonté manifestée de se soustraire à leur exécution. La durée de la détention - de 4 mois - est proportionnée au vu de l’ensemble des circonstances et est compatible avec la durée maximale prévue par l’art. 79 LEI, étant précisé qu’il a déjà subi 87 jours de détention administrative dans le cadre d’un renvoi à destination de l’Italie.

Sa détention administrative est ainsi conforme au principe de la proportionnalité.

6.             Le recourant fait valoir que l'exécution de son renvoi vers la Gambie serait impossible.

6.1 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56
consid. 4.1.3). La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1166/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4c ; ATA/736/2022 du 14 juillet 2022  consid. 5c et les références citées).

Si l’exécution forcée de l’expulsion vers un pays est actuellement exclue, elle ne peut être qualifiée de possible dans un délai prévisible et donc de réalisable uniquement si le juge dispose d’indications suffisamment concrètes à ce sujet, indications fournies notamment par le SEM (arrêts du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1 ; 2C_323/2020 du 18 juin 2020 consid. 5.4.2 et les références mentionnées).

Un refus de l'étranger de rentrer dans son pays d'origine, doublé de l'impossibilité d'organiser un renvoi forcé vers ce pays, exclut la détention en vue du renvoi au sens de l'art. 76 LEI (art. 80 al. 6 let. a LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.7 et les références citées). Ainsi, si le retour forcé est exclu, seule une détention pour insoumission entre en considération (arrêt du Tribunal fédéral 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.3).

6.2 En l’espèce, entendue devant le TAPI, la représentante du commissaire a indiqué que le vol spécial à destination de la Gambie devait avoir lieu pendant le premier trimestre 2023. Dans un courriel du 19 janvier 2023, le SEM a confirmé qu’il planifiait un vol spécial à destination de la Gambie, mais que celui-ci aurait lieu au deuxième trimestre 2023. Il a également indiqué avoir obtenu le « feu vert informel de Banjul pour un vol spécial », étant précisé que le dernier vol spécial pour la Gambie remontait à février 2022. Au vu de ces éléments, on ne se trouve pas dans la situation, visée par la jurisprudence précitée – et invoquée par le recourant dans ses écritures –, dans laquelle un vol spécial est exclu au moment où l’autorité statue. Aucun élément au dossier ne permet de retenir que la Gambie ait refusé explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre le recourant. Il ressort, au contraire, des pièces que les autorités de Banjul ont donné leur « feu vert informel » et qu’un vol spécial avait déjà été organisé par les autorisés suisses, en coopération avec la Gambie, en février 2022. Ainsi, quoi qu’en dise le recourant, les éléments au dossier suffisent pour retenir que son renvoi est possible dans un délai prévisible, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une investigation plus approfondie sur ce point.

Le grief du recourant sera partant écarté.

7.             Il en va de même du grief relatif à la violation du principe de célérité. La détention administrative est certes subordonnée à la condition que les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 et 77 al. 3 LEI). Or, il appert que les autorités suisses ont agi avec diligence et célérité puisque, suite au refus du recourant de monter à bord de l’avion le 18 juin 2022 à destination de la Gambie, elles ont immédiatement sollicité une place sur un vol spécial. Il ressort, par ailleurs, du courriel du SEM du 19 janvier 2023 que le SEM a cherché à organiser un vol spécial au cours du deuxième semestre 2022, mais que les critères – nombreux s’agissant d’un vol spécial – n’avaient pas pu être remplis simultanément. Il avait cependant déjà obtenu le « feu vert informel » de Banjul pour un vol spécial au cours du deuxième trimestre 2023.

8.             Le recourant affirme également que le renvoi serait impossible, ce qui justifierait sa libération et invoque également une violation du principe de non-refoulement déduit de l’art. 3 CEDH.

8.1 La procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1260/2012 consid. 3.2 ; ATF 129 I 139 consid. 4.3.2). Ce n’est que si une décision de renvoi apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu’il est justifié de lever la détention en application de l’art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l’exécution d’un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 6.1).

8.2 En l’espèce, le recourant a fait l’objet de deux décisions de renvoi en date des 21 novembre 2014 et 14 septembre 2020. Devant la chambre de céans, le recourant ne démontre ni n’allègue que les décisions de renvoi seraient manifestement inadmissibles ou reviendraient à violer ses droits fondamentaux. Il ne fournit aucun élément concret faisant penser qu'il pourrait risquer pour sa vie en Gambie, pays dont il est originaire, ce d’autant plus qu’entendu par la police le 1er juin 2021, il a indiqué que son fils vivait en Gambie avec sa famille et que lorsqu’il avait assez d’argent, il prenait l’avion depuis l’Italie et retournait voir sa famille en Gambie. Dans ses écritures, le recourant se limite à alléguer que les autorités italiennes lui ont délivré un permis pour des motifs humanitaires, sans toutefois précisé pour quel motif il s’est vu délivrer un tel permis. Ce permis est par ailleurs expiré depuis le 17 août 2019, sans que le recourant n’ait pu fournir d’explication convaincante quant à l’absence de démarches en vue de son renouvellement. Compte tenu de la date d’expiration, les explications liées à la crise sanitaire ne sont d’aucune pertinence. S’ajoute à cela que le recourant a été acheminé en Italie le 11 juin 2021, de sorte qu’il avait tout loisir de procéder aux démarches nécessaires pour renouveler son permis et cela quand bien même il était convoqué à une audience pénale à Genève près d’un mois après.

Ce grief s’avère ainsi, lui aussi, mal fondé.

9.             Enfin, se plaignant de ne pas pouvoir accéder à Internet, le recourant fait valoir que ses conditions de détention sont illégales.

9.1 L'autorité judiciaire chargée du contrôle de la décision de détention administrative doit examiner notamment les conditions d'exécution de la détention (cf. art. 80 al. 4 LEI; cf. ATF 122 II 49 consid. 5 p. 52 ss; 299 consid. 3 ss p. 302 ss; arrêts du Tribunal fédéral 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. 1.2 ; 2C_128/2009 du 20 mars 2009 consid. 3.2; 2C_169/2008 du 18 mars 2008 consid. 4.3).  

9.2 Selon l’art. 81 LEI, intitulé « conditions de détention », l’étranger en détention peut s’entretenir et correspondre avec son mandataire, les membres de sa famille et les autorités consulaires (al. 1). La détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission (al. 2).

Interprétant cette disposition, le Tribunal fédéral a retenu, dans un arrêt 2C_765/2022 du 13 octobre 2022 - destiné à la publication - qu’au vu de la situation spécifique des personnes placées en détention administrative, il n’était pas justifié d’interdire de manière générale l’accès à Internet (consid. 5.2.2). Il était important que les personnes en détention administrative puissent conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, et par voie de conséquence qu’elles devraient avoir accès à Internet. Il n’existait par ailleurs aucun impératif sécuritaire ou en lien avec le bon fonctionnement de l’établissement qui justifierait une restriction à Internet. Un refus général d’accéder à Internet était par conséquent contraire aux recommandations internationales et constituait une restriction disproportionnée aux libertés d’opinion et d’information (art. 16 Cst. et 10 CEDH ; consid. 5.2.3).

9.3 Selon l’art. 42 al. 1 du règlement de l’établissement concordataire de détention administrative de Frambois du 8 avril 2004 [RFrambois – F 2 11.08]), le détenu peut communiquer librement par téléphone ou télécopie, à ses frais, au moyen d'appareils installés par l'établissement (Concordat, art. 23, al. 1). Il n’est pas autorisé à communiquer par courrier électronique ou par un système du type internet.

9.4 En l’espèce, il ressort du courriel d’un représentant de l’établissement Frambois du 19 janvier 2023 que tous les détenus administratifs ont accès à Internet, et cela depuis quatre mois environ. En cela, l’établissement s’est conformé à l’arrêt précité 2C_765/2022 du 13 octobre 2022, selon lequel l’interdiction générale d’accéder à Internet a été jugée contraire aux art. 10 CEDH et 16 Cst. Le fait que le règlement, dont les dernières modifications remontent au 1er février 2016, n’ait pas été actualisé depuis cette jurisprudence ne change rien au fait – non contesté – que le recourant a concrètement accès à Internet depuis sa mise en détention le 28 décembre 2022. En tant qu’il se plaint de ce que l’accès est limité à une fois par semaine et à un seul ordinateur, le recourant perd de vue que l’accès doit être limité dans le temps et l’espace afin d’assurer une utilisation équitable d’Internet par l’ensemble des détenus. C’est le lieu de préciser que, dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral s’est limité à condamner une interdiction généralisée de l’accès à Internet et que les détenus peuvent, en outre, communiquer librement par téléphone (art. 42 al. 1 du règlement) et correspondre librement (art. 39 du règlement).

Ce grief sera par conséquent également écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

10.         La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 janvier 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 décembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les 30 jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Benjamin Moret, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :