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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3839/2018

ATA/788/2021 du 27.07.2021 sur JTAPI/789/2019 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 14.09.2021, rendu le 23.06.2022, REJETE, 2C_486/2020, 2C_724/2021
Descripteurs : CALCUL DE L'IMPÔT;IMMEUBLE D'HABITATION;VALEUR LOCATIVE
Normes : LIFD.16; LIPP.17; LIFD.21.al1.letb; LIFD.21.al2; LHID.1.al1; LHID.7.al1; LIPP.24.al1.letb; LIPP.24.al2; LIPP.41.al1; LIPP.41.al2; LIPP.41.al3
Résumé : Arrêt suite à un retour du TF. Examen aboutissant à la conclusion que la valeur locative déterminée par les autorités fiscales espagnoles n’est pas conforme aux exigences légales et jurisprudentielles imposées par le droit interne suisse et cantonal, notamment en matière de respect des conditions locales et de limites à respecter par rapport au loyer du marché. Application de la méthode forfaitaire. Admission du recours de l’AFC-GE.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3839/2018-ICCIFD ATA/788/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juillet 2021

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Madame A______ e Monsieur B______
représentés par Fidial SA, mandataire

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 septembre 2019 (JTAPI/789/2019)


EN FAIT

1) Madame A______ e Monsieur B______ (ci-après : les contribuables) sont mariés et domiciliés à Genève.

2) Dans leur déclaration fiscale pour l’année 2012, les contribuables ont indiqué être notamment propriétaires d’un bien en Espagne depuis 2010. Les éléments relatifs à la valeur de ce bien étaient présentés comme suit :

Capital avant abattement

Capital après abattement (8%)

Valeur locative

IFD / ICC

Frais d’entretien

IFD / ICC

1'000’360.-

920’331.-

12'500.- / 11’500.-

1’250.- / 1’150.-

3) Dans les bordereaux pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2012 du 1er juin 2016, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a retenu les éléments suivants en lien avec l'immeuble en Espagne :

Capital avant abattement

Capital après abattement (12%)

Valeur locative

IFD / ICC

Frais d’entretien

IFD / ICC

1'000’360.-

880’317.-

12’500.- / 11’000.-

1’250.- / 1’100.-

 

 

 

4) Le 17 juin 2016, les époux ont élevé réclamation contre ces bordereaux sur des points qui ne sont plus litigieux dans le présent litige.

5) Par décisions du 3 octobre 2018, l’AFC-GE a maintenu la taxation 2012 des contribuables, en modifiant toutefois la valeur locative de leur bien immobilier en Espagne et leur notifiant des bordereaux rectificatifs pour l’ICC et l’IFD 2012.

L’analyse de leur dossier avait mis en évidence que la valeur locative de leur bien immobilier en Espagne devait être modifiée, dès lors que ce pays ne connaissait pas le principe de la valeur locative. Celle-ci devait ainsi être calculée sur la base d’un taux de 4,5 % de la valeur fiscale de l’immeuble, en application de l’information n° 0/1991 du 1er février 1991 (intitulée « Détermination de la valeur locative nette en matière d'impôt fédéral direct pour la période de taxation 1991-1992 » ; ci-après : l'information du 1er février 1991), de sorte que la valeur locative retenue était de CHF 45'016.- en IFD et de CHF 39'614.- en ICC, après un abattement de 12 %.

6) Le 2 novembre 2018, les contribuables ont interjeté recours par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre ces décisions, en concluant à leur annulation ainsi qu’à celle des bordereaux y relatifs s’agissant notamment de la valeur locative retenue par l’AFC-GE concernant leur bien immobilier en Espagne.

Contrairement à ce qu’avait retenu l’AFC-GE, le principe de la valeur locative existait en Espagne, dont le taux, de 1,1 %, devait être appliqué à leur bien immobilier. Pour l’année 2016, la valeur cadastrale de leur appartement, de la cave et du parking sis en Espagne s’élevait respectivement à EUR 95'735.38,
EUR 6'735.25 et EUR 2'477.21. En appliquant le taux de 1,1 %, la valeur locative du bien sis en Espagne s’élevait à CHF 1'361.- (EUR 1'154.43 x 1,179).

7) Dans son mémoire réponse du 21 décembre 2018, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Dès lors que les époux étaient assujettis aux impôts de manière illimitée en Suisse, la question de la valeur locative devait être examinée à la lumière du droit interne. La prétendue valeur locative espagnole, lorsqu’elle donnait lieu à imposition, ne présentait aucune équivalence avec la notion du droit suisse. Il était ainsi légitime d’appliquer le taux net de 4,5 % de la valeur fiscale de l’immeuble en Espagne en vertu de l’information du 1er février 1991, ce qu’avait du reste récemment confirmé la jurisprudence.

8) Le 2 mai 2019, les contribuables ont relevé que les bordereaux d’impôts espagnols pour les années 2013 à 2016, qu’ils produisaient en annexe, permettaient de constater que depuis 2013, le calcul pour l’imposition de leur bien en Espagne était constant, et pouvait donc servir pour l’année 2012. Il ne leur était pas possible d’obtenir les informations fiscales auprès des autorités espagnoles pour les années antérieures à l’année 2013.

9) Le 13 juin 2019, l’AFC-GE a persisté dans les termes de son recours.

10) Par jugement du 2 septembre 2019, le TAPI a admis partiellement le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour instruction et nouvelles décisions de taxation en matière d’ICC et d’IFD 2012 dans le sens des considérants.

L’exigence fixée par l’AFC-GE, selon laquelle la valeur locative étrangère devait être équivalente ou tendre vers celle fixée par le système suisse, ne reposait sur aucune base légale ni jurisprudentielle, la manière dont une autorité fiscale déterminait la valeur locative relevant de sa souveraineté. Ainsi, le seul fait que la valeur locative espagnole n’était pas déterminée selon les mêmes critères que ceux utilisés dans le système suisse ou représentait un montant plus faible ne justifiait pas l’application de l’information du 1er février 1991 et le taux de 4,5 % retenu.

11) Par acte du 4 octobre 2019, l’AFC-GE a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, en concluant à la suspension de l’instruction jusqu’à droit jugé dans la cause similaire pendante par-devant le Tribunal fédéral, puis à son annulation en tant qu’il portait sur la question de la valeur locative du bien immobilier des contribuables sis en Espagne.

Le droit international ne restreignait pas la Suisse dans la possibilité de prendre en compte la valeur locative pour la détermination du taux d’imposition, de sorte que les règles du droit interne s’appliquaient à son calcul. Dès lors que le loyer théorique espagnol ne présentait aucune équivalence avec la notion suisse de valeur locative, l’information du 1er février 1991 trouvait application, laquelle prenait en compte une valeur locative de 4,5 % correspondant à la valeur fiscale pour l’IFD et après abattement pour l’ICC. Cette pratique avait au demeurant été confirmée par la chambre administrative puis par le Tribunal fédéral.

12) Le 7 novembre 2019, les contribuables ont conclu au rejet du recours et à l’octroi d’une indemnité de procédure.

La cause pendante au Tribunal fédéral n’était pas similaire à la présente affaire, puisqu’elle ne portait pas sur la question de la détermination de la valeur locative mais sur celle de la déductibilité des frais immobiliers effectifs, de sorte que la procédure n’avait pas lieu d’être suspendue.

L’information du 1er février 1991 ne liait pas les autorités judiciaires, qui pouvaient s’en écarter, et ne s’appliquait en tout état de cause pas aux pays qui, comme l’Espagne, connaissaient la pratique de la valeur locative, dont le système était au demeurant comparable à celui pratiqué en Suisse.

13) La procédure a été suspendue dans l'attente de l'arrêt à rendre par le Tribunal fédéral dans la cause 2C_137/2019.

14) Dans leurs observations du 20 mars 2020, après reprise de la procédure, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

15) Le 16 mars 2020, l’AFC-GE a précisé que le Tribunal fédéral avait confirmé dans un arrêt récent (2C_137/2019 du 23 janvier 2020) la conformité au droit fédéral et au principe d’égalité de traitement de la méthode forfaitaire de calcul de la valeur locative, telle que prévue dans l’information du 1er février 1991. La Haute Cour n’avait pas non plus remis en question le fait que l’Espagne ne connaissait pas l’imposition selon la valeur locative.

16) Par arrêt du 30 avril 2020, la chambre administrative a admis le recours, annulé le jugement du TAPI en tant qu’il avait trait à la valeur locative de l’immeuble sis en Espagne et a rétablit les bordereaux de réclamation du 3 octobre 2018 concernant l’ICC et l’IFD 2012.

Le Tribunal fédéral avait considéré que l’Espagne était un pays n’imposant pas la valeur locative. C’était dès lors à juste titre que l’AFC-GE avait appliqué l’information 1991 au bien immobilier des contribuables sis en Espagne et fixé la valeur locative à 4,5 % de la valeur fiscale de l’immeuble. Il n’y avait dès lors pas lieu de procéder à un comparatif entre le droit espagnol et le droit suisse.

17) Par arrêt du 19 janvier 2021, le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt de la chambre administrative du 30 avril 2020 et lui a renvoyé la cause pour nouvelle décision au sens des considérants.

Pris dans sa globalité et en dépit de la formulation regrettable de l’un de ses considérants, l'arrêt 2C_137/2019 ne permettait pas de se dispenser d’examiner si l’Espagne connaissait le concept d’imposition de la valeur locative. Or, il fallait retenir que tel était le cas, sauf pour la résidence habituelle. Ce constat ne permettait toutefois pas encore de conclure à l’invalidité du recours à la méthode forfaitaire. Le fait qu’il ait estimé que le recours à la méthode de calcul forfaitaire prévu par l'information du 1er février 1991 n'était pas contraire au droit fédéral pour les immeubles situés dans des pays qui ne connaissaient pas l'imposition de la valeur locative n'excluait pas que cette méthode puisse aussi trouver application lorsque le pays connaissait une telle imposition. Dans ce dernier cas, le recours à une telle méthode semblait en particulier pertinent si la valeur locative obtenue en application des règles de l'État de situation de l'immeuble ne permettait pas de respecter les exigences légales et jurisprudentielles imposées par le droit interne suisse et cantonal, notamment en matière de respect des conditions locales et de limites à respecter par rapport au loyer du marché.

Contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI, il s'agissait d'appliquer le droit suisse en matière d'imposition de la valeur locative, en examinant au préalable une question de droit étranger. Cet examen ne portait aucunement atteinte à la souveraineté de l'Espagne et les autorités suisses n’étaient pas liées par la valeur locative retenue par les autorités espagnoles.

Il s’agissait donc d’examiner si la valeur locative calculée selon les critères du droit espagnol respectait les exigences susmentionnées, ce qu’il ne pouvait faire en tant que première instance, cela d’autant plus que les cantons disposaient d’une certaine marge de manœuvre dans ce domaine.

18) Le 4 février 2021, la chambre administrative a invité les parties à se déterminer suite à l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral.

19) Le 24 mars 2021, les contribuables ont conclu à la confirmation du jugement du TAPI du 2 septembre 2019 et à la notification de nouveaux bordereaux.

Ils avaient clairement démontré dans leurs précédentes écritures qu’il existait bien un principe de valeur locative en Espagne et que son système d’imposition était comparable au système suisse. Cela ressortait également de l’information de la Conférence suisse des impôts de mars 2015, intitulée
« L'imposition de la valeur locative » (ci-après : l’information CSI). Le TAPI avait d’ailleurs fait la même analyse. Le fait que la valeur locative espagnole ne soit pas déterminée selon les mêmes critères que ceux utilisés dans le système suisse ou représente un montant plus faible n’était pas suffisant pour justifier l’application de l’information du 1er février 1991. Ils préconisaient d’utiliser le calcul de la valeur locative tel qu’il était prévu par le droit fiscal espagnol en prenant en considération les chiffres pour l’année 2013, ceux pour l’année 2012 n’étant pas en leur possession.

20) Le 26 mars 2021, l’AFC-GE a relevé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer la valeur locative espagnole.

La valeur locative de l’immeuble sis en Espagne devait être déterminée au regard du droit fiscal suisse. Il convenait de comparer les deux systèmes d’imposition.

En droit suisse, la valeur locative était déterminée en fonction des conditions locales et de l’utilisation effective du logement. Selon la législation espagnole, l'impôt sur le revenu des non-résidents incluait les revenus issus du capital immobilier auquel était appliqué un barème d'imposition progressif. Les revenus ou loyers théoriques prévus par la loi étaient également pris en compte. Ils englobaient les revenus fictifs tirés de la possession d'immeubles non loués ni affectés à leur résidence principale. L’impôt sur le revenu des non-résidents était calculé en appliquant un taux de 24 % pour la Suisse, pour les années 2016 et suivantes, sur une assiette correspondant à un loyer fictif égal à 1,1 % de la valeur cadastrale (pour les biens dont ladite valeur avait été révisée ou modifiée et était entrée en vigueur lors de la période fiscale ou dans les dix périodes fiscales antérieures) ou à 2 % (pour les autres immeubles). Toutefois, en l’absence d’une valeur cadastrale, l’assiette s’élevait en générale à 50 % de la valeur d’acquisition du bien immobilier.

La prétendue valeur locative espagnole ne présentait donc aucune équivalence avec la notion de valeur locative suisse. La fixation de son assiette reposait sur un faible coefficient appliqué sur une valeur cadastrale, alors que la valeur locative suisse devait être estimée à la valeur du marché. De plus, il n’apparaissait pas que les revenus théoriques espagnols tenaient compte des conditions locales, contrairement au système fiscal suisse. En outre, en Espagne, les frais d'entretien ne pouvaient pas être déduits du loyer théorique, ce qui démontrait de surcroît que la manière de déterminer le revenu immobilier imposable d'un contribuable non-résident n'était pas comparable au système fiscal suisse. Le loyer théorique espagnol ne pouvait donc être appliqué à la taxation suisse des contribuables.

L’examen du bien immobilier en fonction de sa situation et en comparaison avec la valeur du marché du lieu de situation rendait encore plus choquant l’application du loyer théorique espagnol. À l’appartement de 132 m2 situé dans le quartier de la plage de Sant Pol à Girone, s’ajoutait un parking de 20 m2 et une cave de 7 m2. La résidence comprenait également un jardin et une piscine communautaire. Les contribuables avaient expliqué que la valeur locative espagnole correspondait à 1,1 % de la valeur cadastrale et l’avait chiffrée à
CHF 1'361.09, soit CHF 113.42 par mois. Il y avait un écart substantiel entre la valeur d’acquisition (de près d’un million d’euros) et la valeur cadastrale (d’environ EUR 95'000.-), qui représentait environ 10 % de la valeur du marché. La valeur locative espagnole se fondait donc sur une estimation qui était en disproportion manifeste avec la valeur du marché. Si l’on examinait les résidences disponibles à la location dans cette région, force était de constater que la valeur d’environ EUR 100.- par mois ne couvrait aucunement le prix du marché, ni 60 % ou 70 % de celui-ci. En effet, les appartements d’environ 100 m2 disposant d’une piscine privative et à moins de 300 m de la plage dans la même zone que le bien des contribuables étaient loués entre EUR 1'500.- et EUR 1'800.- par mois.

Dans ces circonstances, elle était légitimée à appliquer le taux net de 4,5 % de la valeur fiscale du bien immobilier des contribuables et à ne pas prendre en compte la valeur locative espagnole.

21) Le 17 mai 2021, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

Il était étonnant que l’AFC-GE ne prenne pas position sur leur argumentation relative à la circulaire CSI. Les exemples auxquels se référait l’AFC-GE concernant le prix d’appartements espagnols se rapportaient à des résidences de vacances et ne pouvaient être comparés à des biens servant de résidence principale ou secondaire. Il était par ailleurs impossible de comparer des loyers basés sur le marché de 2021 à ceux de 2012, tant à cause de l’inflation que de la crise économique qu’avait connue l’Espagne dans les années 2008-2010, laquelle avait affecté le marché immobilier à la baisse. Leur logement ne faisait par ailleurs que 112 m2. En outre, il ne bénéficiait pas de chauffage, de sorte qu’il n’était pas possible d’y résider durant l’hiver. Dans certains cantons suisses, la valeur locative n’était pas non plus comparable au prix du marché, notamment dans des stations telles que Verbier.

Ils ont joint en annexe les plans de leur appartement en Espagne permettant la détermination de la superficie habitable.

22) Le 19 mai 2021, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours a déjà été admise par arrêt de la chambre de céans du 30 avril 2020, tout comme d'ailleurs le droit applicable à la présente cause (ATA/440/2020), arrêt auquel il sera renvoyé sur ces points.

2) a. Le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 19 janvier 2021 (2C_486/2020).

En application du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès. La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal 6B_904/2020 du 7 septembre 2020
consid. 1.1 et les références citées ; ATA/653/2020 du 7 juillet 2020 consid. 2).

b. En l’occurrence, le Tribunal fédéral a définitivement tranché la question de l’imposition de la valeur locative en Espagne, relevant que celle-ci existait, sauf pour la résidence habituelle. Il a renvoyé la cause à la chambre de céans afin que celle-ci détermine si le recours à la méthode de calcul forfaitaire prévu par l'information du 1er février 1991 restait applicable en dépit du fait que l’Espagne connaissait un concept de valeur locative. Il a relevé que le recours à une telle méthode semblait en particulier pertinent si la valeur locative obtenue en application des règles de l’état de situation in casu l’Espagne ne permettait pas de respecter les exigences légales et jurisprudentielles imposées par le droit interne suisse et cantonal, notamment en matière de respect des conditions locales et de limites à respecter par rapport au loyer du marché.

3) Selon l'art. 16 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Sont aussi considérés comme revenus les prestations en nature de tout genre dont le contribuable bénéficie, notamment la pension et le logement. La notion de revenu est similaire en matière d'ICC, l'art. 17 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoyant que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèce ou en nature et quelle qu'en soit l'origine.

Parmi les revenus soumis à imposition figure la valeur locative d'un bien immobilier, propriété du contribuable. Il s'agit d'un revenu en nature dont la valeur économique correspond au loyer que le contribuable aurait pu obtenir d'un tiers en louant son logement (ATF 131 I consid. 2.2 ; 112 I a 242 ; ATA/440/2020 précité consid. 5 ; Yves NOËL in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, LIFD, Commentaire romand 2ème éd. 2017, n. 55 ad art. 16 LIFD).

La valeur locative des immeubles sis à l'étranger n'entre en considération que pour la détermination du taux d'imposition des contribuables, tant pour l'IFD que pour l'ICC (ATF 140 II 157 consid. 7.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_25/2021 précité consid. 3.1). Il en va de même s'agissant des excédents de charges et frais d'entretien liés à ces immeubles, qui ne peuvent pas être portés en déduction lors de la détermination de l'assiette imposable en Suisse et qui ne peuvent, par conséquent, être pris en considération que dans le calcul du taux de l'impôt, conformément à l'art. 6 al. 3 3ème phrase LIFD (arrêts du Tribunal fédéral 2C_137/2019 précité consid. 5.1 ; 2C_585/2012 du 6 mars 2014 consid. 3 et les arrêts cités, non publié in ATF 140 II 157).

4) a. En matière d'imposition fédérale, la valeur locative d'un bien immobilier dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit est imposable comme revenu au titre de rendement de la fortune immobilière (art. 21 al. 1 let. b LIFD). La valeur locative est déterminée compte tenu des conditions locales et de l'utilisation effective du logement ou du domicile du contribuable (art. 21 al. 2 LIFD).

b. En matière d'imposition cantonale, la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), qui a pour objet de désigner les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixer les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID), prévoit que l'impôt sur le revenu a notamment pour objet la valeur locative de l'habitation du contribuable dans son propre immeuble (art. 7 al. 1 LHID), sans donner d'autres détails.

Sur cette base, le législateur cantonal a édicté l'art. 24 al. 1 let. b LIPP, lequel est d'une teneur similaire à celle de l'art. 21 al. 1 let. b LIFD.

c. La notion de valeur locative est définie à l'art. 24 al. 2 LIPP, entré en vigueur avec la LIPP le 1er janvier 2010. Celle-ci est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étages occupés par leurs propriétaires est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement. Le loyer théorique est pondéré par la durée d'occupation continue de l'immeuble, conformément au barème applicable en matière d'évaluation des immeubles situés dans le canton ; il ne saurait excéder un taux d'effort de 20 % des revenus bruts totaux. Ce taux d'effort est calculé sur les revenus bruts totaux, mais au minimum sur le montant de la première tranche exonérée d'impôt, selon le barème inscrit à l'art. 41 al. 1 LIPP, pour les personnes seules, et sur le double de ce montant pour les contribuables visés à l'art. 41 al. 2 et 3 LIPP. La valeur locative limitée à ce taux d'effort n'est toutefois prise en considération qu'à la condition que les intérêts sur le financement de l'immeuble ne soient pas supérieurs à ce montant.

d. Selon le Tribunal fédéral, dès lors que la LHID n'impose pas aux cantons de méthode déterminée pour le calcul de la valeur locative en matière d’ICC, les cantons jouissent d'une certaine marge de manœuvre dans la fixation de ladite valeur (ATF 124 I 145 consid. 3b et 3c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_25/2021 précité consid. 4.2 ; 2C_1/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.2 ; 2C_829/2016 et 2C_830/2016 du 10 mai 2017 consid. 10.1 et 10.3), y compris pour les immeubles se situant à l'étranger (arrêts du Tribunal fédéral 2C_25/2021 précité consid. 4.2 ; 2C_500/2018 du 8 avril 2020 consid. 3.2). Celle-ci doit correspondre au prix du marché, mais peut notamment être fixée à une valeur inférieure dans la mesure où, dans le cas concret, elle ne passe pas en-dessous de la limite fixée à 60 % du loyer du marché (ATF 143 I 137 consid. 3.3 ; 124 I 145 consid. 4d ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2019 précité 2020 consid. 4.2).

5) a. D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; ATA/560/2021 du 25 mai 2021 consid. 5 ; ATA/287/2020 du 10 mars 2020 consid. 5 et la référence citée). En matière de détermination de la valeur locative, l'objectif poursuivi par l'adoption de circulaires est d'atteindre l'égalité de traitement entre tous les contribuables, soit entre contribuables occupant leur propre logement, ou entre de tels contribuables, et les contribuables propriétaires d'immeubles locatifs. Il est en principe impossible de s'écarter des règles énoncées dans ces directives, sauf pour les cas qui ne sont pas visés par celles-ci, sous peine de violer le principe de l'égalité de traitement (Nicolas MERLINO in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, op. cit., n. 109 ad art. 21 LIFD).

b. À teneur de la circulaire et des directives de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 25 mars 1969 concernant la détermination du rendement locatif imposable des maisons habitables (ci-après : la circulaire de 1969 ; Archive n° 38, p. 121 ss), la valeur locative se détermine en principe d'après une procédure d'estimation individuelle ou sur la base de l'estimation cantonale, pour autant que celles-ci existent et aient été effectuées selon des règles uniformes (ATA/223/2019 du 5 mars 2019 consid. 13a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_886/2010 du 27 avril 2011 consid. 4.1). L’abrogation de cette circulaire fin 2009 n'empêche en effet pas son application à des périodes fiscales postérieures (arrêt du Tribunal fédéral 2C_486/2020 du 19 janvier 2021 consid. 6.1).

Ainsi, en pratique, la valeur retenue pour l'IFD est la même que celle retenue pour l'impôt cantonal fixé par les cantons, à qui l'on reconnaît une grande liberté dans la détermination de la valeur locative des immeubles sis sur leur territoire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2019 du 19 janvier 2021
consid. 5 ; Thierry OBRIST, Introduction au droit fiscal suisse, 2016, p. 118).

Dans tous les cas, la valeur locative retenue par le canton en matière d'IFD ne doit toutefois pas se situer en deçà du 70 % de la valeur du marché (ATF 123 II 9 consid. 4b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_25/2021 précité consid. 4.1 ; 2C_1/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.1 et les arrêts cités).

c. L'AFC-GE a édicté l'information du 1er février 1991 en exposant la façon dont était définie la méthode de détermination de la valeur locative de base.

La valeur locative des biens immobiliers occupés par leurs propriétaires est calculée par l'AFC-GE, tant pour l'ICC que pour l'IFD, à partir des réponses données par les contribuables concernés au « questionnaire destiné aux propriétaires d'appartement et de villa ». Une valeur locative brute est déterminée d'après une valeur locative de base, qui est fonction de la surface habitable et du nombre de pièces. La valeur locative de base est ensuite multipliée par des coefficients pour tenir compte du type d'habitation, de l'aménagement, de la vétusté, des nuisances et de la situation. Le résultat est finalement adapté à l'indice genevois des loyers. La valeur locative brute obtenue fait ensuite l'objet de pondération en fonction de la durée d'occupation et du taux d'effort.

Selon le point C de l'information, la nouvelle valeur locative est définie sur la base des données statistiques relatives au loyer libre mensuel moyen des logements par m2, époque de construction 1971-1980, fournies par l'office cantonal de la statistique.

d. Se fondant sur l’information du 1er février 1991, l’AFC-GE a pour pratique d'estimer la valeur locative des immeubles situés dans un pays qui ne connaissent pas l'imposition de la valeur locative, à 4,5 % de la valeur fiscale du bien (villa ou appartement en PPE). Pour l'ICC, ce taux est en outre appliqué après un abattement, qui est en l'espèce de 4 % s'agissant d'un immeuble sis en Espagne. Le taux de 4,5% tient déjà compte d'une déduction forfaitaire de 25 % de la valeur locative brute pour les frais d'entretien, qui ne peuvent donc être déduits. L'information ne distingue pas les immeubles situés en Suisse de ceux situés à l'étranger, précisant uniquement que, pour ces derniers, le rendement (ou la valeur locative) ne sera pris (e) en considération que pour déterminer le taux d'imposition.

Cette méthode d'évaluation est admise par la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_354/2012 du 4 octobre 2010 ; 2C_469/2007 du 8 janvier 2008 ; ATA/223/2019 précité consid. 13b ; ATA/159/2010 du 9 mars 2010 consid. 4c).

Le Tribunal fédéral a notamment admis, pour les immeubles à l'étranger, la conformité de la méthode forfaitaire de calcul de la valeur locative, telle que prévue dans l'information du 1er février 1991, avec le principe d'égalité de traitement (arrêts du Tribunal fédéral 2C_829/2016 et 2C_830/2016 précités consid. 9).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs récemment jugé que le fait qu’il ait estimé que le recours à la méthode de calcul forfaitaire prévu par l'information du
1er février 1991 n'était pas contraire au droit fédéral pour les immeubles situés dans des pays qui ne connaissent pas l'imposition de la valeur locative n'excluait pas que cette méthode puisse aussi trouver application lorsque le pays connaît une telle imposition. Dans ce dernier cas, le recours à une telle méthode semblait en particulier pertinent si la valeur locative obtenue en application des règles de l'état de situation de l'immeuble ne permettait pas de respecter les exigences légales et jurisprudentielles imposées par le droit interne suisse et cantonal, notamment en matière de respect des conditions locales et de limites à respecter par rapport au loyer du marché (arrêts du Tribunal fédéral 2C_25/2021 précité consid. 5.2 ; 2C_486/2020 précité consid. 6.6).

e. Le 28 juin 2007, l'AFC-GE a édicté la lettre-circulaire n° 5/2007 relative à la nouvelle détermination de la valeur locative genevoise (ci-après : la lettre-circulaire du 28 juin 2007), exposant la façon dont était redéfinie la méthode de détermination de la valeur locative de base.

Le Tribunal fédéral a relevé que rien n'indiquait que l'information du
1er février 1991 ait été supprimée ou remplacée s'agissant de la valeur locative des immeubles situés à l'étranger (arrêts du Tribunal fédéral 2C_829/2016 et 2C_830/2016 précités consid. 6.3).

6) Selon l’information de la Conférence suisse des impôts de mars 2015, intitulée « L'imposition de la valeur locative » (consultable sur : https://www.estv.admin.ch/estv/fr/home/allgemein/steuerinformationen/fachinformationen/schweizerisches-steuersystem/dossier-steuerinformationen.html ; ci-après : l’information CSI), quatre pays européens prévoient une solution identique ou semblable au système d’imposition de la valeur locative en Suisse (p. 7). Selon un tableau figurant en page 15 de l’information CSI, l’Espagne connaît une valeur locative imposée comme revenu. Elle ne permet toutefois pas de déductions des intérêts passifs ou des frais d’entretien, contrairement à la Suisse.

7) Dans l’arrêt du 2C_486/2020 précité portant sur une affaire très similaire, le Tribunal fédéral a relevé que, contrairement à ce qu’avait retenu le TAPI qui avait considéré que l'exigence selon laquelle la valeur locative étrangère devait être équivalente ou tendre vers celle fixée par le système suisse ne reposait sur aucune base légale ni jurisprudentielle, la manière dont une autorité fiscale déterminait la valeur locative relevant de sa souveraineté , il s'agissait d'appliquer le droit suisse en matière d'imposition de la valeur locative, en examinant au préalable une question de droit étranger. Cet examen ne portait aucunement atteinte à la souveraineté de l'Espagne et les autorités suisses n’étaient pas liées par la valeur locative retenue par les autorités espagnoles (consid. 6.6).

8) La valeur locative d'une maison de vacances ne se calcule pas en fonction de son utilisation effective (ATF 132 I 157 consid. 6) ; elle ne peut être réduite proportionnellement qu'au cas où l'utilisation de la maison est pratiquement impossible une partie de l'année (ATF 99 Ia 344 consid. 5c).

La doctrine et la jurisprudence admettent le principe d’une réduction proportionnelle de la valeur locative pour des biens ne pouvant être habités toute l’année du fait de leur situation ou de leur vétusté (Caroline RUSCONI, L’imposition de la valeur locative, 1988, p. 69 et les références citées). Toutefois, le caractère inhabitable ne saurait résulter uniquement de l’absence de chauffage central ou d’isolation (JAB 1986 p. 154 cas d’une ancienne ferme rendue habitable), mais correspond à un état qui empêcherait tout séjour dans la construction.

La chambre administrative a relevé, dans une affaire similaire, que sans même examiner la question sous l’angle du fardeau de la preuve, l’absence de chauffage central ne constituait pas un tel empêchement, la maison pouvant être chauffée par d’autres moyens ; et, s’agissant d’une construction neuve, l’absence d’isolation ne saurait suffire à la rendre inhabitable vu sa situation (ATA/651/2016 du 26 juillet 2016 consid. 7b).

Le Tribunal fédéral a jugé qu’il n'était pas insoutenable de considérer qu'une maison sans chauffage central pouvait être habitée à l'année en présence d'autres moyens de chauffage, qui plus est dans le centre du Portugal (arrêts du Tribunal fédéral 2C_829/2016 et 830/2016 précités consid. 8.2).

9) En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1077/2020 du
27 octobre 2020 consid. 7).

En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des schweizerischen Steuerrechts, 7ème éd., 2016, p. 502 s.). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêts du Tribunal fédéral 2C_710/2016 du 25 août 2016 consid. 6.2 ; ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4b et les références citées).

10) Les contribuables relèvent que les pièces produites à l’appui de leurs précédentes écritures, à savoir notamment les extraits de la circulaire CSI ainsi que l'article paru dans la Revue internationale de droit comparé (RIDC 3-2013
p. 749), qui se réfère à l'art. 85 de la loi espagnole 35/2006 de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de la modification partielle des lois des impôts sur les sociétés, des revenus des non-résidents, et du patrimoine (ci-après : loi 35/2006), prouveraient qu’il existe bien un principe de valeur locative en Espagne et que son système d’imposition est comparable au système suisse, de sorte qu’il fallait utiliser la méthode prescrite par le droit espagnol.

Il doit être retenu que l’Espagne connaît effectivement le principe de l’imposition de la valeur locative. Toutefois, comme le relève le Tribunal fédéral dans son arrêt de renvoi, demeure la question de savoir si la valeur locative établie par les autorités espagnoles respecte les exigences du droit interne suisse et cantonal. Le fait que le système soit comparable ne permet de pas retenir que tel soit nécessairement le cas.

L’art. 85 al. 1 de la loi 35/2006 prévoit que la valeur locative espagnole est calculée en appliquant à la valeur cadastrale un coefficient de 1,1 % (pour les biens dont la valeur cadastrale a été révisée ou modifiée avec effet au 1er janvier 1994) ou 2 % (pour les autres immeubles). L’impôt est ensuite calculé en appliquant un taux de 24 % (pour la Suisse). En droit genevois, la valeur locative est fixée en fonction des conditions locales, en tenant compte notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement. Le loyer théorique est ensuite pondéré par la durée d'occupation continue de l'immeuble, conformément au barème applicable en matière d'évaluation des immeubles situés dans le canton ; il ne saurait excéder un taux d'effort de 20 % des revenus bruts totaux.

À titre préalable, il sera relevé qu’il n’appartient pas à la chambre de céans de procéder à un examen détaillé ou d’interpréter le droit espagnol, ni même les taxations espagnoles produites par les contribuables, mais uniquement de déterminer si la valeur locative telle que retenue par les autorités espagnoles est conforme au droit suisse et cantonal. Cela étant, le calcul opéré par les autorités espagnoles, et à fortiori le résultat obtenu, n’est pas le même que celui opéré par les autorités fiscales cantonales. L’absence de prise en compte de déductions pour les intérêts passifs ou les frais d’entretien en Espagne, ce qui ressort tant de
l’art. 85 de la loi 35/2006 que de l’information CSI, contrairement à ce qui existe en Suisse, renforce par ailleurs ce constat quant à la différence des méthodes. À toutes fins utiles, il sera relevé que le TAPI a admis dans le jugement querellé que la valeur locative espagnole n'était pas déterminée selon les mêmes critères que ceux utilisés dans le système suisse.

Par ailleurs, comme susmentionné, la valeur locative, selon les normes de droit suisse, ne peut pas être fixée à une valeur inférieure à 60 % du prix du marché en matière d’ICC et à 70 % en deçà de cette valeur pour l’IFD. Il n’apparaît pas, et les contribuables ne le prétendent pas, que le droit espagnol imposerait des conditions similaires. Les contribuables n’ont pas démontré la valeur vénale de leur bien fixée par les autorités espagnoles ; les pièces fiscales produites n’apportent aucune information sur ce point. Ils ont en revanche calculé eux-mêmes cette valeur en multipliant par 1,1 % de la valeur cadastrale de leur bien (appartement, parking et cave), obtenant ainsi une valeur de EUR 1'154.43
(CHF 1'361.09). Compte tenu du bien détenu par les contribuables, à savoir un appartement de plus de 100 m2 situé dans le quartier de la plage de Sant Pol à Girone, dans une résidence comprenant également un jardin et une piscine communautaire, il est plus qu’improbable que le prix du marché pour un bien similaire s’élève à moins de EUR 100.- par mois (EUR 1'154.43 / 12), ni même qu’il ne représente un loyer équivalent à 60 % ou 70 % du prix du marché. Même si les exemples de location de biens similaires à celui des contribuables produits par l’autorité recourante ne sauraient établir la valeur locative objective du bien litigieux, ils permettent de confirmer la disproportion évidente entre le prix du marché et la valeur locative retenue par les autorités espagnoles. Par ailleurs, il est peu probable que la crise financière espagnole, survenue en 2008, ait eu pour incidence la baisse du marché immobilier dans les années suivantes comme le prétendent les contribuables, qui ne le prouvent d’ailleurs pas. Même à admettre une augmentation des prix des loyers entre 2012 et 2021 à cause de l’inflation comme les précités l’invoquent, il est que douteux que le prix des loyers ait atteint EUR 100.- par mois pour la location d’un appartement du même type que celui des recourants, ni même 60% ou 70% de cette somme.

Les contribuables relèvent encore que leur bien serait inhabitable durant la période froide compte tenu de l’absence de chauffage, ce qui conduirait à diminuer le loyer hypothétique. Même à admettre cet élément de fait, qui n’est toutefois pas prouvé, cela ne suffirait pas à admettre une réduction de la valeur locative du bien. En effet, le caractère inhabitable ne saurait résulter, au sens de la jurisprudence précitée, uniquement de l’absence de chauffage d’un appartement situé à Gérone, celui-ci pouvant être chauffé par d’autres moyens, notamment par des chauffages d’appoint si nécessaire.

Ainsi, la valeur locative telle que fixée par les autorités espagnoles ne respecte pas les exigences du droit interne suisse et cantonal. Fort de ce constat, il ne peut être reproché à l’autorité d’avoir fait usage de la méthode de calcul forfaitaire prévue par l'information du 1er février 1991, à savoir une valeur locative nette de 4,5 % de la valeur fiscale de l’immeuble (incluant déjà une déduction forfaitaire de 25 % de la valeur locative brute pour les frais d'entretien), dont la conformité au droit a été admise à de nombreuses reprises tant par la chambre de céans que par le Tribunal fédéral.

Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement entrepris sera par conséquent annulé s’agissant de la valeur locative du bien immobilier des contribuables sis en Espagne et les bordereaux de taxation du 3 octobre 2018 concernant l’ICC et l’IFD 2012 seront rétablis.

11) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge des contribuables (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2019 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 septembre 2019 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 septembre 2019, en tant qu’il a trait à la valeur locative de l’immeuble sis en Espagne ;

rétablit les bordereaux d’impôt du 3 octobre 2018 concernant l’ICC et l’IFD 2012 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge conjointe de Madame A______ e Monsieur B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Fidial SA, mandataire des intimés, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, président, Mme Pedrazzini Rizzi, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :