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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2406/2022

ATA/1198/2022 du 29.11.2022 ( PROC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2406/2022-PROC ATA/1198/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 novembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par l’Association suisse des assurés ASSUAS, mandataire

contre

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 



EN FAIT

1) Par arrêt ATA/973/2021 du 21 septembre 2021, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par M. A______, né le ______ 1965, contre la décision du 23 mars 2021 par laquelle l’Hospice général (ci-après : l’hospice) rejetait son opposition, confirmait la décision lui ordonnant de restituer l’aide sociale perçue sans droit, fixait le montant total à restituer à CHF 41'668.90 et rejetait sa demande de remise.

Le recours au Tribunal fédéral formé par M. A______ contre cet arrêt a été retiré le 12 février 2022.

2) Le 22 juillet 2022, M. A______, sous la plume de l’Association suisse des assurés ASSUAS, a demandé à la chambre de céans la révision de cet arrêt et d’annuler la décision de l’hospice, d’ordonner le « recalcul » de la somme de prestations sociales indûment perçues, de revoir la somme réclamée « à la baisse » et cas échéant d’ordonner la « réanalyse » de la condition de la bonne foi.

Par jugement du 4 mai 2022, notifié le 22 mai 2022, le Tribunal des Prud’hommes (ci-après : TPH) avait admis la demande civile qu’il avait formée contre ses anciens employeurs, M. B______, C______ SA et D______ SA. Il produisait une copie du jugement, dont il ressortait qu’il avait notamment conclu le 23 décembre 2020 au paiement de CHF 74'185.90 au total au titre de salaires arriérés, de treizièmes salaires et d’heures supplémentaires impayés. Il avait été engagé comme chauffeur par M. B______ puis D______ SA pour un salaire de CHF 5'000.- brut par mois, puis CHF 5'500.- après trois mois, treize fois par an. Selon le dispositif du jugement, M. B______ et D______ SA étaient condamnés à remettre à M. A______ ses fiches et attestations de salaire et à lui verser CHF 10'058.80, CHF 6'682.65, CHF 2'283.- et CHF 36.15 au titre de treizièmes salaires, d’heures supplémentaires et de vacances.

Les juges prud’homaux avaient admis qu’il était dans l’impossibilité de fournir, dès 2017, des fiches et attestations de salaire, faute pour ses employeurs de les lui avoir établies. La prise en compte de ces documents aurait eu une influence sur le montant dont le remboursement lui était réclamé et sur la reconnaissance de sa bonne foi dans sa demande de remise. Les arriérés de salaire octroyés auraient eu une influence sur le versement de la somme indûment perçue. Si ses salaires avaient été correctement annoncés, il n’aurait perçu qu’une aide sociale moindre voire aucune aide sociale.

Il s’engageait à rembourser une partie de l’aide sociale perçue, à hauteur de CHF 20'000.- environ selon ses calculs, et souhaitait que l’hospice se détermine à ce sujet.

Il était toujours dans l’attente du paiement des arriérés de salaire dus par ses anciens employeurs. Il s’engageait à tenir la chambre administrative informée de l’évolution de la situation.

3) Le 25 août 2022, l’hospice a conclu au rejet de la demande de révision, subsidiairement à ce qu’il soit ordonné à M. A______ de produire l’intégralité de ses fiches de salaire pour la période allant du 1er décembre 2017 au 30 juin 2019, à ce que l’arrêt de la chambre administrative du 30 septembre 2021 soit confirmé dans son principe et à ce que la procédure lui soit renvoyée pour nouveau calcul des prestations d’aide sociale indûment perçues.

Il était loisible à M. A______ d’annoncer à l’époque son revenu et rien n’indiquait qu’il aurait communiqué ses fiches de salaire s’il les avait reçues. Le jugement prud’homal faisait apparaître que les revenus réalisés étaient finalement plus importants que ceux pris en compte pour la demande de restitution querellée. L’hospice se réservait de lui réclamer une demande de restitution complémentaire.

4) M. A______ n’a pas répliqué dans le délai qui lui a été imparti au 26 septembre 2022.

5) Le 30 septembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La compétence de la chambre administrative est acquise, dès lors que la procédure vise à la révision de l’un de ses arrêts. Sous cet angle, la demande de révision est recevable (art. 81 al. 1 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. En vertu de l’art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

b. En l’espèce, la demande de révision a été déposée dans les trois mois suivant le jour où M. A______ a reçu le jugement du TPH constituant selon lui des faits nouveaux. Elle répond aux prescriptions de forme. Elle est recevable de ce point de vue.

3) a. Selon l’art. 80 let. b LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

b. L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/627/2020 du 30 juin 2020 consid. 1b et 1c ; ATA/362/2018 du 17 avril 2018 consid. 1c ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c). Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c ; ATA/316/2015 du 31 mars 2015 consid. 5e). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

c. Les preuves doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit l'autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/362/2018 précité consid. 1c ; ATA/821/2015 du 11 août 2015 consid. 5 et les références citées). La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d'une nouvelle interprétation, d'une nouvelle pratique, d'obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/478/2021 du 4 mai 2021 consid. 2b et les références citées).

4) En l’espèce, la décision sur opposition du 23 mars 2021 initialement querellée et confirmée par l’arrêt dont la révision est demandée, était fondée sur les revenus révélés par la documentation bancaire remise – partiellement et tardivement – le 25 septembre 2019 par M. A______ à l’hospice.

Pour sa part, M. A______ connaissait alors les revenus qu’il avait effectivement perçus et sans doute aussi ceux auxquels il pensait avoir encore contractuellement droit de la part de ses employeurs. Il lui était donc en tout temps loisible d’en révéler le montant exact à l’hospice, conformément à l’engagement écrit auquel il avait souscrit avant de percevoir l’aide sociale, étant rappelé que l’hospice lui reprochait précisément de les lui avoir longtemps cachés.

Aussi, le montant de ses revenus, perçus respectivement restant dus, tel qu’ils ressortaient du jugement du TPH de mai 2022 ainsi que la condamnation de ses anciens employeurs à lui remettre ses attestations de salaire, ne sauraient constituer des faits nouveaux.

À cela s’ajoute que l’hospice lui a finalement réclamé sur opposition CHF 24'651.15 pour la période de février à décembre 2018 et CHF 17'017.75 pour la période de janvier à juin 2019.

Or, dans sa demande au TPH, M. A______ avait fait valoir un droit au salaire de décembre 2017 à octobre 2019, fondé sur un salaire mensuel contractuel brut initial de CHF 5'000.- passant à CHF 5'500.- après trois mois et dû treize fois par an.

Il s’ensuit que les revenus effectivement perçus respectivement encore dus, tels qu’ils ressortent du jugement du TPH de mai 2022, sont supérieurs à ceux pris en compte par l’hospice pour la demande de restitution. Ainsi, en toute hypothèse, l’éventuelle impossibilité de prouver ces revenus à l’époque n’aurait certainement pas été au détriment de M. A______, mais plutôt à son avantage, ce qui exclut qu’il puisse s’agir de faits nouveaux déterminants au sens de la loi. L’hospice soutient d’ailleurs qu’il pourrait lui réclamer la restitution d’un montant plus important – laquelle prétention n’est toutefois pas l’objet du présent litige.

La chambre de céans observera enfin que l’argument selon lequel, s’il avait pu établir des revenus – qu’il connaissait mais avait cachés à l’hospice – M. A______ n’aurait pas perçu d’aide ou aurait perçu une aide moindre et ne devrait pas restituer l’aide perçue sans droit, est sans portée pour l’issue du litige et frise d’ailleurs la témérité.

De même les chiffres établis par le jugement du TPH sont sans effet sur la mauvaise foi opposée à M. A______ pour lui refuser toute remise, laquelle consistait à avoir caché volontairement ses revenus à l’hospice.

Le demandeur échoue ainsi à établir l’existence de faits nouveaux au sens de l’art. 80 let. b LPA. Sa demande de révision sera en conséquence déclarée irrecevable.

5) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande de révision formée le 22 juillet 2022 par M. A______ contre l’arrêt ATA/973/2021 du 21 septembre 2021 de la chambre administrative de la Cour de justice ;

dit qu'il n'est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’Association suisse des assurés ASSUAS, mandataire du demandeur, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :