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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1518/2022

ATA/615/2022 du 09.06.2022 sur JTAPI/506/2022 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1518/2022-MC ATA/615/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 juin 2022

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Igor Zacharia, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mai 2022 (JTAPI/506/2022)


EN FAIT

1) Monsieur A______, à teneur d'une copie de passeport (n° A 1______), valable du 8 juillet 2013 au 7 juillet 2018, est né le ______ 1986 et originaire du Sénégal.

Il est connu des autorités suisses sous l'alias de B______, né le ______ 1990, originaire du Mali.

2) M. A______ est entré en Suisse le 16 juin 2015 et y a déposé, le jour même, une demande d'asile. Le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a prononcé à son endroit une décision de non entrée en matière le 26 août 2015, assortie d'un renvoi de Suisse en France, en application de la réglementation Dublin.

3) À teneur de son casier judiciaire suisse, il a fait l'objet de treize condamnations entre le 29 juillet 2015 et le 4 mars 2022, notamment pour infractions aux art. 19 al. 1 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), entrée illégale, séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, opposition aux actes de l'autorité, violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires et rupture de ban.

4) Par décision du 22 mai 2018, notifiée trois jours plus tard, le SEM a fait interdiction à M. A______ d'entrer en Suisse jusqu'au 21 mai 2025.

5) Par décision du 24 août 2018, prise en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; à l'époque dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), le commissaire de police lui a fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois. Il avait déjà fait l'objet de deux mesures similaires prononcées les 5 août 2015 et 21 juillet 2016 pour des durées respectives de six et neuf mois, à chaque fois en raison de sa participation à un trafic de stupéfiants.

La violation de ces mesures lui a valu ses condamnations pour infractions à l'art. 119 al. 1 LEI les 26 janvier 2017, 9 octobre 2019, 4 février et 6 octobre 2021.

6) Par arrêt du 9 octobre 2019, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de trois ans en application de l'art. 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Il a, à cette occasion, été condamné à une peine privative de liberté de cent-dix jours.

7) Le 3 décembre 2019, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a notifié à M. A______ une décision de non-report de son expulsion judiciaire, lui impartissant un délai de quanrante-huit heures pour quitter le pays, précisant que s'il ne s'exécutait pas, il pourrait être placé en détention administrative (art. 76 ss LEI) en vue de l'exécution forcée de son refoulement.

8) Depuis lors, il n'a pas quitté le territoire suisse et a été condamné pour rupture de ban à trois reprises, les 8 mai 2020, 6 octobre 2021 et 4 mars 2022.

9) Le 12 mars 2020, le SEM, donnant suite à la demande de soutien que le canton de Genève lui avait adressée en vue de l'exécution de l'expulsion, a fait savoir à l'OCPM que M. A______ serait entendu par une représentation des autorités sénégalaises lors des prochaines auditions centralisées, « courant 2020 ».

Ces auditions n'ont toutefois pas eu lieu en raison de la situation résultant de la pandémie de Covid-19.

10) M. A______ a été incarcéré entre le 5 février 2020 et le 21 janvier 2021 pour purger des peines privatives de liberté.

11) Dans la mesure où son identification n'avait pas pu être effectuée, son expulsion n'a pas été exécutée et il a été libéré le 21 janvier 2021 sur ordre du commissaire de police, sans faire l'objet de détention administrative.

12) M. A______ a été incarcéré une nouvelle fois entre le 18 mars et le 12 mai 2022 pour purger une peine privative de liberté.

13) L'OCPM a procédé à son audition le 30 mars 2022.

À teneur du procès-verbal – que M. A______ a refusé de signer – il avait indiqué qu'à la fin de sa peine il quitterait la Suisse pour se rendre en France. Il y avait déposé une demande d'asile en 2015. La procédure avait duré environ une année, à la suite de quoi il était venu en Suisse. Il ne disposait pas de document d'identité et n'entendait pas contacter sa famille au Sénégal pour s'en voir transmettre un. Il ne voulait pas collaborer avec les autorités suisses.

Sur remarque de l'OCPM lui indiquant qu'il était en possession d'une copie de son passeport sénégalais échu depuis le 7 juillet 2018 et qu'il allait faire le nécessaire pour obtenir un laissez-passer, M. A______ avait déclaré ne pas vouloir retourner au Sénégal, où il avait une dette. L'OCPM lui avait dit qu'il pourrait être placé en détention administrative à l'issue de sa détention pénale.

14) Par courriel du 2 mai 2022, le SEM a fait savoir à l'OCPM que l'inscription de M. A______ aux prochaines auditions centralisées avec une délégation des autorités sénégalaises était confirmée. La date n'était pas encore arrêtée, mais il était prévu que ces auditions interviennent « à la fin du mois de juin 2022 ». Il manquait encore « l'approbation des autorités sénégalaises ».

15) Le 12 mai 2022, à 16h35, après la sortie de prison de M. A______, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de trois mois en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b et g LEI, ainsi que de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

M. A______ avait déclaré être en bonne santé et ne pas suivre de traitement médical. Il n'était pas d'accord de retourner au Sénégal et souhaitait se rendre à Paris, tout en précisant qu'il ne disposait pas d'un titre de séjour à cette fin.

À teneur du procès-verbal du commissaire de police, il était retenu depuis 15h40 « pour des motifs de droit des étrangers ».

16) Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour.

17) Lors de l'audience du 16 mai 2022 devant le TAPI, M. A______ a réaffirmé qu'il n'entendait pas retourner au Sénégal. Il était toutefois d'accord de quitter la Suisse pour se rendre en France, où vivaient certains de ses frères.

La représentante du commissaire de police a précisé qu'elle ne disposait pas d'informations supplémentaires quant à l'organisation des auditions centralisées avec les autorités sénégalaises.

Le conseil de M. A______ a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention et à la mise en liberté immédiate de son mandant, subsidiairement à ce que la durée de sa détention ne dépasse pas six semaines. Son refoulement était impossible, car son identité et sa nationalité étaient « trop incertaines ». La date exacte des auditions centralisées avec les autorités sénégalaises n'était en outre pas connue. Il n'était pas exclu qu'il fût originaire du Mali. Dans ces conditions, il ne serait pas possible d'établir son identité, étant aussi relevé qu'il n'existait pas d'accord de réadmission avec le Sénégal et le Mali.

18) Par jugement du 16 mai 2022, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention jusqu'au 11 août 2022 inclus.

M. A______ faisait l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire, entrée en force, qui n'avait toujours pas été exécutée. Il était tenu de quitter la Suisse depuis le 3 décembre 2019, mais s'y était toujours refusé et n'avait à aucun moment entrepris une quelconque démarche dans ce sens. Son obstination à ne pas respecter les décisions prises à son encontre, notamment les mesures dont il avait fait l'objet en application de l'art. 74 LEI, était relevée. Les sursis dont il avait bénéficié sur le plan pénal n'avaient eu aucun effet.

Il existait donc un risque très sérieux qu'en cas de libération il n'obtempère pas aux instructions de l'autorité lorsque celle-ci lui demanderait de se présenter à l'audition par les autorités de son pays, en vue de la délivrance d'un document de voyage, puis de son départ par avion, et qu'il pourrait être amené à disparaître dans la clandestinité, ce qu'il avait d'ailleurs déjà eu l'occasion de faire. Le principe de la légalité étant respecté, point n'était besoin de déterminer si d'autres motifs de détention, en particulier ceux prévus par les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et 75 al. 1 let. b et g LEI, étaient aussi donnés.

Compte tenu du risque de fuite et de disparition, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne pouvait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à son départ de Suisse.

Ayant entamé les démarches nécessaires en vue de son refoulement pendant sa détention pénale déjà, la police avait respecté son obligation découlant de l'art. 76 al. 4 LEI.

Le délai de trois mois respectait l'art. 79 al. 1 LEI et n'apparaissait pas d'emblée inadéquat ou excessif, en particulier au vu du refus catégorique de M. A______ de collaborer. Sa portée pourrait d'ailleurs s'avérer relative, car, s'il venait à collaborer à l'obtention d'un document de voyage et acceptait de retourner dans son pays, un vol pourrait sans doute être réservé assez rapidement, ce qui mettrait fin à sa privation de liberté avant cette échéance.

Pour le surplus, rien n'indiquait que l'exécution de son expulsion, dont le non-report avait été décidé par l'OCPM, s'avérerait impossible pour des raisons juridiques ou matérielles. Une prétendue impossibilité de déterminer son identité et sa nationalité n'apparaissaient pas convaincante, notamment au vu de la copie du passeport sénégalais à son nom. Enfin, un accord de réadmission ne constituait pas une condition pour un retour forcé vers un pays donné. Rien n'indiquait qu'un laissez-passer ne pourrait pas être obtenu.

19) M. A______ a formé recours contre ce jugement par acte expédié le 27 mai 2022, selon le suivi de l'envoi de la Poste, à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l'annulation du chiffre 1 du dispositif dudit jugement et, cela fait, à l'annulation de sa mise en détention, à sa mise en liberté immédiate et à son admission provisoire. Subsidiairement, l'ordre de mise en détention ne devait être confirmé que pour une durée maximum de six semaines.

Il se référait à l'état de fait du jugement attaqué.

Son identité était incertaine, puisqu'il était connu des autorités suisses tant comme ressortissant malien, sous une autre identité, que comme ressortissant sénégalais. On ne connaissait pas la date des prochaines auditions centralisées concernant le Sénégal, de sorte qu'elles apparaissaient pour le moins incertaines, étant relevé l'absence de communication des autorités sénégalaises. De plus, aucune démarche de ce type n'avait été effectuée auprès des autorités maliennes alors que le commissaire de police savait qu'il était connu en tant que ressortissant malien. Il devait être ainsi retenu qu'il était définitivement impossible d'établir son identité. Il n'avait pas de documents d'identité, ou à tout le moins ne possédait pas de tels papiers valable pour voyager, pas plus qu'un laissez-passer. Aucun accord de réadmission existait entre le Mali, respectivement le Sénégal et la Suisse. L'exécution du renvoi était donc impossible.

En prononçant une détention administrative dans ces conditions, qui plus était d'une durée de trois mois, le TAPI avait violé l'art. 80 al. 6 let. a LEI. En limitant à six semaines la durée de la détention administrative, les autorités sénégalaises auraient le temps d'organiser et de procéder aux auditions centralisées.

20) Le commissaire de police a conclu le 2 juin 2022 principalement à l'irrecevabilité du recours pour cause de tardiveté, en tant qu'il aurait été expédié à la chambre administrative le 30 mai 2022 selon le timbre humide apposé sur l'exemplaire en sa possession, subsidiairement à son rejet.

La nationalité sénégalaise de M. A______ était quasi certaine au regard de la copie de son passeport en possession de l'OCPM. Il devait, selon les informations du SEM du 1er juin 2022, être présenté aux autorités sénégalaises en septembre ou octobre 2022, à la suite de la demande de report des auditions centralisées par ces dernières.

M. A______ était un trafiquant de stupéfiants multirécidiviste, de cocaïne notamment.

21) M. A______ a brièvement répliqué le 7 juin 2022, sur la recevabilité de son recours et l'impossibilité matérielle de son expulsion, dans la mesure où la prochaine audition centralisée a été reportée.

22) Les parties ont été informées le 7 juin 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile, puisqu'expédié le 27 mai 2022, soit le dixième jour suivant la notification du jugement entrepris le 17 mai 2022, devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr – F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 31 mai 2022 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

2) La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

a. À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c, g et h LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement, elle menace sérieusement d’autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif ou si elle a été condamnée pour crime. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

b. En l’espèce, une décision d’expulsion pénale a été rendue le 9 octobre 2019 pour une durée de trois ans. En restant en Suisse, le recourant a violé cette décision. Les conditions d’une détention administrative fondée sur les art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et art. 75 al. 1 let. b et g LEI sont donc remplies.

Elles le sont également au regard du fait que le recourant a été condamné notamment pour trafic de cocaïne, soit une infraction susceptible de mettre sérieusement en danger la vie ou leur intégrité corporelle d’autres personnes (art. 75 al. 1 let. g LEI). Enfin, le recourant a mis en échec l’exécution de son expulsion, en affirmant à l'OCPM le 30 mars 2022 ne pas disposer de documents d'identité et ne pas vouloir contacter sa famille au Sénégal pour s'en voir communiquer un. Devant le TAPI, il a, par son conseil, affirmé qu'il n'était pas exclu qu'il fût originaire du Mali. En tout état, il indique expressément ne pas être disposé à retourner au Sénégal ou au Mali, une origine dont il s'est prévalu devant les autorités suisses avec l'usage d'un alias, mais entend se rendre en France, pays dans lequel il ne soutient pas détenir de titre de séjour. Au vu de ces éléments, le risque que le recourant, s’il était libéré, n’obtempère pas aux instructions des autorités lorsqu’elles lui ordonneront de se rendre à une réunion avec les autorités sénégalaises, pays dont il a détenu en passeport, échu en 2018, une fois un nouveau passeport ou un laissez-passer obtenu, et qu'il disparaisse dans la clandestinité, apparaît concret et réel. Les conditions d’une détention administrative fondée sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI sont donc également remplies.

3) Reste à examiner si la détention ordonnée respecte le principe de la proportionnalité, ce que le recourant conteste subsidiairement.

a. Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

b. Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

c. La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI ainsi que le principe de proportionnalité lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas. La détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

Tant que l’impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l’étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut se prévaloir de cette impossibilité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011). Cette jurisprudence, rendue dans le cadre d’une détention pour insoumission, en rapport avec l’obligation de collaborer de l’art. 78 al. 6 LEI, est a fortiori valable dans un cas de détention en vue du renvoi, phase à laquelle s’applique l’obligation de collaborer de l’art. 90 al. 1 let. c LEI (ATA/1436/2017 du 27 octobre 2017 consid.6a ; ATA/881/2015 du 28 août 2015 et les références citées).

d. Le recourant prétend que la durée de sa détention serait disproportionnée, car son renvoi vers le Sénégal ou le Mali serait inexécutable dans la mesure où il serait impossible d'établir son identité. Il ne soutient pas qu’il détiendrait une autorisation de séjour en France, de sorte qu'il ne peut y être expulsé.

Par ailleurs, malgré les décisions d’expulsion et de non-report de cette expulsion et sa mise en liberté le 21 janvier 2021, puisque son identité n'avait alors pas pu être établie, de sorte que la mesure d'expulsion n'avait pas pu être exécutée, avant une nouvelle incarcération le 18 mars 2022, le recourant ne démontre pas avoir entrepris la moindre démarche en vue d’obtenir un passeport pour pouvoir quitter la Suisse. Il ne soutient pas même avoir pris contact avec les autorités sénégalaises, voire maliennes, qui auraient refusé de lui en délivrer un au motif qu'il ne serait pas ressortissant de l'un de ces pays.

En outre, l’assurance de son départ effectif de Suisse répond à un intérêt public certain, notamment au vu de ses condamnations pour infraction à la LStup. S’agissant de son intérêt privé, il n'en fait valoir aucun. Son intérêt privé doit ainsi céder le pas à l’intérêt public à l’exécution de la décision d’expulsion.

Les autorités suisses ont agi avec célérité, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté. Sous l'angle de son audition par les représentants sénégalais, annoncée à la fin du mois de juin 2022, le SEM indique que ce sera désormais en septembre ou octobre 2022. Il sera néanmoins relevé à cet égard que ce délai n'aurait plus lieu d'être en cas de collaboration du recourant en vue de l'obtention d'un passeport de son pays d'origine. En tout état, le fait que ce délai ait été repoussé de quelques mois n'implique pas pour autant que l'exécution de la mesure d'éloignement ne serait pas possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable et avec une probabilité suffisante.

Par ailleurs, la durée de la mesure est compatible avec la limite posée par l’art. 79 LEI.

Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que la mise en détention administrative n’est à même de garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi. La détention est ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé.

La détention administrative du recourant est ainsi conforme au droit et au principe de la proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) La procédure étant gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

 

communique le présent arrêt à Me Igor Zacharia, avocat du recourant, au commissaire de police, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.


Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :