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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4004/2021

ATA/1408/2021 du 29.12.2021 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4004/2021-FPUBL ATA/1408/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 décembre 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Giuseppe Donatiello, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 



Vu la décision du 21 octobre 2021 du département du territoire (ci-après : DT), déclarée exécutoire nonobstant recours, résiliant avec effet au 31 janvier 2022 les rapports de service Madame A______, directrice des ressources humaines, en raison de l’insuffisance de ses prestations, notamment son incapacité à fédérer son équipe et à créer un bon climat de travail, ses déficiences en matière d’organisation du travail, en particulier de celui du pôle administratif et en matière de contrôle interne, son mode de communication inadapté, voire sa maîtrise insuffisante des règles spécifiques de l’État en matière de ressources humaines et sur le plan administratif général ; ces carences avaient été observées par des consultants externes, dont l’un avait été choisi par ses soins ; elle avait été autorisée à engager pendant neuf mois un responsable des ressources humaines (ci-après : RRH) complémentaire et avait bénéficié du soutien de son supérieur direct, le secrétaire général du DT ; dans son rapport du 19 août 2021, le Groupe de confiance avait constaté que ce dernier répondait rapidement à ses demandes, toujours de manière cordiale et professionnelle ;

vu le recours interjeté le 22 novembre 2021 devant la chambre administrative de la Cour de justice par Mme A______ contre cette décision, dont elle demande l’annulation, concluant à la restitution de l’effet suspensif, puis à la suspension de la procédure jusqu’à droit jugé dans la procédure A/1658/2021, ensuite à l’ouverture des enquêtes et à une audience de comparution personnelle et, principalement, à sa réintégration ;

qu’elle expose qu’à son engagement, le 1er avril 2019, elle avait dû faire face à une réorganisation « non-aboutie » et une ambiance délétère ; elle n’avait eu aucun cahier des charges, aucun objectif n’était fixé et aucun soutien ne lui était apporté ; aucun « recadrage » de membres de son équipe posant problème n’avait eu lieu ; ses appels à l’aide n’avaient pas été entendus ; elle avait mené à bien de nombreux projets ; les reproches qui lui avaient été adressés lors de l’entretien de service du 3 février 2021 l’avaient affectée au point qu’elle se trouvait depuis lors en arrêt de travail ; elle avait néanmoins reçu une proposition de convention de départ, qui l’avait encore davantage fragilisée ; son supérieur avait précisé qu’il envisageait de prolonger la période probatoire d’un an, vu l’insuffisance des prestations ; qu’elle avait expliqué ne pas pouvoir exercer son droit d’être entendue dans le délai imparti pour se déterminer sur l’entretien de service, dès lors qu’elle était malade ; le Conseil d’État avait néanmoins signifié le 24 mars 2021 sa décision de prolonger d’un an la période probatoire ; le recours formé contre cette décision était pendant sous A/1658/2021 ; elle avait été convoquée à un nouvel entretien de service, qui avait eu lieu le 10 septembre 2021, alors qu’elle était toujours en arrêt de travail ;

que sa requête de restitution de l’effet suspensif était fondée sur le fait qu’elle serait privée dès le 1er février 2022 de tout revenu et toute protection sociale, alors qu’elle avait deux enfants à charge ; par ailleurs, elle serait amenée à devoir exposer sa situation lors d’éventuels entretiens d’embauche, ce qui « anéantirait sa réputation professionnelle » et ses chances de trouver un emploi ; en outre, son statut, déterminant au regard des règles applicables, était en l’état litigieux ;

qu’elle a fait valoir la violation de son droit d’être entendue, dès lors que le chargé de pièces ne lui avait été remis qu’avec le procès-verbal de l’entretien de service, qu’elle n’avait pas été entendue par le conseiller d’État en charge du DT et ne connaissait pas les doléances que le personnel avait à son encontre ; seule une sanction aurait pu être prononcée et non la résiliation des rapports de service ; elle contestait les reproches qui lui étaient adressés ; en l’absence d’entretien d’évaluation de ses prestations, de cahier des charges et de moyens pour mener à bien sa mission, il ne pouvait lui être fait grief de ne pas avoir réalisé les objectifs ; enfin, la décision violait le principe de la proportionnalité ;

que, se déterminant sur effet suspensif, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours et de la requête d’effet suspensif ; la recourante avait été informée des responsabilités liées au poste et eu des séances régulières avec le secrétaire général ; les difficultés rencontrées par la recourante avaient donné lieu à des réunions, l’intervention d’un consultant externe, un atelier avec ce dernier d’une journée avec tous les membres du personnel de la DRH, l’engagement d’un RRH pour une durée de neuf mois, notamment ; le 27 janvier 2021, le secrétaire général du département avait informé la recourante de ce que son entretien d’évaluation de fin de période probatoire devait avoir lieu ; celle-ci lui avait envoyé, le même jour, un SMS indiquant qu’il ne fallait pas perdre du temps avec un tel entretien et qu’elle démissionnait volontiers si c’était « la meilleure option » ; lors de l’entretien du 3 février 2021, il avait été convenu entre les parties d’une séparation à l’amiable ; qu’à la suite de la constitution d’un avocat, la recourante était revenue sur cet accord ; qu’elle était demeurée en arrêt de travail ; que la période probatoire avait été prolongée ; que le rapport du Groupe de confiance, mis en œuvre par la recourante, avait constaté d’importantes lacunes de celle-ci en matière de gestion et de communication ; que la recourante avait pu exposer son point de vue dans ses déterminations écrites faisant suite à l’entretien de service, effectué par voie écrite ; enfin, il y avait un intérêt public à refuser de restituer l’effet suspensif, les carences de la recourante et l’intérêt financier de l’État s’y opposant ;

que, le 23 novembre 2021, la chambre administrative a rejeté le recours dirigé contre la prolongation de la période probatoire (ATA/1269/2021) ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a indiqué qu’elle ne serait pas remise de son incapacité de travail le 31 janvier 2022 ; dès lors que l’État avait choisi un système d’auto-assurance pour le versement des indemnités journalières, il ne devait pas priver son employée du bénéfice de celles-ci en résiliant les rapports de travail avant la fin de celles-ci ; il convenait d’accorder l’effet suspensif au regard des principes de légalité, d’égalité et de la bonne foi ; elle subirait un préjudice définitif et irréparable à compter du 1er février 2022, puisqu’elle ne bénéficierait plus des indemnités journalières, ni des prestations de l’assurance-invalidité et de l’assurance-chômage ; l’effet suspensif devait être restitué jusqu’à la fin de son incapacité de travail, en tout cas pendant 730 jours civils, voire 520 jours de travail ; enfin, elle sollicitait la tenue d’une audience de tentative de conciliation ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/795/2021 du 4 août 2021 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu’en l’espèce, il convient de constater, avec la recourante, que le DT n’a pas motivé dans sa décision le retrait de l’effet suspensif au recours ; l’on comprend cependant, notamment à la lecture de sa détermination sur effet suspensif, que l’employeur estime que l’intérêt public justifiait que la décision soit immédiatement exécutoire, au vu du dysfonctionnement de la recourante et afin de préserver la bonne marche du service ;

que, dans la pesée des intérêts à prendre en compte, l’intérêt public au bon fonctionnement d’un service, notamment sa gestion et la manière de communiquer qui y est pratiquée, est important ;

que l’intérêt privé de la recourante à conserver son traitement est, certes, également important ;

que, toutefois, bien qu'il soit vraisemblable qu'au vu de son licenciement pour insuffisance de prestations, la recourante subisse une suspension de son droit aux indemnités de chômage (art. 30 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 - loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0), elle n'allègue pas ni a fortiori ne rend vraisemblable qu'elle aurait entrepris les démarches nécessaires en vue d'obtenir une décision de l'assurance-chômage ou qu'elle aurait fait valoir en vain ses droits au regard des art. 8 et suivants de la loi en matière de chômage du 11 novembre 1983 (LMC - J 2 20), qui prévoient des prestations en cas d'incapacité passagère, totale ou partielle de travail ;

qu'elle ne fournit, par ailleurs, aucune précision quant à sa situation financière (éléments de fortune, revenus/fortune, charges etc.), de sorte qu’elle ne rend pas vraisemblable que la fin de son traitement l’exposerait à un préjudice difficilement réparable ni qu’elle disposerait des moyens lui permettant, en cas de rejet de son recours, de rembourser les traitements indûment perçus pendant la durée de la procédure ;

qu'ainsi, l'intérêt public à la préservation des finances de l'entité publique intimée, au vu de l'incertitude de la capacité de la recourante à rembourser les traitements versés en cas de rejet de son recours, est important et prime son intérêt financier à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/795/2021 précité ; ATA/466/2021 du 28 avril 2021 ; ATA/1043/2020 précité ; ATA/1559/2019 du 21 octobre 2019) ;

que, par ailleurs, la question de savoir si, comme elle le fait valoir dans sa réplique sur effet suspensif, l’autorité intimée satisfait à ses obligations en matière d’assurance perte de gain pour cause de maladie ne saurait, à elle seule, justifier la restitution de l’effet suspensif au recours ; qu’en particulier, il ne paraît, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas manifeste que les obligations de l’État en la matière s’opposent à la résiliation des rapports de service ;

qu’il est à cet égard relevé que, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, la période de protection prévue par l’art. 336c CO auquel renvoie l’art. 44A du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) semble avoir été respectée ; la recourante ne soutient d’ailleurs pas le contraire ;

que, pour le surplus, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu'elles justifieraient à elles seules l'octroi de l’effet suspensif ;

que, partant, la requête sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la requête de restitution de l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Giuseppe Donatiello, avocat de la recourante, ainsi qu'au département du territoire.

 

 

La juge :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :

C. Ravier