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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1722/2020

ATA/359/2021 du 23.03.2021 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1722/2020-AIDSO ATA/359/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mars 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1966, a été au bénéfice de prestations selon la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) pendant plusieurs périodes, notamment du 1 er avril 2008 au 31 mai 2011, du 1er décembre 2011 au 29 février 2012 et du 1er avril 2018 au 31 octobre 2019.

2) Dans ce contexte, il a signé à plusieurs reprises, notamment en date des 30 août 2006, 10 mars 2008, 4 juin 2009, 15 novembre 2010 et 12 avril 2018, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général », attestant ainsi notamment avoir pris connaissance du document « Ce que vous devez savoir en demandant une aide financière à l'Hospice général », lequel reprend les droits et obligations découlant de la LIASI et de son règlement d'exécution ; avoir pris acte que les prestations d'aide financière sont subsidiaires à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune ou d'une prestation sociale ; s'engager à respecter la LIASI et son règlement d'exécution et en particulier à informer immédiatement et spontanément l'hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d'aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu'à l'étranger ; s'engager à rembourser à l'hospice toute prestation exigible à teneur de la loi, en particulier toute prestation perçue indûment.

3) Dans la « Demande de prestations d'aide sociale financière » qu'il a déposée le 12 avril 2018, dans la rubrique « assurance vie (en Suisse et/ou à l'étranger) », il a coché la case « non ».

4) Le 2 mai 2018, M. A______ a remis au centre d'action sociale (ci-après : CAS) B______ le relevé de son compte à C______ 1______ portant sur la période du 1er mars 2017 au 1er février 2018.

5) Au cours de l'entretien de suivi du 6 juin 2018, l'assistante sociale chargée du dossier de M. A______ lui a fait remarquer qu'une somme de CHF 250.- était débitée chaque mois de son compte personnel à A______ en faveur d'une compagnie d'assurance. Interrogé, M. A______ a déclaré ne pas savoir de quoi il s'agissait et vouloir s'en enquérir auprès de sa femme.

6) Le 4 septembre 2018, lors d'un entretien périodique, M. A______ a expliqué que les CHF 250.- correspondaient à la prime mensuelle à payer pour l'assurance-vie prise à son nom mais gérée par sa femme. Il a ajouté qu'il avait pu racheter son assurance-vie à hauteur de la somme de CHF 7'645.35, laquelle avait été versée sur le compte auprès de D______ de son fils E______.

7) À la demande de son assistante sociale, M. A______ a produit la lettre que la Concordia lui avait adressée en tant que preneur d'assurance et personne assurée en date du 10 juillet 2018 pour accompagner la convention de versement datée du même jour. Aux termes de cette convention, la somme de CHF 7'645.35 correspondant au rachat de sa police d'assurance-vie devait être versée sur le compte de son fils E______.

8) Par décision du 14 novembre 2018, le CAS B______ a réclamé à M. A______ la restitution de la somme de CHF 2'372.85 correspondant au montant des prestations financières qu'il avait perçues en août 2018, mois au cours duquel il n'avait pas droit à une aide financière dès lors que ses ressources étaient supérieures aux charges admises.

9) M. A______ a formé opposition contre cette décision par acte daté du 17 décembre 2018 mais signé le 31 janvier 2019. Cette somme lui était due selon la réglementation en matière d'aide sociale, et il ne voyait en aucun cas la raison pour laquelle il devait la restituer, si bien qu'il s'y refusait.

10) Par décision du 2 juin 2020, le directeur général de l'hospice a rejeté l'opposition et confirmé la décision du CAS B______ du 14 novembre 2018.

M. A______ était parfaitement au courant de son obligation de renseigner, mais ne l'avait pas respectée, sans quoi il n'aurait pas pu prétendre à des prestations d'aide financière puisque sa police d'assurance-vie était d'une valeur supérieure aux limites de fortune admises dans son cas, soit CHF 4'000.-. L'hospice aurait ainsi pu lui réclamer la totalité des prestations reçues entre avril et octobre 2018. M. A______ avait également violé son obligation de renseigner lorsqu'il avait touché, après résiliation du contrat d'assurance, le montant de la valeur de rachat. La compagnie d'assurance l'avait du reste directement informé de ce versement en lui écrivant nommément et à son adresse personnelle.

C'était dès lors à juste titre que le remboursement était demandé, étant précisé que les conditions d'une remise n'étaient pas remplies dès lors qu'il ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi.

11) Par acte posté le 17 juin 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à ce que la chambre administrative revienne (sic) « sur l'avis de votre de la décision sur les CHF 2'372.85 ».

Depuis le mois d'octobre 2019, il ne travaillait qu'à 50 % pour une entreprise. Il versait CHF 100.- par mois au service d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA), ce qui ne lui laissait pas de marge quant à un quelconque remboursement. La seule proposition qu'il pouvait faire serait de rembourser par mensualités de CHF 50.- chacune.

12) Le 6 août 2020, l'hospice a conclu au rejet du recours, reprenant dans une large mesure la motivation de sa décision sur opposition.

M. A______ ne niait pas son omission d'annoncer sa police d'assurance-vie puis celle d'annoncer le rachat de celle-ci, se contentant de demander l'annulation de la somme réclamée au motif de son indigence, voire la possibilité de rembourser par mensualités.

Le recourant avait sollicité le rachat de sa police d'assurance-vie après que son assistante sociale l'eut interrogé sur le débit mensuel correspondant à la prime de ladite assurance-vie. Il avait de plus et surtout donné instruction afin que ce montant lui soit versé sur un autre compte que celui dont il présentait régulièrement les relevés à l'hospice.

Si les conditions d'une remise n'étaient pas remplies, le recourant aurait la possibilité d'obtenir un plan de remboursement tenant compte de sa situation économique lors du recouvrement.

13) Le 11 août 2020, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 18 septembre 2020 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

14) Aucune des parties ne s'est manifestée depuis lors.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 52 LIASI ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). N'est donc pas nouveau un chef de conclusions n'allant pas, dans son résultat, au-delà de ce qui a été sollicité auparavant ou ne demandant pas autre chose (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2013 du 6 mai 2013 consid. 1.3 ; 8C_811/2012 du 4 mars 2013 consid. 4). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/120/2021 du 2 février 2021 consid. 6).

b. En l'espèce, bien que le recourant demande qu'il soit « revenu sur » la somme à rembourser, les considérations développées dans son recours tendent à montrer qu'il demande en fait à ce stade des modalités de remboursement. Or celles-ci, comme l'a précisé l'intimé dans sa réponse au recours, relèvent de la phase du recouvrement. La recevabilité du recours est donc douteuse ; cela étant, cette question souffrira de demeurer indécise en l'espèce pour les motifs qui suivent.

3) Le litige porte sur le remboursement d'un montant de CHF 2'372.85 reçu à titre de prestations d'aide financière accordées au recourant pour le mois d'août 2018, motivée par le fait que l'intéressé aurait violé son obligation de renseigner en cachant des informations sur l'existence d'une police d'assurance-vie et le rachat subséquent de celle-ci.

4) a. Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L'art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

b. En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière. Celles-ci ne sont pas remboursables, sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

5) Le bénéficiaire est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière. Il doit se soumettre à une enquête de l'hospice lorsque celui-ci le demande (art. 32 al. 1 et 3 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner une modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/365/2020 du 16 avril 2020 consid. 4a ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/456/2020 du 7 mai 2020 consid. 6a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

6) L'art. 35 LIASI décrit six cas dans lesquels les prestations d'aide financière peuvent être réduites, suspendues, refusées ou supprimées.

Tel est notamment le cas lorsque le bénéficiaire ne répond pas ou cesse de répondre aux conditions de la loi (art. 35 al. 1 let. a LIASI) ou lorsqu'il ne s'acquitte pas intentionnellement de son obligation de collaborer telle que prescrite par l'art. 32 LIASI ou qu'il refuse de donner les informations requises au sens des art. 7 et 32 LIASI, donne des indications fausses ou incomplètes ou cache des informations utiles(art. 35 al. 1 let. c et d LIASI).

7) De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/456/2020 précité consid. 5c ; ATA/365/2020 précité consid. 4 ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2). Les bénéficiaires des prestations d'assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l'administration, notamment en ce qui concerne l'obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d'abus de droit. Si le bénéficiaire n'agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu'il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d'apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l'entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l'objet d'une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

8) La suppression ou la réduction des prestations d'assistance doit être conforme au principe de la proportionnalité, imposant une pesée de l'ensemble des circonstances. Il faut prendre en considération la personnalité et la conduite du bénéficiaire des prestations, la gravité des fautes reprochées, les circonstances de la suppression des prestations ainsi que l'ensemble de la situation de la personne concernée (ATF 122 II 193 ; ATA/336/2020 du 7 avril 2020 consid. 6c ; ATA/357/2017 du 28 mars 2017 consid. 7c).

9) En l'espèce, en signant le formulaire de demande de prestations et le document « mon engagement », le recourant a attesté de ce que les informations qu'il avait fournies étaient exactes et complètes. Or, il a indiqué dans le formulaire de demande d'aide rempli en 2018 ne pas avoir d'assurance-vie à son nom, alors que tel était le cas.

Il est de plus établi par pièces que le recourant a, peu après la discussion qu'il avait eue avec son assistante sociale au sujet de la prime correspondant à ladite assurance-vie, demandé le rachat de celle-ci à son assurance, en faisant transférer le montant - supérieur au maximum de la fortune admise pour bénéficier des prestations d'aide sociale - sur un compte différent de celui dont il donnait régulièrement les relevés à l'hospice.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'intimé a décidé de mettre un terme aux prestations du recourant au sens de l'art. 35 al. 1 let. a, c et d LIASI.

10) a. À teneur de l'art. 42 LIASI, le bénéficiaire qui était de bonne foi n'est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1) ; dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de trente jours dès la notification de la demande de remboursement ; cette demande de remise est adressée à l'hospice (al. 2). Les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1377/2017 du 10 octobre 2017 consid 11).

b. En l'espèce, l'attention du recourant a été attirée sur son obligation de renseigner, ce qu'il ne conteste pas, ayant du reste déjà été bénéficiaire par le passé de prestations d'aide financière de la part de l'intimé. Le recourant était donc pleinement conscient ou devait l'être compte tenu de ses engagements ; le fait qu'il ait intentionnellement demandé le versement du rachat de son assurance-vie sur un autre compte que celui dont il donnait régulièrement les relevés à son assistante sociale tend du reste également à démontrer qu'il savait agir de manière contraire à ses devoirs. Dès lors, à teneur de la jurisprudence constante en la matière, il ne peut se prévaloir de sa bonne foi et ne peut ainsi bénéficier d'une remise.

La deuxième condition, à savoir celle de la situation difficile que pourrait engendrer le remboursement, n'a pas lieu d'être traitée, les conditions posées par l'art. 42 al. 1 LIASI étant cumulatives.

La demande de remboursement étant fondée et son montant n'étant pas contesté, le recours sera rejeté en tant qu'il est recevable.

11) Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), ni alloué d'indemnité de procédure, le recourant succombant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté par Monsieur A______ contre la décision sur opposition de l'Hospice général du 2 juin 2020 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :