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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3521/2017

ATA/91/2021 du 26.01.2021 sur JTAPI/178/2020 ( LDTR ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.03.2021, rendu le 10.10.2022, REJETE, 1C_120/2021
Parties : SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE RUE DES CORDIERS 6 SA / VILLE DE GENÈVE, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3521/2017-LDTR ATA/91/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 janvier 2021

3ème section

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE RUE DES CORDIERS 6 SA
représentée par Zimmermann Immobilier SA, mandataire

contre

VILLE DE GENÈVE

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 février 2020 (JTAPI/178/2020)


EN FAIT

1) La Ville de Genève (ci-après : la ville) est propriétaire de la parcelle no 619, 8, rue des Cordiers, sise en zone 2 de constructions.

Sur cette parcelle est érigé un bâtiment d'habitation - activités, de trois étages sur rez, d'une surface de 119 m2, situé à l'angle des rues des Cordiers et des Vollandes ainsi qu'un garage d'une surface de 47 m2.

2) En 2012, la ville a organisé un concours portant sur un projet de démolition/reconstruction sur sa parcelle. Le projet du bureau d'architectes
Jean-Paul Jaccaud Architectes SA (ci-après : Jaccaud SA) a été retenu à l'issue du concours.

3) Le 30 septembre 2015, la ville a déposé une requête en démolition (M 7'505) ainsi qu'une demande d'autorisation de construire (DD 108'332) auprès du département devenu celui du territoire (ci-après : le département).

Le projet prévoyait la construction d'un bâtiment de trois étages sur rez, comportant onze logements et une arcade. Sur le formulaire relatif à ces requêtes, sous la rubrique « préservation du patrimoine », il était indiqué qu'aucun bâtiment comportant une valeur patrimoniale n'était concerné par ces travaux.

4) Dans le cadre de l'instruction des demandes, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a demandé le 12 octobre 2015 à la ville, la transmission d'un dossier photographique du bâtiment existant, dans son contexte bâti, afin de pouvoir se déterminer « en regard de l'art. 4 » de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05). Un jeu de photographies a été transmis par les requérants le 9 décembre 2015.

Par courriel du 18 novembre 2015, le directeur du SMS a informé l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) de la demande faite auprès de la ville pour connaître ses critères d'évaluation, avant le concours d'architecture, afin d'établir la valeur d'inscription à l'inventaire « d'un bâtiment désormais isolé ».

5) Le 21 juin 2016, la sous-commission architecture (ci-après : SCA) de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) a indiqué que le projet était défavorablement préavisé selon l'art. 89 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), le bâtiment appartenant à un ensemble protégé de la fin du XIXème siècle.

La SCA s'étonnait, après une visite des lieux faite le 21 juin 2016, que ni la CMNS, ni le SMS n'aient été consultés préalablement au lancement du concours ou au dépôt de la requête. Bâti entre 1877 et 1878, le bâtiment constituait la tête d'îlot d'un ensemble comprenant, à l'origine, six petits immeubles mitoyens sis le long de la rue des Vollandes jusqu'au carrefour avec la rue des Cordiers.

L'immeuble souffrait d'un manque d'entretien, n'avait pas subi de rénovations lourdes et était dans un état proche de celui d'origine. L'immeuble, dans son gabarit d'origine, s'intégrait parfaitement dans l'épannelage des toitures, bien que surélevées, de la rue des Vollandes. Le raccord avec le bâtiment mitoyen de la rue des Cordiers était plus difficile et devrait faire l'objet d'une étude attentive en regard des bâtiments existants sur cour.

6) Par note interne du 29 août 2016, l'architecte cantonal a répondu au conseiller d'État en charge du département, concluant que le projet de construction présentait de très nettes améliorations sur la totalité des critères examinés par rapport au maintien de l'immeuble existant.

Il exposait, en détail, la qualité urbanistique du projet au regard de la situation existante du bâtiment. Notamment, l'immeuble concerné était le dernier élément persistant d'un état urbanistique antérieur qui avait perdu la cohérence de ses relations avec les éléments ayant déjà muté tant à l'échelle de la rue des Vollandes que de celle des Cordiers et du quartier.

7) Le 15 novembre 2016, la commission d'architecture (ci-après : CA), sous la plume de Monsieur Alain MATHEZ, a préavisé favorablement le projet en motivant sa décision.

8) Dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de construire et de démolir, les préavis suivants ont notamment été émis :

- favorables sans observations de la part du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), du service de l'environnement et des risques majeurs et de la part de l'inspection de la construction de la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC-IC) ;

- favorables sous conditions de la part de la direction générale de l'eau, de la police du feu, de la direction de la planification directrice cantonale et régionale, de l'office cantonal du logement et de la planification foncière, de l'office cantonal de l'énergie, de la direction générale des transports et de la direction de la mensuration officielle.

9) Par décisions du 29 juin 2017, le département a accordé l'autorisation de démolir M 7'505 et l'autorisation de construire DD 108'332. Ces décisions ont été publiées le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO).

10) Par acte du 25 août 2017, la société immobilière rue des Cordiers 6 SA (ci-après : la SI), propriétaire de la parcelle no 618, rue des Cordiers 6, adjacente à la parcelle de la ville, sur laquelle est érigé un immeuble de six étages adjacent au garage des requérants, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions d'autorisation de construire et de démolir, concluant préalablement à un transport sur place ainsi qu'à l'audition de deux représentants du SMS ou de tout autre membre de la SCA ou du SMS ainsi que celle de M. MATHEZ. Elle concluait également à la production de la facture finale détaillée du concours d'architecture ou tout document permettant de connaître le coût total de celui-ci et, cas échéant, à ce qu'une expertise par un « ingénieur structure » soit ordonnée ainsi que l'audition d'un collaborateur de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) et, principalement, à l'annulation des autorisations ou au renvoi de la cause au département.

La SCA avait invité la ville à envisager la conservation et la restauration du bâtiment dans son gabarit d'origine. Ni la CMNS ni le SMS n'avaient été consultés avant ou pendant le concours alors que l'immeuble concerné appartenait à un ensemble protégé au sens de l'art. 89 LCI.

M. MATHEZ, chef de la direction de l'OAC était l'un des spécialistes-conseils du jury du concours. En signant le préavis de la CA, M. MATHEZ avait violé la loi et porté atteinte au devoir d'impartialité de l'autorité, de sorte que les autorisations querellées devaient être annulées.

La SI faisait encore valoir d'autres griefs, notamment une violation du gabarit, une perte d'ensoleillement et diverses nuisances induites par le projet et joint des pièces, dont notamment un courriel du SMS au département indiquant que la demande de démolition posait problème, dès lors que le bâtiment concerné appartenait à un ensemble protégé. Une visite avait été effectuée le 12 avril 2016, en présence de représentants de la ville.

11) Le 2 octobre 2017, la ville a répondu au recours, concluant à son irrecevabilité, subsidiairement à son rejet.

La SI n'avait pas qualité pour recourir, n'invoquant aucun intérêt personnel.

L'immeuble concerné par le projet n'avait pas subi beaucoup de modifications depuis sa construction. Il ne disposait pas de salles de bain et était utilisé pour des ateliers d'artiste. Seuls le rez-de-chaussée et un atelier étaient encore occupés.

Rue des Cordiers, les immeubles situés de part et d'autre avaient des gabarits plus élevés, de six étages sur rez plus attique pour les 12 et 14, rue des Cordiers et cinq étages sur rez et attique, pour le 6, rue des Cordiers, suite à une surélévation autorisée en 2010. Les immeubles de la rue des Vollandes formant une série, construits entre 1877 et 1878, avaient été surélevés ou même détruits et reconstruits. Le caractère urbanistique initial avait été perdu, dès lors que les gabarits ainsi que le rapport entre eux avaient été complètement modifiés.

Il ressortait notamment de l'analyse de l'architecte cantonal du 29 août 2016 que si, avant les transformations intervenues, les immeubles de la rue des Vollandes avaient des gabarits cohérents entre eux, le bâtiment litigieux étant plus grand et formant l'immeuble de tête, cette qualité architecturale avait par la suite disparu suite à la surélévation des immeubles voisins. Les immeubles ne pouvaient plus être considérés comme ayant été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble. Il s'agissait maintenant d'un bâtiment isolé, soit le dernier représentant d'un ensemble et les art. 89 et ss LCI ne s'appliquaient pas. De plus, l'unité architecturale et urbanistique de « l'ensemble » n'était pas complète et n'avait pas à être maintenue au sens de l'art. 90 al. 1 LCI. Le projet visait précisément à retrouver une cohérence par rapport aux gabarits avoisinants. Des atteintes à la substance du bâtiment existant étaient inéluctables vu sa vétusté, même par l'entremise d'une rénovation-restauration.

La ville répondait en outre aux autres griefs soulevés par la SI.

12) Le 30 octobre 2017, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

Son argumentation rejoignait en substance celle développée par la ville.

13) Le 15 décembre 2017, la SI a répliqué, contestant la teneur des observations de la ville et du département.

Les art. 89 et ss LCI avaient été violés. Le préavis de la SCA, long et détaillé, requis par la loi était défavorable. M. MATHEZ avait signé le préavis de la CA. Même s'il n'officiait que comme secrétaire de la commission et n'avait pas pris part à la décision, il aurait dû se récuser. Ce défaut suffisait à faire annuler les décisions. En outre, ni la CA ni l'architecte cantonal ne devaient être consultés.

Elle développait ensuite ses autres griefs.

14) Le 11 janvier 2018, le département a dupliqué, persistant dans son argumentation et le département en a fait de même le 29 janvier 2018.

15) Sur demande du TAPI, le département a produit un rapport du 9 décembre 2015 de Monsieur Frédéric PYTHON, historien de l'art. Le caractère d'ensemble des cinq immeubles bordant la rue des Vollandes était à l'origine incontestable, mais il ne se présentait pas dans un état de conservation excellent. La mise en valeur de l'immeuble d'angle avait disparu, la surélévation échelonnée des immeubles 58 à 64 rue des Vollandes avait fait usage de matériaux distincts mettant à mal l'harmonie de couleur originelle. Enfin, les formes et rythmes des fenêtres n'avaient pas été systématiquement respectés. Néanmoins, le
rez-de-chaussée montrait encore clairement à ce jour l'unité de ce projet.

16) Sur demande du TAPI, la ville a exposé le 19 mars 2018 qu'il n'existait pas de liste des ensembles protégés par les art. 89 et ss LCI, le travail de recensement n'ayant pas encore abouti à la validation d'une telle liste. Elle produisait les autorisations de démolir et de reconstruire portant sur l'immeuble 58, rue des Vollandes, directement voisin de celui concerné.

17) Le 27 mars 2018, le TAPI a procédé à l'audition des parties et d'un témoin.

Le département a précisé que le dossier avait été soumis au SMS qui avait estimé que l'immeuble ne faisait pas partie d'un ensemble. Référence avait été faite à l'art. 4 LPMNS, soit à une protection d'un bâtiment isolé et avait demandé des pièces complémentaires. Le SMS avait estimé que le dossier devait être soumis à la CMNS, lequel avait rendu le préavis défavorable. L'avis de la CA avait été demandé et compte tenu des préavis contradictoires, le conseiller d'État avait sollicité l'avis de l'architecte cantonal. La contradiction résultait du fait que le SMS voulait éventuellement mettre le bâtiment à l'inventaire et que la CMNS estimait qu'il faisait partie d'un ensemble protégé.

Monsieur Fabrice JUCKER, ancien président de la SCA, a précisé qu'il était usuel que la CMNS ne voie qu'une seule fois le dossier, raison pour laquelle le SMS, lorsqu'il était interpellé, demandait d'éventuelles pièces manquantes afin que le dossier soumis à la CMNS soit complet. La CMNS avait estimé que, malgré la transformation des immeubles de l'ensemble, celui-ci existait toujours et que le bâtiment litigieux était soumis à l'art. 89 LCI. Il ignorait que l'immeuble 58, rue des Vollandes avait été entièrement démoli et reconstruit.

18) Le 16 avril 2018, le département a déposé des observations.

Le 18 novembre 2015, le SMS avait informé le département qu'il avait sollicité de M. PYTHON « l'établissement de la valeur d'inscription à l'inventaire d'un bâtiment désormais isolé ».

La procédure d'instruction des requêtes était détaillée dans la suite des écritures.

Au vu de l'état du bâtiment et même s'il devait être considéré comme protégé par les art. 89 et ss LCI, la CMNS avait fait une appréciation arbitraire de la situation en n'accordant pas de dérogation ou du moins sans exposer pourquoi elle refusait de l'accorder.

Un cas similaire s'était présenté aux 5-7, rue de la Scie pour un projet de surélévation. La CA avait été consultée suite à un prévis défavorable de la CMNS. Dans d'autres cas, l'architecte cantonal avait été consulté.

19) Le 9 mai 2018, la ville a déposé des observations, persistant dans son argumentation et ses conclusions. Elle produisait les autorisations de démolir et de construire ainsi que les autorisations de surélévation des cinq bâtiments formant l'ensemble dont il était question.

Le département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en écartant le préavis défavorable de la CMNS, qui s'était estimée à tort contrainte de solliciter le maintien de l'immeuble sans prendre en compte les nombreuses altérations portées à l'ensemble d'origine, ni l'état de l'immeuble lui-même.

20) Les 11 mai et 13 juin 2018, la SI a déposé des observations, persistant dans ses conclusions.

21) Par jugement du 18 septembre 2018, le TAPI a admis le recours et renvoyé la cause au département.

Le préavis de la CA n'aurait pas dû être demandé par le département. Le département n'était pas fondé à écarter le préavis de la CMNS sur la base des motifs qu'il avait invoqués, à savoir que la CMNS n'avait pas examiné une éventuelle application d'une dérogation au sens de l'art. 92 LCI. Le département aurait eu la possibilité de requérir un complément d'information de la part de la CMNS.

Cela étant, il constatait que la CMNS n'était pas en possession de l'ensemble des informations relatives au cas d'espèce lorsqu'elle avait rédigé son préavis. Ainsi, elle ignorait, comme cela ressortait de l'audition de M. JUCKER, que certains immeubles faisant initialement partie du même ensemble avaient été détruits.

En conséquence, s'agissant d'un élément de fait important, la CMNS devait rendre un nouveau préavis.

22) Par acte envoyé le 22 octobre 2018, la ville a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation et à la confirmation des autorisations de construire et de démolir du 29 juin 2017.

La qualité pour recourir de la SI était toujours contestée.

M. PYTHON avait retenu à tort que l'immeuble sis 58, rue des Vollandes avait été rénové alors qu'il avait été démoli et reconstruit en comportant un
rez-de-chaussée et quatre étages. Le rez-de-chaussée présentait des ouvertures similaires à l'ancien bâtiment, constituant un pastiche. L'immeuble sis 66, rue des Vollandes avait été démoli en 1982 laissant place à un immeuble tout à fait différent constitué d'un rez-de-chaussée et de quatre étages plus attique. Les immeubles sis 60 à 64, rue des Vollandes avaient été surélevés par deux fois en 1948 et 1964. Ils comptaient désormais un rez-de-chaussée et quatre étages.

L'application des art. 89 ss LCI impliquait l'existence à l'origine d'un ensemble, mais également que celui-ci subsiste pour que la question de sa protection puisse se poser. L'art. 90 al. 1 LCI prescrivait le maintien des seuls ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique était complète, ce qui n'était pas le cas du bâtiment concerné.

Le TAPI aurait dû déterminer si le département avait abusé de son pouvoir d'appréciation en délivrant les autorisations.

À supposer que le préavis de la CA ait été sollicité à tort, cela n'impliquait encore pas que le département n'ait pu en tenir compte.

Elle produisait un préavis rendu par le SMS dans le dossier DD 103'070-2, concernant la surélévation du bâtiment voisin 6, rue des Cordiers, dans lequel le fait qu'il subsiste en tant que seul bâtiment d'un autre ensemble détruit, avait eu pour effet de soustraire l'examen du projet à la CMNS au profit de la CA.

23) Le 30 octobre 2018, le TAPI a transmis son dossier, renonçant à formuler des observations.

24) Le 22 novembre 2018, la SI a déposé des observations, concluant au rejet du recours, reprenant l'argumentation déjà développée devant le TAPI.

Le TAPI aurait dû annuler les autorisations plutôt que de renvoyer la cause au département.

25) Le 22 novembre 2018, le département a déposé des observations, concluant à l'admission du recours et à l'annulation du jugement du TAPI.

Son argumentation reprenait celle déjà développée devant le TAPI.

26) Par arrêt du 13 août 2019, la chambre administrative a admis le recours, annulé le jugement et renvoyé la cause au TAPI.

C'était à tort que le TAPI avait renoncé à trancher la question de la soumission du bâtiment à la protection des art. 89 ss LCI, alors que l'autorité ayant rendu la décision dont il devait examiner la conformité au droit l'avait fait. Le TAPI devait se prononcer sur la base des éléments mis en évidence par les mesures d'instruction auxquelles il avait déjà procédé et si besoin, diligenter d'autres actes d'instruction qu'il jugerait nécessaires. Cela fait, il devait examiner les griefs soulevés par la SI dans son recours.

27) Par jugement du 18 février 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Au vu de la problématique spécifique du cas d'espèce, il ne pouvait être retenu que l'autorité intimée avait requis à tort un préavis de la CA alors qu'un préavis de la CMNS figurait déjà au dossier.

M. MATHEZ n'était membre ni du jury du concours ayant retenu le projet de construction contesté, ni de la CA ayant rendu un préavis dans le cadre de la présente procédure. Il signait en qualité d'employé de l'OAC qui effectuait les tâches de secrétariat de la CA. Il n'existait aucun motif de récusation et c'est à juste titre que le préavis de la CA avait été pris en compte.

La protection des art. 89 ss LCI ne trouvait pas application, eu égard aux modifications et démolitions opérées sur les autres bâtiments. L'unité architecturale et urbanistique d'un tel « ensemble » n'était pas complète, de sorte qu'aucune obligation de maintien ne découlait de la LCI.

Il ressortait des calculs effectués par la ville que le gabarit sur rue du projet litigieux était effectivement respecté. Pour le surplus, le TAPI relevait que la DAC-IC, instance composée de spécialistes, avait retenu, dans son préavis favorable du 5 octobre 2015, que tant le gabarit théorique du bâtiment que les vues droites sur les parcelles étaient respectés.

La SI ne pouvait se prévaloir d'aucun intérêt juridique à invoquer une potentielle violation du droit à la propriété sur une parcelle dont elle n'était pas propriétaire. Il ne serait pas entré en matière sur le grief de violation de la propriété s'agissant de la parcelle n° 620, soit l'immeuble sis rue des Vollandes 58.

La législation en matière de police des constructions n'avait pas pour objet de veiller au respect des droits réels ou de ceux des tiers et le grief lié à l'empiètement éventuel de la construction sur la parcelle adjacente était écarté.

Aucun élément au dossier ne laissait à penser que la réalisation de la construction litigieuse pourrait provoquer des inconvénients graves pour le voisinage.

Le projet querellé améliorait la situation urbanistique actuelle du périmètre rue des Cordiers - rue des Vollandes en redonnant notamment à l'immeuble concerné son rôle de tête d'îlot et proposait une articulation subtile entre les bâtiments de ces rues, selon la note interne de l'architecte cantonal. De même, selon le préavis de la CA, le projet litigieux s'inscrivait de manière cohérente dans le site concerné. Par conséquent, le grief de violation de l'art. 15 LCI était écarté.

28) Par acte du 17 avril 2020, la SI a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation, au renvoi de la cause au TAPI pour nouveau jugement ou à l'annulation de l'autorisation de construire DD 108'332-1 du 29 juin 2017 ainsi que celle de démolir M 7'505-1 du 29 juin 2017.

La recourante a repris la plupart des griefs déjà développés devant le TAPI.

La composition du TAPI avait été modifiée en cours de procédure, ce qui violait le devoir d'information impératif préalable vis-à-vis des parties et leur droit à une composition régulière du TAPI. L'un des assesseurs avait changé.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendu en renonçant à demander la production du coût total investi par la ville pour l'organisation du concours. Si la chambre administrative estimait que la violation pouvait être réparée, elle devait ordonner la production des pièces permettant de déterminer ce montant et la provenance des deniers. Il en allait de même avec le transport sur place refusé par le TAPI et avec l'audition de témoins, soit Madame Noémie SAKKAL, rédactrice du préavis défavorable de la SCA ; Monsieur Jean-Frédéric LUSCHER, directeur du SMS ; Monsieur Frédéric PYTHON, historien de l'art rédacteur d'un rapport et d'un courriel adressé au département ; M. MATHEZ, tous à même de permettre d'établir des faits indispensables et pertinents quant à la délivrance des autorisations querellées.

Les autorisations devaient être annulées en raison du comportement abusif et déloyal de la ville.

Une violation de l'art. 4 al. 1 loi sur les commissions d'urbanisme et d'architecture du 24 février 1961 (LCUA - L 1 55) devait être reconnue en raison de l'interpellation de la CA et de l'architecte cantonal, alors que la SCA avait déjà été consultée.

M. MATHEZ aurait dû se récuser.

Les dispositions relatives aux ensembles protégés du XIXème siècle et du début du XXème siècle avaient été violées.

Le bâtiment projeté violait les gabarits sur rue et sur cour.

L'autorisation de construire ne respectait pas la garantie de la propriété et les limites de la propriété physiques de chaque propriétaire.

L'autorisation de construire violait l'art. 14 al. 1 let. a LCI pour plusieurs motifs ainsi que l'art. 11 de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l'environnement, LPE - RS 814.01) et l'art. 39 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) en raison du bruit de la pompe à chaleur.

29) Le 15 juin 2020, le département a déposé des observations, concluant au rejet du recours ainsi qu'aux demandes d'actes d'instruction et répondant point par point au recours.

30) Le 15 juin 2020, la ville a déposé des observations, concluant au rejet du recours.

La recourante développait ses griefs sans tenir aucun compte de l'arrêt de la chambre administrative du 13 août 2019, qui avait l'autorité de chose jugée.

Le premier bâtiment de l'ensemble d'origine comportait un étage sur
rez-de-chaussée, les quatre suivants deux étages et le bâtiment marquant l'angle trois étages. Le premier (66, rue des Vollandes) avait été démoli en 1982 et avait laissé place à un immeuble tout à fait différent constitué d'un rez de quatre étages et d'un attique. Les trois bâtiments sis aux 60, 62 et 64 avaient été surélevés par deux fois, en 1948 et 1964, comptant désormais quatre étages. Le bâtiment sis 58, rue des Vollandes, adjacent au bâtiment litigieux avait été démoli et reconstruit en 1985 et comportait quatre étages et les ouvertures du rez-de-chaussée constituaient un pastiche du précédent rez-de-chaussée.

Pour s'assurer de la conformité des projets déposés par les concurrents du concours qu'elle avait organisé avec la LCI, elle avait fait appel à M. MATHEZ qui était intervenu comme spécialiste-conseil.

Le coût du concours et la provenance des deniers étaient parfaitement étrangers à la procédure et elle n'avait pas agi de mauvaise foi.

Elle répondait pour le surplus point par point aux griefs de la recourante dans la mesure où ils étaient compréhensibles, ce qui n'était pas le cas notamment du raisonnement sur une analogie entre le gabarit côté rue et côté cour. Dans son grief, la recourante omettait notamment de tenir compte de l'autorisation des constructions en limite de parcelle qui prévalaient en ville pour permettre les constructions en ordre contigu.

31) Le 24 juillet 2020, la SI a répliqué, contestant les observations déposées par la ville et le département et reprenant ses griefs.

M. MATHEZ ne pouvait ignorer la teneur des art. 89 et ss LCI et il aurait dû conseiller à l'organisateur du concours d'interpeller le SMS ou la CMNS.

La CMNS avait étudié deux fois la situation de l'immeuble, une fois dans le cadre de l'autorisation de construire et une fois dans le cadre du recensement et elle était parvenue à chaque fois à la conclusion qu'il devait être maintenu.

La perte d'ensoleillement ne nécessitait aucune expertise, mais découlait de la simple logique. Le centre d'un carré s'assombrissait par la construction de parois qui l'entouraient.

32) Le 1er septembre 2020, le département a dupliqué.

La CMNS n'avait été consultée que sur la question d'une éventuelle mise à l'inventaire du bâtiment. L'absence de protection au sens de l'art. 89 LCI avait déjà été admise par le SMS. La CMNS s'était prononcée sans avoir tous les éléments en main et n'avait pas examiné la question de la dérogation, laquelle aurait précisément dû être accordée.

Dans le cadre du grief lié à l'OPB, le hall sur lequel donnait le velux d'une dimension de moins de 9 m2 n'était pas une pièce habitable. Tout dépassement de norme pourrait être contré par une paroi phonique entre la pompe à chaleur et le velux.

33) Le 2 septembre 2020, la ville a dupliqué.

Le droit à un tribunal légalement constitué n'impliquait pas qu'un juge ayant cessé d'exercer ne puisse être remplacé sans que cela n'affecte la composition régulière du tribunal.

La recourante tentait uniquement d'apporter de la confusion au rôle tenu par M. MATHEZ.

34) Le 7 septembre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante invoque une violation de l'art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le TAPI ayant modifié sa composition au cours de la procédure.

a. Selon l'art. 30 al. 1 Cst., toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce qu'elle soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial.

b. Selon la jurisprudence, le droit des parties à une composition régulière du tribunal impose des exigences minimales en procédure cantonale; il interdit les tribunaux d'exception et la mise en oeuvre de juges ad hoc ou ad personam et exige dès lors, en vue d'empêcher toute manipulation et afin de garantir l'indépendance nécessaire, une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (ATF 129 V 335 consid. 1.3.1 p. 338 et les arrêts cités). C'est en premier lieu à la lumière des règles cantonales topiques d'organisation et de procédure qu'il convient d'examiner si une autorité judiciaire a statué dans une composition conforme à la loi (ATF 131 I 31 consid. 2.1.2.1 p. 34).

L'art. 30 Cst. n'exige pas que l'autorité judiciaire appelée à statuer soit composée des mêmes personnes tout au long de la procédure, notamment pour l'audition des témoins et pour le jugement (ATF 117 Ia 133 consid. 1e p. 135 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_731/2007 du 20 août 2008 consid. 2.2.3). La modification de la composition de l'autorité judiciaire en cours de procédure ne constitue donc pas en tant que telle une violation de l'art. 30 Cst. (ATF 96 I 321 consid. 2a p. 323 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_325/2007 du 15 novembre 2007 consid. 2.3). Elle s'impose nécessairement lorsqu'un juge doit être remplacé par un autre ensuite de départ à la retraite, d'élection dans un autre tribunal, de décès ou en cas d'incapacité de travail de longue durée (arrêt du Tribunal fédréal 4A_325/2007 précité). Il serait en revanche inadmissible de remplacer sans raison un juge après que des mesures d'instruction importantes ont été mises en oeuvre, telle en matière pénale l'audience principale garantissant l'oralité des débats pénaux (arrêts du Tribunal fédéral 9C_393/2007 du 8 mai 2008 consid. 3.4.2 et 6P.102/2005 du 26 juin 2006 consid. 3 et 4).

c. Pour les litiges en matière de constructions, le TAPI siège dans la composition d'un juge, qui le préside, et de deux juges assesseurs spécialisés en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique (art. 143 LCI). Le TAPI est doté de cinq postes de juge titulaire ainsi que de juges assesseurs dont le nombre est fixé par la commission de gestion du pouvoir judiciaire (art. 114 al. 1 et 3 LOJ).

La composition du TAPI est consultable en tout temps sur le site internet du pouvoir judiciaire. Le nom des assesseurs siégeant dans les différentes compositions requises par la loi y est également précisé.

Conformément à la jurisprudence citée, l'obligation pour le TAPI de remplacer un assesseur par un autre, au cours d'une procédure ayant duré près de trois ans, après le renvoi de celle-ci par la chambre administrative pour nouveau jugement, ne viole pas le droit de la recourante à connaître la composition du tribunal et celle-ci n'invoque d'ailleurs pas que cette composition n'est pas conforme au droit. En outre, la recourante n'a fait valoir aucun motif de récusation à l'encontre de l'un ou l'autre des juges.

3) La recourante sollicite plusieurs actes d'instruction.

Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1).

En l'espèce, la demande de production de documents portant sur le concours organisé par la ville pour choisir un projet de construction - faite par la recourante sans autre justificatif que de connaître le total des montants investis - est hors de propos, la manière dont la ville a choisi le projet à soumettre à une demande d'autorisation de construire n'étant pas litigieuse en l'espèce.

La recourante demande qu'un transport sur place soit effectué dans le contexte de l'application des art. 89 et ss LCI au bâtiment à démolir. En raison de ce qui suit, cet acte d'instruction ne s'avère pas nécessaire. Il en va de même des auditions demandées, portant toutes sur cette question. En outre, l'aspect visuel du bâtiment et de ceux l'environnant ressort clairement des photos versées au dossier.

Pour le surplus, de nombreuses pièces ont été produites, et le dossier est complet et en état d'être jugé. À l'instar du TAPI, la chambre administrative considère qu'elle dispose d'un dossier lui permettant de trancher en toute connaissance de cause la présente affaire, compte tenu de ce qui suit. Il ne sera ainsi pas donné suite aux demandes d'actes d'instruction formulées devant la chambre de céans.

Le grief de violation du droit d'être entendu devant le TAPI, et par voie de conséquence de mauvais établissement des faits, est infondé, les premiers juges étant habilités à considérer, au vu du présent dossier, que leur opinion ne serait pas modifiée par l'issue des actes d'instruction sollicités.

4) La recourante allègue un comportement abusif et déloyal de la requérante, sans toutefois préciser quel serait l'impact de ce comportement sur les décisions prises par le département ou sur le jugement du TAPI qui font l'objet du recours, indiquant uniquement que ce comportement mettrait à mal la confiance du public dans l'intégrité de l'administration de la ville.

Sans lien avec le présent litige, le grief sera donc écarté sans examen supplémentaire.

5) Les griefs de violations de l'art. 4 al. 1 LCUA et de l'obligation de récusation de M. MATHEZ, invoqués en lien avec la consultation de la CA ainsi que la violation des art. 89 et ss LCI seront examinés conjointement car ils concernent tous la protection patrimoniale que la recourante voudrait voir s'appliquer au bâtiment à démolir.

a. À teneur de l'art. 89 al. 1 LCI, l'unité architecturale et urbanistique des ensembles du XIXème siècle et du début du XXème siècle situés en dehors des périmètres de protection de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications (let. a) et du Vieux Carouge (let. b), doit être préservée. Selon l'al. 2 de cette disposition, sont considérés comme un ensemble les groupes de deux immeubles ou plus en ordre contigu, d'architecture identique ou analogue, ainsi que les immeubles séparés dont l'emplacement, le gabarit et le style ont été conçus dans le cadre d'une composition d'ensemble dans le quartier ou dans la rue.

Les ensembles dont l'unité architecturale et urbanistique est complète sont maintenus. En cas de rénovation ou de transformation, les structures porteuses, de même que les autres éléments particulièrement dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés (art. 90 al. 1 LCI).

b. Les mesures de classement ou de mise à l'inventaire restent à disposition du Conseil d'État, le cas échéant, pour les immeubles isolés (MCG 1983/II p. 2206, travaux préparatoires des art. 89 et ss LCI aussi appelés loi Blondel). Les mesures de protection prévues par la LPMNS sont générales et applicables notamment aux immeubles dignes d'intérêt situés dans tout le canton (art. 1 et 4 LPMNS).

c. Les demandes d'autorisation, à l'exception de celles instruites en procédure accélérée, concernant des immeubles visés à l'art. 89 LCI sont soumises, pour préavis à la CMNS (art. 93 al. 1 LCI). La CMNS donne également son préavis sur tous projets de travaux concernant un immeuble porté à l'inventaire (art. 5 al. 2
let. c du règlement d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS - L 4 05.01) et elle est chargée de formuler ou d'examiner les propositions d'inscription ou de radiation d'immeubles à l'inventaire (art. 7 LPMNS et 5 al. 2 let. b RPMNS).

Du fait de ces différentes compétences, la CMNS peut donc être consultée à différents titres par le département.

d. La protection conférée par les art. 89 ss LCI est une mesure de protection du patrimoine. En tant que telle elle n'est pas absolue, elle doit être conforme au principe de proportionnalité et implique une pesée des intérêts public et privé en présence (ATA/720/2012 du 30 octobre 2012 consid 5b ; ATA/162/1998 du 24 mars 1998 consid. 7 et 8).

6) En l'espèce, la chambre de céans a déjà retenu dans son arrêt du 13 août 2019 (ATA/1247/2019 consid. 6) qu'il appartenait au département de trancher la question de la soumission ou non du bâtiment à la protection des art. 89 ss LCI, ce qu'il avait fait en délivrant les autorisations. Le TAPI a confirmé ce point dans le jugement litigieux. La recourante estime toutefois que la protection de la loi Blondel, voulue par la CMNS, aurait dû être appliquée au bâtiment.

Le SMS a initialement demandé un dossier photographique du bâtiment dans son contexte bâti, en vue d'un préavis dans le cadre de l'art. 4 LPMNS, soit d'une éventuelle mesure de protection générale du bâtiment par une mise à l'inventaire, ce qui est également confirmé par le courriel du 18 novembre 2015 de son directeur, lequel se réfère également à cette mesure de protection.

Il ressort également des pièces figurant au dossier que le bâtiment concerné par les autorisations est le seul à n'avoir subi ni démolition ni transformation profonde parmi les six bâtiments mitoyens sis le long de la rue des Vollandes et construits selon une composition d'ensemble à la fin du XIXème siècle. Il est ainsi le dernier élément persistant d'un état urbanistique antérieur. Le bâtiment litigieux qui était à l'origine le plus élevé des six et constituait l'angle d'un îlot, est désormais d'un gabarit inférieur aux autres immeubles et a ainsi perdu sa valeur de définition visuelle d'angle urbain de l'îlot. Il ne permet pas à lui seul de lire l'état antérieur de l'ensemble, comme l'a retenu l'architecte cantonal dans sa note du 29 août 2016.

La SCA considère, quant à elle, dans son préavis défavorable du 21 juin 2016, que le bâtiment appartient à un ensemble protégé, mais constate que la majorité des six bâtiments a subi des transformations parfois importantes au cours du temps. Le bâtiment concerné était en revanche dans un bon état de préservation, n'ayant pas subi de rénovation lourde et se présentait dans un état proche de celui d'origine. Entendu en audience devant le TAPI, l'ancien président de cette sous-commission a déclaré que celle-ci ignorait qu'à tout le moins un des immeubles dont elle avait considéré qu'il faisait partie du même ensemble avait fait l'objet d'une démolition et d'une reconstruction, soit le no 58 adjacent au bâtiment sis 8, rue des Cordiers, ce qui ne ressortait pas non plus du rapport de M. PYTHON, lequel mentionnait uniquement dans son rapport que le bâtiment avait été entièrement rénové (témoin JUCKER entendu le 27 mars 2018).

Le département a finalement considéré que, comme dans d'autres cas similaires dont par exemple l'immeuble voisin du 6, rue des Cordiers, propriété de la recourante, le bâtiment avait certes été conçu dans le cadre d'un composition d'ensemble, mais étant aujourd'hui isolé, il ne pouvait plus être traité comme élément d'un ensemble protégé au sens de la LCI (préavis du SMS du 31 août 2009 DD 103'070-2).

En conséquence, compte tenu des éléments établis, dont notamment le fait que le préavis de la SCA a été donné sur la base d'un état de fait incorrect, s'agissant d'un point déterminant et du caractère consultatif des préavis découlant de l'art. 3 al. 3 LCI qui ne lient pas le département, ce dernier a considéré à juste titre que le bâtiment concerné ne pouvait bénéficier de la protection instaurée par les art. 89 et ss LCI, en raison de l'état actuel des autres bâtiments qui formaient l'ensemble à l'origine et surtout de la démolition du bâtiment adjacent ainsi que d'un autre des six bâtiments. En effet, c'est bien l'existence actuelle d'un ensemble et son état qui doit être pris en compte, dans le cas d'espèce, pour déterminer si la protection de la loi Blondel trouve application et non l'état du seul bâtiment faisant l'objet de la demande d'autorisation.

Partant, le grief concernant la violation alléguée des art. 89 et ss LCI doit être écarté.

7) Quant aux griefs liés à la consultation de la CA, au rôle de M. MATHEZ en qualité d'employé de l'OAC et de consultant LCI dans le concours organisé par la ville, ils tombent à faux. En effet, la décision du département de ne pas soumettre le bâtiment à la protection de la loi Blondel, comme vu ci-dessus, n'est justifiée ni par le préavis de la CA, ni par le concours organisé par la ville pour choisir un projet de construction. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus en détail les griefs de la recourante qui sont sans lien avec la question litigieuse.

8) La recourante invoque une violation des gabarits.

Telle que son argumentation peut être comprise, elle n'indique pas en quoi la construction ne respecte pas les gabarits légaux, mais uniquement que les plans produits manquent de la précision exigée par la jurisprudence. Dans sa réplique, elle souligne à ce sujet que la ville avait produit des croquis dans ses observations en y ajoutant des couleurs et des « formes géométriques » pour appuyer ses explications, ce qui démontrait que les plans produits manquaient de la précision exigée.

Elle indique aussi que c'est à tort que le département et le TAPI ont retenu que le bâtiment dont elle était propriétaire possédait un « mur en attente ». Or, il ressort des plans et des photos produites que la façade nord de son immeuble, construit en limite de parcelle est borgne et constitue à l'évidence un « mur en attente » tel qu'autorisable par l'art. 231 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) s'agissant des constructions pouvant être érigées en limite de deux propriétés (art. 24 al. 1 LCI). C'est donc à tort que la recourante invoque la jurisprudence de la chambre de céans concernant le projet de construction, dans des circonstances très particulières, d'un mur borgne qui n'avait pas été qualifié de « mur en attente » au sens de l'art. 231 RCI (ATA/874/2018 du 28 août 2018 consid. 6). En effet, à l'inverse de la situation présente, un mur borgne devait être construit alors qu'ici, la construction permettra de le faire disparaître.

Elle mentionne encore qu'un puit de lumière existerait sur la galette du 58, rue des Vollandes dont personne n'avait vérifié s'il avait été autorisé « uniquement du fait qu'il existait ce jour entre les immeubles des parties ». Si ceci devait être le cas, le département « ne pouvait pas de ce seul fait délivrer les autorisations querellées, car celles-ci violeraient ainsi celle déjà délivrée ».

Le TAPI dans son jugement a examiné de façon détaillée et complète les dispositions applicables à ces questions et la conformité du projet à celles-ci. En conséquence, en l'absence de griefs substantiels à l'égard du jugement du TAPI, la chambre de céans fera siens les considérants 39 à 44, développés par le TAPI dans son jugement détaillé et exhaustif, auxquels il convient de se référer pour le surplus.

9) La recourante se plaint d'une violation de la garantie de la propriété, la construction prévue empiétant sur sa parcelle par la construction de renforcements en sous-oeuvre ainsi que sous l'autre immeuble mitoyen.

Comme l'a exposé la ville de façon claire dans ses observations, la reprise en sous-oeuvre est une mesure constructive permettant d'assurer la stabilité des bâtiments mitoyens lorsque la construction d'un sous-sol descend plus bas que les fondations contiguës, qui aurait remplacé dans la pratique les mesures prévues notamment à l'art. 121 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 (LaCC - E 1 05).

Quoiqu'il en soit, la recourante n'indique pas quel intérêt elle aurait à s'opposer à cette reprise en sous-oeuvre, ni d'ailleurs le tiers propriétaire de l'autre bâtiment concerné, puisque l'augmentation de la stabilité de son bâtiment constitue de fait une plus-value.

En outre et surtout, s'agissant d'une question de droit privé, l'autorisation de construire réserve expressément les droits des tiers (art. 3 al. 6 LCI) et elle n'est pas de la compétence de la chambre de céans.

10) La recourante reproche au projet une violation des art. 11 LPE et 39 OPB concernant le système de pompe à chaleur qui serait installé sur la toiture de l'immeuble à construire et les immissions sonores qu'il produirait dans l'appartement projeté à cet étage. Le préavis du SABRA n'avait pas pris en compte l'existence d'un velux dans le hall d'entrée de l'appartement, les mesures ayant été calculées par rapport à une porte fenêtre plus éloignée.

Comme l'a relevé le département, le velux serait principalement ouvert pendant la période où le système de chauffage ne fonctionne pas et tout problème de bruit constaté pourrait être réglé grâce aux mesures in concreto prises par le SABRA après la construction sur la base des art. 18 et ss du règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003 (RPBV - K 1 70.10) allant de l'expertise à l'assainissement de l'installation ou par le remplacement du velux par une ouverture fixe.

Toutefois, un recourant voisin doit invoquer des dispositions de droit des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4). Le Tribunal fédéral considère en effet que le recourant n'est pas libre d'invoquer n'importe quel grief. Il ne peut en effet se prévaloir d'un intérêt digne de protection à invoquer des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers que si elles peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.2 9). Un recours dont le seul but est de garantir l'application correcte du droit demeure en effet irrecevable, parce qu'assimilable à une action populaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 et les références citées).

La recourante invoque ici uniquement l'intérêt des futurs locataires de la ville, mais aucun intérêt personnel. Le fonctionnement ou non de la pompe à chaleur ne modifie en rien sa situation, tout comme la présence ou l'absence du velux. La modification de l'autorisation de construire sur ces points ne serait donc pas susceptible d'influencer sa situation. Ces griefs sont irrecevables.

11) La recourante invoque finalement une violation de l'art. 14 al. 1 let. a LCI. Le bâtiment projeté créerait une perte d'ensoleillement pour les habitant du 58, rue des Vollandes ainsi que pour la petite cour située entre ceux-ci et son bâtiment sis 6, rue des Cordiers, assombrissant notamment les bureaux situés dans l'arcade commerciale du 58, rue des Vollandes.

Ce grief tombe à faux. En effet, l'arcade commerciale a pour affectation « arrière-magasin » selon le plan d'exécution de la DD 76'707, enregistré le 8 mai 1984 par le département et d'autre part, vu son orientation, situé à l'ouest/
sud-ouest de la cour, c'est le bâtiment de la recourante qui porte déjà de l'ombre sur la totalité de la cour alors que le bâtiment à construire sera lui situé au nord/nord-ouest, comme l'attestent les photos produites par la ville.

Finalement, la recourante n'apporte aucun élément qui prouverait une quelconque perte d'ensoleillement et, de surcroît, ne fait valoir aucun intérêt personnel lié ce grief.

Le grief, en tant qu'il est recevable, sera être écarté.

12) a. En tous points infondé, le recours sera rejeté.

b. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure, la ville n'y ayant pas conclu et disposant de son propre service juridique (art. 87
al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 avril 2020 par la société immobilière rue des Cordiers 6 SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 février 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de la société immobilière rue des Cordiers 6 SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Zimmermann Immobilier SA, mandataire de la société immobilière rue des Cordiers 6 SA, à la Ville de Genève, au département du territoire - oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :