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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/331/2022

ATA/167/2022 du 17.02.2022 ( AIDSO ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/331/2022-AIDSO ATA/167/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 17 février 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Grégoire Rey, avocat

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______, né le ______ 1957, est au bénéfice d'une aide financière de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) depuis 2013.

2) De sa relation avec Madame B______ est né, le ______ 2019, C______.

3) M. A______ loge à l'Hôtel D______, sis avenue E______, depuis le 1er mars 2020, dans une chambre individuelle.

4) Mme B______, également bénéficiaire avec son fils d'une aide financière de l'hospice, s'est installée à l'Hôtel D______ le 6 février 2021, dans une chambre contiguë à celle de M. A______.

5) Le 19 août 2021, le service des enquêtes de l'hospice a effectué un contrôle et constaté que Mme B______ se trouvait dans la chambre de M. A______.

6) Par décision du 21 septembre 2021, l'hospice a considéré que M. A______, son fils et la mère de ce dernier ne formaient qu'un seul groupe familial, et a modifié l'aide financière en conséquence.

7) Le 4 octobre 2021, M. A______ a formé opposition contre la décision précitée.

8) Par décision du 13 décembre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'hospice a rejeté l'opposition.

L'affirmation de M. A______ selon laquelle il ne formait pas un groupe familial ne résistait pas aux constatations clairement établies par le service des enquêtes le 19 août 2021. La chambre n° 1______, censée être celle de Mme B______ et de C______, ne contenait qu'un petit lit et ne servait qu'à entreposer les vêtements et autres affaires des deux parents et de l'enfant, la chambre n° 2______ censée être celle de M. A______ servant en réalité de lieu de vie aux trois personnes, étant précisé qu'elle disposait d'un lit double. Mme B______ avait par ailleurs désigné M. A______ comme son mari, la réfutation subséquente de l'emploi de ce terme n'emportant pas conviction.

M. A______ avait en outre donné le nom de Mme B______ comme personne de contact pendant une période de maladie, et n'avait jamais mentionné de date pour la séparation du couple, se contentant de dire qu'ils avaient conservé les meilleurs rapports possibles.

Le nouveau calcul des prestations financières n'était quant à lui pas litigieux.

9) Par acte posté le 28 janvier 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur opposition précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et au maintien des prestations financières antérieures, soit CHF 2'567.85 par mois.

Il ne pouvait plus vivre convenablement depuis que ses prestations avaient été recalculées, soit depuis le 1er septembre 2021, si bien que ses intérêts étaient gravement atteints. Par ailleurs, aucun intérêt public ou privé ne s'opposait à la restitution de l'effet suspensif au recours.

Sur le fond, M. A______ contestait vivre en concubinage avec Mme B______. Les deux chambres occupées à l'Hôtel D______ étaient des chambres individuelles séparées. Ils vivaient chacun dans leur chambre, ce dont les différents employés de l'hôtel pouvaient témoigner. Le matin du contrôle, elle se trouvait dans l'autre chambre car elle avait été souffrante durant la nuit ; M. A______ avait donc dormi avec leur fils, et elle était venue récupérer ce dernier dans l'autre chambre.

Au surplus, ils avaient fait une demande dans le but d'obtenir un logement de cinq pièces dans le nouveau quartier de l'Étang, ce qui démontrait leur volonté d'avoir chacun leur propre chambre.

10) Le 8 février 2022, l'hospice a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

La question de la qualité pour recourir de M. A______ se posait, dès lors qu'il lui suffisait d'accepter un hébergement temporaire proposé par l'hospice pour toucher à nouveau des prestations pour personne seule.

Même s'il refusait de quitter la chambre n° 2______ de l'Hôtel D______, l'effet suspensif ne devrait pas être restitué, dans la mesure où cela reviendrait à anticiper le jugement définitif. Les conditions de l'urgence n'étaient en outre pas remplies, dès lors que les conditions minimales d'existence de M. A______ étaient respectées et que ce dernier continuait à payer sa chambre d'hôtel nonobstant la modification des prestations. Enfin, son intérêt privé à conserver ses revenus devait céder le pas à la préservation des finances de l'État.

11) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).

3) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

4) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

5) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

6) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

7) En l'espèce, la restitution de l'effet suspensif aboutirait à faire droit aux conclusions principales du recourant pendant toute la durée de la procédure devant la chambre de céans. En outre, au vu de la situation financière du recourant, qui dépend de l'aide sociale, le paiement des montants litigieux à titre provisionnel se ferait très vraisemblablement à fonds perdu.

À cet égard, selon la jurisprudence constante de la chambre de céans, l'intérêt privé du recourant à conserver les revenus relatifs au maintien desdits rapports doit céder le pas à l'intérêt public à la préservation des finances de l'État (ATA/762/2021 du 15 juillet consid. 9 ; ATA/174/2021 du 18 février 2021 ; ATA/191/2019 du 26 février 2019). Enfin, les chances de succès du recours n’apparaissent pas à ce point évidentes qu’elles justifieraient la restitution de l’effet suspensif, la situation factuelle et singulièrement l’absence alléguée de cohabitation du recourant avec Mme B______, nécessitant d’être éclaircie.

La restitution de l'effet suspensif au recours sera dès lors refusée.

8) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Grégoire Rey, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

 

 

La juge :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :