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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/183/2022

ATA/223/2022 du 28.02.2022 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/183/2022-FPUBL ATA/223/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 28 février 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Butrint Ajredini, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Marc Hochmann Favre, avocat


 

 

 

 


Vu le recours interjeté le 10 janvier 2022 par Monsieur A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 22 novembre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours et résiliant ses rapports de service avec effet au 28 février 2022, l’intéressé concluant principalement à l’annulation de ladite décision et à ce qu’il soit ordonné aux HUG de le réintégrer, subsidiairement à ce que les HUG soient condamnés à lui payer son salaire dès le 28 février 2022, ainsi qu’une annuité supplémentaire avec intérêts à 5 % l’an dès le 28 février 2022 jusqu’au prononcé du jugement au fond ;

que le recourant conclut également à ce que l’effet suspensif soit restitué et à ce qu’il soit ordonné aux HUG de maintenir son traitement au-delà du 28 février 2022, ainsi qu’à l’octroi de l’annuité 2022 jusqu’au prononcé du jugement au fond ;

que M. A______, né le ______ 1972, a été engagé en qualité d’infirmier par les HUG dès le 1er avril 2010 ;

qu’il a été nommé fonctionnaire à compter du 1er avril 2012 en qualité d’infirmier diplômé à un taux d’activité à 100 % ;

que, lors du premier entretien d’évaluation et de développement des compétences (ci-après : EEDC) à trois mois de l’engagement, l’employeur avait fixé comme objectif à M. A______ de communiquer de manière calme et constructive avec ses collègues et d’apprendre à gérer le stress ;

que lors de l’évaluation à neuf mois, il a été remarqué que M. A______ présentait des difficultés d’adaptation lors de situations cliniques plus aiguës, son stress l’amenant à adopter un comportement directif auprès de ses collègues ;

que lors de l’entretien à dix-huit mois son comportement paraissait s’être amélioré, mais il avait été convenu qu’il suivrait la formation « stress : le diminuer pour retrouver son énergie » ;

que lors de l’évaluation du 17 avril 2018, il était à nouveau observé que M. A______ devait encore apprendre à gérer son stress ;

que M. A______ a fait l’objet d’une première plainte pour comportement à connotation sexuelle en juin 2018, l’enquête interne n’ayant finalement pas établi d’éléments à son encontre, de sorte que l’incident a été clos le 15 juin 2018 ;

que différents problèmes de comportement sont survenus en mars 2020, notamment une situation conflictuelle avec une aide-soignante, de sorte que le bilan bisannuel du 29 mars 2020 mentionnait cet incident et que la « capacité d’intégration et gestion des conflits » avait été notée 2 sur 5 ;

que le 20 octobre 2020, M. A______ a eu un comportement inadapté vis-à-vis d’une patiente, s’étant énervé et étant devenu agressif, ce qu’il a reconnu ;

que le 27 octobre 2020, le médecin responsable du service a rapporté que M. A______ était dépassé par les situations de soins d’un patient, qu’il avait perdu ses moyens, qu’il était demeuré introuvable durant plusieurs minutes, de sorte qu’une ressource infirmière avait été mobilisée pour s’occuper du patient en urgence ;

qu’une deuxième plainte pour comportement à connotation sexuelle a été déposée le 12 mars 2021 par une patiente hospitalisée dans l’unité d’oncologie ;

que les dires de cette patiente étant crédibles, un soutien psychologique lui avait été proposé, la plaignante précisant qu’elle serait d’accord de témoigner au tribunal si besoin ;

que confronté à ces allégations, M. A______ a nié avoir eu des problèmes avec des patientes et a contesté, par courriel du 16 mars 2021, toute attitude non professionnelle ;

qu’un entretien de service avait été convoqué le 22 mars 2021, M. A______ ayant été libéré dès le 16 mars 2021 de son obligation de travailler ;

qu’un nouvel entretien de service a été convoqué pour le 26 avril 2021 et a été finalement effectué en la forme écrite le 7 mai 2021 en raison de l’absence pour cause de maladie de M. A______ ;

que par ailleurs, dans le cadre de l’enquête menée à l’interne sur les comportements de M. A______, une infirmière, avait dénoncé une situation qu’elle avait vécu comme stagiaire lors de laquelle il avait tenté de l’embrasser pendant le travail ;

qu’il ressort de la décision attaquée que le licenciement a été prononcé pour motifs fondés, pour insuffisance de prestations, notamment suite au comportement relevant du harcèlement sexuel à l’égard d’une patiente auquel s’ajoutaient des difficultés de communication avec les patients et ses collègues impactant la qualité des soins prodigués aux patients et ses difficultés à établir un climat de confiance avec les collègues et à gérer le stress. Il était dispensé de son obligation de travailler et le contrat viendrait à échéance le 28 février 2022 ;

que M. A______ conteste les reproches des HUG. Il s’était rapidement intégré à l’équipe, était un professionnel motivé avec de bonnes connaissances théoriques et une bonne qualité de prestations. Il avait progressivement pu améliorer son évaluation dans le travail journalier. Après sa nomination en qualité de fonctionnaire, il n’avait cessé de faire des progrès. Il avait été encouragé par sa hiérarchie au vu de ses compétences à effectuer une formation en soins palliatifs pour les personnes âgées soit un « CAS en soins palliatifs et personnes âgées », qu’il avait obtenu le 31 janvier 2019. La qualité de son travail pouvait être attestée par de nombreuses personnes qu’il citait comme témoins ;

qu’il a contesté formellement les faits reprochés qui seraient survenus le 11 mars 2021. Il avait expliqué lors d’un entretien du 12 mars 2021 avec les responsables Madame B______ et Monsieur C______ que la patiente était dépressive et s’était dite traumatisée par ce qui lui arrivait. Par ailleurs, s’agissant de la situation conflictuelle de mars 2020 avec sa collègue, il s’était par la suite entretenu avec elle et avait dès lors une bonne relation avec cette collègue. Concernant la prise en charge d’un patient le 27 octobre 2020, il se serait agi d’un malentendu, de sorte qu’il n’avait jamais commis de faute professionnelle ;

qu’il convenait de restituer l’effet suspensif au recours, car il n’y avait pas de mise en danger grave et imminente des intérêts publics. En cas de restitution de l’effet suspensif, les effets du licenciement seraient suspendus, de sorte qu’il garderait son droit au salaire jusqu’à droit jugé ;

qu’en l’espèce, il n’y avait pas d’intérêt public à la sauvegarde des finances étatiques primant sur son intérêt à percevoir son salaire. La résiliation avait été prononcée de manière hâtive, alors même qu’une autre mesure aurait pu être ordonnée comme sa réaffectation auprès d’un autre service ;

que les HUG se sont opposés à la restitution de l’effet suspensif, le recourant ne démontrant pas subir un préjudice irréparable mais cherchant uniquement à obtenir la poursuite du versement de son salaire. Les HUG ont également contesté les griefs du recourant sur le fond. Par ailleurs, si le recourant venait à gagner son recours, la chambre de céans pourrait ordonner sa réintégration en application de l’art. 31 al. 2 loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), de sorte que le recourant n’était pas menacé d’un dommage irréparable ;

que dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions, relevant que la chambre administrative ne pouvait que proposer et non ordonner sa réintégration et qu’un dommage irréparable était notamment porté à sa réputation ;

que les parties ont été informées le 22 février 2022 que la cause a été gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in
RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l’espèce, la restitution de l’effet suspensif placerait le recourant dans la situation prévalant avant son licenciement avec effet au 28 février 2022 ;

que le recourant ne décrit pas le préjudice que lui porterait l’absence de restitution de l’effet suspensif au-delà du fait qu’il continuerait de percevoir son salaire ;

que le recourant ne donne aucune indication sur sa situation financière ni les moyens qui lui permettraient en cas de rejet de son recours de rembourser les traitements, cas échéant, indûment perçus pendant la durée de la procédure ;

qu’ainsi l’intérêt public à la préservation des finances des HUG paraît prépondérant et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/466/2021 du 28 avril 2021 et autres ATA cités) ;

que, conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, s'agissant de l'atteinte à la réputation et à l'avenir professionnel, la décision querellée n’est en soi pas susceptible de causer un préjudice irréparable puisqu'une décision finale entièrement favorable au recourant permettrait de la réparer (ATA/1164/2021 du 2 novembre 2021 consid. 6b ; ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4) ;

que pour le surplus les chances de succès du recours ne paraissent prima facie pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules l’octroi de l’effet suspensif ;

qu’au vu de ce qui précède la requête en restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présent décision avec l’arrêt au fond.

 

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Butrint Ajredini, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Marc Hochmann Favre, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

 

 

 

La présidente :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :