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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2576/2018

ATA/935/2019 du 21.05.2019 sur JTAPI/910/2018 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2576/2018-LCI ATA/935/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mai 2019

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2018 (JTAPI/910/2018)


EN FAIT

1. Monsieur A______ s’est vu notifier le 19 juin 2018, par le département du territoire (ci-après : DT), une amende administrative de CHF 2'000.- et un ordre de remise en état concernant la parcelle 1______ de la commune de B______.

2. Le 26 juillet 2018, M. A______ a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre la décision précitée, concluant à son annulation.

3. Par courrier recommandé du 31 juillet 2018, le TAPI a demandé à M. A______ de verser une avance de frais d’un montant de CHF 400.- dans un délai échéant au 30 août 2018, à défaut de quoi son recours serait déclaré irrecevable.

Non réclamé, ce pli recommandé a été retourné au TAPI le 10 août 2018.

4. Par jugement du 20 septembre 2018, le TAPI a déclaré le recours irrecevable, l’avance de frais n’ayant pas été effectuée dans le délai.

5. Le 31 octobre 2018, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre le jugement précité.

L’intéressé avait reçu le jugement le 1er octobre 2018.

Il n’avait jamais reçu d’avis de la poste l’invitant à retirer un courrier recommandé dans sa boîte aux lettres. Il s’agissait probablement d’une erreur humaine. Les autres juridictions avaient l’habitude de doubler un courrier recommandé par un pli simple, ce qui ne semblait pas avoir été le cas.

De plus, le numéro du recommandé n’était pas mentionné dans le jugement litigieux, ce qui ne permettait pas au recourant de vérifier ledit jugement.

6. Le 6 novembre 2018, le TAPI a transmis son dossier, sans émettre d’observations.

7. Le 30 novembre 2018, le DT a conclu au rejet du recours, le jugement litigieux étant conforme à la jurisprudence. La pratique des juridictions genevoises mentionnée par le recourant n’était pas connue de l’autorité intimée et en tout état ne pouvait dépasser la simple courtoisie.

8. Exerçant son droit à la réplique, le 9 janvier 2019, le recourant a produit un courrier électronique que lui avait adressé la Ville de Genève (ci-après : la ville), dont il ressortait qu’un courrier qui lui avait été adressé à son domicile n’avait pas été acheminé par la poste, mais retourné avec la mention « destinataire introuvable ». D’autre part, il joignait un courrier du Tribunal civil adressé à son père, transmettant par pli simple un courrier adressé initialement par pli recommandé, lequel n’avait pas été retiré.

9. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

10. Par courrier daté du 16 mai 2019 et reçu par la chambre administrative le 20 mai 2019, le recourant a transmis le tirage d'une invitation à retirer deux courriers recommandés qu'il aurait trouvée dans sa boîte aux lettres, concernant une étude d'avocat située dans un autre immeuble de sa rue.

La consultation du site Internet de la poste mentionné sur cet avis, en y introduisant le numéro de référence, indique que les deux envois en question ont été distribués à l'étude concernée le 8 mai 2019.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. L'exigence de l'avance de frais et les conséquences juridiques lorsque celle-ci n'est pas honorée dans le délai relèvent du droit de procédure cantonal. Par conséquent, les cantons sont libres, dans le respect des garanties constitutionnelles, d'organiser cette matière à leur guise (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1022/2012 du 25 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1077/2015 du 6 octobre 2015 consid. 2 ; ATA/916/2015 du 8 septembre 2015 consid. 2a et la jurisprudence citée).

b. Selon l'art. 86 LPA, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. À cette fin, elle lui fixe un délai suffisant (al. 1). Si l'avance de frais n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).

Les juridictions administratives disposent d'une grande liberté d’organiser la mise en pratique de cette disposition et peuvent donc opter pour une communication des délais de paiement par pli recommandé (ATA/72/2019 du 22 janvier 2019 consid. 4b et les références citées ; 194/2016 du 1er mars 2016 consid. 2b).

À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1334/2017 du 26 septembre 2017 consid. 3c ; ATA/916/2015 précité consid 2c). En outre, selon la jurisprudence, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/1334/2017 précité consid. 3c ; ATA/916/2015 précité consid. 2c et la jurisprudence citée). Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/1334/2017 précité consid. 3c ; ATA/916/2015 précité consid 2c).

3. Un délai de paiement au 30 août 2018 a été imparti au recourant par pli recommandé du 31 juillet 2018.

La notification d'un acte soumis à réception, comme une décision ou une communication de procédure, est réputée faite au moment où l'envoi entre dans la sphère de pouvoir de son destinataire (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n. 2.2.8.3 p. 302 s). Il suffit que celui-ci puisse en prendre connaissance (ATF 137 III 308 consid. 3.1.2 ; 118 II 42 consid. 3b ; 115 Ia 12 consid. 3b). Celui qui, pendant une procédure, omet de prendre les dispositions nécessaires pour que les envois postaux lui soient transmis ne peut se prévaloir de son absence lors de la tentative de notification d'une communication officielle à son adresse habituelle s'il devait s'attendre, avec une certaine vraisemblance, à recevoir une telle communication (ATF 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399). Un envoi est réputé notifié à la date à laquelle son destinataire le reçoit effectivement (ATA/72/2019 précité consid. 5).

4. La preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité qui veut contrer le risque d’un échec de la preuve de la notification peut communiquer ses décisions par pli recommandé. En tel cas, lorsque le destinataire de l’envoi n’est pas atteint et qu’un avis de retrait est déposé dans sa boîte aux lettres ou dans sa case postale, l’envoi est considéré comme notifié au moment où il est retiré. Si le retrait n’a pas eu lieu dans le délai de garde, il est réputé notifié le dernier jour de celui-ci (ATF 134 V 49 consid 4 ; 130 III 396 consid. 1.2.3)

C'est seulement en présence d'un empêchement non fautif du destinataire de la décision que la notification de celle-ci ne déploie pas ses effets ou que ceux-ci sont reportés.

5. a. Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; ATA/72/2019 déjà cité consid. 7a).

b. Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; ATA/72/2019 déjà cité consid. 7b).

6. Le délai de paiement au 30 août 2018 a été imparti au recourant par pli recommandé du 31 juillet 2018, et doit être considéré comme raisonnable au sens de l'art. 86 LPA. Le pli précité n'a pas été retiré.

L’allégation de ne pas avoir reçu l’avis invitant le recourant à retirer le courrier concerné ne saurait constituer un cas de force majeure au sens de la jurisprudence. En particulier, l'échange de courriers électroniques produits, qui démontrent qu'un pli simple adressé par la ville à l'intéressé avait été retourné à l'expéditeur avec la mention « destinataire introuvable » n'est pas pertinent, dès lors que, selon le relevé de la poste, un avis pour retrait avait été déposé dans la boîte aux lettres, laquelle a été trouvée par l'employé postal. De même, le document reçu le 20 mai 2019 n'a pas de pertinence, les courriers concernés ayant été distribués à leur destinataire.

De plus, il n'existe aucune obligation légale, fondée sur la bonne foi, de réacheminer par pli simple, cas échéant d'acheminer parallèlement par pli recommandé et par pli simple une lettre à un destinataire. Un tel comportement se fonde uniquement sur la courtoisie et ne constitue pas une pratique établie.

Dans ces circonstances, le TAPI était en droit de déclarer le recours irrecevable, vu l'absence de paiement de l'avance de frais.

7. Mal fondé, le recours sera rejeté.

Malgré l'issue du litige, la chambre administrative renoncera à percevoir un émolument (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2018 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2018 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, au département du territoire, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :