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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/655/2020

ATA/628/2021 du 15.06.2021 sur JTAPI/1051/2020 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 25.08.2021, rendu le 09.09.2021, RETIRE, 1C_472/2021
Normes : LCI.59.al4; LCI.59.al4bis; LCI.156.al5; LCI.3.al3; LPA.61.al2; LCI.14
Parties : MARTI Jean-François / DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, PALEY ARCHITECTES SARL, SAPINS REAL ESTATE INVEST SA
Résumé : Rejet d’un recours contre une autorisation de construire confirmée par le TAPI sur recours d’un voisin. Le projet concerne cinq villas contiguës de haute performance énergétique ainsi que dix places de parking extérieures, pour un indice d’utilisation du sol de 41,2 %. Examen du droit applicable compte tenu des modifications de la LCI et du moratoire de l’octroi des dérogations en zone 5. Au vu des préavis délivrés pendant l’instruction du dossier, le département n’a pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation. Examen de la conformité du projet à l'aune de l'ancien art. 59 al. 4 let. a LCI. Examen des inconvénients graves invoqués dans le recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/655/2020-LCI ATA/628/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 juin 2021

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Jean-François MARTI
représenté par Me Olivier Adler, avocat

contre

SAPINS REAL ESTATE INVEST SA
représentée par Me Mark Muller, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 novembre 2020 (JTAPI/1051/2020)


EN FAIT

1) Sapins Real Estate Invest SA (ci-après : Sapins) est propriétaire de la parcelle n1'286 d’une surface de 1'725 m2, située au 3, chemin du Pré-Félix à Genthod, en 5ème zone de construction.

2) Le 23 novembre 2018, une demande d’autorisation de construire
(DD 112'107) a été déposée auprès du département du territoire (ci-après : le département), en vue d’ériger sur la parcelle no 1'286 cinq habitations contigües de haute performance énergétique (ci-après : HPE) après démolition de la villa existante et l’abattage d’arbres.

Le projet prévoyait une surface de plancher habitable de 711,2 m2, soit 41,20 % de la surface de la parcelle, dix places de parking extérieures, en bordure du chemin du Pré-Félix, toutes accessibles par une entrée située sur ce chemin.

3) Dans le cadre de l’instruction de la demande de construction, les préavis suivants ont été recueillis par le département :

- le 11 décembre 2018, la commission d’architecture (ci-après : CA) s’est prononcée favorablement à la dérogation selon l’art. 59 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). L’implantation était cohérente. Le projet était compact et préservait suffisamment de surface végétale sur la parcelle ;

- les 12 et 20 décembre 2018, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) a émis un préavis favorable sous conditions. Les arbres à proximité des travaux devaient être valablement conservés et l’image paysagère devait être conforme au plan d’aménagement paysager ;

- le 19 décembre 2018, l’office cantonal de transports (ci-après : OCT) a demandé une modification du projet, qui n’était pas conforme au règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015
(RPSFP - L 5 05.10). Il convenait de rajouter une place visiteur. Après modification du projet et transformation d’une place de parking en zone de stationnement pour vélos et motos, le 3 mai 2019, le nouveau préavis était favorable sans observations ;

- le 8 janvier 2019, la commune de Genthod (ci-après : la commune) a préavisé négativement le projet. La parcelle se trouvait dans un quartier résidentiel avec une arborisation « sympathique et agréable ». La façade sud présentait « une sorte de mur en béton d’environ 220 m2. Les places de parking renforçaient cette impression. Une architecture en adéquation avec le lieu n’avait pas été respectée ;

- le 21 janvier 2019, l’office de l’urbanisme s’est prononcé favorablement, émettant des souhaits. La densité du projet pourrait être diminuée si la morphologie de l’habitat contigu était maintenue ou si la densité prévue était maintenue, une morphologie d’habitat groupé pourrait être retenue.

Il s’est prononcé à nouveau favorablement le 30 septembre 2019 par un préavis annulant le précédent. Il retenait que les jardins étaient de petite taille et n’offraient pas l’intimité recherchée pour un habitat individuel. Une morphologie d’habitat groupé avec appartements permettrait de libérer de l’espace pour un usage mutualisé entre résidents. Le nombre de logements et la morphologie retenue saturaient la parcelle. En revanche, l’implantation des stationnements en front de rue était compacte, ce qui libérait de l’espace en pleine terre. La perméabilité devait être favorisée dans le traitement minéral des places de stationnement. Des arbres existants étaient maintenus. Il s’en remettait à la CA concernant le traitement des questions architecturales ;

Tous les autres préavis recueillis dans le cadre de l’instruction de cette demande étaient favorables, le cas échéant sous conditions.

4) Le 21 janvier 2020, le département a délivré l’autorisation de construire DD 112'107, et publié celle-ci dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève.

5) Le même jour, la commune a été informée par le département de la délivrance de l’autorisation de construire.

La configuration du projet permettait de préserver suffisamment de surface végétale et le maintien de la majorité des arbres existants. La CA n’avait pas relevé l’effet mural avancé par la commune, dès lors qu’elle avait constaté que la façade était composée essentiellement de vitrages et qu’un décrochement était prévu entre chaque villa. Les places de parking ne pouvaient accentuer cet effet car elles se situaient au nord de la parcelle, dont la façade présentait les mêmes caractéristiques vitrées que celle côté sud. L’implantation de celles-ci avait été jugée compacte et opportune par l’office de l’urbanisme. Le projet ne portait pas atteinte à l’harmonie du quartier. Les autres instances de préavis étaient favorables au projet, avec ou sans réserves.

6) Par acte du 20 février 2020, Monsieur Jean-François MARTI, propriétaire de la parcelle no 1'287, située au chemin du Pré-Félix 5, contigüe à la parcelle no 1'286, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l’autorisation de construire, concluant à titre préalable à un transport sur place, principalement à son annulation, et subsidiairement au renvoi du dossier au département pour nouvelle décision.

Les conditions cumulatives prévues à l’art. 59 al. 4 LCI n’étaient pas remplies. Le caractère justifié des circonstances et la compatibilité du projet avec l’esthétisme, l’harmonie et l’aménagement préexistant du chemin du Pré-Félix n’étaient pas donnés dans le cadre du projet en question. La commune avait rendu un préavis défavorable. Les façades sud n’étaient pas proportionnées, en hauteur, avec la nature environnante. Les places de parking bétonnées devant les logements menaçaient l’esthétisme du chemin. Écarter le préavis de la commune sans explication revenait à le minimiser sans raison valable.

Le projet ne prévoyait pas de places visiteurs, ce qui allait augmenter la saturation des places de parking publiques situées le long du chemin du Pré-Félix. La circulation dans le chemin du Pré-Félix, déjà rendue compliquée par les derniers projets de densification, ne pouvait que souffrir de l’arrivée de nombreux véhicules supplémentaires. L’espace étroit prévu pour accéder aux dix places laissait présager des manœuvres importantes, entraînant bruit et pollution.

Les circonstances ne justifiaient pas la dérogation à l’art. 59 al. 4 LCI, dès lors que le moratoire du département, bien que ne s’appliquant pas au projet en question, démontrait pourtant la volonté du canton de ne plus continuer à autoriser un développement non coordonné de la 5ème zone, avec répétition des zones bâties.

Dans de telles conditions, il ne se justifiait pas d’autoriser ce projet et il aurait été plus conforme à la volonté du canton de Genève, exprimée dans le moratoire, d’imaginer un projet moins dense avec un parking souterrain et des solutions respectueuses de la végétation, de la vie du quartier et de l’intimité de chacun.

7) Dans ses observations du 13 mai 2020, le département a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’autorisation de construire.

8) Dans ses observations du 15 mai 2020, la propriétaire a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l’autorisation de construire.

9) Après avoir ordonné un second échange d’écriture, le TAPI a rejeté le recours par jugement du 26 novembre 2020.

Le transport sur place n’était pas nécessaire, les informations indispensables étant à disposition dans le dossier et sur le système d'information du territoire à Genève (ci-après : SITG).

L’autorisation de construire avait été délivrée près d’une année avant la mise en place d’un moratoire prononcé par le département, lequel ne s’appliquait pas aux autorisation antérieures.

Tous les préavis des instances spécialisées consultées étaient favorables, en particulier la CA qui l’était également à la dérogation aux rapports de surface. Seule la commune s’opposait au projet. Il fallait retenir qu’a priori, selon les principes exposés en détail, l’autorité avait fait une correcte application du droit et ni le voisin recourant ni la commune n’avaient apporté d’éléments susceptibles de renverser cette présomption. Le projet autorisé répondait bel et bien aux attentes de la CA. Dans ces circonstances, le département n’avait ni abusé ni excédé son pouvoir d’appréciation en accordant l’autorisation de construire litigieuse.

S’agissant des questions de places de parking et de trafic, c’était à juste titre que le département s’était fondé sur le préavis favorable de l’OCT.

10) Le 18 février 2021, M. MARTI a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant principalement à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire DD 112'107, subsidiairement au renvoi de la cause au TAPI pour nouveau jugement. Préalablement, il concluait à l’audition du maire de la commune ainsi qu’à ce qu’un transport sur place soit ordonné.

Il reprenait, pour l’essentiel et en substance, les griefs développés devant le TAPI.

Le chemin Pré-Félix était long de 400 m environ et mesurait 4 à 5 m de large. Il était bordé de trente-quatre parcelles sur lesquelles se dressaient des villas individuelles et des habitats groupés. Cette densité était due notamment aux constructions des dernières années.

En plus des nuisances sonores, olfactives et de la pollution provoquée par le va-et-vient quotidien et croissant des véhicules des habitants, le chemin souffrait d’une pollution visuelle : la route n’étant pas uniquement bordée d’arbres et de haies, mais aussi de véhicules dont des utilitaires qui pouvaient demeurer des mois sur la même place. Les solutions de parking offertes sur le chemin pour les habitants étaient déjà saturées à ce jour. Les dix places prévues ne laissaient aucun espace pour les potentiels visiteurs. Un parking souterrain aurait au moins l’avantage de ne pas enlaidir le chemin et les alentours des logements prévus pourraient ainsi être constitués d’espaces verts et non d’un parterre de béton, garni de véhicules automobiles.

Il ne faisait pas sens d’écarter l’avis de la commune qui, à court terme, allait établir une stratégie de planification globale que les services cantonaux devraient prendre en compte lors de l’examen des projets. Les modifications de la loi, entrées en vigueur le 28 novembre 2020, soit deux jours après le prononcé du jugement du TAPI, le prévoyait. Dès le 1er janvier 2023, le département ne pourrait pas accorder de dérogation sans l’accord de la commune concernée.

Le TAPI avait violé son droit d’être entendu en refusant d’ordonner un transport sur place et commis un déni de justice en n’examinant pas son grief relatif à l’absence de garage souterrain.

Il invoquait une violation de l’art. 59 al. 4bis LCI, la dérogation ayant été accordée alors que la commune concernée avait rendu un préavis négatif et était opposée au projet.

Il invoquait une violation de l’art. 59 al. 4 LCI et un abus ou excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité intimée pour non-respect des conditions permettant d’accorder une dérogation à l’art. 59 LCI.

Finalement, il invoquait une violation de l’art. 14 al. 1 LCI, par l’absence de place de parking visiteurs alors que la circulation dans le chemin Pré-Félix était déjà rendue compliquée par les places situées sur le bord du chemin et les derniers projets de densification.

11) Le 22 janvier 2021, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

12) Le 19 février 2021, Sapins a déposé des observations, concluant au rejet du recours ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Le chemin de Pré-Félix avait une largeur de 5,01 m et vingt-cinq parcelles le bordaient.

Le projet comportait dix places de parking pour cinq villas et les places sur le chemin n’étaient pas destinées aux habitants.

Tant le moratoire que les nouvelles dispositions de la LCI ne s’appliquaient pas à l’autorisation de construire querellée qui demeurait entièrement soumise à l’ancien droit.

Le projet n’était pas susceptible d’apporter une modification irréversible de l’harmonie paysagère du quartier, cela d’autant plus que les parcelles environnantes abritaient déjà des constructions similaires qui s’intégraient parfaitement dans le quartier, composée de maisons individuelles et de villas en ordre contigu.

Le nombre de places de stationnement prévu par le projet était conforme aux exigences légales, notamment à l’art. 14 al. 1 LCI en ne créant pas d’inconvénients graves. Le recourant ne faisait que substituer sa propre appréciation à celle de l’instance spécialisée qui avait préavisé favorablement le projet.

13) Le 19 février 2021, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

14) Le 24 mars 2021, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant conclut à ce que des mesures d’instruction, soit un transport sur place ainsi que l’audition d’un témoin, soient ordonnées. Il fait grief au TAPI de n’avoir pas ordonné de transport sur place et de n’avoir pas répondu à l’un de ses griefs, violant ainsi son droit d’être entendu et causant un déni de justice.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_58/2018 du 29 juin 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités).

b. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2017 du 5 juillet 2018 consid. 2.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_24/2017 du 13 décembre 2017 consid. 2.2).

c. Le droit d'être entendu implique également pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid. 3.2.1). Il suffit que l'autorité mentionne, même brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2 et les références citées).

Le TAPI a considéré qu'il disposait d'un dossier lui permettant de visualiser le projet litigieux, son futur emplacement, ses dimensions et le périmètre dans lequel il s'insérait et que l’ensemble des éléments sur lesquels devrait porter un transport sur place pouvaient être aisément vérifiés par les éléments mis à disposition sur SITG. Quant à la question de l’intégration du futur bâtiment dans l’environnement actuel, il n’y avait pas lieu de l’examiner sur place et un transport sur place, ayant pour objet les mêmes éléments d'appréciation, n'apporterait donc aucune information ou donnée pertinente supplémentaire, de sorte que c'est à juste titre que le TAPI a rejeté cette demande instruction. Quant aux constatations liées aux places de parking, le transport sur place ou l’audition du témoin, elles ne sont pas nécessaires pour les raisons qui seront développées ci-dessous.

En l'espèce, à l'instar du TAPI, la chambre de céans considère que le dossier, qui contient de nombreux plans du projet de construction, est complet et en état d'être jugé. Il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction formulées, compte tenu de ce qui suit.

En conséquence, le grief sera écarté et la requête de mesures d’instruction refusée.

De même, le grief de défaut de motivation du jugement, invoqué par le recourant en lien avec l’absence d’examen par le TAPI de la nécessité de prévoir un garage au sous-sol, sera écarté, le TAPI ayant examiné la question du stationnement tant du point de vue de son implantation que du nombre de places. Cette motivation apparaît comme suffisante au regard des exigences rappelées
ci-dessus, le recourant n’ayant au demeurant invoqué devant le TAPI aucune disposition légale qui justifierait un examen plus précis.

3) Le recourant fait grief au TAPI de n’avoir pas fait application de l’art. 59
al. 4bis LCI ou du gel de l’octroi de dérogations en 5ème zone. Par ailleurs, il estime que l’art. 59 al. 4 let. a LCI a été violé dans la mesure où le projet heurterait le caractère du quartier et son harmonie. Il invoque également le préavis négatif de la commune et l’évolution législative ayant conduit à l’adoption du nouvel art. 59 LCI.

a. L'art. 59 al. 4 LCI règle les rapports des surfaces en 5ème zone.

Dans sa teneur jusqu'au 28 novembre 2020, cet article prévoyait que, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 40 % de la surface du terrain, 44 % lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique, reconnue comme telle par le service compétent (let. a).

b. Depuis le 28 novembre 2020, l'art. 59 LCI prévoit que, dans les périmètres de densification accrue définis par un plan directeur communal (ci-après : PDCom) approuvé par le Conseil d'État et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après la consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d'habitat groupé dont la surface de plancher habitable n'excède pas 44 % de la surface du terrain, 48 % lorsque la construction est conforme à un standard très haute performance énergétique
(ci-après : THPE), reconnue comme telle par le service compétent (al. 4 let. a). En outre, dans les communes qui n'ont pas défini de périmètres de densification accrue dans leur plan directeur communal, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l'al. 4 let. a. Pour toutes les demandes d'autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023 un préavis communal favorable est nécessaire (al. 4bis).

L'art. 156 al. 5 LCI précise que l'art. 59 al. 3bis, 4 et 5, dans leur teneur du 1er octobre 2020, s'applique aux demandes d'autorisation déposées après leur entrée en vigueur.

c. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à l'art. 59 LCI (PL 12'566) que le département a proposé une disposition légale, en l'occurrence l'art. 156 al. 4 LCI qui deviendra l'art. 156 al. 5 précité, prévoyant que les nouvelles dispositions s'appliquent aux demandes d'autorisation déposées après l'entrée en vigueur de la loi. Il y aurait ainsi une succession immédiate de l'application des nouvelles dispositions sans délai (PL 12'566 https://ge.ch/grandconseil/data/texte/
PL12566A.pdf, p. 16 et p. 36).

d. Le 28 novembre 2019, le département a annoncé ne plus accorder, dès cette date, de dérogation pour les projets de densification en zone villas au sens de l'art. 59 al. 4 LCI (gel des dérogations concernant la densité, communiqué de presse du département du 28 novembre 2019) dans l'attente de l'établissement de conditions-cadre pour plus de durabilité au développement de la 5ème zone.

Vu l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions précitées, le gel de l’octroi des dérogations a été levé par le département le 19 janvier 2021 (https://www.ge.ch/document/fin-du-gel-zone-villa-nouvelles-exigences-preserver-qualite-zone-villa).

En l'espèce, s’il est vrai que l'autorisation de construire contestée a été délivrée le 21 janvier 2020, soit après l'adoption du gel des dérogations le 28 novembre 2019, la chambre de céans a déjà considéré que le moratoire était valable uniquement à compter du dépôt de nouvelles autorisations de construire (ATA/1075/2020 du 27 octobre 2020 consid. 5), de sorte que c'est en vain que le recourant semble s'en prévaloir.

Quant au nouvel art. 59 al. 4bis LCI, entré en vigueur le 28 novembre 2020, et quand bien même il n'est pas textuellement repris à l'art. 156 al. 5 LCI, les travaux préparatoires cités ci-dessus démontrent que l'intention du législateur était que toutes les nouvelles dispositions soient applicables seulement pour les demandes d'autorisation déposées après le 28 novembre 2020, ce que la chambre de céans a déjà eu l’occasion de constater (ATA/439/2021 du 20 avril 2021 consid. 5).

L'art. 59 al. 4bis LCI ne trouve donc pas application en l’espèce et il convient d’examiner les griefs du recourant au regard de la LCI dans sa teneur jusqu’au 28 novembre 2020.

4) a. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste ainsi libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser.

Selon l'art. 59 al. 4 let. a LCI, tant le préavis de la commune que celui de la CA ont cette caractéristique (ATA/259/2020 du 3 mars 2020 consid. 5).

Il n'en demeure pas moins que la délivrance de telles autorisations de construire demeure de la compétence exclusive du département, à qui il appartient de statuer en tenant compte de tous les intérêts en présence (ATA/259/2020 précité consid. 5 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 consid. 7).

b. La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, exigée par l'art. 59 al. 4 LCI, est une clause d'esthétique, analogue à celle contenue à l'art. 15 LCI. Une telle clause fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

c. Comme le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, la première condition imposée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, soit le caractère justifié des circonstances, relève de l'opportunité, que la chambre de céans ne peut pas contrôler (art. 61 al. 2 LPA), alors que la seconde relative à la compatibilité du projet pose des critères relatifs à l'esthétique et à l'aménagement du territoire conférant un large pouvoir d'appréciation à l'autorité qui doit s'exercer dans le cadre légal. Cette deuxième condition relève non pas de l'opportunité, mais de l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, dont la chambre administrative est habilitée, selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l'excès ou l'abus (arrêt du Tribunal fédéral 1P.50/2003 du 27 mars 2003 consid. 2.2 et les références ; ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 5c).

d. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de
celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1098/2019 du 25 juin 2019 consid. 2e). De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/373/2016 du 3 mai 2016 consid. 9d et les références).

Dans sa jurisprudence relative aux préavis de la CA, la chambre de céans a retenu qu'un préavis favorable n'a en principe pas besoin d'être motivé (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 4 ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 du 6 décembre 2017 consid. 3.4.2). Néanmoins, il arrive que des exigences de motivation plus explicite soient requises lorsque, par exemple, l'augmentation de la hauteur du gabarit légal est trop importante (ATA/824/2013 du 17 décembre 2013 consid. 5).

e. La CA donne son avis en matière architecturale au département (art. 4 al. 1 de la loi sur les commissions d'urbanisme et d'architecture du 24 février 1961 - LCUA - L 1 55) et dans le cadre de la dérogation au rapport des surfaces prévues à l’art. 59 LCI, elle doit être consultée par celui-ci.

f. En l’espèce, la CA a rendu un préavis favorable le 11 décembre 2018, retenant notamment la cohérence de l’implantation et le fait que le projet était compact et préservait suffisamment de surface végétale sur la parcelle.

Aucun élément au dossier ne permet de retenir que la CA n'aurait pas examiné de façon attentive la requête d'autorisation de construire et, en tant qu'autorité spécialisée, son analyse du projet n'apparaît pas contestable.

Le recourant, quant à lui, estime que le « projet peine à convaincre » quant au respect de « l’esthétisme et de l’aménagement préexistant », ne faisant ainsi que substituer sa propre appréciation à celle du département sur la question de l'adéquation de la construction avec son environnement bâti.

La position de la commune, laquelle n'a pas fait recours contre l'autorisation de construire litigieuse nonobstant son préavis défavorable, ne constitue, en l’occurrence, qu'un intérêt parmi d'autres dont l'appréciation de la pertinence incombe au département dans le cadre de sa liberté d'appréciation lors de l'application de l'art. 59 al. 4 let. a LCI. Quant au préavis de l’office de l’urbanisme, sur lequel le recourant fonde en partie son argumentation, il faut constater qu’il est favorable au projet, bien qu’il relève le fait qu’un habitat groupé aurait permis de libérer plus d’espace. Toutefois, ce souhait de l’office de l’urbanisme ne va pas dans le sens des reproches faits par le recourant qui portent essentiellement sur l’absence de parking souterrain et n’apparaît pas favoriser l’habitat groupé par rapport aux habitations individuelles mitoyennes.

Quant à l’exigence d’un parking souterrain, dont le recourant se prévaut, elle n’est fondée sur aucune disposition légale et relève également de l’appréciation du projet qui a été faite par le département, fondé sur le préavis de la CA. En effet, le guide pour la densification de qualité de la zone 5, mentionné par le recourant, qui préconise ce type de parking ne constitue pas une base légale, ce que le recourant n’affirme d’ailleurs pas puisqu’il indique uniquement que cette solution aurait été préférable.

En outre, comme vu ci-dessus tant le moratoire que les nouvelles dispositions de la LCI qui reflètent la « vision du canton » dans le domaine du développement de la zone 5, selon les termes du recourant, ne trouvent pas application dans le cas d’espèce.

Finalement, il apparaît que le secteur dans lequel le projet litigieux est prévu est constitué de constructions aux typologies variées. Le quartier concerné n'est en effet pas essentiellement constitué de maisons individuelles, puisque ces dernières années différentes formes d’habitations y ont été érigées, comme le relève le recourant lui-même.

En conséquence, les griefs seront écartés.

5) Reste à examiner le grief de violation de l’art. 14 al. 1 LCI invoqué par le recourant qui estime que les visiteurs n’ayant pas de place de stationnement sur la parcelle concernée viendront augmenter « la saturation des places » situées le long du chemin Pré-Félix. Il invoque également la circulation dudit chemin qui serait déjà rendue compliquée par les places situées sur son bord et les effets des derniers projets de densification. La situation ne pourrait que souffrir des nombreux véhicules supplémentaires. L’étroitesse du chemin d’accès et les dix places de parking prévues laissaient présager des manœuvres importantes entraînant du bruit et de la pollution.

a. L'art. 14 al. 1 LCI dispose que le département peut refuser les autorisations prévues à l'art. 1 lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ; ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu'exige son exploitation ou son utilisation (let. b) ; ne remplit pas des conditions de sécurité et de salubrité suffisantes à l'égard des voisins ou du public (let. c) ; offre des dangers particuliers (notamment incendie, émanations nocives ou explosions), si la surface de la parcelle sur laquelle elle est établie est insuffisante pour constituer une zone de protection (let. d) ; peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

b. Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d'une zone déterminée. La construction d'un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d'inconvénients graves, notamment s'il n'y a pas d'abus de la part de la constructrice ou du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/461/2020 du 7 mai 2020 consid. 11b).

En l'espèce, le recourant motive une violation de l'art. 14 LCI, de façon très générale, notamment par l'existence de nuisances déjà subies en lien avec les véhicules des habitants des constructions récentes. Il mélange à tort les nuisances déjà subies avec les nuisances qui seraient provoquées par la construction projetée qui sont les seules dont l'examen est pertinent en l'espèce. Ainsi, les questions liées aux places de stationnement publiques existant sur le chemin et leur fréquentation sont exorbitantes au litige qui portent sur la construction de cinq habitations individuelles et de dix places de stationnement. C’est le lieu de préciser que, pour cette raison, un transport sur place ou l’audition du maire de la commune, portant notamment sur l’état du stationnement sur le chemin Pré-Félix, ne seraient pas susceptibles de modifier la conclusion qui suit.

Force est de constater, conformément à la jurisprudence précitée, que rien ne permet de retenir que les inconvénients créés par les dix places de stationnement liées aux cinq villas projetées puissent être qualifiés de graves. Le projet a été préavisé favorablement par le service technique compétent après un examen minutieux, l’OCT ayant en effet demandé la modification du projet dans un premier temps.

En conséquence, ce grief sera également écarté.

6) En tous points infondé, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera alloué à Sapins qui y a conclu, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 janvier 2021 par Monsieur Jean-François MARTI contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur Jean-François MARTI ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Sapins Real Estate Invest SA, à la charge de Monsieur Jean-François MARTI ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier Adler, avocat du recourant, à Me Mark Muller, avocat de Sapins Real Estate Invest SA, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.


Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :